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Existe-t-il une relation entre la brachycéphalie et la brachyskélie ?
PITTARD, Eugène
PITTARD, Eugène. Existe-t-il une relation entre la brachycéphalie et la brachyskélie ? Archives suisses d'anthropologie générale , 1939, vol. 8, no. 3-4, p. 263-269
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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:106621
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Extrait des Archives saisses d'Anthropologie générale Tome
VIII,
N" 3-4, r939.Existe-t-il une relation entre la brachycéphalie
et la brachyskélie
?Eugène Prrrano
1\{anouvrier, au cours d'un de ses plus importants mémoires 1, s'est posé
la
question de savoirs'il
existeun rapport
entrela
brachyskélieet
la brachycéphalie. Dans l'une des dernières pages de I'ouvrage en question, comparant les caractères morphologiques des hommeset
des femmes,il
a écrit (p.tS+) cette phrase: <Sous la réserve de
l'utilité
d'une statistique plus importante, les brachycéphales, en France, seraient sensiblement plus bra.chyskèles que les dolichocéphales >. Ces lignes représentent la conclusion générale des recherches exposées dans les pages précédentes. Dans un tableau (p. tog), oùil
établit des comparaisons entre zo brachyskèles et zo macroskèles, Manouvrier indique les valeurs suivantes de l'indice cépha- lique; pour les premiers,83.4; potrr les seconds 8r.g fla. moyenne générale de r3o individus était B3.z). Mais dansun
autre tableau on trouve des résultats en partie contradictoires (tableauXXVI)
alors que 8o femmcs d'un côté et 7o hommes de I'autre, ayant une taille égale, sont subdivisés en groupes de zo (l'un de 3o) individus. Dans ce cas les résultats sont lessuivants:
pour
les quatre contingents féminins,l'indice
céphalique est respectivement: 84.3 et Bz.7 pour les brachyskèles et 83.7 et 84.3 pour les macroskèles. Puis, pour les hommes, 82,4 pottr les brachyskèles et 84.2 pour les macroskèles. Quelques paragraphes plus loin Manouvrier écrit néanmoins:n
Je
croistrès
réellela
supériorité des diamètres céphaliques chez les brachvskèles à taille égale r.Il
m'a sembléqu'il
valait la peine de reprendre ce problème. L'histoire un peu détaillée du développement humain est encore si peu connue qu'il faut cxamincr toutcs lcs faccs par lesquelles cette histoire peut se présenter.Ainsi donc aucune proposition ne doit être rejetée a priori.
On peut se demander
tout
d'abord si le u matériel humain n qui a servi1 L. Merouvnrrn, Elude sur les corfis. BnlL et Mém. Soc. Anthrop.
la,boils entkroqonétriques en généraL et silr les princi,pales Pro,oltions d,u Paris, r9oz.
par
264 EUGENE PITTARD
aux observations de Manouvrier était susceptible de donner à mon éminent maître les conclusions stables
qu'il
cherchait. Manouvrierétudiait
des hommes et des femmes à Paris, sous le nom commun de Parisiens. Or, on sait le cosmopolitisme ethnique et racial de Paris. La population parisienne est composée par les trois races principales peuplant la France, mais aussipar les très nombreux étrangers naturalisés
-
et portant dès lors letitre
de Parisiens
-
venus de tous les horizons ethniques et raciaux. Ce mélange peut être invoqué comme susceptible de voiler les réalitéspar le jeu
de compensations énormes dansun
sensou
dansl'autre, de tels ou
tels caractères différentiels. Les caractères raciaux, dans de telles circonstances, perdent leurs significations réelles.Je
crois avoir démontré, à plusieursreprises, l'inconvénient de travailler avec des séries de < Parisiens >, notam- ment en étudiant les rapports existant entre la taille et I'indice céphalique 1.
Les groupes de Parisiens, alors, n'affirmaient rien, laissaient croire qu'il n'existait aucun rapport entre ces deux caractères morphologiques, tandis qu'en
utilisant
des séries plus racialement homogènes ce rapport appa- raissait. Cette < loi de Pittard ), comme les confrères ont bien voulu l'appeler, a été confirmée à maintes reprises.C'est dans de telles conjectures que
j'ai
voulu recherchers'il
existe une corrélation entre la brachyskélie et la vaLeur de l'indice céphalique-
plusélevée chez les individus à bustes relativement long.
Pour une telle investigation
il fallait
avoir,par
devers soi, des séries numériquement importantes et composées non plus de citadins, habitants de grandes villes, toujours plus hétérogènes, toujours plus cosmopolites, mais de paysans, c'est-à-dire d'individus ayant beaucoup plus de chances de présenter leurs caractéristiques raciales moins polluées.J'utiliserai, pour rechercher
la
corrélation supposée, deux séries. Tout d'abord les résultats de l'enquête anthropologique quej'ai
poursuivie au cours de plusieurs années dans la Péninsule des Balkans 2, laquelle enquête m'a mis en face de plusieurs groupes ethniques morphologiquement diverset
relativement-
mais relativement seulement-
homogènes. Puis, ceux dela
vaste enquête entreprise en Turquie, surI'initiative
de mon élève,Mlle Afet,
et
dont les résultats principauxont
étél'objet
de sa thèse de doctorat 3. Dans ces deux cas, surtout dans le second, nous aurons affaireà
des grands nombres, cequi,
en I'espèce, me paraît indispensable.1 Eugène Prrreno: Influence de le leille sur l'itudice cëphalique dM utu grwbe ethtique lelqrivement Pur.
Bull, et Mém. Soc. d'Anthrop. Paris, r9o5, p.2?9-286.
2 Eugène PrrrARD: Les Peu,les d,es Balhqns. Rechetchzs anthrobologiques d,ans ln Péninsul,e d,es Balhans.
Cenève et Paris, rgzo.
3 Bayan Arer: Rechzlchcs surles carqctères enthrcpologi,ques d,espoQul,qtions d,elaTurqwie,^lhèse. Genève, 1939.
BRACHYCÉPHALIE ET BRACHYSKÉLIE 265
Voyons, pour commencer, et sans arrangement particulier, les résultats globaux obtenus en examinant les populations balkaniques. J'ajoute, aux valeurs de I'indice céphalique et de l'indice skélique, les valeurs de la taille moyenne de chacun des groupes. Pour le moment, aucun ordre n'est indiqué, ni selon la taille, ni selon la valeur croissante des indices.
TABLEAIJ NO I
Populations
Roumains Tsiganes Serbes Bulgares Lazes Tatars .
Turcs Grecs Albanais Kurdes.
Arméniens
Les cinq premiers groupes Les cinq derniers groupes
Taille moyenne
r rn.662
r m.654
r m. 659
r m.667
t rn.67o
r m.647
t m.679
r m.67o
r m. 678
r rî, 7o7 r m. 66r
Indice
skélique hdice
céphalique 8z.gz 78.18 8o.42 79.88 85.6r 83.8o 82.24 82.23 87.r2 86'+s 85.6q 90.9
9r.25 9r.r9 89.6o 9a.46 88.68 ôo.5o 92.30 8g.s6 94.40 88.4o
En
établissantla
sériation de cesrr
groupes ethniques selonla
valeur croissante de l'indice skéliqueet en
calculant les moyennes de l'indice skéliqueet
de l'indice céphalique chez les cinq premierset
chez les cinq derniers, nous obtenotrs :TABLEAU NO 2
Indice skélique moyen 89.30 92.o\
Indice céphalique
moyen 84.42 82.o5
La
relation entre les deux éléments morphologiques comparés paraît évidente: Les individus dont la valeur de l'indice skélique est la plus haute, c'est*à-dire les individus dontla
morphologie générale est dirigée vers la macroskélie, ont un indice céphalique de valeur inférieure à celui des autresildividus. La
tliflér'errce estsi
nette quesi I'on
devait s'entenir là
on pourrait immédiatement conclureet
dire quela
dolichocéphalie-
ou latendance à
la
clolichocéphalie-
etla
macroskélie-
oula
tendance à lamacroskélie
-
sont des caractères qui se développent parallèlement. Maisla
démonstration ne nous paraît pas sufisante.266 EUGENE PITÎARD
Examinons maintenant les rapports ci-dessus selon
la
valeur croissante de l'indice céphalique.TABLEAU No 3.
Indice céphalique
moyen moyen
Les cinq premiers groupes 8o.59 go.g7
Les cinq derniers groupes 85.7+ 9o.z6
Avec une brachycéphalie beaucoup plus
nette
(cinq unitésde
plus) I'indice skélique du second groupe est de valeur légèrement inférieure à celle du premier groupe. Un tel résultat nous semble corroborer sumsammentle
résultat précédent. Mais onvoit
que les choses ne sont pas si simples qu'on pourraitle
supposer au premier abord.Il vaut
doncla
peine de poursuivre nos recherches.Constatons
tout
de suite (nous I'avonsdit
ci-dessus) que nous mettonsen
æuvre des documents racialement hétérogènes.Rien qu'à voir
les colonnes de la stature et de f indice céphalique, nous nous rendons compte que nous avons affaireà
des populations dont les origines premières nesont pas les mêmes. Les constructions anatomiques sont diverses
et
dèslors on peut penser que les résultats, nés de moyennes créées elles-mêmes avec des indications dissemblables, ne sont guère de nature à nous renseigner exactement.
Néanmoins, nous voulons pousser jusqu'au
bout
cette analyse. C'est pourquoi nous avons encore calculé, chez cinq populations, d'un côté les pourcentages des types céphaliques et de l'autre les pourcentages des types skéliques.Nous obtenons le tableau que voici:
Indice ské1ique
Populations
Roumains 'fsiganes Serbes .
Bulgares Tatars Moyennes
TABLEAU No 4.
Types macroskèles
49.85 67.6o 6r.77 44.50 4r.37 53.or
Types dolichocéphales
Pourcentages 34.16
7r.tï
29.8o
54.-
20,30
4r.87
Types brachycéphales
48.r?
rr.94 zg.8o
24.-
6r.3o 35.o3
En concordance avec les indices skéliques macroskèles
-
ou à tendancemacroskèle
-
nous constatonsla
présenced'un
grand nombre de typesBRACHYCÉPHALIE ET BRACHYSKÉLIE 267
dolichocéphales que de types brachycéphales. Ce
qui
est une manière de confirmef ce qui a été dit ci-dessus-
à la suite d.es deux premiers tableaux.Il
semblerait donc qu'il existe, réellement, une relation entref indice skélique et I'indice céphalique.Pour aller plus loin dans l'étude de cette relation entre l'indice skélique et l'indice céphalique
j'ai dit,
ci-dessus, quej'ai
utilisé les valeurs obtenues par la grande enquête anthropologique turque dont les résultats essentielsont
été publiés dernièrement par M11e'4fet. Dans cet immense inventaire- il a
porté sur 64.ooo individus-
les documents morphologiques et descriptifs ont été exposés selon la valeur croissante de la taille. Le nombre des individus ayant une taille égale est extrêmement variable. Nous avons constitué des groupes composés chacun de cinq échelons de stature, selonl'ordre croissant. Et nous avons mis en regard de chaque échelon les valeurs moyennes de I'indice skélique et de l'indice céphalique. Voici les moyennes obtenues chez les hommes:
Tenreeu No 5.
En
calculant les moyennes des cinq premiers contingents et, à la suite, des cinq suivants, nous obtenons:Indice skélique
87.s2 90.ro 9r.37
92.7 5 93.5e 94.53
Indice céphalique
86.q6 8s.7s 82.76 83.72 8s.t7 83.4g
Indice skélique s-5.99 97.29 98.r8 Ioo,97 t02.rr
Indice skêlique
94.92 9636 98.zz I04.40
Indice céphalique
83.2o 83.23 83.22 83.68 84.6o
9I.II
Indice skélique
86.:+
88.65 9o.6o 9r.87 93.23
Indice céphalique
85.r2 85.3o 84.+6 83.68 8s.87
83.66 et
97 .34 83.36Indice céphalique
83.5s 82.85 8r.9r 8r.r4
Il n'y
a pas grande différence dans la valeur de l'indice céphalique, que l'on s'adresse aux individus submacroskèles ou aux individus mackroskèles.Faisons le même examen chez les femmes:
TART,EATT No 6.
268 EUGENE PITTARD
Ici,
au contraire de cequi
se passe dansla
série masculine,on
voit décroître nettementla
valeur de f indice céphalique au fur,et à
mesure que croît la valeur de I'indice skélique. La rapport supposé par Manouvrier serait ainsi, de nouveau, rendu visible.Mais ces
deux
arrangementssont
extrêmement sommaires.Et
lesmovennes indiquées peuvent
voiler
complètementla
vérité.Pour
bien faire,il faudrait
examiner individuellementle rapport que nous
dé-sirons connaître.
Mais, en
I'espèce,la
choseest
impossible. Nous avons alors cherché, dansles 99
groupesd'individus
rangés selon lataille
croissante(54
groupes masculinset 45
groupes féminins), les deux valeurs étudiées,et
nousles
avons rangées,cette fois-ci,
selonla
valeur croissante de l'indice céphalique, faisant ainsi abstraction de la stature.Et
nous les avons. examinés, non plus par contingentsde
cinq échelonsde taille, mais par
contingentsde dix
échelons.Voici
les résultats obtenus dans les séries masculines.Taer.oeu No 7
Indioe Indice
céphalique skélique
96.27 96.r6 94.88
Indice céphalique
83.88 84.22 87'8s
Indice skélique 94.98 95.4r 90.29 8t'79
83.r6 83.+3
D'une façon très visible f indice skélique diminue au
fur et à
mesure que croît la valeur de I'indice céphalique.Pour rendre
la
chose encore plus nette nous avons composé avec cessix contingents trois groupes.
Et
nous avons trouvé:Te,nr,neu No 8.
Indice céphalique
Indice skélique 82.98
83.66 86.o7
96.r6 94.93 92.85
Il
ne peuty
avoir de doute quant àla
conclusionà tirer
de ce petit tableau. Ce sont les individus les moins macroskèlesqui ont
l'indice céphalique le plus élevé..
BRAcnvcÉpnarrE ET BRAcuvsrÉrrnEt,
maintenant, chez les femmes:TAalrau No 9.
269
Indice céphalique
8r.r5 83.r8 81.78
Indice skélique
ror.58 94.44 93.99
Indice céphalique
8+.+7 85.82
Indice skélique
9o.6r 86.83
Bien mieux encore que chez les hommes nous voyons décroître la valeur de f indice skélique au
fur
et à mesure qu'augmente la valeur de l'indice céphalique. Très nettement, les individus les plus brachycéphales sont en même temps ceux qui sont les plus rapprochés de la brachyskélie (le dernier groupe est mésatiskèle).Ce
qui
est indiqué par lestrois
tableaux ci-dessus (no"7, 8,
9) nous conduit à un résultat qui est plus qu'une supposition. Nous sommes devant une réalité: nous ne pouvons pas affirmer que plus un groupe est brachy- céphale plusil
est brachyskèle, puisque les séries que nous avons utilisées ne sont pas des séries chezqui
les deux facteurs envisagés soient,à
cepoint de vue, assez nets pour être mis en comparaison valable. ntais ce que
nous pouvons assurer, c'est que, dans les groupes humains macroskèles, ou à tendance macroskèle,
il
existe une relation évidente entrela
valeur de f indice céphalique et la valeur de l'indice skélique. Aufur
et à mesure que celui-ci diminue nous voyons augmenter la valeur de l'indice céphalique'Et l'on
peut considérer cette conclusion comme servant-
indirectement si I'on veut-
àla
démonstration du rapport cherché.Sans doute, pour bien faire,
il
faudrait-
nousle
répétons-
mettreen comparaison, non plus des résultats globaux, comme nous l'avons fait, mais sélectionner, dans chacune des séries, les individus mêmes, classer Ies macroskèles