FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1900-1901 N° 46
DE LA KÉRAT0DER1HIE
PAIJ1AIRE ET PLANTAIRE SYMÉTRIQUE
CONGÉNITALE ET HÉRÉDITAIRE
THESE POUR LE DOCTORAT EN
MÉDECINE
Présentée et soutenue publiquement le 15 février 1901
\
PAR
Pierre-André GrUÉLAIN
ANCIEN EXTERNE DES HOPITAUX
Né à Aubeterre (Charente) le 30 décembre 1874.
j MM. PICOT, professeur Président.
DUBREUILH, agrégé.
Examinateurs de la Thèse: )I Professeur )
RONDOT, agrégé IJuges
{ DUBREUILH,agrégé )
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
G. GOUNOUILHOU, IMPRIMEUR DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE
II, RUE GUIRAUDE, II
igOI
FACULTÉ
DEMÉDECINE ET
DEPHARMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES. Doyen honoraire.
PROFESSEURS:
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MOUSSOUS Professeurs honoraires.
Cliniqueinterne . . .
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Cliniqueexterne. . Pathologieetthérapeu¬
tique générales. . .
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LeSecrétairede laFaculté: LEMA1RE.
Par délibération du 5 août1879, la faculté a arrêté que les opinions émises dans Thèses qui lui sont présentées doivent être considérées commepropresà leursauteurs, qu'ellen'entendleurdonnerniapprobationniimprobation.
A LA MEMOIRE DE MON PERE
A MA MERE
Pour tous tes sacrifices.
Pour tonamour.
A MON FRERE
M. E. RULLIER
ARCHITECTE OFFICIER DACADÉMIE
Pour ses bons conseils.
A M. DAGUERRE
PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA CHARENTE
Respectueux hommage de reconnaissance.
A M. LE Dr W. DUBREUÎLH
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE MÉDECIN DES HOPITAUX
A MON PRÉSIDENT DE THÈSE
M. LE PROFESSEUR PICOT
PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER D'ACADÉMIE
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S'il est une douce tradition à la Faculté de médecine, c'est
assurément celle qui consiste à remercier, avant
de franchir
le seuil qui nous sépare de la vie où on
lutte, les professeurs
dévoués et les maîtres distingués qui ont bien voulu guider
nos pas dans nos études médicales.
Que M. le professeur agrégé W. Dubreuilh, qui a
bien
voulu nous donner le sujet de notre thèse et dans le service duquelnous avons passéune année de notre externat, reçoive
icil'expression de notre profonde reconnaissance; nous n'ou¬
blierons pas les conseils éclairés de ce modeste et savant maître; le souvenir de ses leçons, de ses causeries, laissera
dans notre esprit une profonde impression.
M. le professeur Picot a été pour nous un maître affectueux
et dévoué; nous le remercions de son zèle à nous enseigner
la clinique, au lit du malade, comme à l'amphithéâtre; nous
nous souviendrons que notre premier devoir, auprès du malade, estde chercher à le soulager et à le consoler; si nous pouvons acquérir ces deux qualités dans notre carrière médi¬
cale, son enseignement et ses conseils, comme son exemple, n'y auront pas été étrangers; nous le remercions aussi du grand honneur qu'il nous fait en voulant bien accepter la présidence de notrethèse.
Que MM. Boursier, Rondot et Piéchaud reçoivent nos meilleurs remerciements, pour la bienveillance qu'ils n'ont
cessé de nous témoigner pendant notre séjour dans leurs
services,
Nous n'oublierons pas M. le Dr Frèche, qui nous a toujours
GÉNÉRALITÉS
L'épaississement de la couche
cornée de l'épiderme de la
peau des mains et de la plante des
pieds
estle
typed'une
affection cutanée, qui n'est qu'un symptôme, qui ne corres¬
pond à aucune caractéristique anatomique et
qui forme les
kératodermies palmaires etplantaires.
L'augmentation d'épaisseur de la couche cornée est due,
soit à une plus grande production de la couche superficielle
de l'épiderme, ou à une moins grande facilité à l'usure ou à la desquamation. Quand il y a hyperkératose réelle et apparente,
celle-ci n'est que le résultat d'une activité exagérée des parties
vivantes de l'épiderme, de la couche génératrice et de la cou¬
che épineuse. Nous prendrons donc le mot d'hyperkératose
dans son sens clinique d'épaississement de la couche cornée.
Certaines régions du corps sont plus particulièrement le siège de cette production exagérée de kératose : les pieds et
les mains seront frappés par cette maladie; bien que les
lésions soient symétriques, il est inutile d'invoquer une influencenerveusequelconque,car ces régions sont toutespré¬
disposées,parsuite de leur situation à l'extrêmepériphérie,par leurs fonctions et les influences extérieures, à subir des modi¬
ficationsdans leur structure anatomique. La plupart des der¬
matoses ontune tendance hyperkératosique aux extrémités, à
la face dorsale, mais mieux encore sur la face palmaire ou
plantaire; le lupus, au lieu d'amincir l'épiderme à ces endroits, le rend papillomateux, hyperkératosique; l'eczéma
sec, le pityriasis rubra pilaire s'accompagnent partout d'une production exagérée de tissu corné; mais, tandis que partout
— 12 -
ailleurs la desquamation est abondante, ici, au contraire, la
substance cornée s'accumule et donne naissance à des kérato- dermies.
De là découle la fréquence de ces byperkératoses palmaires
et plantaires; elles peuvent être la conséquence de maladies
très diverses, et il est difficile d'en faire une classification.
Beaucoup des observations publiées échappent à toute classi¬
fication, telles que celles de Bœgehold, Hallopeau, et il est même souvent impossible d'en faire un diagnostic exact,
comme dans un cas de Morris, à plus forte raison de leur donner une dénomination précise.
M. Besnier distingue quatre espèces de kératodermies : 1° La kératodermie symétrique des extrémités, congénitale
et héréditaire;
2° La kératodermie commune symétrique des extrémités, qui se développe dans la seconde enfance, érythémateuse, irritable, s'aggravant en hiver;
3° La kératodermie des extrémités en foyers, qui se déve¬
loppe en îlots isolés et multiples à la paume des mains et des pieds, en dehors de toute proportion avec le degré des pres¬
sions; unedes variétés les plus remarquables a pour foyer les
orifices sudoraux distendus par des amas cornés à feuillets
concentriques;
4° La kératodermie essentielle des extrémités, qui arrive à
tout âge, sous l'influence des pressions répétées, et qui ne se confond pas avec les callosités proprement dites. Elle est
toujours curable.
Malgré cette classification, qui est assez compliquée, cer¬
tains cas de kératodermies n'ont pas pu être classés; c'est
ainsi qu'Azua, Neuburger et Brooke ont publié des cas qui ne
se rapportent à aucun de ces types.
Pour M. Tommasoli, les affections
épidermiques
des extré¬mités forment deux groupes, suivant qu'il s'agisse d'une
localisation particulière d'une dermatose généralisée, ou qu'il s'agisse d'une localisation exclusive d'une maladie générale inconnue,
M. Dubreuilh comprend dans les kératodermiesproprement
dites celles où l'hyperkératose palmaire et plantaire constitue
toute lamaladie; ce groupe comprend:
1° La kératodermie palmaire et plantaire symétrique congé¬
nitale et héréditaire;
2° La kératodermie symétrique acquise des adultes; 3° L'érythème kératosique;
4° La kératodermie arsenicale.
C'est de la kératodermie palmaire et plantaire symétrique congénitale et héréditaire que nous allons nous occuper spé¬
cialement.
ÉTIOLOGIE
ET ANATOMIEPATHOLOGIQUE
Le caractère héréditaire de cette maladie est le trait domi¬
nant de son étiologie, et c'est en même temps tout ce que
nous en savons. Dans le cas de Bennet, on trouve à la pre¬
mière génération un malade; à la seconde, cinq malades et
deux sains; à la cinquième, douze malades et douze sains.
Dans l'observation de Crocker, sur trois générations on trouve neuf malades et six individus sains; dans celle de Pendred, treize individus atteints et vingt-deux indemnessur cinq générations. Dans celle de Thost, à la
première
géné¬ration, un malade; à la seconde, six malades, un sain; à la troisième, huit malades, sept sains; à la quatrième,
trois
malades, dix sains. Dans la plupart des cas, l'hérédité estindifféremment paternelle ou maternelle; dans l'observation
deLesser, les hommes seuls sont atteints; Pendred et Ballan- tyne ont observé que les femmes seules sont atteintes. Géné¬
ralement, cette transmission est directe, c'est-à-dire qu'elle
ne saute pas une génération: elle passe des parents aux enfants; dans le cas que nous avons observé, une seule
branche de la famille Broq...est atteinte. La plusgrande partie
des enfants qui naissent des individus malades sont
aussi
malades, mais ceux qui naissent indemnes ne procréent quedes enfants sains. Cependant, il y a des exceptions, et
c'est
ainsi que, dans l'observation deBallantyne, de même que dans
le groupe de faits observésparEhlers etNeumann dans
l'île de
Méléda (Dalmatie), les individus atteints ont des enfants
sains
et des petits-enfants malades.
Besnier et Balzer ont montré que la couche cornée était
infiltrée d'éléidine dans une grande épaisseur; Thosta pris un
fragment depeau à l'endroit de transition de la peau normale
et de la peau pathologique : il a remarqué une courbe d'énor¬
mes cellules épidermiques très développées; les papilles sont minces, très allongées, atteignentune longueur quatre ou cinq
fois plus considérable qu'à l'état normal; la limite dermo- épidermique forme une ligne ondulée en forme de scie. Le nombre de tous les éléments constitutifs de la peau est aug¬
menté considérablement, tels que papilles, cellules épider¬
miques et glandes sudoripares. La situation de ces éléments par rapport les uns aux autres n'estpas modifiée. Il y a encore
une hypertrophie des glomérules sudoripares qui les fait
ressembler à ceux de l'aisselle et qui forme une couche continue à la face profonde du derme.
SYMPT0M1T0L0G1E
Le début de l'affectionest décrit de la même façon parThost
etUnna; il se faitd'abordune zone rouge bleuâtre à la limite
des surfaces palmaire et dorsale de la main, plantaire etdor¬
sale dupied, puis la maladie gagne peu à peu versle milieu
de la paume ou de la plante, et l'hyperkératose s'établit. Dans
un cas observé par Jacobi, la maladie s'est montrée d'emblée
par de l'hyperkératose, mais on trouvait cependant une trace
de ce liséré violacé; il est probable que le premier stade
décrit par Unna s'était passé in utero.
Dans toutes les observations de kératodermies qui ont été publiées, c'est dans la première enfance que cette maladie
débute généralement; dans le cas de Jacobi,
la maladie était
complètement constituée à deux ans et demi, et seulementà
quatorze ans, dans le cas de Thost. Dans les cas de Bennet et d'Alpar, la maladie a débuté par des bulles, à l'âge
d'un mois,
puis les parties sont devenues squameuses et l'hyperkératoses'est établie.
Lorsque la maladieest constituée,elle esttoujours la même,
dans toutes les observations. Une carapace cornée occupe la
face palmaire des mains et la face plantaire des pieds :
c'est
une lame cornée, d'un jaune ambré, se desquamant peu; on
y observe souvent des crevasses ou des fissures qui lui don¬
nent l'aspect d'un dallage, et qui sont assez
douloureuses
lorsque le malade marche trop. L'épaisseur de cettecouche
varie avec la propreté ou les soins de
l'individu; elle est,
en général, de 4 à 8 millimètres. Puis, aux éminencesthénar
et hypothénar,onobserve degrosdurillons,volumineux, quelque-
— 18 —
fois coupés par les plis de flexion qui y semblent creusés. Ces
lésions existent donc toujours aux paumes et aux plantes des
individus qui sont atteints de kératodermie; mais il y a des
variantes dans chacun des cas, touchant à l'intensité des lésions, à leur aggravation saisonnière, à leur siège.
La face dorsale des mains est rarement le siège d'hyperké-
ratose ; cependant, Bassaget a observé un malade dont la face
dorsale des mains présentait une altération kératosique cir¬
conscrite. On trouve, dit-il, symétriquement, une petite callo¬
sité, peu épaisse, allongée transversalement et du diamètre
d'unepièce de 20 centimes, au niveau de latête des deuxième
et troisième métacarpiens. Aux doigts, la face dorsale des phalanges ne présente rien de particulier. Les doigts-offrent
des déformations surles faces latérales, qui sont irrégulières,
avec des callosités assez épaisses, allongées obliquement dans
le sens antéro-postérieur, et situées au niveau des articula¬
tionsphalangiennes. Les callosités sont situées, assez symétri¬
quement, dans chaque main, surles faces latérales des doigts,
surtout à l'annulaire et au médius; la face dorsale des pha- langines et phalangettes est envahie; sur les phalangettes, la
lésion forme, à chacune d'elles, comme une sorte de doigtier,
à base triangulaire, dont le sommet regarderait l'ongle.
Neumann a observé un homme, malade depuis sa plus
tendreenfance, ainsi que son père, qui présentait, enoutre des
lésions des paumesetdes plantes, de l'hyperkératosesur la face
dorsale des doigts, qui s'étendait jusqu'à la limite métacarpo- phalangienne, séparée par une ligne très nette, ondulée, de la
peau saine du dos de la main; les ongles étaientaussiatteints, décolorés, déformés et déchaussés. Unna a vu une jeune
femme qui présentait au niveau des articulations phalan¬
giennes une couche hyperkératosique qui entourait tout le doigt comme une bngue.
L'hyperkératose n'atteint pas toujours la même intensité
aux pieds et aux mains; c'est ainsi que le malade de Heuss
était bien moins atteint aux pieds qu'aux mains; il avait été frappé dans son enfance par cette maladie, comme d'ailleurs
son père, son grand-père, son oncle l'avaient été; mais sa
sœur ni sa fille n'ont rien. A la limite de l'hyperkératose, il
y a une bordure assez large aux pieds, moins accusée aux
mains; la couche cornée des paumes est sèche, opaque, dure, grise, portant nettement l'impression des crêtes papillaires, découpée en mosaïque par des fissures nombreuses et pro¬
fondes; en hiver, la maladie s'aggrave. Unna a observé un homme d'un certain âge qui avait de la kératodermie depuis longtemps aux pieds, et qui ne présentait absolument rien
aux mains. Dans notre observation de la famille Broq..., les
lésionssontplus importantes aux pieds qu'aux mains; certains
membres de la famille n'ont même aucune trace d'hyper-
kératose aux mains.
Les saisons semblent influencer le développement de l'hy¬
perkératose. Azuaen a observé un cas éclatant. Aux premiers froids, dit-il, le malade ressentune espèce d'engourdissement,
et la sensibilité devient plus obtuse auxpieds, aux mains, aux oreilles et au nez. La couleur de ces organes est d'un rouge violacé, etles mouvements de la main et du pied deviennent embarrassés, sans aucune douleur vive ni fixe dans aucun endroit. Cet état diminue par le séjour dans une maison
chaude. Si le froid intense persiste, des altérationsd'un nou¬
veau genre se produisent: les couches cornées de la peau des régions atteintes deviennent plus épaisses; les ongles de la
main et du pied sont envahis, deviennent opaques et courbes
et tombent au printemps. Les doigts sont à demi fléchis, séparés, et leurs extrémités inclinées vers la paume; cette position est due à la rétraction produite parla couche kérato- sique qui envahit la main etles faces palmaires des doigts. La
kératodermie occupe toute la paume des mains jusque près
du pli du poignet et s'arrête sur les bords; sur les doigts, elle
envahit la face palmaire,et, en arrivant àmoitié de la seconde phalange des quatre derniers, et de la première du pouce, elle montesur la facedorsale, ets'étend jusqu'à l'ongle, qu'elle englobe, formant une espèce de dé à chaque doigt. Les ongles
sont entièrement unis à l'enveloppe des doigts: le bord a dis-
paru, de même quela striation longitudinale; ils ont la forme
de griffe. Le nez et les oreilles sont les régions cutanées
malades les moins envahies ; quand l'attaque commence, ces tissus deviennent durs et congelés, prennent un aspectviolacé,
et se couvrent de squames assez fines que l'on peut enlever
facilement. Son fils, âgé de deux ans et demi, commence à
avoir la même affection au nez et aux oreilles. Le malade de
Grocker, dont les paumes sont couvertes d'une couche cornée transparente, subit, tous les automnes, une desquamation totale, aux mains comme aux pieds, puis l'épiderme corné
se reforme; toute sa famille est atteinte de la même façon : il
y a cinq générations de malades.
Certains malades ont des sueurs abondantes au niveau de
l'hyperkératose, comme ceux qui ont été observés par Heuss, Jacobi, Neumann, Thost, etnous-même; d'autresnesuentpas du tout, et enfin l'hyperhidrose existe quelquefois aux mains seulement, ou aux pieds, comme dansle cas de Jacobi.
La maladiepeut s'étendre et gagnerles parties voisines des
paumes et des plantes, ou même s'observer sur une autre partie du corps, comme le nez et les oreilles (Azua). Neu¬
mann a observé unejeune femme atteinte depuis son enfance;
l'affection dépasse le poignetet se termine par une ligne nette
au quart inférieur de l'avant-bras; elle présente aussi des plaques cornées sur les coudes et les genoux. Le frère de
cettefemme a les deux faces des poignets malades.
Lorsque l'épaisseur de la couche cornée devient trop impor¬
tante, on peutobserver des malformations du membre atteint:
c'est ainsi que dans le cas de Jacobi, et le nôtre, les orteils du
malade étaient raccourcis et fléchis; il expliquait ce phéno¬
mène par la rétraction de la semelle cornée. Dans le cas que
nous avons observé chez Mrae Cou..., le pied était crispé,
e*
les orteils étaient dans une flexion complète.
La limite entre la plaque kératosique palmaire ou surtout
plantaire et la peau saine est souvent marquée par une bor¬
dure érythémateuse, qui est une simple conséquence du frois¬
sement de la peau saine parle bord de la plaque cornée; dans
le cas d'Azua, où la kératodermie récidivait tous les hivers, chaque poussée était précédée par
de la
cyanosedes
extré¬mités.
Une fois établie, la maladie dure indéfiniment.
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î: '
I- I
m
P Ê
OBSERVATIONS
Fonte..., le grand-père (malade)
Mme Broq... Maria Mrae Blan..
(malade) (indemne) (indemne)
Marie-Louise Broq... Edmond Broq... Adrien Broq... MmeCou...
Garçon Fille
(malade) (malade) (malade) (malade)
(indemnes)
Paul B... JosephCou...
(malade)
I
Fonte..., legrand-père,avait del'hyperkératose
des pieds et quelques
lésionsdesmains, mais celles-là très légères. Chez aucun de ses ascen¬
dants ou collatéraux, on ne trouvait de lésion analogue. Ces
rensei¬
gnements sont fournis par la femme Broq..., sa
fille, qui
afort bien
connu son père et sesdeux tantes, et qui esttrès
affirmative.
II
Mme Broq..., soixante-sept ans, est atteinte
d'hyperkératose depuis
sonenfance; elle est très vieille pourson âge, et toute
la
peauprésente
uneichlhyosesénile très accusée.
Pied droit. — Un placard corné, large de 5
centimètres,
occupeexactement la face inférieure du talon, sans remonter du tout sur les
faces latérales etpostérieure, ni mêmesur lebord externe
de la plante,
danslapartie où elleesten contactavecle sol.
Ce placard est formé
parune masse cornée, épaisse de3 à4 millimètres, jaune,crevassée irrégu- gulièrement et desquamant par grosses écailles, ce qui lui donne une surface très inégale.
Sous la tête du premier métatarsien est un durillon large comme une
pièce de cinquante centimes, arrondi et saillant; sous la tête du cin¬
quième métatarsien est un large durillon de 3 centimètres, débordant
surle bord externedu pied, et faisant là un ergot saillant. Sur le bord interne de la pulpe du premier orteil est un petit durillon allongé. Un autre, enfin,sous le bord libre de l'ongle du quatrième orteil.
L'ongleducinquièmeorteilestatteintd'onychogryphosetrès accusée; il pousse vertiaalement sous forme d'unecolonne de 5 à 6 millimètres de large etde 10à12 millimètres de hauteur; hyperkératose squameusesur tout le pourtour de l'ongle. Les ongles de tous les autres orteils sont
crochus, fortement incurvés suivant leur longueur, mais sont normaux comme épaisseuret comme structure. La peau des autres parties dela plante etdu pied est fortementsquameuse, mais sans hyperkératose. Si le malade fait tomber ces squames au moyen d'un bain, la peau sous-
jacenteestpeudouloureuse.
Pied gauche. — A la face inférieure du talon, on trouve un placard
corné très inégal, parce qu'il s'est desquaméen grande partie par blocs cubiques; les parties qui ont persistésontjaunes et sontépaisses de 3 à 4 millimètres. Sous la tête des premier, troisième, cinquième métatar¬
siens, ainsi que sur le bord interne du grosorteil, il existe des durillons
saillants, bien limités, de 2 à 3 centimètres de largeur. Il faut noter aussi que l'épiderme qui entoure l'ongle des quatrième et cinquième
orteilsestépais et écailleux. Les ongles des trois premiers orteils sont
crochus, ceux des deux derniers sont onychogryphosiques; la malade souffrebeaucoup lorsqu'elle essaie de marcher.
Main gauche. — Toute lamain est déformée par la cicatrice d'une ancienne brûlure, notamment le pouce et l'index. La paume, en grande partie cicatricielle, estcouverte de masses cornées, irrégulières, assez
épaisses. Il y a des durillons à l'extrémité de la pulpe des quatre pre¬
miers doigts.
Main droite.— Deux durillons saillants sous la tête du quatrième métacarpien,et à la face palmaire de l'index, au niveau du pli de la premièrearticulation,inlerphalangienne. La face dorsale des mains ainsi queles ongles sont normaux.
Depuis bien des années, la malade est très amaigrie et très faible;
elle nemarche pluset ne fait aucun travail manuel.
III
Marie-LouiseB..., trente ans, sansprofession.
Pied gauche.—La face plantaire du talon est occupée par une
semelle cornée compacte,ayant la couleur jauneet lademi-transparence
de l'ambre; elle est exactement limitée à la surface de contact avec le
sol, épaisse de près de 1 centimètre, sans fissures ni crevasses, si ce
n'est quelques fissures parallèles à la surface dans sapartie antérieure;
cette semelle cornée seraitprobablementplus épaisse sila malade nela coupait pas de temps en temps avec un couteau; elle fait une saillie abrupte en arrièreet sur les côtés, un talusincliné en avant.
Sous latête du cinquième métatarsien, un gros durillon de 2 centi¬
mètres sur 3, jaune d'ambre, saillant, bien limité par une gouttière
étroiteet profonde qui lasépared'un talus hyperkératosique plus souple, lequel se confond en dehors avec l'épiderme normal. Sous la tête du
premier métatarsien, setrouve ungrosdurillon,de 3centimètres sur 4,
s'amincissant graduellementenavant,refouléen arrière, où il formeun repli corné surplombant, épais de4 à 5 millimètres. D'autres durillons
sontsitués sur le bord interne de la première articulation métatarso- plialangienne, et à la faceplantaire du premier orteil.
Les ongles des orteils sontnormaux.
En dehors des placards cornés ci-dessusdécrits, la peaude la plante,
et notammentcelle de la voûte,estremarquablement fineetsouple.
Pied droit. —On ytrouve unesérie de placards cornés identiques à
ceux du pied gauche. Ils sontseulement un peu moins épaiset un peu plusétendus. Ainsi, on remarque une longue bande cornée, saillante,
sur le bord interne du pied, au niveau de lapremière articulation méta- tarso-phalangienne, et une plaque hyperkératosique peu épaisse couvre l'avant-pied, entre les durillonsdes bords interneet externe.
Ily a un peu d'hyperhidrose des pieds, maiselleest modérée etne se
montrequ'en été.
Il n'ya pas de bordure érythémateuse autour des placards cornés.
Les lésions ne sont pas douloureuses, si ce n'est en été, quand la sueur
«faitpourrir» les masses cornées.
Quand la malade alespiedstrès propres, tous cesdurillonset couches
cornées ontune bellecouleur ambrée.
Les mains ne présentent pas de durillons; l'épiderme est seulement quadrillé de crevasses noires, superficielles, reproduisant l'aspect si caractéristique de la «main decuisinière ».
— 26 —
IV
Edmond B..., trente-deux ans, commissionnaire. Au pied gauche,
leslésions occupentle talon, la tête du second et du cinquième méta¬
tarsien, la têtede la première phalange du gros orteil; l'extrémité de la pulpedes deuxièmeettroisième orteils. Tout le talon est occupé parune carapace cornée qui occupe toute la face inférieure et remonte sur les faces postérieure et interne à 2 ou 3 centimètres, c'est-à-dire un peu
au delà de la limite de l'épiderme plantaire. Dans toute cette région, la couche cornée offre une épaisseurde plusieurs millimètres, et sur le bord interne du talon elle atteint environ 5 millimètres, bien qu'elle
soit diminuéeparceque le malade la coupe régulièrement. Ce placard
corné est assez bien limité, car il s'incline en talus vers les parties
saines et présente une légère bordure érythémateuse vers sa partie
interne. Cette couche cornéeest généralement compacte, homogène, de couleur jaune, demi-transparente, ressemblant à de l'ambre. Dans la
plus grande partie de sa surface, il n'ya ni crevasses, ni desquamation;
cependant, à la partie externe de la surface plantaire du talon, il y a un peu de tendance à la desquamation enlamelles, etsurle bord interne,
où l'épaisseurest à son maximum, la coucheest crevassée par des fis¬
sures verticales, irrégulières, profondes. En été, cette partie-là macère,
se pourrit,et devientdouloureuse, fétide.
Le malade accuse de la douleur à la pression au niveau de ces cre¬
vasses; la nuit, il a des élancementsqui l'empêchent de dormir.
Sous la tête du cinquième métatarsien, il y a un placard de 3 centi¬
mètres sur 2, ovalaire, saillant, formé par une plaque cornée, épaisse de
2 ou 3 millimètres, bien limitée, compacte, jaune, demi-transparente;
une gouttière étroite etabrupte la limite sur son demi-cercle interne,
et lasépare d'une crête hyperkératosique, laquelle se confond extérieu¬
rementavec l'épiderme normal.
Sous la tête du deuxième métatarsien, nouveau durillon ovalaire, saillant, épaisde 3 ou 4 millimètres, bien limité,en dehors parun talus abrupte, en dedans par un étroit sillon de 1 millimètre, et une crête cornée de même largeur, formée aussi de matière jaune, compacte, fissurée un peu dans son milieu.
Sous lepremier orteil, une plaque de corne, dure, jaune,limitée par
un bord saillant,au niveau du pli de flexion plantaire, s'atténuant vers la peau saine, en avant.
Les ongles sont normaux,saufun peu d'hyperkératose sous-unguéale
des deuxièmeet troisième orteils.
Dans tous les intervalles de ces placardscornés, lapeaude la plante
des pieds est tout àfait normale, voire mêmeremarquablement fineet souple.
Un peud'hyperhidrose plantaire.
Pied droit. — La surface plantaire du talon et tout son pourtour, jusqu'à la limite de l'épidermeplantaire, est occupée par une carapace
cornée àbords dégradés sur ses limites,jaune, compacte etdemi-trans¬
parente, atteignant une épaisseur de 4 à 5 millimètres, et qui serait
bien plus considérable si le malade ne la coupait pas tous lesquinze
jours environ. Il nous montre, en effet, des copeaux de 2 millimètres
d'épaisseur, enlevés au couteau. Cette carapace est compacte, sans excavation, nicrevasses, saufau milieu, où elle est crevassée irréguliè¬
rement.
Sous la tête du premier métatarsien, il y a une plaque ovalaire,
jaune, de 4 centimètres sur 3, s'amincissant vers la peau saine, en avant, et formantun bourrelet volumineux à sapartie postérieure; sur le bord interne du gros orteil, un large durillon ovalaire, de 25 milli¬
mètres sur15, faisantune saillie de 4 à 5 millimètres.
Sous la tête du cinquième métatarsien, un durillon à peu près
analogue au précédent. Un peu en dehors de la tête de ce cinquième
métatarsien, on trouve encore un autredurillon, plus petit, séparé du précédentpar une bande de 3 à 4millimètres de peau saine.
Un gros corsur la face dorsale du deuxième orteil, à la première
articulation inter-phalangienne; un petit durillonà l'extrémité dugros orteil.
L'ongledugrosorteil estsoulevépar unecouche d'hyperkératosed'un
demi-centimètre d'épaisseur, adhérant à la fois à la lame et au lit, et
présente en même temps une courbure transversale exagérée.
Le restede la peau esttrèsfineetmince.
Mains. — Ala maingauche, on trouve une série de durillons dont
les uns sont permanents,les autres se produisent sous l'influence du
moindre travail pénible, et disparaissentpar le repos.
Parmi lespremiers, on observe un durillon rond, large de 1 centi¬
mètre, épais de 2 millimètres environ, siégeantsur la face palmaire, au
niveau de l'interstice, entre les deuxième et troisièmemétacarpiens, à
égale distance de l'espaceinterdigital etde l'éminence thénar.
Sur la face palmaire de l'index, une bande hyperkératosique, comme
unlong durillon, s'étend de la première à la troisième phalange avec
unelargeur de 5 à 10 millimètres, et une épaisseur de 2 à 3 millimè¬
tres, avec uneentailleprofonde auniveau des plis deflexion.
Uneautre bande hyperkératosique, plus longue et plus large, plus
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épaisse aussi, mais interrompue, s'étend sur toute la face palmaire du médius, depuisla paume inclusivementjusqu'à la pulpe exclusivement.
On rencontre à la pulpe du pouce et de l'index des durillons mal
limités; il y a uncertain épaississementde la pulpe sur le bord radial de tous lesdoigls, au niveau de l'angleantérieur de l'ongle.
Çà etlà, quelques durillons professionnels, moins développés, mais qui, par suite d'un travail pénible, occupent une grande partie de la paume de la main. Actuellement, en dehors des durillons ci-dessus décrits, la peau de la paume est minceet souple.
A la main droite, on ne note que quelques durillons, développés mécaniquement,et de peu d'importance. On y trouve les traces d'une poussée récente d'eczéma vésiculeux, qui atteint l'extrémité des trois derniersdoigts, et a amené une déformation considérable des ongles.
20janvier.— La déformation unguéale a complètement disparu aujourd'hui (trois mois après l'observation).
V
Paul B..., quatreans etdemi, fils de Marie-Louise B... La peaude la plante des piedsestsouple. Les onglessont normaux à tous les orteils,
saufau cinquièmeorteil droit et gauche, où ils sontonychogryphotiques
et trèsépaissis. La plante des pieds ressemble à la «main des cuisi¬
nières».
Les mains sont normales, etne présentent aucun épaississement; la peauest très fine.
VI
Adrien B..., vingt-trois ans, miroitier, atteint depuis l'âge desix ans.
Pied gauche. — Ony voitun large placard corné, mesurant6 centi¬
mètres sous le talon, mais débordant de 4 centimètres sur le bord interne du pied, et également sur le bord externe, crevassé seulement
sur les bords. La couche cornée est épaisse de 3 millimètres environ; un sillonprofond la sépareen arrière et sur les côtés de la peau saine
du pied; sous le pied, cette couche cornée secontinue insensiblement
avec la peau de la plante.
A la tête du premiermétatarsien, un durillon de forme ovalaire, fort épais, sans crevasses ni fissures, et nettement séparé de la peau saine
dupied par un talus d'un côté, etse confondantpar sonautre côté avec la peau de laplante.