Enonc´e A469 (Diophante) : L’arm´ee de Napol´eon Solution de Jean Moreau de Saint-Martin
Tel qu’il est formul´e, l’´enonc´e admet plusieurs r´eponses, comme on va le voir.
La plus petite est 4632 = 214369, je ne connais pas de m´ethode donnant la totalit´e des r´eponses.
Form´es en carr´e, la Garde, un r´egiment, le premier grand carr´e et la forma- tion de bataille ont respectivementg, r, c, b hommes dans chaque rang.
On a les relationsg2+ 7r2 =c2, g2+ 14r2 =c2+ 7r2=b2.
On constate d’abord que bet g ont mˆeme parit´e. Comme b2+g2 = 2c2, et b2−g2 = 14r2, on voit que tout facteur commun `abetgdivise aussicetr, et on peut obtenir une solution plus petite en divisantg, r, c, bpar PGCD(b, g).
Donc on peut supposer b et g premiers entre eux pour la recherche d’une solution non proportionnelle `a une solution plus petite.
On observe ensuite que les entiers (b−g)/2,(b+g)/2, csont les cˆot´es d’un tri- angle rectangle. Un proc´ed´e classique de param´etrage est le suivant. Quitte
`
a changer le signe deg, la fraction irr´eductible m
n = 2c+b+g
b−g = b−g 2c−b−g
est telle que m et n, premiers entre eux, sont de parit´e contraire1. On en tire
2c+b+g
m2 = b−g
mn = 2c−b−g
n2 =
= 4c
m2+n2 = 4b
m2−n2+ 2mn = 4g
m2−n2−2mn =
= 2(b+c)
m(m+n) = 2(b−c) n(m−n),
avec 4 comme valeur commune de ces rapports (les d´enominateurs de la seconde ligne sont premiers entre eux, les num´erateurs ont pour PGCD 4).
On en d´eduit 7r2=b2−c2 = 4mn(m+n)(m−n).
Les 4 facteurs m, n, m+ n, m−n sont 2 `a 2 premiers entre eux. Leurs facteurs premiers ´etant (7 mis `a part) ceux der/2, on peut poserr= 2tuvw et identifierm, n, m+n, m−n(dans un ordre convenable) `a 7t2, u2, v2, w2, avec t, u, v, w premiers entre eux 2 `a 2.
•Si 7t2´etaitm+nou m, commem=n+ (m−n), 7 diviserait une somme de deux carr´es premiers entre eux, ce qui est impossible2.
1Changer le signe degrevient `a ´echanger les rapportsm/net (m+n)/(m−n).
2Selon un th´eor`eme de Fermat, un nombre premier divisant une somme de 2 carr´es premiers entre eux peut s’´ecrire comme une telle somme ; ce n’est ´evidemment pas le cas de 7.
1
• Si 7t2 ´etait n, on aurait trois carr´es m − n, m, m+ n en progression arithm´etique de raisonn= 7t2, ce qui constituerait une solution du probl`eme, plus petite que la progressiong2, c2, b2 de raison 7r2; ce cas ne peut fournir la solution minimum, nous y reviendrons.
•Si 7t2 est m−n, c’est la diff´erence de deux carr´esu2−v2. Pour r´esoudre le syst`emeu2−v2 = 7t2, u2+v2=w2, on peut chercher une solution par tˆatonnements, mais d`est= 1 on y satisfait avec
u= 4, v= 3, w= 5 ; puis m= 16, n= 9, r= 120, g= 113, c= 337, b= 463.
L’arm´ee de Napol´eon a donc au moins 4632 = 214369 hommes, la Garde en ayant alors 1132 = 12769, les autres r´egiments 1202= 14400.
La conditiong < r, qui n’a pas ´et´e utilis´ee dans le raisonnement, est v´erifi´ee par cette solution, qui est ´evidemment la plus petite puisquet≥1.
Revenons au casn= 7t2, en empruntant t, u, v, w `a la solution minimum : n= 7·1202, m−n= 1132, m= 3372, m+n= 4632, puis pour les cˆot´es des diverses formations en carr´es :
m2−n2−2mn= 2·3374−4634=−20158232639 =g (au signe pr`es), 2tuvw= 2·120·337·113·463 = 4231560720 =r,
m2+n2 = 3374+ 49·1202 = 23058557761 =c, m2−n2+ 2mn= 2·3374−1134= 25632788161 =b avec pour nombre total d’hommes
b2= (25632788161)2 = 657 039 828 906 701 761 921 mais la conditiong < r n’est pas satisfaite.
J’ignore s’il existe des r´eponses interm´ediaires entre 214369 et celle-ci.
Remarque. Un sp´ecialiste de th´eorie des nombres, Nguyen Quang Do Thong, pointe la faiblesse de l’approche par tˆatonnements : on n’est pas assur´e que les tˆatonnements aboutissent un jour. Il propose comme exemple de remplacer 7 par 3 dans l’´enonc´e pr´ec´edent.
De fait, un raisonnement calqu´e sur le pr´ec´edent (car 3, comme 7, ne peut diviser une somme de 2 carr´es premiers entre eux) conduit pour une plus petite solution au syst`eme
u2+v2=w2, 3t2=u2−v2=w2−2v2,
et ce syst`eme est sans solution, car 3 ne peut pas non plus diviser l’expression w2−2v2 o`uwetvsont premiers entre eux3. La conclusion est la mˆeme pour tout nombre premier de la forme 8k+ 3.
Que peut-on dire quand on remplace 7 par un autre entier ? C’est le tr`es an- cien “probl`eme des nombres congruents”. On voit l’int´erˆet, `a d´efaut d’une preuve d’impossibilit´e, d’un crit`ere de possibilit´e v´erifiable en un nombre fini d’´etapes. Tunnell a propos´e un crit`ere ayant cette qualit´e, mais en s’ap- puyant sur une conjecture de th´eorie des nombres non encore d´emontr´ee.
3S’il la divisait, il pourrait s’exprimer sous la mˆeme forme, or c’est impossible modulo 8. On peut le montrer de mani`ere analogue au th´eor`eme de Fermat pr´ecit´e.
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