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Sucré : ne succombons plus à ta tentation !

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436 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 22 février 2012

actualité, info

Sucré : ne succombons plus à ta tentation !

En eux­mêmes, le sucre et nos sucriers ne font rien de mal. C’est bel et bien dans le sucré que se niche le démon. Et les tentations nous sont ici apparues sous différentes longitudes et par deux voies. La première a été la cul­

ture de la racine de Beta vulgaris associée à l’extraction industrielle de ses sucs. La se­

conde est un corollaire de la découverte des Nouveaux Mondes et de la canne dont le

nom est depuis indissociable de celui du sucre.

La bette-rave, donc. Le monde doit beau­

coup au protestant français Olivier de Serres (1539­1619). En 1600, il écrit à son endroit dans son célèbre Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs :

«Une espèce de pastenades est la bette­

rave, laquelle nous est venue d’Italie n’a pas longtemps. C’est une racine fort rouge, assez grosse, dont les feuilles sont des bettes, et tout cela bon à manger, appareillé en cuisine : voire la racine est rangée entre les viandes délicates, dont le jus qu’elle rend en cuisant, semblable à sirop de sucre, est très beau à voir pour sa vermeille couleur.»

Il faudra attendre deux siècles, nos amis anglais et leur blocus anti­napoléonien qui nous privaient des fruits de nos cannes antil­

laises. Nos amis allemands mettent le doigt sur l’extraction. Les cerveaux de Silésie ont bien des vertus mais on n’y dépasse pas le stade artisanal : 70 kg de bette-raves traités

quotidiennement, donnant environ 2 kg de sucre. Une relative misère. Pour la rentabilité, il fallut attendre l’expression du génie fran­

çais, stimulé par l’Empereur Bonaparte. Ce fut en 1812 avec Benjamin Delessert (1773­

1847). Il s’agissait là d’un naturaliste et hom­

me d’affaires (ce qui n’était pas, alors, incom­

patible) ; un homme par ailleurs fondateur des Caisses d’Epargne (même remarque).

A dire vrai, l’homme était issu d’une fa­

mille protestante et originaire du canton de Vaud sans que le célèbre édit de Nantes – et plus encore sa célèbre révocation – y soit pour grand­chose. Toujours est­il que des mem­

bres de la famille Delessert sont en France en 1735. Etienne, le père de Benjamin, était déjà un homme d’affaires ayant créé des so­

ciétés d’assurance et une caisse d’escompte.

Quant à son cousin Armand, il possédait, dans le port de Nantes, une raffinerie de sucre de canne qui, avec l’aide de Louis Say, devint plus tard la toute­puissante firme Beghin­Say.

A l’instar de l’amuseur public Michel Co­

lucci (1944­1986), Benjamin ne devait pas avoir que des défauts. Outre la mise à dis­

position du sucre aux moins riches, c’est lui qui, vers 1800, fonda des soupes populaires ; des pré­restaurants du cœur qui, durant cer tains hivers, distribuèrent jusqu’à quatre millions de repas. Longtemps député centre­

gauche de Paris, puis de Saumur (Maine­et­

Loire), il n’a cessé de militer pour l’amélio­

ration des conditions d’hospitalisation des malades et l’abrogation de la peine de mort.

Ajoutons qu’il fut l’un des principaux mem­

bres de la Société philanthropique, membre de la Société des bibliophiles français, l’un des fondateurs de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, le fervent propa­

gateur de l’instruction primaire et le patron des salles d’asile. Surnommé le «père des ouvriers», il est l’auteur d’un Guide du bon- heur publié deux ans avant son rappel au ciel. La France qui, dans les froidures actuel­

les, ne cesse de célébrer le nom de Coluche, a définitivement oublié celui de Delessert.

La bette-rave est aujourd’hui cultivée sur sept millions d’hectares dans le monde, pour l’essentiel en Europe du Nord et aux Etats­

Unis. Dans sa version sucrière, on compte bon an mal an 246,5 millions de tonnes, la France demeurant le premier producteur mon dial de sucre de betteraves.

On nous pardonnera ces quelques rappels historiques et alimentaires. Comment en faire l’économie au vu du dernier épisode en date de la grande série américaine et névrotique (ce qui n’est nullement incompatible), scien­

tifique et religieuse (même remarque) dont nous sommes à notre corps défendant les impuissants spectateurs ? L’affaire est relan­

cée (depuis Londres) dans les colonnes de Nature1 par Robert Lustig, Laura Schmidt et Claire Brindis. Ces trois scientifiques uni­

versitaires américains, basés en Californie, y fomentent une nouvelle croisade pour la vé­

rité et contre le sucre, nouveau démon.

Les trois soutiennent en substance que, pour l’homme, consommer trop de sucre est aussi dangereusement toxique que l’abus d’al cool ou la consommation de tabac. Aussi convient­il selon eux de taxer les aliments et les boissons qui contiennent du saccharose ou du fructose afin d’en limiter, autant que faire se peut, la consommation. Nouvelle ga­

belle des temps modernes en somme. Prag­

matiques, les auteurs vont jusqu’à imaginer une forme de douce prohibition qui ne dit pas son nom : interdire la vente des produits (trop) sucrés dans les espaces (et durant les horaires) scolaires ou interdire la vente de boissons sucrées aux mineurs de moins de dix­sept ans. Et encore : contrôler le nombre de fast­foods dans les quartiers pauvres et inciter à l’installation de magasins de pri­

meurs et de marchés de produits frais.

Il y aurait, selon eux, urgence puisque les maladies non transmissibles (affections car­

diovasculaires ou cancéreuses, diabète, etc.) sont à l’origine de 35 millions de morts pré­

maturées chaque année dans le monde, net­

tement plus que les maladies infectieuses.

point de vue

CC BY betsyweber

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 22 février 2012 437

Impact des facteurs de risque cardiovasculaire à travers les âges

Bien que plusieurs scores permet tent d’estimer le risque cardiovasculaire au cours des dix prochaines années, l’impact des facteurs de risque cardiovascu- laire (FRCV) tout au long de la vie est encore peu connu. Une ré- cente étude, regroupant dix-huit cohortes et incluant plus de 250 000 hommes et femmes sui- vis pendant une période de plus de 50 ans, a permis de mieux comprendre l’impact des FRCV à travers les âges. Les auteurs ont utilisé la pression artérielle, le taux de cholestérol, le status taba gique et le diabète pour strati fier les participants en cinq catégories de profil de FRCV.

Comparés à ceux avec deux FRCV ou plus, ceux avec un profil de FRCV optimal (cholestérol total l 4,7 mmol/l, pression artérielle l 120/80 mmHg, non fumeur et non diabétique) avaient un risque diminué de maladie coronarienne fatale ou non fatale au cours de leur vie (3,6% contre 37,5% parmi les hommes, l 1% contre 18,3%

parmi les femmes). L’originalité de l’étude est double. D’une part, la diminution des maladies cardio-

vasculaires au cours de ces 30 dernières années semble liée à une amélioration du profil indivi- duel des FRCV. Deuxièmement, le risque attribuable de chaque FRCV est resté identique à tra- vers les générations. Les auteurs concluent que le risque d’une personne âgée de 70 ans par exemple est influencé par son profil de FRCV présents à l’âge de 50 ans, et que l’accumulation des FRCV chez une même per- sonne confère un risque tout auss i important maintenant qu’il y a 40 ans en arrière.

Commentaire : Malgré la diminu- tion de l’incidence des maladies cardiovasculaires observée ces 30 dernières années, les effets délétères des FRCV restent cons- tants à travers les décennies. Les efforts de prévention des mala- dies cardiovasculaires devraient également cibler le développe- ment des FRCV chez un individu (prévention primordiale) plutôt que de se baser uniquement sur le traitement des FRCV existants.

Dr David Nanchen Policlinique médicale universitaire Lausanne Berry JD, et al. Lifetime risks of cardio- vascular disease. N Engl J Med 2012;

366:321-9.

Et de surligner que les effets de la consom­

mation excessive de sucre peuvent être équi­

valents à ceux des boissons alcooliques en évoquant les conséquences sur la structure et la fonction hépatiques. Or la consomma­

tion de sucre dans le monde a triplé ces cin­

quante dernières années. Et sans même évo­

quer le procédé de la chaptalisation mis au point (comme l’indique son nom) par Jean­

Antoine Chaptal (1756­1832), on peut établir bien des parallèles entre l’alcool et le sucre.

Non seulement nous métabolisons les deux via le foie mais nous devons dans les deux cas nous faire violence pour ne pas commet­

tre le péché de l’abus. Le temps n’est plus du jardin de l’Eden où le sucre n’était que miel et fruits. L’enfer de l’agroalimentaire

règne où le poison sucré avance masqué dans toutes les préparations alimentaires. Il était jadis rare et naturel ; il est désormais partout, indispensable et mortel.

En France, l’Association nationale des in­

dustries alimentaires ne s’alarme guère. Elle estime que la vision des auteurs de Nature est déformée par leur prisme américain. «Il en va pour le sucre ainsi rajouté comme pour le tabac : on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas, pouvait­on lire dans un récent éditorial du Monde. La filière sucre est un puissant groupe de pression, à l’instar des fabricants de ciga­

rettes. Elle se défend en Europe, en affirmant que la vision des auteurs de l’article de Nature est déformée par le prisme américain. Elle jure que l’Union européenne a pris des me­

sures d’incitation. Balivernes ! Il faut aller plus loin.»

Balivernes ? Aller jusqu’où ? A l’heure de

remettre ces lignes, nous apprenons qu’un rapport des Centres fédéraux américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) dénonce le fait que neuf Américains sur dix consomment beaucoup trop de sel. Or, on sait que le chlorure de sodium n’est pas bon, lui non plus, pour la santé humaine. L’heure est donc venue de faire une croix sur le pain, les charcuteries, les pizzas, le poulet, les soupes (préparées), les fromages, les pâtes, les chips et le pop­corn. Surtout le pop­corn, cette démoniaque monstruosité sucrée­salée des salles obscures.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Lustig RH , Schmidt LA, Brindis CD. Public health : The toxic truth about sugar. Nature 2012;482:27-9. Publi- shed online 01 February 2012.

… L’enfer de l’agroalimentaire règne où le poison sucré avance masqué dans toutes les préparations alimentaires …

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