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Texte intégral

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(3)

ACécile

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(5)

Avantpropos vii

1 Lesorigines du langage 1

2 Le code de la parole 13

2.1 Lesinstrumentsdelaparole . . . 14

2.2 Laphonologiearticulatoire . . . 16

2.3 L'organisationducodedelaparole:universaux . . . 22

2.3.1 Lecodedelaparoleestdigitalet compositionnel . . . 22

2.3.2 Lecodedelaparoleestunsystèmedecatégorisationpar- tagépartouslesmembresd'unecommunautélinguistique 25 2.3.3 Les régularités statistiques des répertoires de phonèmes dansleslangues humaines . . . 29

2.4 Ladiversitédescodesdelaparole . . . 31

2.5 Origine,formationetformes. . . 32

3 Auto-organisation etévolution 37 3.1 L'auto-organisation. . . 37

3.2 Auto-organisationetsélectionnaturelle . . . 46

(6)

4 Les théories existantes 67

4.1 L'approcheréductionniste . . . 67

4.2 L'approchefonctionnaliste . . . 71

4.3 Lesscénariosopérationnels . . . 75

4.4 Allerplusloin . . . 85

5 La méthodede l'articiel 89 5.1 Quelleest lalogiquescientique? . . . 90

5.2 L'utilitédessystèmesarticiels . . . 92

6 Le systèmearticiel 99 6.1 Lemécanisme . . . 99

6.1.1 Pré-supposition 1:Unitésnerveuses . . . 101

6.1.2 Pré-supposition 2: Traduction entre l'espace perceptuel etl'espacedesrelationsentreorganes,ettraductionentre l'espacedesrelationsentreorganesetl'espacedesactiva- tionsmusculaires.. . . 103

6.1.3 Pré-supposition 3:Perceptionet plasticité. . . 107

6.1.4 Pré-supposition 4:Production . . . 108

6.1.5 Pré-supposition5:Distributioninitialedesvecteurspréférés111 6.1.6 Pré-supposition 6:Pasd'intéractionscoordonnées . . . . 113

6.1.7 Cequ'onnepré-supposepas . . . 114

6.2 Ladynamique. . . 114

6.2.1 Casoùladistributioninitialeest uniforme. . . 114

6.2.2 Casoùladistributioninitialeest non-uniforme . . . 124

6.3 Catégorisationet illusionsacoustiques . . . 128

7 Extensions 141

(7)

9.2 L'apportàlaréexionsurl'originedelaparole . . . 191

9.2.1 Scénario1:uneorigineeectivementliéeàlafonctionde

communication . . . 192

9.2.2 Scénario2:uneorigineliéeaudéveloppementdelacapa-

citéd'imitationengénéral . . . 195

9.2.3 Scénario 3: une origine exaptationiste liée à un eet de

bordarchitectural . . . 197

10 Conclusion 201

Réferences 211

Publications 221

(8)
(9)

Cettethèseestl'aboutissementdedeuxpassions:lessciencesdelacognition

et l'informatique.J'aitrès tôtétéfasciné parlescapacitésformidables ducer-

veau,etenparticulierdeceluideshumains.C'estsansdoutelesystèmeleplus

complexequenousconnaissons.D'autrepart,lalecturedeslivresdespèresfon-

dateursdel'intelligencearticielle(VonNeumann,Turing,Minskyentreautres)

m'a fait prendreconscienceque lesordinateurs pouvaientêtre d'uneaidecru-

ciale dans cette quête de la compréhension du cerveau. Ces machines ont la

potentialitéde jouerpourlessciences delacognition lemême rôlequeles ac-

célérateurs de particules jouent en physique: elles permettent de recréer dans

unenvironnementcontrôlédesversionsplussimplesducerveauouparexemple

dunoyausolairetoutengardantunniveaudecomplexitéintéressant.Ellesont

d'ailleurs étédès leurinventionutiliséesdans ce but: Pascalautilisé sacalcu-

lettepoursimulerlecomportementdesuitesmathématiques,Lorenzautiliséles

premiersordinateurspourétudierlecomportementdemodèlesclimatologiques,

Fermipoursimuler l'interaction entre des particulesmagnétisées,Turingpour

imaginer comment les processus de morphogenèse pouvaient s'auto-organiser,

VonNeumannpourétudierl'auto-réplication.

Plus tard,larencontre avec LucSteels,qui m'ainvité àtravaillerdansson

(10)

particulièrementutile pourlessciencescognitives:lelangage, et enparticulier

sonorigine. En outre,depuis quelquesannées,la recherchesur lesorigines du

langage avait opéré un développement spectaculaire et mobilisait les énergies

dechercheursdeculturesscientiquestrèsdiérentes: deslinguistes,desbiolo-

gistes,desphilosophes,desanthropologues,desethnologues,desprimatologues,

deschercheursenneurosciences,deschercheursenintelligencearticielle.L'idée

depouvoirinteragiraveccettediversitébouillonnantede chercheurspours'at-

taquer à des questions à la fois fondamentales et quasiment inexplorées 1

fut

un stimulant qui me décida à entreprendre des recherches dans ce domaine,

évidemment avec l'idée que l'utilisation de l'ordinateur en serait la pierre de

touche.

Lesoriginesdulangageétantunsujetimmensémentvaste,ilafalluchoisir

unthèmeplusmodeste.Alorsquelaplupartdeschercheursseconcentraientsur

l'originedelasyntaxeetdesconventionslexicales,mongoûtpourl'exploration

mepoussaverslechampsbeaucoupmoinsdéfrichédel'originedessystèmesde

sons,véhiculesdulangagequel'onappelleparole.Enoutre,l'étudedel'origine

de la parole, plus primitive que la syntaxe, me semblait potentiellement plus

facilementappréhendableétantdonnél'étatdenosconnaissancessurlelangage,

toutengardantunniveaudegénéralitéélevé:c'estparexemplelestravauxde

Jakobsonsur la phonétique, dans la première moitié du vingtième siècle, qui

ontposé lesbases dustructuralismedontlesinuencesfurentet sonttoujours

considérablesdanstouslesdomainesdelapenséeoccidentale.

C'est le résultat de ces recherches qui est présenté dans cette thèse. Elle

s'adressedemanièregénérale auxchercheursensciencesde lacognition,et en

particulierauxchercheursensciencesdulangage.C'estpourquoielleaétéécrite,

dansunsoucid'interdisciplinarité,avecunstylequejemesuiseorcéderendre

1.On verradans l'introduction qu'eectivementla recherche surles originesdu langage

(11)

les informaticiens pourront tirer est plutôt dans l'exemple que cette thèse es-

saied'êtredelamanièredontonpeututiliserlestechniquesinformatiquespour

s'attaqueràdesproblèmesdesciencesdelacognition.En particulier,ils trou-

verontuneréexionépistémologiquesurlerôlequepeuventjouerlessystèmes

articielsdanslarechercheensciencesdelacognition,etenscienceshumaines

engénéral.

JeremercieLucSteelspourm'avoirpermisdetravaillerdanssonéquipedu

Sony Computer Science Laboratory à Paris,ainsi que pour laconance et le

supportqu'ilm'aaccordépourcetravailderecherche.Sespapiersvisionnaires

surl'originedulangagefontpartiedessourcesd'inspirationprincipalesdecette

thèse. Je remercie aussi Frédéric Kaplan pour les discussions stimulantes qui

m'ontpermisdecreuserdenombreuxaspectsdemontravail,ainsiquepourses

commentairescritiquesdutexte.J'aibeaucoupapprisdeluisurlamanièrede

présentermesidées.MerciaussiàNicoleBastienpourletempsqu'elleapasséà

relirecetexteainsiquelesarticlesquil'ontprécédé.Jesuisaussireconnaissantà

MichaelStuddert-KennedyetàBartdeBoerquiontparticipéàl'élaborationde

monargumentationparlesretoursconstructifsdeslecturesattentivesqu'ilsont

pufairedemesarticles.JeremercieaussitoutparticulièrementCécileBourdillat

(12)

toutel'écrituredecette thèse.

(13)

Les origines du langage: un

champ de recherche orissant

Ilestuneévidencequin'ad'égalequelemystèrequis'endégage:leshumains

parlent. C'est leur principale activité, qui les distingue d'ailleurs de tout le

restedurègneanimal.Lelangagehumainestunoutildecommunicationd'une

complexitéinégalée.C'estuncodeconventionnaliséquipermetàunindividude

fairepartagerauxautressesidées,sesémotions,deparlerdescouleurs duciel

maisaussidespaysageslointains,desévènementspassés,etmêmedelamanière

dontilimaginelefutur,dethéorèmesmathématiques,despropriétésinvisibles

delamatière,etdulangagelui-même.Enoutre,chaquelanguedénituncode

qui estpropreàseslocuteurs,c'est-à-direunemanièreoriginaled'organiserles

sons,lessyllabes,lesmots,lesphrases,etd'articulerlesrapportentrecesphrases

etlesensqu'ellesvéhiculent.Ilyaaujourd'huidesmilliersdelanguesparléespar

les sociétés humaines. En permanence certaines meurent et d'autres naissent.

On évalue àplusd'un demi-million lenombrede languesqui ontexisté. Ona

(14)

leshumainsneparlaientpas.

Celaposel'unedesquestionslesplusdicilesquelascienceaitàrésoudre:

commentleshumainsensont-ilsvenusàparler?Unesecondequestionenestle

prolongementnaturel:commentleslanguesévoluent-elles?

Ces deux questions, cellede l'originedulangage et celle de l'évolutiondes

langues,ontétéaucentredesrecherchesdenombreuxpenseursdanslessiècles

passés,etenparticulierau19èmesiècle.Ellesgurentenbonneplaced'ailleurs

dans les réexions de Darwin (Darwin, 1859). De nombreusesthéories furent

développéessansêtre contraintesni parl'observationni parl'expérimentation.

Elless'éloignèrentassezvite desraisonnementset méthodesscientiques,àtel

point quela Sociétéde Linguistique de Parisdéclara queces questions ne de-

vaient plus être abordées dans le cadre de la science. Cela inaugura un siècle

d'arrêtquasi-totaldesrecherchesdanscedomaine.

Les avancées enneurosciences, ensciences de lacognition et en génétique,

verslandu20èmesiècle,ontremiscesquestionsaucentredelascènescienti-

que.D'unepart,lesneurosciencesmodernes,ainsiquelessciencesdelacogni-

tion,ontfaitdesprogrèsimmensesdanslacompréhensiongénéraledufonction-

nementducerveau,etenparticuliersurlamanièredontonacquiertlelangage

etcommentilesttraitéparlecerveau.Celaapermisd'initierunenaturalisation

del'étudedulangage,c'est-à-dired'ancrerlesystèmeabstraitqueleslinguistes

décriventdans lesubstrat biologiquequicomposelesêtreshumainset leuren-

vironnement.En bref,lessciences naturelles sesontappropriées desquestions

qui étaient auparavant dans ledomaine des sciences humaines. Ces nouveaux

éclairagessur le fonctionnement dulangage ontainsi fourni àla recherche de

sesorigines des contraintes dontl'absence avait miné lesrecherches du19ème

siècle.

(15)

biologie évolutionniste vigoureuse, fournissant en même temps un corpus im-

pressionnantd'observationset uncadreexplicatif théoriquesolide,laquestion

del'originedel'hommes'estvuedevenirunepré-occupationcentraledelacom-

munautéscientique.Ettoutnaturellement,l'originedulangage,celui-ciétant

undestraitsmarquantsdel'hommemoderne,est redevenue,commeau19ème

siècle, unsujetpharedelarecherche.

Un consensus sedégage de lacommunauté des chercheurs qui aujourd'hui

s'attèlentauxquestionsdel'originedulangageetdel'évolutiondeslangues:la

recherchedoitêtremultidisciplinaire.Eneet,c'estunpuzzleauxramications

immenses qui dépassentlescompétencesde chaquedomaine derecherche pris

indépendamment.C'est d'abordparce que lesdeux grandes questions doivent

être décomposées en sous-questions elles-mêmes déjà fort complexes: Qu'est-

ce que le langage? Qu'est-cequ'une langue? Comment s'articulent entre eux

les sons, les mots, les phrases, les représentations sémantiques? Comment le

cerveau représente-t-il et manipule-t-il ces sons, ces phrases, et les concepts

qu'ellesvéhiculent?Commentapprend-onàparler?Quelleestlapartdel'inné

et de l'acquis? A quoi sert le langage? Quel est son rôle social? Comment

unelangue seforme-t-elleetchangeaucoursdesgénérationssuccessivesdeses

(16)

leslanguessonttelsqu'ilssont?Pourquoiy-a-t-ildestendancesuniverselleset

en même temps une grandediversité? Quelleest l'inuencedulangage sur la

perceptionetlaconceptiondumonde?Quesait-onde l'histoirede lacapacité

deparlerchezleshumains?Est-ceplutôtlerésultatd'uneévolutiongénétique,

commel'apparitiondesyeux,ouuneinventionculturelle,commel'écriture?Est-

ceuneadaptationàunenvironnementchangeant?Unemodicationinternede

l'individu qui apermis d'augmenter seschances de reproduction? Est-ce une

exaptation, eetde bord de changementsqui n'étaient pas initialement reliés

aucomportementdecommunication?Quelssontlespré-requisévolutionnaires

quiontpermisl'apparitiondelacapacitédeparler?Commenteux-mêmessont-

ilsapparus?Indépendamment?Genétiquement?Culturellement?

Faceàladiversitédecesquestionssedresseunediversitéencoreplusgrande

de disciplines et de méthodes. Les linguistes, même s'ils continuent à fournir

desdonnéescrucialessurl'histoiredeslanguesainsique surlestendancesuni-

versellesde leurs structures, nesontplus lesacteurs principaux.La psycholo-

gie développementale, lapsychologie cognitiveet la neuropsychologiefont des

étudescomportementalesde l'acquisitiondulangageainsi quedestroublesdu

langage, souventrévélateursdes mécanismescognitifsqui sontimpliqués dans

le traitement dulangage. Les neurosciences,en particulier avec les dispositifs

d'imageriecérébralequipermettentdevisualiserquelleszonesducerveau sont

actives quand on eectue une tâche donnée, essaient de trouver les corrélats

neuronaux des comportementsde parole, pour en découvrir l'organisationcé-

rébrale. Des chercheurs étudient aussi laphysiologiede l'appareil vocal, pour

essayerdecomprendrelamanièredontnousproduisonsdessons.Laphysiolo-

gie del'oreille,capteuressentieldans lachaînededécodagedelaparole (c'est

lavisionquandils'agitdelanguedessignes),estaussiaucentredesrecherches.

(17)

panzés et de les comparer aux nôtres. D'une part, les généticiens séquencent

les génomes del'homme et des espèces qui sontsesancêtres potentiels quand

c'estpossiblepourpréciserleursliensphylogénétiques,etd'autrepartutilisent

lesinformations génétiquesdesdiérentspeuplesdelaplanète pouraideràla

reconstruction del'histoiredes langues,qui est souvent corréléeavecl'histoire

desgènesdeslocuteursqui lesparlent.

Lelangageimpliquedoncunemultitudedecomposantesquiinteragissentde

manièrecomplexesurplusieurséchellesdetempsenparallèle:l'échelleontogé-

nétique,quicaractériseledéveloppementdel'individu,l'échelleglosso-génétique

ouculturelle,quicaractérise l'évolutiondescultures,etl'échellegénétique, qui

caractérisel'évolutiondesespèces.Or,s'ilestfondamentald'étudierchacunede

ces composantes indépendamment, an deréduire lacomplexité duproblème,

il est aussi nécessaire d'en étudier les interactions. En eet, lessciences de la

complexité qui sont apparues au 20ème siècle, nous ont appris comment cer-

tainsphénomènesmacroscopiquesdanslanatureétaientlerésultatirréductible

de l'interaction locale de composants dont l'étude individuelle ne permet pas

derévélerlespropriétésglobalesdeleurensemble.Unexempleestlaconstruc-

tion des nids de fourmis: architectures fonctionnelles aux formes complexes,

(18)

tions, directement ou par le biais de petites modications de leur environne-

ment, que s'auto-organise la fourmilière. Ainsi, il est presque certain que de

nombreusespropriétésdulangagenesoientcodéesdansaucundescomposants

qu'il implique, mais soient des résultats auto-organisés de l'interaction de ces

composants.Orcesphénomènesd'auto-organisationsontsouventcompliquésà

comprendreouàprévoirintuitivement,etàformulerverbalement.

C'est pourquoi s'ajoute aux activités scientiques déjà citées plus haut,

et dans le cadre de la recherche sur les origines du langage, celle des cher-

cheursen intelligencearticielle,mathématicienset biologistesthéoriciens,qui

construisentdesmodèlesopérationnelsdecesinteractionsentrelescomposants

impliquésdanslelangage.Unmodèleopérationnelestunmodèlequidénitfor-

mellementl'ensembledesespré-suppositionsetsurtoutquipermet decalculer

sesconséquences, c'est-à-direde prouver qu'ilmène àun ensemble de conclu-

sionsdonnées.Ilexistedeuxgrandstypesdemodèlesopérationnels.Lepremier,

celuiutilisé parlesmathématicien et certainbiologistesthéoriciens, consisteà

abstraire duphénomène dulangage uncertain nombre de variables ainsi que

leursloisd'évolutionsouslaforme d'équationsmathématiques.Celaressemble

leplus souventàdessystèmes d'équationsdiérentielles couplées,et bénécie

ducadredelathéoriedessystèmesdynamiques.Lesecondtype,quipermet de

modéliserdesphénomènespluscomplexesquelepremier,estceluiutiliséparles

chercheursenintelligencearticielle:ilconsisteàconstruiredessystèmesarti-

cielsimplantésdansdesordinateursousurdesrobots.Cessystèmesarticiels

sont composés de programmes qui le plussouvent prennentla forme d'agents

articiels, dotés de cerveaux et de corps articiels. Ceux-ci sont alors mis en

interaction dansunenvironnementarticielouréel (dansle casderobots),et

onpeutétudierleurdynamique.

(19)

et générerdenouvellesthéories,qui souventapparaissentd'elles-mêmes quand

on essaietout simplementde construireun système articielqui reproduit les

comportementsdeparoledeshumains.Un certainnombrederésultatsdécisifs

ontdéjà étéobtenuet ontpermis d'ouvrirla voie àlarésolution de questions

jusquelàsansréponses: lagénérationdécentraliséedeconventionslexicaleset

sémantiques dans des communautés d'agents (Steels, 1997; Kaplan, 2001), la

formation de répertoirespartagés de voyellesou de syllabesdans des sociétés

d'agents,avec despropriétésde régularitésstructurelles qui ressemblentbeau-

coupàcellesdeslangueshumaines(deBoer,2001;Oudeyer,2001),laformation

destructuressyntaxiquesconventionnalisées(Batali,1998),lesconditionsdans

lesquelles lacompositionalitépeutêtresélectionnée (Kirby,1998).

Le travail que nous allons présenter dans cette thèse s'inscrit dans cette

même veine méthodologique de construction de systèmes articiels. Il va se

concentrer sur l'origine d'un aspect particulier du langage: lessons de la pa-

role. Lessons,commeon vale voirendétaildans lechapitresuivant,forment

uncodeconventionnelquifournit àchaquelangue unrépertoirede formesqui

permet devéhiculerdesinformations.Cecode,quiasapartieacoustiquemais

aussi articulatoire, organise les sons en catégories qui sont propres à chaque

(20)

(cesrèglesdesyntaxesonoresontaussilargementdesconventionsculturelles).

Ilest doncdigitalet compositionnel.Sansun telcode, qui peutêtre aussiim-

plémenté par lamodalité gestuellepourles langues dessignes,pas de formes,

doncpasdecontenu,etdoncpasdecommunicationlinguistique.Commentun

telcodea-t-ilpuapparaître?Enparticulier,commentlespremierscodesont-ils

puseformeravantqu'iln'yaitdecommunicationconventionnaliséedetypelin-

guistique,dontilssontdes pré-requis?Pourquoilescodessonoresdelaparole

humainesont-ilstelsqu'ilssont?Tellessontlesquestionsquimotiventletravail

de cette thèse. Elles sont en même temps très ambitieuses, car elles incluent

desaspectsnombreuxetcomplexes,individuelsetsociaux,ettrèsmodestespar

rapport auprogrammegénéraldes recherchessur l'originedulangageet l'évo-

lutiondeslangues.En eet,ellesneconcernentquel'origined'unpré-requisdu

langageparmibeaucoupd'autres(commelacapacitédeformerdesreprésenta-

tionssymboliquesoulacapacitépragmatiqued'inférerlesintentionsdesautres

aumoyend'indicescomportementaux).

Ilfautaussinoterdèsmaintenantquenousn'avonspasl'intentiondepropo-

serdesréponsesdirecteset dénitives.Cettethèse s'inscritplutôtdanslaphi-

losophieexploratoirequi motive laconstructiondessystèmes articiels. Ainsi,

nousallonsconstruireunesociétéd'agentsarticielsdotésdecapacitécérébrales,

vocales et perceptuellesbien dénies, inspirées de prèsmais aussiparfois plus

vaguementdeleurs contrepartieshumaines, et qui vanouspermettred'établir

desconditionssusantes àlaformationdecodesdelaparolesqui ressemblent

à ceux des humains. On montrera que ces conditions susantes sont intéres-

santes en comparantleur généricité et leur simplicité vis-à-vis des structures

qu'ellesgénèrent: lescodes deparole. C'est le phénomèned'auto-organisation

qui permet cette articulation entre des propriétés qualitativement diérentes

(21)

s'identientàdesaspectsprécisdumonderéel 1

,maisplutôtqu'ellessontutiles

pourpréciserlescontoursdel'espacedesexplicationspossiblesquiontdéjàété

proposées,voiremême d'en générerde nouveauxtypes.Ainsipourêtreprécis,

l'objectif de cettethèse n'estpasde proposerdesréponsesdirectes commeon

l'adéjà dit,mais plutôtdeparticiperàl'organisationdelaréexion théorique

qu'ellesimpliquent.C'estpourquoilecritèred'évaluationprincipaldecetravail

est de savoir quel impact il aura dans la réexion des chercheurs dans ce do-

maine.Pourrésumer,il nes'agirapasdelirecettethèse ensedemandantsice

qui estécritestvraioufaux, maissic'estutileoupas.

Lechapitre2 vaprésenter lamanièredont fonctionnelecodede laparole,

etpréciserlesquestionsquiseposentquantàsonorigine.Lechapitre3placera

les problématiques de l'origine de la parole dans le cadre général de l'origine

desformes enbiologie:nousexpliqueronslephénomène del'auto-organisation

ainsi que celui de la sélection naturelle, qui sont deux aspects de la création

desformesdumondevivant.Enparticulier,nousprésenteronsunearticulation

entre le concept d'auto-organisation et celui de sélection naturelle, qui nous

amèneraàdiscuterdelastructurequedoitavoirlesargumentationsconcernant

l'explication de l'origine des formes vivantes. Le chapitre 4 fera un parcours

1.Celaquiestd'ailleurslargementinfaisableaujourd'huidufaitdufaibleniveaudeconnais-

(22)

détaillédelalittératurepourmontrerquellessontlesréponsesqui ontdéjàété

proposées,et étaieralesgrandeslignesdel'approchequiseraaucentredecette

thèse. Le chapitre 5 détaillera la méthodologie que nous employons, à savoir

la constructionde systèmes articiels, ainsi que lesobjectifs et laphilosophie

scientique qui la motivent. Le chapitre 6 décrira formellement une première

versiondusystème articiel, et présentera sa dynamique,qui concernela for-

mationd'uncodedelaparoledigital,compositionnel,etpartagéparunesociété

d'agentsqui audépart neprononcent que desvocalisationsanalogiqueset in-

organisées,etnesuiventaucunerègled'interactionstructurée.Nousétudierons

en particulier le rôle que joue ou ne joue pas les contraintes morphologiques

de l'appareil vocal et perceptuel dans la formation des codes de laparole. Le

chapitre7présenteraunevariantedusystèmearticieldanslaquelle,contraire-

mentauchapitre6,nous nepré-supposeronsplusquelesagentssontcapables

dèsle départ de retrouverlescongurationsarticulatoires correspondantàun

sonqu'ilsentendent:cettecapacitéseraapprisegrâceàunearchitectureneurale

trèsgénérique.Nousutiliseronsaussiunmodèleduconduitvocalhumainpour

laproductiondevoyelles,quinouspermettradepréciserl'analogieentrelessys-

tèmes articiels et les systèmes humains: nous montrerons que lesrégularités

statistiquesqui caractérisentlessystèmesdevoyellesdessociétésd'agentsarti-

cielssonttrèssimilairesàcellesdessystèmesdevoyellesdeslangueshumaines.

Le chapitre 8 présentera une extension du système articiel duchapitre6, et

montreracommentdesrèglesdesyntaxesonore,c'estàdiredesrèglesphonotac-

tiques,peuventapparaître.Le chapitre9discuteralesrésultats obtenus, et en

particulierl'intérêtdespré-suppositionsdusystèmearticiel enmontrantque,

outrelefaitqu'ellessusentpourqu'uncodedelaparoles'auto-organise,leur

généricité permet d'imaginer que leurs analogueshumaines ont puapparaître

indépendammentdulangage,voiremême delafonctiondecommunication.Le

(23)
(24)
(25)

Le code de la parole

Lelangage,etdemanièreplusgénéralelacommunication,impliquelatrans-

mission d'informations entre desindividus. Celarequiert unsupportmatériel.

Le support le plus couramment utilisé par les humains est le son de la voix,

dontlacapacitédeproductionet laperceptionestcequ'onappellelaparole 1

.

D'autres exemples de supports sont les signes manuels (pour les langues des

signes)oul'écriture.Lessonsqueleshumainsutilisentpourparlersontorgani-

sésenuncode,lecodedelaparole,quifournitunrépertoiredeformesquisont

utilisées comme support physiquede l'information. Ce code est unpré-requis

pourles communicationslinguistiques. Sans formes, qu'ellessoient sonoresou

gestuelles,aucunmoyendetransféreruneinformationentreindividus.Lecode

de la parole est principalement conventionnel, comme on val'illustrer avec la

formidable diversitéquiexisteentreleslangues.Ilrèglelamanièredontlesvo-

calisations sont organisées(digitalement et compositionnellement), lamanière

dontlessonssontcatégorisés,et lamanièredontilspeuventêtrecombinés(en

dénissantdesrèglesdesyntaxesonores).Onvamaintenantdétaillerlamanière

1.Notonsqueletermeparole esticiréservéàlaformesonoreet articulatoireindépen-

(26)

dontnousproduisons etpercevonslessons,et l'organisationdececode.

2.1 Les instrumentsde la parole:le conduit vocal

et l'oreille

Nousdisposonspourparlerd'uninstrumentdemusiquecomplexe:leconduit

vocal.Celui-cis'organiseendeuxsous-systèmes(voirgure2.1):l'ungénèreune

ondesonore,lesecondlasculpte.Lepremiersystèmeestsub-glottal:l'ensemble

poumons/diaphragmepermet defairesouer del'airdans latrachée,qui fait

vibrerlelarynx.Lelarynxestunassemblagedecartilagesetdemuscles,quien

vibrantgénèreuneondesonore.Le songénéréestalors constituéd'unemulti-

tudedefréquences.Lesecondsystème,supra-laryngeal,estuntubequis'étend

dularynxjusqu'auboutdeslèvresetdunez,oùilsediviseendeux.Lesorganes

de laglotte, levelum, lalangue (corps et extrémité),et leslèvres permettent

de modier la forme dece tube, en particulier sa longueur et son volume. Ce

changement de forme a pour conséquence d'atténuer ou d'amplier certaines

fréquencesdusignalsonore.Ainsi,laproductiondusonparleconduitvocalest

similaireàlaproductiond'unsonavecuneûte:onsoueàuneextrémité,ce

qui en passantdans le siet, produit unson composé de multitudes de fré-

quences,etquel'onmodieenbouchantlestroussurledessusdel'instrument,

cequimodiesaforme.Ainsi,parlerrevientàfairebougerlesdiérentsorganes

duconduitvocal.

Pour percevoir les sons,nous disposons de l'oreille, et en particulier de la

cochlée(gure2.2).Lacochléeestl'appareilquinouspermetdefaireuncertain

nombre demesures sur le son. Parmi ces mesures, il ya ladécomposition du

son en fréquences, ou harmoniques. En eet, chaque son complexe peut être

(27)

Fig.2.1 Leconduitvocalestorganiséendeuxsous-systèmes:lesystèmesub-glottal

quiproduitunesource sonore,etlesystèmesupra-laryngeal,dont laformemodiable

permetdesculpter cetteondesonore.(adapté de(Goldstein,2003b)).

et une amplitudedonnée.C'est ce qu'onappelleladécomposition enséries de

Fourieren mathématiques. La cochlée réalise une approximationde cette dé-

compositiongrâceàlamembranebasilaire.Celle-ciestd'épaisseurcroissante,et

làoùelleestne, ellerépondmieuxauxhautesfréquences,alorsquelàoùelle

estépaisseetlourde,ellerépondplutôtauxstimulationsdebassefréquence,cor-

respondantmieuxàsespropriétésinertielles(gure2.3).Descellulesnerveuses,

lescellulesciliées,sontreliéesàcettemembranepourrecueillirl'informationde

stimulation.Cetteinformationremontealorsparunsystèmedebresjusqu'au

(28)

Fig. 2.2 La cochlée, organe de perception de la parole. Sa membrane basilaire

permet defaireunedécompositiondusonen sériedeFourier,c'est-à-dire decalculer

l'amplitudede sesharmoniques.(adapté de (EscudieretSchwartz, 2000)).

2.2 Comment notrecerveau joue des instruments

de la parole: le point de vue de la phonologie

articulatoire

Dequellemanièrelesorganesduconduitvocalcontrôlent-ilsleuxsonore?

Quellessontlesreprésentationsquenotrecerveauutilisepourproduireunson?

Comment le lien entre la production et la perception est-il géré? C'est àces

question que la théorie de la phonologie articulatoire répond (Browman and

Goldstein,1986).Nousadoptonsce pointdevuedanscette thèse.

Leconceptcentraldelaphonologiearticulatoireestlegeste(gesture).Un

geste, unité d'action, est la coordination d'un certain nombre d'organes (e.g.

la langue, les lèvres) pour eectuer une constriction du conduit vocal. Une

constriction est une obstruction du passage de l'onde sonore. C'est un rétré-

cissementdutubevocal. Parexemple,lesmotsbateau, paramètre,mètre

commencent tous par une fermeture des lèvres. Un geste est spécié non pas

(29)

Fig.2.3 La membrane basilaireréalisela décomposition du signalenses harmo-

niques: elle est d'épaisseur croissante, et là où elle est ne, elle répond mieux aux

hautesfréquences, alorsquelàoù elleest épaisseetlourde,ellerépondplutôtauxsti-

mulationsdebasse fréquence,correspondantmieuxàsespropriétésinertielles.(adapté

de (EscudieretScwartz, 2000)).

àatteindre déniparune relation entre organes.Parexemple, l'ouverturedes

lèvres est une variable de constrictionqui peut être contrôlée grâce au mou-

vementdetrois organes: lalèvre inférieure, lalèvre supérieure et lamâchoire

(chacun étant contrôlé parun ensemble de muscles). Un objectif articulatoire

(une constrictiondénie parune relationentre organes) peut êtreréaliséepar

plusieurscombinaisonsdemouvementsdesorganes.

Les variables de constriction, ou systèmes constricteurs, qui sont utilisées

pour spécier les gestes sont: la positions du larynx, du velum, du corps de

la langue,de l'extrémité de lalangue,des lèvres. Chacunede sesvariables de

constriction peut être contrôléeparle déplacement de plusieursorganeset de

beaucoup demusclesqui lesactivent. Lagure2.4schématiseles variablesde

(30)

Fig.2.4 Lesvariables deconstrictionsontutiliséespourspécier lesgestes. Cha-

cunedesesvariablespeut êtrecontrôléeparledéplacement deplusieursorganesetde

beaucoup demusclesquiles activent.(adapté de(Goldstein,2003b)).

Chaqueconstricteurpeutproduiredes gestesdontlaconstrictionvarie se-

londeuxdimensionscontinues:lelieuetlamanière.Parmileslieux,c'est-à-dire

l'endroitdu conduit vocal où estréalisé le rétrécissement,on peutciter: bila-

bial,dental,alvéolaire,palatal,vélaire,uvulaireouencorepharyngal.Lagure

2.5 donne d'autresexemples. Parmiles manières deréaliser le rétrécissement,

il existelesstops(e.g. [d]),lesfricatives(e.g. [z])ouencorelesapproximants

(e.g.[r]).Onditdesgestesqu'ilssontconsonantiquess'ilsprovoquentunrétré-

cissement étroitoutotal, et qu'ilssont vocaliques, c'est-à-direquece sontdes

voyelles,s'ilsprovoquentunrétrécissementpluslarge.

(31)

Fig. 2.5 Les lieux de constriction vont du larynx jusqu'aux lèvres. (adapté de

(Escusdier etScwartz,2000)).

Nosvocalisationssontainsilacombinaisonparallèleet temporelledeplusieurs

gestes.Cettecombinaisonpeutêtrereprésentéegrâceàune partitiongestuelle

(gesturalscore),àl'imagedespartitionsmusicales.Lesgestesdescinqsystèmes

constricteurs(velum,extrémitédelalangue,corps delalangue,lèvres, glotte)

sontreprésentéssurcinqlignesdiérentes.Lesboîtesreprésententlesintervalles

de temps durantlesquels les gestesde chaque constricteursontactifs dans le

conduit vocal. Les étiquettes sur les boîtes indiquent le lieu et la manière de

constriction.Lagure2.6donneunexempledepartition gestuelle.

Certainsphonologistesutilisentleconceptdephonèmepourdécrirelessons

dans les mots. Ils supposent que l'on peut segmenter les mots en séquences

d'unités, appelées segmentsphonologiques (maisceux-ci ne correspondentpas

forcément aux lettres du mot quand on l'écrit). Ces unités sont caractérisées

parlefaitqu'ellespermettentdediérencierdeuxmotscommebaretpar.Il

(32)

Fig. 2.6 Un exemple de partition gestuelle: le mot pan en anglais.(adapté de

(Goldstein,2003b)).

unphonème peutêtre vucomme unensemblede gestes(souvent unseul)qui

revient de manière systématique dans de nombreux mots avec un schéma de

coordinationrégulier.Lagure2.7donnel'exempledelacorrespondanceentre

lapartitiongestuelledumotpanenanglaisetdesatranscriptionenphonèmes.

Lathéoriedelaphonologiearticulatoireproposequelesgestesainsiqueleur

coordinationsontreprésentésdanslecerveauàlafoispourcontrôlerlaproduc-

tion maisaussi pour percevoirles sons.Toutd'abord,quand nousproduisons

delaparole,cesontlesgestesquisontspéciés. Descommandessontenvoyées

auxorganesanque ceuxciréalisentlesconstrictionscorrespondantes.Ainsi,

laproductiondelaparoles'organiseendeuxniveaux:leniveaudescommandes

qui dénissent lapartition gestuelle, et leniveau dela réalisation.Le premier

niveau estintrinsèquementdiscret(maispasforcémentdigitalcommenousal-

lons bientôt le voir). Le second niveau est intrinsèquement continu, puisqu'il

(33)

Fig.2.7 Lacorrespondanceentreladescriptiondumotpanentermesdepartition

gestuelleetentermesdephonèmes.(adapté de(Goldstein,2003b)).

à ellereliée de manièredéterministemais complexe àcette trajectoire.En ef-

fet,laphysiqueduconduitvocalfaitquedenombreusescongurationsvocales

produisentlemêmeson,ouencorecertainescongurationsprochesdupointde

vuearticulatoiresonttrèsdiérentesdupointdevueacoustique.Lespropriétés

électro-mécaniquesdelacochléecompliquentencorelaformedelafonctionqui

faitcorrespondreuneperceptionàunprogrammemoteur.

Enfait,lesgestessontlesreprésentationsdelaparolequipermettentderelier

la perception et la production. En eet, selon la théorie motrice de la parole

(Liberman et Mattingly, 1985), le cerveau des locuteurs d'une langue, pour

percevoirunson,reconstruitlescongurationsdeconstrictionsquiontproduit

ceson.Ainsi,lecerveauseraitcapabledetranscrirelesreprésentationsauditives

fournies par lacochléeen représentationsgestuelles; il serait aussicapable de

transcrire les représentations gestuelles en représentations musculaires (pour

(34)

Fig.2.8 Lecerveau manipuletroisreprésentationsdanslaperceptionetlaproduc-

tionde laparole: lareprésentation acoustique, lareprésentation musculaire etlare-

présentationgestuelle,quiestcellequiestutiliséepourcatégoriserlessons.Lecerveau

est capable de passer d'une représentation àl'autre selon la théorie de laphonologie

articulatoire.(adapté de (Goldstein,2003b)).

organisation.

2.3 L'organisation du code de la parole: univer-

saux

La comparaisondes partitions gestuelles qui forment les mots montre des

régularités frappantes à la fois à l'intérieur d'une même langue et entre les

langues.

2.3.1 Le code de la parole est digital et compositionnel

Les vocalisationscomplexes quenous produisons sontcodéesphonémique-

(35)

tèmes d'écriture,toutesleslangues humainesontunrépertoirede gesteset de

combinaisons degestes, les phonèmes, qui est petit par rapport au répertoire

de syllabes et dont les éléments sontsystématiquement ré-utilisés pour fabri-

quer ces syllabes.Dans les langues de labase de données

U P SID 451

(UCLA

PhonologicalSegmentInventoryDatabase)élaboréeinitialementparMaddieson

(Maddieson, 1984),et quicontient451langues,lamoyenneest d'unetrentaine

de segmentsphonologiquesparlangue.Plus précisément,22consonneset cinq

voyellessontles tailles les plus fréquentes, comme le montrent les gures 2.9

et 2.10.Ornouspouvonsproduire unnombreconsidérablede phonèmes: tout

d'abord, les gestes peuvent faire varier l'emplacement de leur constriction de

manièrecontinuedepuislelarynxjusqu'auxlèvres;ilspeuventaussifairevarier

continûmentlamanière(c'est-à-direlaformeetledegréderétrécissement).En-

suite, commelesphonèmes sontdescombinaisonsde gestes,ilest évidentque

les possibilités combinatoiressontimmenses.D'ailleurs, il est des exemplesde

langues comme le!xu (famille khoisan) qui utilisent 141 phonèmes! (mais ces

langues sont très rares).Les phonèmes de la base de données UPSID sontau

totalaunombrede920.

Ce phénomène de ré-utilisation systématiquene s'arrête paslà. Les gestes

(36)

Fig. 2.9 Distribution des tailles des répertoires de voyelles dans les langues de

UPSID.(adapté de(EscudieretSchwartz, 2000)).

d'expliquerquelelieuetlaplacedeconstrictionquispécientungestepeuvent

variercontinûment.Ordansunelangue donnée,parmi touslesgestes,seulun

petit nombre de lieux et de manièresapparaît et est ré-utilisé(en variant les

combinaisonsbiensûr)pourlesformer.Lesgestespourraientpourtantavoirun

lieud'articulationquiestparticulieràchacun,toutenétantré-utilisésdansde

nombreusessyllabes,maiscen'estpaslecas.Parexemple,pourchaquemanière

d'articulation,95pourcentdeslanguesn'utilisentque3lieux.Leslanguesde6,

7ou8lieux necorrespondentqu'à15pourcentdeslangues.Plusdeprécisions

sontdonnéessurlagure2.11.

Ainsi,dansl'espacecontinudesgestespossibles,laparolesculptedesbriques

de basequ'elle ré-utilisedemanièresystématique. Elle digitalisele continuum

gestueletphonémique.Laparole,déjàdiscrètedupointdevuedesonmodede

contrôlequiimpliquedescommandespourspécierdesobjectifsarticulatoires,

estenplusdigitale(c'est-à-direquelesobjectifsarticulatoirespossiblesdansune

langue sontennombreniet petit, alorsquephysiquementilspourraientêtre

(37)

Fig.2.10 Distributiondestaillesdesrépertoiresdeconsonnesdansleslanguesde

UPSID.(adaptéde (EscudieretSchwartz, 2000)).

aspectssontremarquables,lepremierétantladiscrétisationdel'espacecontinu

desgestes,lesecond étantledoubleniveauderé-utilisationsystématique:

leslieuxet manièressontré-utiliséspourformerlesgestes,

lesgestesetleurscombinaisonssontré-utiliséspourformerlessyllabes.

2.3.2 Lecodedelaparoleestunsystèmede catégorisation

partagé par tous les membres d'une communauté

linguistique

Uneautre propriété dela paroleest lasuivante: d'unpoint de vuephéno-

ménal,tousleslocuteursd'unemêmelangueperçoiventetcatégorisentlessons

delamêmemanière.Cettepropriétéestremarquablecarchaquelangue dière

surce point.

Toutd'abord,laperceptiondelaparoleestmarquée parune unitépsycho-

logique malgré sa grande variabilité. Diérents sons physiques associés à des

(38)

Fig. 2.11 Distribution des nombres de lieux et desmanières d'articulation dans

les languesd'UPSID: onvoit parexemple qu'alors quel'espace deslieuxpossibleest

trèsgrand,chaquelangue n'enutilisequetrèspeu,etdonclesré-utilisesystématique-

ment(carlenombrede phonèmes estplusgrand quece nombre delieux).(adapté de

(EscudieretScwartz,2000)).

pondreaumêmesonpsychologique,commele[d]dansidi,adaouudu.Les

sonssontdiérentscarlesgestesquispécientle[d]sesuperposentauxgestes

qui spécientles [i], [a] et [u]: lesbuts articulatoires entrent temporairement

en compétition et les organes doivent faire un compromis pour les satisfaire

au mieux.Le résultat est que les spécications des gestesne sont pasexacte-

mentremplies,mais sontmodiées.C'est lephénomènedeco-articulation,qui

expliquelavariabilitésonoreetmotricedessons.Laco-articulationestunphé-

(39)

parole. Cependant, même si le niveau des commandes est invariant, le niveau

de leurréalisationcomportedesvariabilitésqui sontgérées demanièreprécise

et particulièreàchaquelangue.Dansunelanguedonnée,tousleslocuteursdé-

cidentdelamême manièrequelssontlessonsqui sontdesvariantes dumême

phonèmeetquelssontceuxquisontdesvariantesdephonèmesdiérents.Cette

organisationdel'espacedessonsestculturellementspéciqueàchaquelangue.

Parexemple, les Japonais identient le [r] de read et le[l] de lead comme

étant desallophones,c'est-à-direqu'ils catégorisentces deuxsons dela même

manière,alorsquelesAnglaisontdeuxcatégoriesdistinctes.

Nonseulementles locuteursd'une mêmelangue partagentune manièrede

catégoriserlessonsquileurestspécique,maisilspartagentunemanièredeles

percevoir,dupoint de vuede la sensation,qui est diérente.Ceci est révélé

par l'eet perceptuel magnétique (Kuhl et al., 1992). Quand on demande à

dessujetsd'évaluerlasimilaritédedeuxphonèmes(suruneéchellede1à10),

etquecesphonèmesontunedistancedonnéeDdansunespacedemesuresphy-

siques(e.g.lespectred'amplitudes),ons'aperçoitquequandlesdeuxphonèmes

appartiennentàlamêmecatégorie,alorslasimilaritédonnéeparlessujets est

inférieure à celle qu'ilsévaluentpour deux phonèmes qui n'appartiennentpas

(40)

Fig. 2.12 (Kuhl et al., 1992) a demandé à des sujets d'évaluer entre 1 et 10 la

similaritéde couples deconsonnesqu'elleleurfaisaitentendre,etquiétaientdesva-

riationscontinuesentrele/r/etle/l/(lesconsonnesétaientsuiviesdelavoyelle/a/),

etdontlesvaleurssontreprésentéesparlesrondsurlagureduhaut.Ungroupeétait

composé de sujet américain, l'autre de sujets japonais. Ilest possible de déduire des

résultatsunereprésentationgraphiquequireprésentelamanièresubjectivedontilper-

çoivent chaque voyelle.Cette carte deleur perception subjectiveest représentée en B

pour les américainset enC pour les japonais. On voitque les américainsperçoivent

subjectivementdeuxcatégoriessonoresdans ce continuum,alorsqueles japonaisn'en

perçoiventqu'une.Deplus,auxalentours,de/r/etde/l/pourlesaméricains,lessons

sontsubjectivementencoreplussimilairesqu'ils nelesontles unsdesautresmesurés

dansun espace physique.(adapté de(Kuhletal.,1992)).

mesurephysique. Pourrésumer,les diérencesperceptuelles intra-catégorielles

sontdiminuées,etlesdiérencesinter-catégoriellessontaugmentées.C'estune

sortededéformation perceptuelle, ouencored'illusionacoustique(perceptual

warping),danslaquellelescentresdescatégoriesattirentperceptuellementles

élémentsdelacatégoriecommedesaimants.Ceteetestencoreunefoiscultu-

rellementspécique:lesdéformationsperceptuellessontparticulièresàchaque

(41)

Fig.2.13 Distributiondesconsonnesdans leslanguesdeUPSID.(adapté de(Es-

cudier etSchwartz,2000)).

2.3.3 Les régularités statistiques des répertoires de pho-

nèmes dans les langues humaines

Toutd'abord,l'étude statistiquedes langues montre des tendancesuniver-

selles qui caractérisent les répertoires de phonèmes et de gestes qui les com-

posent.Certainsphonèmessonttrèsfréquents,alorsqued'autressonttrèsrares:

87pourcentdeslanguesd'UPSIDcontiennentlesvoyelles[a],[i]et[u],alorsque

seulement5pourcentcontiennent[y],[oe]et[ui].Plusde90pourcentdeslangues

ont[t],[m]et [n]dansleurrépertoire,commelemontre letableaudelagure

2.13.Ilenestdemêmepourlesgestes,etenparticulierleslieuxetlesmanières

d'articulation:15pourcentdeslanguespossèdentlelieualvéodentaletbilabial,

alors que moins de 3 pourcentpossèdent leslieux rétroexeset uvulaires. De

même, 38 pourcentdes langues possèdentdes plosives,alors que 3.9pourcent

ontdesvibrantes.

Lesrégularitésnes'appliquentpasseulementauxphonèmesprisindividuelle-

ment,maisaussiàlastructuredesrépertoires.Celaveutdirequeparexemple,si

unsystèmecontientunevoyellepériphériquenon-labialiséed'unecertainehau-

(42)

labialiséedelamêmehauteur,commele[aw]dehawkenanglais.Laprésence

de certainsphonèmes est donc corrélée àlaprésence d'autresphonèmes. Cer-

tainssystèmesdevoyellessontaussitrèsfréquents,alorsqued'autresplusrares.

Lesystèmede5voyelles/[i],[e],[a],[o],[u]/estceluide28pourcentdeslangues

commel'indiquelagure2.3.3.

Ily aaussidesrégularitésquirégissentlamanièredontlesphonèmes sont

combinés.Dansunelanguedonnée,touteslesséquencesdephonèmesduréper-

toirenesontpasautorisées.Les locuteursontcetteconnaissance,et sion leur

demanded'inventerunmotnouveau,ilseracomposédeséquencesdephonèmes

non arbitraires(certainesne serontjamaisutilisées).Parexemple,en Anglais,

spink est unmotpossible,alors que npink ou ptink sontimpossibles. Là

encore, les règles qui régissent l'ordonnancement possible des phonèmes, qui

s'appellent laphonotactique, sont culturelleset particulières àchaquelangue.

EnBerbère,lesmotsprononcés[tgzmt]et[tkSmt]sontautorisés,alorsqu'ilsne

lesontpasenfrançais.Demanièregénérale,sionprend commecadrederéfé-

rencelasyllabe,quicomporteuncertainnombredeplaces,lesphonèmesd'une

langue ne peuvent apparaîtrequ'à certains endroits précis.Il y ades langues

commeleJaponaisoùlessyllabesnepeuventcomporterquedeuxphonèmes;les

consonnesnepeuventalorsapparaîtrequ'enpremièrepositionetlesvoyellesen

deuxièmeposition(onnotecessyllabesCV).Cesontparfoisaussilesgroupes,

ouclusters,dephonèmesquinepeuventprendrequecertainesplaces.

En outre, il y a des combinaisons de phonèmes qui sont statistiquement

préféréesauxautresdansleslangues dumonde. Toutesleslanguespermettent

d'utiliser des syllabes de types CV, alors que beaucoup n'autorisent pas de

clustersdeconsonnesendébutdesyllabes.Leslanguespréfèrentstatistiquement

lessyllabesde typeCV,puiscelles detypeCVC,puiscellesde typeCC,puis

(43)

langues humaines

Certainesdesrégularitésquenousavonsprésentéesdanslapartieprécédente

sont systématiques et communes à toutes les langues. C'est le cas de la ré-

utilisationdephonèmesetdegestes,ainsiqueleurdigitalisation;c'estaussile

cas delacatégorisationpartagée parleslocuteursdechaquelangue,ainsique

des phénomènes d'illusions acoustiques liées à la connaissance de son propre

répertoiredephonèmes.

Au contraire,lesrégularitésconcernantlesrépertoiresde gestesetde pho-

nèmes, ainsi quelespréférences phonotactiques,nesontquestatistiques. Cela

metenlumièreunaspecttoutaussifrappantdessystèmesdeparoledumonde:

leur diversité. Rappelons queles langues d'UPSID comportent177voyelleset

654consonnes(etencore,cetteclassicationregroupedesphonèmesquinesont

pasexactementlesmêmes).Alorsquelamoyenneestde5voyellesparlangues,

certainesenontplusde20;alorsquelamoyenneestde22consonnes,certaines

n'en ontque 6(e.g. le rotoka,langue indo-pacique)ou en ont95 (e.g. le!xu,

langue khoisan).Commeonl'avuplushaut,lamanièredecatégoriserlessons

varie aussi beaucoup: par exemple le chinois utilisent les tons, c'est-à-dire la

hauteur, pourdiérencier lessons, ce que l'oreilled'un locuteur françaisaura

(44)

2.5 Origine, formation et formes: trois questions

fondamentales

Dans les parties précédentes, nous avons décrit ce qu'était le code de la

paroleetquelétaitsonrôledansleslangueshumainescontemporaines.Lecode

delaparoleestainsiunattributfondamentaldeshommesmodernes.C'estune

structure, qu'on pourrait appeler aussi trait ou forme, dont l'origine est une

question fondamentale, et que la recherche sur les origines du langage essaie

d'expliqueraumêmetitrequelesbiologistesessaientd'expliquerl'origined'une

structuremorphologiquecommelesmainsoul'origined'unecapacitécommela

bipédie.

Lecodedelaparoleestunobjettrèscomplexe, etchercheràexpliquerson

origine impliquederépondreàplusieursquestions,quidépendentdupoint de

vue d'observation. Tout d'abord, on a vu que c'était un système convention-

nel,c'est-à-direqu'ils'apparentaitàunenormeforméelorsdel'interactiondes

individus aucours de leur vie. On conçoitassez bien, surtout depuis destra-

vauxcomme(Steels,1997;Kaplan,2000;deBoer,2001),commentune norme

linguistiquepeutêtreforméedansunsociétéd'agentsquivitdansunenviron-

nementdanslequelilexistedéjàunsystèmedecommunicationconventionalisé,

et donc dans lequel il existe déjà des normes comme des interactions rituali-

sées qui permettentde structurerlesinteractions dans lesjeux delangage. La

questiondesavoircommentlestoutespremièresnormesontétéétablies,quand

les interactions ritualisées n'existaient pas, et que donc aucun jeu de langage

n'était possible,est encoreinexplorée. Et elles'applique tout particulièrement

àlaformationdespremierscodesdelaparole.En eet,on avu quelescodes

de laparole 2

permettent defournirunrépertoiredeformesqui sert àvéhicu-

lerdesinformations danslecadre desinteractionsde communicationsconven-

(45)

linguiste):commentse fait-il quela parolesoit digitaleet sculptedes briques

de bases dans le continuum articulatoire et les ré-utilise systématiquement?

Comment se fait-il que les sons soient regroupés en catégories? Comment se

fait-il qu'il yait des préférences pour leslieux d'articulation, lesmanières,les

phonèmes qui composent les répertoires des langues du monde? Comment se

fait-ilqu'ilyaitdesrèglessyntactiquesquigouvernentlaformationdessyllabes?

Commentsefait-ilquecertainesrèglessoientpréféréesàd'autres?Commentse

fait-il qu'ilyaitenmêmetemps desrégularitésetdeladiversité?

3

Lepointdevueintérieur,correspondantàceluidelapsychologieetdesneu-

rosciencesposeluidesquestionparallèles:commentunlocuteurpeut-ilacquérir

unsystèmesonore?Quelssontlesmécanismessensori-moteursoucognitifsqu'il

utilise?Eneet,lesproblèmesqui luisontposéssontaprioridiciles:peut-il

apprendreàtranscrirelescommandesgestuellesencommandesmusculaires?à

transcrireuneperceptiond'unsonenlapartitiongestuellequil'agénéré?Cela

doit-ilêtrenécessairementinné?Eneet,mêmes'ilpeutparveniràapprendreà

transcrireune trajectoiresonoreen trajectoirearticulatoire,séquencecontinue

de constrictions, comment peut-il savoirquels sont les objectifs articulatoires

3.Encequiconcernelespropriétésparticulièresducodedelaparole,nousenresteronsàces

questions généralesetnen'essayeronspas des'attaquer àleursinstanciationsparticulières:

par exemple, les questions qui nous intéressent sont plutôt du type pourquoi y-a-t-ildes

préférencesstatistiquespourcertainsphonèmes?plutôtquepourquoileslanguespréfèrent-

(46)

quisontlespointsclésdecestrajectoires?Commentlerépertoiredegesteest-il

appris?Commentsefait-il quenouspercevionslessonsdemanièresubjective,

avecdesillusionsacoustiques?

La question de l'origine du premier code conventionalisé de la parole, la

question de la forme générale de ce code dans les langues contemporaines, et

laquestion desmécanismes ontogénétiques d'acquisitionde ce code sont d'or-

dinairetraitéespardescommunautésdechercheursassezindépendantes,et ne

sontpasabordéesdefrontenmême temps.C'est pourtantce quenousferons,

mais dans le cadre modeste du système articiel que nous allons construire:

l'une des choses que nous essaieronsde montrer est d'ailleurs que la prise en

comptesimultanéedecesproblématiquespeutsefairedemanièreraisonnéeet

fournirdes théories pas si complexes qui les éclairent d'une lumière originale.

C'estenessayantdenepastropisoler lesquestionsdansunpremiertemps,en

gardantune vision systémiqueet complexe du phénomène dela parole, qu'on

essaiera de montrer qu'alors la complexité de ces problématiquess'en trouve

réduite 4

.

Lesquestions quel'onsepose surl'origineet laforme ducodedelaparole

sontlesanaloguesdesquestionsquelesbiologistesseposentengénéralsurl'ori-

ginedesformes,traitsoustructuresdesorganismesvivants.Ilestfondamental

deles considérerdansuncadre généraldel'originedesformes danslanature.

Celapermetdepréciserquelssontlestypesderéponsesquisontnécessairesainsi

quelespiègesqu'ilfautéviter.C'estpourquoiavantdecontinueràdétaillerles

problématiquesdel'originedu code delaparole et de développerdes théories

précises,nousallonsprendreunpeudereculetrééchirsurlesmécanismesqui

sont àl'originedes formes dansla nature en général.Le prochainchapitreva

ainsiprésenter lephénomène del'auto-organisation,qui caractérise uncertain

4.Garderuncertainniveaudecomplexitédesproblématiquesau niveauglobal conduira

évidemmentàlaréduireauniveaulocal;nousdiscuteronsdanslechapitre5desavantageset

(47)
(48)

Fig.2.14Distributiondes systèmesde voyellesdans les languesd'UPSID.Le tri-

anglereprésentedeuxdimensionsquicaractérisent lesvoyelles:lepremierformantet

lesecondformant(lesformantssontlesfréquencespourlesquellesilyaunpicdansle

spectre depuissance du signal,c'est-à-dire làoù les harmoniques ont desamplitudes

(49)

Auto-organisation et

évolution

3.1 L'auto-organisation

Lanature estpleine deformeset demotifs fascinantsd'organisation,et en

particulierdanssapartieinorganique.Lasilhouettedesmontagnesestlamême

quel'onregardeàl'échelledurocher,dupicoudelachaîne.Lesdunesdesable

s'alignentsouvent en longues bandes parallèles. L'eau se cristallise en ocons

symétriques et dentelés quand la température s'y prête. Et quand elle coule

dans les rivières et tombe descascades, apparaissent destourbillons en forme

detrompetteset lesbulles serassemblentenstructureparfoispolyhédrale.Les

éclairs dessinentdans le cieldes ramications àl'allure végétale. L'alternance

de gel et dedégel sur lessolspierreuxdela toundralaissedes empreintes po-

lygonalessur lesol.Laliste deces formesrivalise decomplexité avecbien des

artefacts humains, comme on peut l'apprécier sur la gure 3.1. Et pourtant

(50)

le concepteur aveugle de (Dawkins, 1982). Elles ont des propriétés organisa-

tionnelles globales qui ne sont pas présentes au niveau local: la forme d'une

molécule d'eau, ainsi que ses propriétés physico-chimiquesindividuelles n'ont

rienà voiraveccelles des cristauxdeglace, destourbillons, ouencoredespo-

lyèdres de bulles. Les empreintes polygonales de la toundra ne correspondent

pas àla formedes pierres qui lescomposent,et ont une organisation spatiale

très diérente del'organisationtemporelledugel et dudégel.Voila lamarque

del'auto-organisation,propriétéquicaractérise lessystèmes danslesquelsilse

développeàunniveauglobal desformesoudespatterns organisés,et dontles

propriétéssontqualitativementdiérentesdecellesdesentitésquicaractérisent

lesystèmeàunniveaulocal.L'auto-organisationn'estpasunmécanismecomme

cela est souventavancé dans lalittérature, c'est une propriété, aumême titre

quela croissanced'un enfantest une propriété. C'est unconceptfondamental

delasciencemodernequi caractérisetouteunevariétédesystèmesnaturels,et

dontles mécanismescréateurs de formes nesontpas forcément desinstancia-

tionsdelasélectionnaturelle(les mécanismesimpliquésdanslaformationdes

structuresinorganiquesparexemple).Iln'existe certainementpasdeprincipes

universels qui permettent de relier rigoureusementtous les systèmes qui sont

auto-organisés,mais cependantuncertain nombre decomposantes reviennent

assezsouvent:brisuredesymétrie,compétitionentredesforces,bouclesderen-

forcementpositive,présenced'attracteursdesystèmesdynamiques,uxd'éner-

gie dans les structures dissipatives,non-linéarités et bifurcations, bruit. Nous

allons détailler deux exemples classiques de systèmes qui ont cette propriété

d'auto-organisation.

Le premierexempleest laformationdescellulesdeBénard. Cephénomène

sepassequandunenecouchedeliquideestplacéesurlefondplatd'unepoêle.

(51)

Fig. 3.1 La nature est pleine de formes et de motifs organisés sans qu'il y ait

quelquepartdeplansquiaientserviàlesconstruire:onditqu'ilssontauto-organisés.

Ici, des bandes parallèles qui courent surles dunes, des bulles d'eau à lasurface du

liquidequ'onaagité,etlesstructurespolyhédrales quirestentquand ellessèchent, un

cristal de glace, des montagnes dont les formes sont les mêmes qu'on les regarde à

l'échelledurocher ouàl'échelledu pic.

aucunedesesparticulesnebouge.Lespropriétésdusystèmesonthomogènes,la

températureest lamêmepartout.Lesystèmeestsymétriqueàl'échellemacro-

scopique.Simaintenantonchauedoucementlapoêleparledessous,lachaleur

(52)

C'est-à-direqu'iln'yapasdedéplacementmacroscopiqueduuide,maisplutôt

une augmentation de l'agitationthermique des particules qui, de voisinage en

voisinage,sepropagejusqu'àlasurface,plusfroide.Lescouchesdeliquides de

températuresdiérentesacquièrentdesdensitésetdoncdespoidsdiérents,qui

sousl'eetdelagravitéfait qu'ilyaune forcequi pousselescouchesduhaut

(plusfroides)verslebasetlescouchesdubas(pluschaudes)verslehaut.Cette

forcedépenddeladiérencedetempératureentrelebasetlehautduliquide.

Elle esten compétition aveclaviscositéduliquide,qui elleest unobstacleau

mouvement du uide. C'est pourquoi quand la diérence de température est

faible,leliquidenebougepasetc'estlaconductionthermiquequi alieu.Mais

si elle dépasse un seuil critique, alors le uide semet soudainement àbouger

au niveaumacroscopique,avec l'apparitionde courantsde convection. Ce qui

estintéressantest quecescourantsnesontpasaléatoires,maiss'organisenten

structures très particulières, qui brisent la symétrie du liquide sans pour au-

tantlafairedisparaîtretotalement,etdontlesdimensionscaractéristiquessont

de plusieurs ordres de grandeur supérieure à celle des forces qui s'appliquent

auniveaumoléculaire. D'abord,juste au-dessusde latempératurecritique,se

forment des bandes parallèles de forme carrée (voir gure 3.2). Deux bandes

voisinesopèrentunmouvementde rotationduliquideen sensinverse l'une de

l'autre. La symétrie a été brisée de manière minimale: alors qu'il adeux di-

mensions planes, le système reste symétrique selon celle qui est parallèle aux

bandes.Silatempératureaugmenteencore,alorsseformentdesbandesdansla

direction perpendiculaireauxpremièresbandes quisesontformées.Leliquide

estalorsorganiséencellulescarréesdeconvection.Si latempératureaugmente

encore, alors ce sont des formes polygonales qui apparaissent, et qui peuvent

parfois paverle plan de manière régulière avec des hexagones.Les gures3.3

et 3.4 représentent ces diérents états. Si la température devient très élevée,

(53)

Fig. 3.2 Si on chaue une petite couche de liquide dans une poële, alors à par-

tir d'une certaine diérence de température entre le haut et le bas, des courants de

convectionorganisésenbandesparallèless'auto-organisent.

alorscespatternsrégulierssetransformententurbulenceschaotiques.Sionar-

rête de chauer leliquide demanière àobtenirune diérence de température

nulle entre le haut et le bas, alors lespatterns de convection disparaissentet

leliquideretourne danssonétatd'équilibreoùlatempératureestuniformeet

oùil n'yapasdedéplacementmacroscopiquedesmolécules.C'est unexemple

de système danslequel laformationde patternsrequiert qu'ilsoit poussé loin

desonéquilibreparunux continud'énergiequirentreetqui sort(l'agitation

thermique ici). On appelle ces systèmes des systèmes dissipatifs. Cependant,

l'auto-organisation ne concernepas seulement les systèmes loin de l'équilibre,

maispeutaussijustementavoirlieuquandunsystèmeévolueverssonéquilibre.

Unautreexempledesystèmenaturelqui alapropriétéd'auto-organisation

est celuidesplaquesdefer. C'estunassemblaged'atomes quisontchacundes

sortesd'aimantsmicroscopiques.Chacun desesatomespeut avoirdeuxorien-

tationsmagnétiquespossibles,notées-1ou+1.L'étatdechaqueatomedépend

et évolueen fonctionde deux paramètres:l'état de sesvoisins,dont il tendà

(54)

Fig. 3.3 Représentation des patterns de convection dans les liquides de Bénard

quand onélèvelatempérature: d'aborddesbandesparallèlesseforment, puisce sont

descellulescarrées, etapparaissentpourdes températures plusélevéesdes polygones.

Sila température devient encore plusélevée,alors les patterns réguliers sedissolvent

dansun uxde turbulences.

aléatoirementd'autantplussouventqu'elleest élevée(et doncquin'intervient

passi elleest nulle). Toutd'abord,le comportementd'un morceau defer, ar-

rangementmacroscopiquedeces atomes,est intéressantquand latempérature

est nulle.En eet,quel quesoit l'étatde départde chacundesatomes, lesys-

tèmes'auto-organise de telle manièrequ'au bout d'un certaintemps, tousles

atomes ont pris lemême état,qui peut être +1 ou -1.C'est-à-dire quemême

si chaqueatome est initialementdans unétataléatoire, seformeune sorte de

(55)

Fig. 3.4 Il existe une température pour laquelle les cellules de Bénard pavent le

plan avecdeshexagonesréguliers.

la même orientation. Les deux états d'équilibre, c'est àdire tout le monde à

+1 ou tout le monde à -1, sont appelés les attracteurs du système dyna-

mique forméparl'ensemble desatomes.Si lamise àjour dechaqueatome est

faite de manière asynchroneet aléatoire, ce qui est une bonne approximation

de la réalité, alors onne peut pas prédirequel sera l'état d'équilibre qui sera

atteint:celui-cidépenddel'histoiredechaquesystème.Lecasleplusincertain

est quand initialementlesneuronessontdansun étataléatoire,faisantqu'ily

aautantdeneuronesdansl'état+1quedansl'état-1.C'estunétatmacrosco-

piquementsymétriquepuisqu'aucunedirectionn'estprivilégiée.Cetétatinitial

estunéquilibrepuisquestatistiquementautantd'atomessetransformentde+1

en -1quede-1en+1, mais c'estunéquilibre instable.En eet, lamise àjour

aléatoiredesétatsdesneuronesvaprovoquerdesuctuationsquivontfaireque

la proportion d'un état par rapport à l'autre va varier autour de 1. Or, plus

il y a par exemple de +1, plus les atomes qui ont cet état ont de chance de

convertir lesautresdans lemême étatqu'eux. Cela peut faireboule deneige:

c'est ce qui s'appelle une boucle de renforcement ou de rétro-actionpositive.

(56)

états est doncampliée parune boucle de rétro-actionpositive. C'est comme

çaqu'uneorientationmagnétiqueestalorschoisiepartouslesatomes,etma-

gnétiselemorceaudeferauniveaumacroscopique.Lasymétrieestalorsbrisée.

Si maintenantla température n'est pasnulle, et qu'elle modie aléatoirement

l'état desatomes d'autantplus souvent qu'elle est grande, alorsil existetrois

casdegures.Toutd'abord,sielleestfaible,alorssoneetnefaitqueralentir

la convergence du morceau de fer versl'état où tous les atomes partagent la

même orientationmagnétique. Si elleesttrès grande aucontraire,elledevient

lemécanisme prépondérantparrapportaux forcesd'interactions magnétiques

localesentre lesatomes.Alorsplusaucun ordren'apparaît et l'étatde chaque

atome évolue aléatoirement au cours du temps. Le morceau de fer est déma-

gnétisé. Plus intéressante estune situation intermédiaire, correspondantàune

zonedetempératuretrèsétroite:il apparaîtdanslemorceaudeferdegrandes

régions auxformes complexes mais bien dénies, composées d'atomes qui ont

à l'intérieur de chacunemajoritairement les mêmes états. C'est un état entre

l'ordreetledésordre,quicorrespondàlacomplexitéaubordduchaossouvent

mentionnée danslalittératuredevulgarisation.En faisantvarier leparamètre

de température, on fait apparaître le phénomène de transition de phase: de

l'étatcomplètementordonné,onpasseaprès unseuil critiqueàunétatdefor-

més de patterns complexes, puis rapidement àun état de désordre total. Les

gures3.5 et 3.6 fontune représentationde ces transitions dephasesdans un

modèlebidimensionneldeplaquesferromagnétiques.

Ces deux exemples de systèmes auto-organisés ont un certain nombre de

points communs que l'on retrouvera dans le système articiel construit dans

cette thèse: ils sont tous les deux caractérisés initialement par une symétrie

macroscopiquequi est ensuite brisée; néanmoins l'état nal auto-organiséest

(57)

Fig.3.5 Représentation des étatsdes atomesdans unmodèle de structure ferro-

magnétique bidimensionnelle. Lespointssontblancsounoirs selonquel'atomequ'ils

représententsontdansl'état+1ou-1.Lecarrédegauchereprésenteuneconguration

typique obtenueàpartird'unecongurationinitialealéatoirequandlatempératureest

faible(lesatomessontpresque tous danslemêmeétat);lecarréde droitereprésente

une congurationtypique quand latempérature est élevée (les atomessont dans des

états aléatoires); lecarré centralreprésente une conguration typique dans une zone

de température intermédiaire (les atomes formentdes zones aux formes complexes à

l'intérieur desquellesilssonttousdans lemêmeétat).

ganisé; onpeut prédirequalitatitativementlaformeglobalede cetétat nal,

mais pasquantitativementcar celui-cidépend de l'histoiredusystème soumis

àdesuctuationsaléatoires;ilyacompétitionentredesforcesquipoussentle

système dans des directions opposées; le système a unparamètre de contrôle

dont la valeurdétermine plusieurs typesde comportements ou phases, et la

variation continue et linéaire de ce paramètre est accompagnée de transitions

(58)

Fig.3.6 Représentationdelamagnétisationd'unmodèlebidimensionnelferroma-

gnétique, après relaxation à partir d'un état aléatoire, et en fonction de la tempéra-

ture.Quandcelle-ci estfaible,lemorceau demétals'auto-organise ettousses atomes

adoptentlamêmeorientationmagnétique.Deuxorientationssontpossibles,correspon-

dantàdeuxmagnétisations opposées commeonlevoitsurlagure.Quandlatempé-

ratureestélevée,alorsl'étatnalestaussicomposéd'atomesdansdesétatsaléatoires,

etdoncglobalementiln'yapasplusd'atomesdansune directionquedans l'autre: le

morceaude fern'estpasmagnétisé.Entre les étatsmagnétisés etnon-magnétisés,on

voitque latransitionest rapideetnon-linéaire.Cediagrammeest aussiunemanière

dereprésenter lephénomènedebifurcationautraversdelafourche.

3.2 L'articulation entre l'auto-organisation et la

sélection naturelle

Lesexemplesdelapartieprécédenteontétévolontairementchoisisparmiles

systèmes inorganiquespourmontrer quelapropriété d'auto-organisationpeut

caractériserdessystèmesdontlesmécanismesn'ontrienàvoiravecceluidela

sélection naturelle.Cependant,l'auto-organisations'applique de la même ma-

nièreauxsystèmesvivants.C'estd'ailleursunconceptquiestlargementutilisé

dans plusieurschamps dela biologie. Ilest en particulier central aux théories

qui expliquent les facultés des sociétés d'insectes à construiredes nids ou des

ruches, à chasser en groupe ou explorer de manière décentralisée et ecace

(59)

il s'agit d'expliquer laprésence d'une structure, d'une forme ou d'un pattern

dans unorganisme. Quelestdoncl'articulation entre lathéoriedelasélection

naturelle etl'auto-organisation?

Certainschercheursontproposél'idée quel'auto-organisationremettaiten

questionlerôlecentraldelasélectionnaturelledansl'explicationdel'évolution

des organismes vivants. (Waldrop, 1990) explique: les systèmes dynamiques

complexespeuventparfoispasserspontanémentd'unétatdedésordreàunétat

d'ordre;est-ceuneforcemotricedel'évolution?...Avonsnousmanquéquelque

choseàproposdel'évolution-unprincipecléqui acontrôléledéveloppement

delaviedemanièrediérente delasélectionnaturelle,desdérivesgénétiques,

et de tousles autres mécanismesque les biologistes ont invoqué au cours des

années?...Oui!Etl'élémentmanquant...estl'auto-organisationspontanée:la

tendance qu'ontlessystèmes dynamiquescomplexesàseplacerdansdesétats

ordonnéssansqu'ilsoitbesoind'aucunepressiondesélection.

Cependant, plutôt que de voir l'auto-organisation comme un concept qui

minimiselerôledelasélectionnaturelleenproposantdesmécanismescréateurs

deformesconcurrents,ilestplusexactdelevoircommed'unepartcorrespon-

dantàunniveau d'explicationunpeudiérentetsurtoutd'autrepartcomme

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