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Mélanomes palmoplantaires

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Academic year: 2022

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Images en Dermatologie Vol. X - n° 1 janvier-février 2017 22

Mise au point

Les mélanomes palmoplantaires sont rares, représentant environ 5 % de l’ensemble

des mélanomes cutanés. Plusieurs caractéristiques conduisent à les différencier des autres formes

cutanées (1, 2) :

• une épidémiologie spécifique

(fréquence relative très variable selon les populations, faible rôle du soleil, rôle possible des traumatismes) ;

• un aspect clinique particulier, souvent très trompeur, favorisant le retard diagnostique ;

• un type histologique spécifique :

on parle alors de “mélanome acrolentigineux” (ALM) ;

• un profil génétique différent : rareté des mutations de BRAF, fréquence des mutations de KIT ;

• des difficultés thérapeutiques et un pronostic sombre.

Les études concernant les mélanomes palmoplantaires sont hétérogènes : certaines privilégient le critère topographique.

Elles peuvent dans ce cas se limiter au siège palmo plantaire, ou inclure également des mélanomes des doigts, des orteils et des ongles, ou parfois plus largement l’ensemble des mélanomes des mains et des pieds. Dans ce dernier cas apparaît une hétérogénéité clinique, anatomopathologique et génétique, les mélanomes du dos des pieds chez la femme étant, par exemple, fréquemment de type SSM (Superficial Spreading Melanoma), liés au soleil (port de chaussures ouvertes), et mutés BRAF.

D’autres études privilégient le critère anatomopathologique, et concernent alors l’ensemble des mélanomes de type ALM, qui siègent très généralement au niveau plantaire ou unguéal.

Dans cet article, nous considérerons ensemble sous le terme de mélanome acral, les mélanomes palmoplantaires et ceux de l’appareil unguéal.

Épidémiologie, étiologie

Une étude fondée sur des registres couvrant 26 % de la popula- tion des États-Unis, de tous groupes ethniques, a estimé l’inci- dence des ALM à 1,8 par million d’habitants (3). La fréquence de ces mélanomes est classiquement beaucoup plus élevée chez les sujets noirs ou asiatiques que chez ceux de type caucasien.

Toutefois, une étude américaine n’a pas observé de différence entre une population noire et une population blanche pour l’inci dence brute annuelle des mélanomes plantaires (2,2 et 2,4, respectivement) [4], suggérant que l’excès de mélanome acral chez les sujets à peau foncée pourrait n’être que relatif, lié à la rareté du mélanome “classique” en zone photoexposée dans ces populations (2). Dans une étude française menée sur

les populations des régions Champagne- Ardenne et Franche- Comté sur une période de 6 ans, 158 sur 1 877 mélanomes incidents (8,4 %) étaient localisés aux mains et aux pieds, et 31 % de ceux-ci étaient des ALM (5).

Contrairement aux autres types de mélanome, le rôle du soleil dans la survenue des mélanomes acraux n’a pas été établi (2).

Plusieurs études cas-témoins, de même que des observations ponctuelles convaincantes ont fait suspecter un rôle possible des traumatismes, qu’il s’agisse de traumatismes majeurs caractérisés (plaie pénétrante, fracture, corps étranger) ou de microtraumatismes ou encore de frottements répétés (2, 6). Deux études récentes ont analysé le rôle du stress physique et de la pression en évaluant le siège précis des mélanomes acraux. Dans la première, portant sur 177 mélanomes acraux chez des patients coréens, les mélanomes sous-unguéaux prédominaient au pouce et au gros orteil (considérés comme plus exposés au stress phy- sique), et les mélanomes plantaires siégeaient le plus souvent au talon ou à l’avant-pied. Les zones de stress physique maximal, comme le centre des talons ou la partie interne des avant-pieds, étaient les plus touchées, et il semblait exister un allongement des lésions le long des plis plantaires favorisé par la pression (7).

Dans l’étude japonaise récemment publiée dans le New England Journal of Medicine, portant sur 123 mélanomes plantaires, la densité des lésions était maximale au niveau du talon, puis de l’avant-pied, tandis que la partie médiane et la voûte plantaire étaient très peu touchées (8). Dans l’étude française citée plus haut, basée sur la population de Champagne- Ardenne et de Franche-Comté, 64 % des mélanomes des doigts siégeaient au pouce et 75 % de ceux des orteils, à l’hallux. Les arguments en faveur d’un rôle des traumatismes dans les mélanomes acraux sont donc maintenant nombreux. Ce rôle n’est probablement ni exclusif d’autres facteurs étiologiques, ni spécifique du siège acral. Ces données originales incitent à dépasser le paradigme du rôle exclusif des ultaviolets (UV) comme facteur externe favorisant le mélanome et à mieux évaluer le rôle éventuel des traumatismes, à côté de l’étiologie solaire prédominante, dans la survenue de mélanomes de tout siège.

Particularités cliniques et histologiques

Le mélanome acral est de diagnostic difficile. Son aspect, même lorsqu’il est caractéristique (figure 1, A à D), n’est généralement pas celui d’un naevus d’évolution atypique, ce qui rend les messages classiques (notion de grain de beauté qui évolue, règle “ABCDE”) peu utiles au diagnostic précoce.

D’aspect très varié, plus souvent achromique que les autres types, le mélanome acral peut simuler une verrue, un héma- tome, une plaie chronique ou un mal perforant, une mycose,

Mélanomes palmoplantaires

Palmoplantar melanoma

F. Grange (Service de dermatologie, hôpital Robert-Debré, Reims)

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voire être très diffi cile à distinguer de la peau normale. La fi gure 2, A à D, p. 24, illustre ces formes de diagnostic diffi - cile. Cela contribue à l’identifi cation souvent très tardive de ces mélanomes et à l’indice de Breslow moyen très élevé (proche de celui des mélanomes nodulaires et très supérieur à celui du SSM et du mélanome de Dubreuilh), alors que le type de croissance particulier des ALM ( radial, lentigineux ) devrait les rendre accessibles au diagnostic précoce, au même titre que les mélanomes de Dubreuilh. Dans notre étude des mélanomes des mains et des pieds diagnostiqués en Champagne-Ardenne et en Franche-Comté, un tiers des cas avaient fait l’objet ini- tialement d’un diagnostic erroné par un professionnel de la santé, le plus souvent généraliste ou dermatologue. Ces cas étaient signifi cativement plus épais et plus souvent de type histologique ALM que les mélanomes reconnus d’emblée.

En analyse multivariée, les facteurs as sociés à l’erreur dia-

gnostique étaient le caractère achromique, l’ulcération et le siège sous-unguéal.

Pronostic

Les ALM in situ et de faible épaisseur ont un plus fort poten- tiel de récidive locale que leurs équivalents peu épais de type SSM, et se rapprochent ainsi du mélanome de Dubreuilh. Des méthodes d’exérèse particulières, de type Mohs, ou spaghetti, ont été proposées  (9) . Le taux de survie à 5 ans des patients atteints d’un mélanome acral a été évalué entre 50 et 85 % selon les études, soit nettement inférieur à celui des autres mélanomes  (2, 3, 10, 11) . Les études multi variées suggèrent que ce mauvais pronostic est principalement lié à une plus grande épaisseur au diagnostic, et non de façon indépen- A

B

C D

Figure 1 (A à D). Formes classiques, plus ou moins évoluées de mélanome acral. Il faut noter la fréquence de l’atteinte du pouce et du gros orteil.

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dante au siège acral ni au type histologique ALM  (2, 3, 10, 11).

D’impor tantes différences ont été observées selon les popu- lations et les groupes ethniques, avec une nette altération du pronostic dans les populations les plus pauvres.

Particularités génétiques et thérapeutiques Les mélanomes acraux situés à proximité des doigts et des orteils, dans les espaces interdigitaux ou au niveau unguéal, posent des problèmes chirurgicaux particuliers, rendant parfois diffi cile une exérèse conservatrice. Une amputation de phalange est le plus souvent nécessaire dans les formes sous-unguéales invasives, tandis que les ALM in situ peuvent être traités par une exérèse complète de l’appareil unguéal, préservant la phalange. Les décisions chirurgicales doivent être discutées individuellement en réunion de concertation pluri- disciplinaire en présence d’un chirurgien spécialisé (chirurgie de la main). L’information du patient et son adhésion au choix thérapeutique sont essentielles.

Les mélanomes acraux ont un profi l génétique particulier qui les distingue des autres types  (12-14) . Alors que les mutations de BRAF conférant à la tumeur une sensibilité aux inhibiteurs de BRAF et de MEK sont présentes dans près de 50 % de l’ensemble des mélanomes, elles ne sont observées que dans 10 à 20 % des mélanomes de type ALM. Des mutations oncogènes de NRAS et c-KIT sont observées avec une fréquence comparable (10 à 20 %), de même que des mutations oncogènes du promoteur de TERT (10 %). Cette fréquence relative des mutations de KIT oppose les mélanomes de type ALM aux autres mélanomes cutanés et les rapproche des mélanomes muqueux (où la fréquence des mutations de KIT est toutefois supérieure, notamment pour les mélanomes vulvaires). De ce fait, les inhibiteurs de tyrosine kinases tels que l’imatinib sont parfois une alternative théra- peutique pour les mélanomes acraux métastatiques. Les taux de réponse et de survie restent toutefois faibles, inférieurs à ceux obtenus avec les immunothérapies de type anticorps anti-PD-1.

L’identifi cation de nouvelles cibles thérapeutiques est un enjeu majeur pour une amélioration du pronostic des mélanomes acraux.

A B

C D

Figure 2 (A à D). Formes de diagnostic diffi cile. Pour la lésion C, toutes les biopsies repérées par des chiff res étaient positives. La lésion D concerne non seulement la petite zone antérieure discrètement pigmentée, mais presque tout l’avant-pied ; cette patiente avait à ce stade une volumineuse métastase ganglionnaire révélatrice de la maladie et associée d’emblée à des métastases osseuses.

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Conclusion

Bien que rares, les mélanomes acraux représentent un enjeu pour l’avenir, car ils sont restés à ce jour à l’écart des avancées épidémiologiques et thérapeutiques récentes, qu’il s’agisse de la prévention primaire ou secondaire, de la diminution de l’épaisseur au diagnostic ou de l’accessibilité des formes avancées à des thérapies ciblées. De plus, il est probable qu’ils représentent dans certains pays en développement un enjeu de santé publique encore mal identifié. L’intérêt croissant, non seulement des dermatologues, mais aussi de l’ensemble de la communauté médicale et scientifique pour ces tumeurs très particulières, devrait conduire, dans les prochaines années,

à en améliorer le pronostic. II

F. Grange déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références bibliographiques

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