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Tumeurs malignes oculaires primitives de l'adulte : les mélanomes de l'uvée

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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DOSSIER

Onco-ophtalmologie

Figure 1. Mélanocytose oculaire unilatérale : on voit un aspect grisâtre de la sclère en sous-conjonctival, dû à une pigmentation accrue de la choroïde sous-jacente.

Tumeurs malignes oculaires primitives de l’adulte :

les mélanomes de l’uvée

Primary malignant ocular tumors of the adult:

uveal melanomas

S. Lemaitre*

* Service d’oncologie oculaire, institut Curie, Paris ; hôpital universitaire Josep-Trueta, Gérone (Espagne).

L

e tractus uvéal de l’œil est formé de 3 struc- tures anatomiques : l’iris, le corps ciliaire et la choroïde. L’uvée antérieure comporte l’iris et le corps ciliaire, tandis que l’uvée postérieure corres- pond à la choroïde.

Les mélanomes oculaires peuvent avoir pour origine l’iris, le corps ciliaire ou la choroïde. Ces lésions peuvent être pigmentées ou achromes.

Facteurs de risque de mélanome uvéal

Ethnie

Le risque de développer un mélanome uvéal est plus élevé chez les Caucasiens.

Âge

L’incidence du mélanome choroïdien augmente à partir de 40 ans, l’âge moyen au diagnostic étant de 60 ans.

Le mélanome de l’iris apparaît en moyenne un peu plus tôt que le mélanome choroïdien, entre 40 et 50 ans.

Mélanocytose oculaire

(figure 1)

Il s’agit d’une augmentation du nombre de mélano- cytes dans toutes les tuniques du globe oculaire, en particulier dans la choroïde. Il peut également y avoir une augmentation du nombre de mélanocytes au niveau de l’iris. La mélanocytose oculodermique (nævus d’Ota) associe une mélanocytose oculaire à une mélanocytose palpébrale. Le risque de déve- lopper un mélanome choroïdien sur un nævus d’Ota est estimé à 1 cas pour 400 personnes dans la popu- lation caucasienne.

Iris de couleur claire

Le mélanome choroïdien est plus fréquent chez les patients dont l’iris est de couleur claire.

Soudure à l’arc

Par analogie avec les cancers cutanés, qui sont favo- risés par le rayonnement ultraviolet (surtout de type B ou C), il a été envisagé que le rayonnement ultraviolet de type B produit par la soudure à l’arc pourrait être impliqué dans la survenue d’un mélanome choroïdien.

La soudure à l’arc est une technique de soudure qui produit une quantité importante de rayonnements ultraviolets, et les soudeurs travaillent à une courte distance de la source de rayonnement. Ces rayonne-

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Figure 3. Extériorisation extrasclérale d’un mélanome choroïdien visible comme une masse pigmentée sous-conjonctivale. L’analyse cytologique a confirmé le diagnostic de mélanome.

Figure 2. Examen du fond d’œil montrant un mélanome choroïdien de l’œil gauche au contact de la macula.

ments ultraviolets de type B sont peu absorbés par le cristallin avant l’âge de 30 ans et ont une énergie suffisante pour induire des lésions de l’ADN au niveau des mélanocytes choroïdiens. Il ne s’agit pas d’un facteur de risque établi de mélanome uvéal, mais il existe des cas de mélanomes choroïdiens rapportés chez des soudeurs à l’arc.

Exposition solaire

Le rôle de l’exposition solaire dans la survenue d’un mélanome uvéal n’est pas déterminé. Il existe des arguments qui vont à l’encontre d’un rôle éventuel du soleil. Les incidences du mélanome choroïdien et du mélanome irien sont restées stables au cours du temps, contrairement à l’incidence du mélanome cutané, qui est en augmentation. Seule une petite proportion du rayonnement ultraviolet atteint la choroïde, ce qui rend l’implication de ce rayon- nement dans la physiopathologie du mélanome choroïdien peu probable. On ne retrouve d’ailleurs pas les modifications génétiques classiquement induites par le rayonnement ultraviolet dans le mélanome uvéal, alors qu’elles sont présentes dans le mélanome cutané.

Mutation constitutionnelle du gène BAP1

Un syndrome de prédisposition aux tumeurs associé à une mutation germinale du gène BAP1 a été retrouvé dans certaines familles. Il s’agit d’un syndrome très rare, qui prédispose à l’apparition de mélanomes de l’uvée, de mésothéliomes malins de la plèvre, de mélanomes cutanés et de carcinomes rénaux.

Mélanome du corps ciliaire et de la choroïde

Épidémiologie

Le mélanome choroïdien (avec ou sans atteinte du corps ciliaire associée) est la tumeur maligne intraoculaire primitive la plus fréquente chez l’adulte (figures 2, 3 et 4). C’est un cancer rare, dont l’inci- dence annuelle en France est située entre 4 et 5 cas par million d’habitants. L’incidence du mélanome choroïdien varie selon les ethnies ; elle est globa- lement inversement proportionnelle au degré de pigmentation cutanée, puisqu’il s’agit d’une tumeur qui touche principalement les Caucasiens et qui est exceptionnelle chez les Noirs, les Asiatiques et Curiethérapie

Énucléation

Summary

Uveal melanomas are rare tumors of the adult. The choice of the ocular treat- ment depends on the size of the tumor and its localization (eye-preserving treatment using radiotherapy or enucleation).

About half of the patients will eventually develop meta stases, which are initially located in the liver.

Keywords

Choroidal melanoma Iris melanoma Proton beam therapy Brachytherapy Enucleation

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DOSSIER

Figure 4. Examen du fond d’œil montrant un mélanome choroïdien achrome (dont la base est pigmentée) de l’œil droit.

Figure 5. Photographie prise après l’énucléation primaire pour un mélanome choroïdien. On observe une volumineuse extériorisation extraclérale pigmentée au contact du nerf optique.

les Latino-Américains. En Europe, l’incidence du mélanome choroïdien augmente du sud au nord, les incidences les plus élevées étant retrouvées dans les pays nordiques (incidences supérieures à 8 cas par million d’habitants).

Diagnostic

Le mélanome choroïdien peut être découvert grâce à des symptômes visuels ou de manière fortuite (le mode de découverte dépend surtout de la taille et de la localisation de la tumeur dans l’oeil). Le diag- nostic est posé dans la majorité des cas sur la base des caractéristiques cliniques (examen du fond d’œil) et échographiques de la tumeur, avec une précision de 99,7 %. Le traitement est donc réalisé dans la majo- rité des cas sans confirmation anatomopathologique préalable.

Traitement local

du mélanome choroïdien

Le choix d’un traitement dépend de la taille et de la localisation du mélanome choroïdien, de la vision de l’œil controlatéral, de l’état général et des préférences du patient, mais également des modalités thérapeutiques disponibles. Les princi- pales modalités thérapeutiques utilisées en France sont la protonthérapie, la curiethérapie (par disque d’iode 125) et l’énucléation. La plupart des patients, en France, bénéficient actuellement d’un traitement par protonthérapie, et une énucléation primaire est réalisée dans environ 20 % des cas.

Énucléation primaire

Elle est indiquée pour les tumeurs volumineuses, dont l’épaisseur est supérieure à 12 mm ou dont le diamètre est supérieur à 18 mm. Une radiothérapie externe de l’orbite est réalisée après l’énucléation si l’analyse histologique du globe énucléé retrouve une extériorisation extrasclérale du mélanome (afin de diminuer le risque de récidive tumorale orbitaire) [figure 5].

Traitement conservateur du globe oculaire : radiothérapie

La curiethérapie et la protonthérapie sont efficaces sur le mélanome choroïdien dans plus de 95 % des cas. Une intervention chirurgicale est nécessaire au préalable, afin de repérer la tumeur intraoculaire, ce qui permet de positionner le disque radio-actif (curiethérapie) ou les clips de repérage (en vue de la protonthérapie).

Curiethérapie

Un disque chargé en isotope radio-actif (iode 125) est placé au contact de la sclère, en regard de la tumeur intraoculaire. Il est ensuite laissé en place plusieurs jours de manière à ce qu’une dose de 90 Gy soit délivrée au sommet de la tumeur. La curiethérapie est le traitement usuel pour les mélanomes ciliochoroïdiens de localisation tempo- rale supérieure.

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Figure 6. Mélanome ciliochoroïdien (c’est-à-dire atteignant à la fois la choroïde et le corps ciliaire) après un traitement par protonthérapie. À l’examen à la lampe à fente, on voit que la tumeur envahit la racine de l’iris. Il y a un clip de tantale sous la conjonctive (qui est suturé à la sclère).

Figure 7. Examen à la lampe à fente montrant un volumineux mélanome choroïdien pigmenté (traité par énucléation primaire). A. Au cours du suivi, l’échographie hépatique a retrouvé une métastase hépatique de mélanome choroïdien (visible comme une masse hypoéchogène de 16,3 mm de diamètre. B. Une biopsie de la lésion a été réalisée sous échographie. C. L’analyse histologique a confirmé le diagnostic de métastase du mélanome.

Protonthérapie

La dose utilisée pour le traitement du mélanome choroïdien est de 60 Gy, équivalent cobalt en 4 fractions de 15 Gy sur 4 jours. En vue du trai- tement par protonthérapie, des clips en tantale (souvent au nombre de 4) sont suturés à la sclère sur le pourtour de la tumeur intraoculaire (figure 6). La position de ces clips et les données de l’examen ophtalmologique initial permettent de modéliser le volume à irradier (comprenant des marges de sécurité de 2,5 mm autour de la tumeur intra oculaire).

Énucléation secondaire

Le traitement conservateur se complique dans certains cas de rétinopathie radique ou de glaucome néovasculaire (aussi appelé “syndrome de la tumeur toxique”). Une énucléation secondaire est alors souvent nécessaire, en particulier si l’œil devient douloureux. La survenue d’une rechute tumorale locale concerne moins de 5 % des patients après un traitement conservateur ; elle constitue aussi une indication d’énucléation secondaire si une nouvelle irradiation du globe n’est pas envisageable.

Pronostic

Environ la moitié des patients atteints d’un mélanome choroïdien développeront un jour des métastases. Pour un patient donné, ce risque peut être évalué plus précisément si une analyse géné- tique de la tumeur primaire a été réalisée (sur l’œil énucléé ou après une cytoponction en cas de trai- tement conservateur). Le premier organe où l’on retrouve des métastases est le foie (figure 7). La surveillance consiste donc en la réalisation d’une imagerie hépatique tous les 6 mois.

Mélanome de l’iris

Épidémiologie

Les mélanomes de l’iris sont des tumeurs beaucoup plus rares que les mélanomes de la choroïde. Ils représentent 8 % des tumeurs de l’uvée, et l’inci- dence annuelle est d’environ 6 cas pour 10 millions de personnes. La plupart de ces lésions se déve- loppent sur la moitié inférieure de l’iris, la plus exposée aux rayonnements ultraviolets (mais rien ne prouve à ce jour que ces derniers soient réellement un facteur de risque de mélanome irien).

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DOSSIER

Figure 8. Masse irienne pigmentée située en inférieur correspondant à un mélanome de l’iris circonscrit. La lésion a saigné en chambre antérieure et il y a 2 petits hématomes, l’un situé en nasal et l’autre en temporal.

La lésion a été traitée par protonthérapie.

Figure 9. Mélanome irien circonscrit (en grande partie achrome). La lésion a été découverte sur une hyper- tonie oculaire unilatérale à 40 mmHg et a été traitée par protonthérapie.

Figure 10. Sur la figure A , on voit un mélanome de l’iris diffus à l’examen en lampe à fente. Le mélanome correspond à la masse pigmentée, en partie achrome.

En gonioscopie, l’angle iridocornéen est envahi par la masse tumorale pigmentée sur 360° (B). Cette lésion irienne a été traitée par protonthérapie.

Diagnostic

Il existe 2 formes cliniques de mélanome de l’iris : le mélanome de l’iris circonscrit (ou nodulaire) et le mélanome de l’iris diffus.

Mélanome irien circonscrit (ou nodulaire) Cette forme représente 90 % des mélanomes de l’iris.

Il s’agit d’une masse tumorale développée au niveau du stroma irien et qui est bien limitée (figures 8 et 9).

Mélanome irien diffus

Cette forme ne représente que 10 % des mélanomes de l’iris. Le mélanome irien diffus remplace progres- sivement le stroma irien, sans qu’il y ait de nodule

tumoral individualisable. Il entraîne une hétéro- chromie irienne lorsque le diagnostic est fait tardi- vement (visible en particulier chez les patients ayant un iris de couleur claire). Le diagnostic de mélanome irien diffus peut aussi être posé devant un glaucome unilatéral, lorsque les cellules tumorales tapissent l’angle iridocornéen (figure 10).

Traitement local du mélanome de l’iris

Protonthérapie

En France, la protonthérapie est le traitement de première intention des mélanomes de l’iris, qu’ils soient nodulaires ou circonscrits. La dose utilisée est

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Figure 11. Mélanome de l’iris circonscrit traité par énucléation primaire en raison d’une hypertonie oculaire non contrôlée par un traitement hypotoni- sant local (38 mmHg). L’acuité visuelle était de 2/10.

Un traitement par protonthérapie était envisageable, mais une énucléation a été décidée en raison du risque de complications oculaires postradiques et du mauvais pronostic visuel de l’œil atteint. La figure A montre le mélanome de l’iris vu en lampe à fente (masse irienne pigmentée). La figure B montre une coupe histologique obtenue sur le globe oculaire énucléé et qui a confirmé le diagnostic de mélanome de l’iris.

la même que pour le mélanome choroïdien (60 Gy en 4 fractions de 15 Gy sur 4 jours).

L’exérèse chirurgicale des mélanomes de l’iris (iridectomie, qui consiste en l’ablation d’une partie de l’iris, ou iridocyclectomie, qui consiste en l’abla- tion d’une partie de l’iris et du corps ciliaire) ne doit plus être pratiquée. Si toutefois une telle chirurgie est réalisée et que l’analyse histologique de la pièce opératoire retrouve un mélanome de l’iris, il faut toujours réaliser un traitement complémentaire par protonthérapie afin de diminuer le risque de récidive tumorale oculaire.

Énucléation primaire

L’énucléation primaire est actuellement rarement nécessaire dans les mélanomes de l’iris. Elle peut être indiquée en cas de mauvais pronostic visuel de l’œil atteint et s’il y a déjà une hypertonie oculaire non contrôlée par un traitement médicamenteux (figure 11).

Pronostic

Le pronostic des patients traités pour un mélanome de l’iris est bon, et peu d’entre eux développeront un jour des métastases (contrairement à ce qui est observé dans le mélanome choroïdien). Il est estimé que le taux de métastases à 10 ans est d’environ 7 %. Dans la majorité des cas, les premières méta- stases sont de localisation hépatique. La surveillance consiste donc à réaliser une imagerie hépatique tous les 6 mois (le plus souvent par échographie). ■

1. Desjardins L, Levy C, d’Hermies F et al. Résultats préliminaires de la protonthérapie du mélanome de la choroïde au centre de protonthérapie d’Orsay (CPO) : les 464 premiers cas. Cancer Radiother 1997;1(3):222-6

2. Kujala E, Mäkitie T, Kivelä T. Very long-term prognosis of patients with malignant uveal melanoma. Invest Ophthalmol Vis Sci 2003;44(11):4651-9.

3. Turaka K, Shields CL, Shah CP, Say EA, Shields JA. Bilateral uveal melanoma in an arc welder. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2011;249(1):141-4.

4. Murali R, Wiesner T, Scolyer RA. Tumours associated with BAP1 mutations. Pathology 2013;45(2):116-26.

5. Lumbroso-Le Rouic L, Delacroix S, Dendale R et al. Proton beam therapy for iris melanomas.

Eye (Lond) 2006;20(11):1300-5.

6. Rennie IG. Don’t it make my blue eyes brown: heterochromia and other abnormalities of the iris Eye (Lond) 2012;26(1):29-50.

Références bibliographiques

S. Lemaitre déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

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