FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1901-1902 NI» |4
LICHEN PLAN
PALMAIRE ET PLANTAIRE
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
Présentéeet soutenue publiquement
le 22 Novembre 1901
PAR
jEugène-Benjamin-Pierre LE STRAT
Né àRosporden (Finistère), le 23 février 1879
Élève du Service de Santé de la Marine
Examinateursde laThèse
MM. ARNOZAN professeur.... Président LAYET professeur—
j
DUBREU1LH agrégé }Juges.
MONGOUR agrégé .)
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les
diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPPiIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 1901
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
IMtOI'llSSI.UIt*
MM. MIGE DUPUY MOUSSOUS.
Professeurs honoraires.
MM.
PICOT.
Clinique interne ^ PITRES Physique médicale...
Chimie
.
, \ DEMONS. Histoire naturelle ...
Clinique externe
j
LANEL0NGUE. PharmaciePathologie et théra- Matière médicale....
peutique générales. VERGELY. Médecine expérimen-
Thérapeutique ARNOZAN. taie
Médecine opératoire. MASSE. Clinique ophtalmolo-
Clinique d'accouché- gique
ments LEFOUR. Clinique des maladies
Anatomie pathologi- .. chirurgicalesdes en-
que COYNE. fants
Anatomie CANN1EU Clinique gynécologique Anatomie générale et Clinique médicale des histologie V1AULT. maladies des enfants Physiologie JOLYET. Chimie biologique...
Hygiène LAYET. Physiquepharmaceu-
Médecine légale MORACHE. tique
A&llÉCiÛS UN U :
section dk médecine(Pathologie interneetMédecine
MM. SABRAZÈS. | MM. MONGOUR.
LE DANTEC. | CABANNES.
HOBBS.
MM.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GIJÏËLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS FERRÉ.
BADAL.
PIECHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS DENIGÈS.
SIGALAS.
légale.)
section de chirurgie et accouchements (MM.CHAVANNAZ.
Pathologie
externe]
BRAQUEHAYE BÉGOUIN.Accouchements.»MM FIEUX.
ANDERODIAS.
Anatomie.
section dessciences anatomiques et physioi.ogiques
1MM. GENTES. | Physiologie MM. PACHOiN
CAYALIE. Histoire naturelle. BEI LUE.
section dessciences physiques
Chimie MM. BENECH. | Pharmacie M. DUPOUY.
«O l fit S CMliaoLÛMUflTAIItKIM :
Clinique des maladies cutanées etsyphilitiques MM. DUBREUILH.
Clinique des maladies des voies urinaires Maladies du larynx, des oreilles etdunez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements
Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologie etMinéralogie Pathologie exotique
Le Secrétairede la Faculté:
POUSSON.
MOURE.
REGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
FIEUX.
PACHON.
PRINCETEAU LAGRANGE.
CARLES.
LE DANTEC.
LEMA1RE.
Pardélibération du 5 août 1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les Thèsesqui lui sontprésentées doivent être considérées comme propres à leursauteurs, qu'elle n'entend leur donner ni approbation ni improbation.
A LA
MÉMOIRE DE MA MÈRE
ET DE
MON BEAU-FRÈRE
A
MON PÈRE
Faibletémoignage
d'amour filial
fit, de urofondereconnaissance.
AUX
PERSONNES QUI ME SONT OBÈRES
A mes MaîtresdelaMarineet de laFaculté
A mes Camarades de la Marine et des Colonies
A
MONSIEUR LE DOCTEUR W. DUBRÉUILH
PROFESSEUR AGRÉGÉ ET
CHARGÉ DU COURS COMPLÉMENTAIRE
DES MALADIES DE LA PEAU A LA
FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
MÉDECIN DES HOPITAUX
OFFICIER DE L'INSTRUCTION
PUBLIQUE
*
1 wk
.
';i
■
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR ARNOZAN
PROFESSEUR DETHÉRAPEUTIQUEA LA FACULTÉDE MÉDECINEDE BORDEAUX MÉDECIN DES HOPITAUX
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
INTRODUCTION
Au cours de notre
stage hospitalier à. la Clinique dos mala¬
dies vénériennes et
cutanées, VI. le Prol'. agrégé William
Duhreuilh
attirait notre attention
surles manifestations pal¬
maires et
plantaires du lichen plan chronique, et nous con¬
seillait de consacrer
notre thèse inaugurale à l'étude de ces
lésions
hyperkératosiques, dont le diagnostic différentiel,
toujours difficile, prête souvent à la discussion.
Pour
répondre à
cedésir, nous nous sommes empressé de
réunir les
quelques observations publiées dans les annales
dermatologiques de Londres et de Paris. Nous les avons soi¬
gneusement étudiées, nous les avons rigoureusement discu¬
tées; puis
nous noussommes permis d'ébaucher une descrip¬
tion et d'établir le
diagnostic différentiel des kératodermies
symptomatiques du lichen plan chronique.
Dans l'élaboration
de notre thèse, M. le Prof. W. Duhreuilh
abien voulu mettre cà notre
disposition
sesobservations per¬
sonnelles sur le lichen
plan palmaire, ses travaux sur les
kératodermies
symptomatiques des extrémités. Nous lui
devons ce que
notre travail peut présenter d'intéressant. Aussi
nous sommes heureuxde
pouvoir le remercier ici pour l'ex¬
trême bienveillance
qu'il
nous atoujours témoignée, et poul¬
ies bons conseils
qu'il
nous asi largement prodigués.
Que M. le
Directeur du Service de Santé de la Marine
Bourru veuille bien recevoir
l'hommage de notre respec¬
tueuse
gratitude
pourl'intérêt dont il nous a toujours honoré.
A M. le Prof. Arnozan,
qui
nousfait l'honneur d'accepter
la
présidence de notre thèse inaugurale, nous adressons le
témoignage de notre reconnaissance la plus profonde, de nos
remerciements les
plus sincères.
Bordeaux,
novembre 1901.
DIVISION
DU SUJETNous avons divisé notre thèse en
cinq chapitres
:Dans le
premier,
nous donneronsun courtaperçudes
kéra- todermiespalmaires
etplantaires,
et de la difficulté de leurdiagnostic.
Dansle
second,
nousrapporterons
lesquelques observations publiées
dans les annalesdermatologiques de
Londres et deParis,
et nous yjoindrons
les observations encore inédites queM.
le Prof,agrégé W. Dubreuilh
a bien voulu nous com¬muniquer
.Dans les derniers
chapitres enfin,
nous donnerons la des¬cription des
lésionspalmaires
etplantaires
du lichenplan
; nous endiscuterons
lediagnostic, trop
souventdifficile,
etnous en
indiquerons brièvement
le traitement habituel.CHAPITRE PREMIER
APERÇU GÉNÉRAL
Parmi les affections
qui peuvent atteindre la
paumedes
mains en
s'accompagnant d'altérations de l'épiderme corné, d'hyperkératose, de desquamation, de rhagades, les syphili-
des ont été les
premières
connues.Il
enest résulté
quebeau¬
coup
de médecins
ontattribué à la syphilis
presquetoutes les éruptions sèches de la
paumedes mains,
sousle
nomtrès
malheureux de
psoriasis palmaire, à
caused'une analogie très superficielle d'aspect.
«Le psoriasis palmaire et plantaire,
a ditRicord,
c'est lediagnostic de vérole écrit dans la main
ousous le
pied du malade.
»Cependant il existe
uneinfinie variété dans
ceséruptions palmaires, puisque la plupart des dermatoses sèches peuvent
atteindre cette
région et s'y manifester
avecdes caractères plus
oumoins différents.Lorsque
ceslocalisations palmaires
coïncidentavec une
éruption généralisée,
onn'a le plus
sou¬vent aucune
peine à reconnaître leur nature
;mais il n'en est plus
de mêmequand elles sont isolées. Aussi le
groupedes kératodermies palmaires et plantaires est-il l'un des chapitres
les
plus difficiles
de ladermatologie.
Ona
distingué'successivement la trieophytie, le psoriasis vrai, l'eczéma,
etc., dans leurs localisationspalmaires; et
1on peut
généralement les
reconnaîtredans leurs manifesta¬
tions isolées. Pour ce
qui est du lichen plan, les observations
démonstratives
sont encore peunombreuses
:et le diagnostic
de lichen
plan chronique des
paumeset des plantes paraît
avoir été rarement fait.
Dans l'étude de cette
maladie,
on rencontre dès lepremier
abord une difficulté toute
particulière
:elle
est due à ce que l'arsenic forme la base dutraitementclassique du lichen plan.
Or l'arsenic détermine des
hyperkératoses des
paumeset des plantes qui ont
uneréelle analogie
avecle lichen plan de
cesrégions et qui ont été certainement
confondues avec lui enplusieurs occasions.
Le cas le
plus simple et le plus facile
est évidemment celui où les lésionspalmaires
coïncident avec uneéruption géné¬
ralisée; et
dans
un certain nombre d'observations de lichenplan,
on trouve mentionnée l'existence depapules
surles
mains. Elles se
présentent alors
sous forme depapules lenti¬
culaires, rougeâtres, différant
très peude la
coloration nor¬male de la peau, un peu
saillantes, dures
autoucher,
couver¬tes d'un
épiderme légèrement épaissi,
cequi leur donne
une teinte brunâtre. Leprurit est généralement
médiocre ;la desquamation,
trèsfaible
ou nulle. Cespapules ressemblent
fort à des
syphilides secondaires
des paumes ;mais
la coïnci¬dence d'une
éruption généralisée de
lichenplan enlève
toutepossibilité d'une
erreur dediagnostic.
La difficulté est
beaucoup plus grande dans les
formeschroniques,
parce queles
autres localisations du lichenplan
sont
plus discrètes
et peuvent même manquer.Il
ne nousparaît
paspossible de faire
actuellement d'unefaçon certaine
lediagnostic d'un lichen plan
exclusivement localisé auxrégions palmaires
etplantaires
; et nous sommesobligé de
nousbaser pour notre
description
surdes
cas où l'on estaidé parla coexistence
de lésionstypiques
end'autres régions.
CHAPITRE II
OBSERVATIONS
Observation I
(Due àl'obligeance de M. le Prof, agrégé W. Dubreuilh.)
H.D..., trente ans, ne présente dans ses antécédents
héréditaires
nitracesde nervosisme, ni traces d'arthritisme. Dansses antécédents per¬
sonnels on relève des migraines, des hémorroïdes,
quelques
symp¬tômesde nervosisme. Il n'ajamais eu la syphilis.
Il y a deux mois, apparaissait aux doigts du
malade
uneéruption prurigineusequi s'est ensuite rapidement étendueàlapaume des mains,où elleadébuté sous forme de taches cornées dures et jaunâtres. Le prurit a toujours été consécutif à l'éruption, présentant une légère
exacerbation chaque matin après le lavage des mains. Au mois de mai, l'affection s'est fortement aggravée à la suite d'excès de tout genre
auxquels s'estlivré le malade durant un séjour à Paris.
A la date du 20 juin 1893, l'éruption occupe la paume des deux mains, les faces latérales et parfois la face dorsale des doigts. Elle s'étend aussi à la face antérieure des poignets, mais ces dernières régions ne sontenvahies que depuis quatreou cinq jours.
Surla paume des mains, l'éruption est constituéepar de petits pla¬
cards lenticulaires,qui, disséminés sans ordre, arrivent en certaines places à segrouper età confluer irrégulièrement. Les lésions isolées, les pluspetites, sontformées par une élevure circulaire de 3 à 4 milli¬
mètres de diamètre, dont la surface brunâtre et cornée est rendue rugueuse par l'exagération des saillies papillaires. Si les élémentssont plus volumineux, leur centre blanchit par suite de la desquamation
16
farineuse. Quantaux plaquesqui résultent de la confluencedes petites élevures, elles sonttrès irrégulières : leur partie centrale présente un
épiderme légèrement épaissi, farineux,et desquamant trèspeu ; leur pourtour est constitué par de l'épiderme corné, épaissi, brunâtre, sans
desquamation appréciable; mais il n'existe point de bourrelet bien net.
On n'observe ni rhagades, ni rougeur, ni infiltration du derme sous-
jacent.
Aux doigts, les lésions siègent principalement au niveau des faces latérales, où elles forment de petites bandes qui occupent surcertains doigts toute la longueur des deux premières phalanges. Elles atteignent
aussi lafacepalmaire, voire même la face dorsale de ces doigts, mais elles y sontbeaucoup moins abondantes. Sur les faces latérales, l'érup¬
tion se présentesousforme de plaques irrégulières, rugueuses, dures et chagrinées au toucher, qui résultent de la cohérence de nombreuses papules miliaires, à sommet arrondiouplan, etnes'accompagnent d'au¬
cune rougeur. Sur les plaquesles plus anciennes, l'épiderme estinégal, écailleux, desquamant et farineux. Malgré l'apparence pâle et même blanchâtredeslésions, il n'existe point de vésicules. A la face palmaire
des doigts, les lésions présentent le même aspect brun corné qu'à la
paume des mains. Sur la face dorsale, l'éruption, d'ailleurs fort dis¬
crète,estécailleuseet chagrinée. On reconnaîtsur quelques papules une
exagération notable des saillies papillaires. Les ongles sont indemnes, quoiquel'un des replis unguéaux soit altéré sur unegrande étendue.
On recommande dechaque côté une propagation de l'éruption de la face antérieuredes poignets, sous forme d'une bande très diffuse, large
de 3 à 4 centimètres, et longue (suivantl'âge du membre) de6 à 7 cen¬
timètres. Ce groupe est formé de papules disséminées, dures, pâles, luisantes,aplaties, voire même ombiliquées. Parmi ces papules, les plus volumineusessont coupéespar les plis de flexion exagérés: ce sont des papules typiques de lichen plan.
Rien auxpieds, rien à laverge, rien dans la bouche.
Leprurit, consécutif à l'éruption, est très vif,surtoutquand le malade
se lave les mains.
Traitement : 1° liqueur de Fowler; 2° pommadeavec : Vaseline
Acide salicylique Sublimé
20 grammes
2 —
0 gr. 10
- 17 —
2août 1893. L'éruption est
beaucoup moins prurigineuse, mais elle
s'est étendue à toutelapaume
des mains,
auxfaces palmaires et laté¬
rales des doigts, àla
face dorsale des phalanges unguéales. La peau est
rouge,presque
violacée, couverte d'écaillés adhérentes, qui abondent
surtout au niveau desdoigts. La
desquamation est à peu près nulle à la
paume
des mains, où l'éruption se limite par des contours arrondis,
géographiques,
constitués
par unépaississement épidermique d'un rouge
violacé. On ne rencontre ni
gaufrures, ni dépressions sudoripares. Les
lésionsdu poignetont
disparu.
Au prurita
succédé
unesensation très vive de chaleur. Il s'est fait
dansl'aspect des
lésions
unchangement qui semble devoir résulter du
traitementarsenical. Les placards ont
conservé leur forme géographie
que,maislarougeuret
la sensation de chaleur survenues depuis quelques
jourssont
probablement des phénomènes d'arsenicisme.
Mai1894. Les lésions palmaires
subsistent
encoreet vont se dissémi¬
nantsurlesfaceslatérales desdoigts et
les bords de la main. L'épiderme
estsec,écailleux,recouvert
d'une légère desquamation farineuse et l'on
observequelquestissures
superficielles
auniveau des plis de flexion. Le
malade accusetoujours
du prurit.
Observation II (W. Dubreuilh
et E. Le Strat).
B...,tonnelier, ne présente
dans
sesantécédents personnels ni érup¬
tion cutanée, ni maladie nerveuse,
ni maladie vénérienne. Marié depuis
vingt ans, B... a eu deux
enfants
:le premier est mort à dix mois, du
choléra infantile; le second,
actuellement âgé de quinze ans, est en
bonne santé.
L'éruption que présente notre
malade débutait il y a cinq ans par la
paume de la main droite, et
s'est perpétuée depuis cette époque sans
jamais présenter de
rémission complète. Elle occupe aujourd'hui à
droitela paume dela main,
la face palmaire des deux premières pha¬
langes detousles doigts.
Ala paumede la main,
l'on
remarque unelégère rougeur diffuse ; et
l'épiderme qui larecouvre,encore assez
souple, est légèrement épaissi,
avecdes crêtes papillaires bien
marquées,
sansdesquamation active,
L.
2
- 18 -
quoiqu'il soitfinement
poudré
deblanc dans les interlignes des saillies
papillaires. Cetépiderme estcoupé de profondes
crevassesdans les plis
de flexion delapaumeet.des doigts. Sur
le bord des
crevasses,l'hyper
-kératose s'exagère et forme des bourrelets
qui atteignent,
encertains
points, 2 millimètresd'épaisseur. On
ne trouveni bouchons épidermi-
ques, nidilatations des
orifices sudoripares.
Les lésions sont exactement limitées à l'épiderme
palmaire.
Aubord
cubital de l'auriculaireet de la main, larougeur et l'épaississement kératosique s'arrêtent à la fois,
mais
sansformer de bourrelet saillant.
Au bord radial de l'index,cette même bordure existe, mais l'hyperké-
ratoseplus accuséeen cet endroit dessine un vague
bourrelet. Au delà
fiel'hyperkératose, l'on ne trouve point
d'infiltration du derme, et la
limite estsimplement constituée par la
cessation brusque des lésions
étenduesà toute la paume, sans qu'il yait
d'exagération marginale des
lésions.
Le dos de lamaindroiteesttoutàfaitnormal, avec unepeauparticu¬
lièrement fine. Lesongles sont indemnes. Rien àla
main gauche; rien
sur le corps.
A la bouche,les lésions sont localisées à la langue, qui présente
à
droite eten avantunegrandeplaque d'aspect blanchâtre,
constituée
parun épaississementde l'épiderme.
Cette plaque irrégulière
etmal limitée
se dégradeet s'égrène à la périphérie en
lésions isolées
etatténuées.
Celles-ci débutent par unépaississement des
interstices des papilles, qui
va sans cesse en s'accusant davantage, au point de noyer ces
papilles
dans une nappe finement grenue, d'une
blancheur grisâtre moins nei¬
geuse que celle de
la leucokératose. Cette plaque
neforme
pasde
saillie, et il n'existe pointd'épaississement du derme
sous-jacent. Sur la
face dorsale, sur les bords de la langue, on n'aperçoit pas la
moindre
cicatrice. Lesjoues, la gorgesontindemnes.
L'existencede la plaque linguale doit remonter à
plusieurs années,
cardepuis longtemps le
malade accusait
unesensation
touteparticulière
au passage desliquides
chauds
surla langue.
En outre de lagrande plaque, on constate sur
les deux bords de la
langue deux petites
traînées blanchâtres à peine visibles, constituées
par un épaississement
épithélial qui débute dans les
espacesinter-papil-
laires eten arrive encore ici à recouvrir les papilles. Ces traînées
blan¬
châtres n'ont aucun caractère cicatriciel.
— 19 —
A la commissuredroite des lèvres, on remarque une
ébauche de pla¬
que des fumeurs.
Dans les deux observations
qui précèdent, le diagnostic
étaitdicté par
l'existence de lésions
end'autres régions. Dans
celle
qui suit, il n'en est
pasde même ; et il en résulte que le
diagnostic de lichen plan ne peut être fait qu'avec une cer¬
taine hésitation et en se basant sur
l'analogie
avecles précé¬
dentes.
Observation III
(Communiquée par M. le Prof, agrégé
W. Dubreuilh.)
D..., soixante-neufans, chapelier, accuse
des antécédents morbides
très nombreux : blennorragie,
érysipèles
àrépétition, fièvre typhoïde,
choléra, nouvel érysipèle.
Actuellement, le malade présente chaque
matin une céphalée très intense.
L'éruption adébuté il y a
dix-huit mois
parl'apparition de petites
plaques lenticulaires, à bords
arrondis, bien limités, entourés d'une
collerette de desquamation très
étroite, légèrement saillante et circons¬
crite par une auréole d'épaississement
épidermique.
Main droite. —Au centre delà face palmaireonaperçoit troisou qua¬
treplaques:la plus petite est de la
grandeur d'un grain de chènevis
;la
moyenne, allongée, serpigineuse,mesure
4 centimètres de long
sur1
cen¬timètre delarge. Quant à la
plus grande, irrégulièrement arrondie, elle
atteintles dimensions d'une pièce de 5 francset
s'étend jusqu'au
pre¬mier espaceinterdigital. Les bords
de
cesplaques sont nettement limités,
entourés par un léger talus
constitué
par unépiderme qui s'épaissit
graduellementen s'approchant de la
plaque. Au sommet du talus, l'épi-
derme estbrusquementdesquamé,et
forme
encertains points
uneétroite
collerette. Lasurface des plaques est àpeine
saillante, très légèrement
rougeâtre et farineuse, criblée de petites
dépressions
endé
àcoudre.
Sur Pépiderme épaissi, desquamant en
farine, l'on aperçoit des saillies
papillaires tantôteffacées, tantôttrès accusées,mais toujours
irréguliè¬
remententrecoupées par des ponctuations.
Ces ponctuations, du volume
d unegraine de pavot, sontparfois
remplies
par unpetit cône épidermi¬
que: leur disposition linéaire permetde les attribuer aux
orifices sudo-
— 20 —
ripares. Le derme n'est pasinfiltré; il estseulement induré à sa
surface
par suitede la diminution de
la souplesse
del'épiderme.
Les lésionssont surtoutmarquées aucentre de lapaume; elles lesont moins versle premier espace interdigital, oùl'on ne trouve qu'une pla¬
que rougeâtre, farineuse etbien
limitée.
Aceniveaul'éruption s'était,
l'an dernier, propagéesurla face dorsale presque entière; elle y est aujourd'hui guérieet
n'a laissé qu'une légère pigmentation.
Ala base de l'éminencehypothénar, on rencontre une petite plaqueà peine marquée.
Maingauche. — Les lésionssont
ici
moins accusées. Ala partie
cen¬trale de la paume se voit une
plaque
bienlimitée, de la
grandeurd'une
pièce de 5 francs, à contoursgéographiques (genre Norvège), unique¬
ment caractérisée par une légère desquamation farineuse. L'épiderme
n'est pas épaissi, sauf peut-êtretout autour de
la plaque
où se dessineune auréole assezfoncée. Enfin, nous noterons quatre ou cinq plaques
à peinevisibles dans
le premier
espaceinterdigital
et surles faces pal¬
maire et externe du pouce.
Lemalade n'accuse aucune démangeaison.
Traitement : 1° Pilules asiatiques
(deux
par jour); 2° pommadeavec :
Vaseline 20 grammes.
Acide salicylique 2 —
Sublimé 0 20centigrammes.
8 septembre1891. Les lésions sonttrès
affaissées,
mais elles persistentencore.
23 février 1892. Main droite. — Actuellement,les lésions forment
une plaque unique
qui s'étend depuis le pli du poignet jusqu'au
premierespace
interdigital,
en respectantla majeure partie des éminences
thénar ethypothénar : les limites sont
d'ailleurs
très mal dessinées. Ilexiste une légère rougeur ainsi qu'un épaississement progressifde l'épi¬
derme, avec une notable augmentation des saillies papillaires jusqu'au
milieu de lapaumeoù,dansl'épaississement épidermique,l'onremarque les dépressions
punctiformes déjà signalées. Ces
ponctuations en dé àcoudresont la tracedes cônes épidermiques éliminés. Dans le premier
espace
interdigital, l'épiderme
estépaissi, écailleux, fendillé.
Main gauche.—Lecentre
de la main, l'éminence
thénar, le premierespace interdigital,
la face palmaire de la première phalange du
poucesont atteints par les lésions. Au centre de la
main, c'est
unsimple état
finement mamelonné, constitué,par uneexagération des
saillies papil-
laires. Au pouce, à l'éminence thénar, c'est un
épaississement de l'épi-
derme qui estsec, écailleux, coupé de
fissures
etmême de rhagades.
Pied droit. — Ala partie centrale
de la plante
sevoit
ungrand
placard mal limité quidéborde surle bord
internedu pied. Dans toute
l'étendue de cette plaque l'épiderme est notablement
épaissi, desquame
en farine, mais il restesoupleet n'est point écailleux. Toute
la surface
malade est criblée de petits points commetaillés à
l'emporte-pièce
et susceptibles de loger tantôt un pois et tantôt unetète d'épingle. Ces
troussontla trace des cônes épidermiques que l'on voit encore çà et
là,
enfoncés profondément et mesurant le volume d'un
grain de mil. Ces
bouchons épidermiques deviennent parfois douloureux au
point
quele
malade se les arrache àl'aide d'un couteau.
Les démangeaisons, presque nulles à l'ordinaire,
deviennent intolé¬
rables, quandseproduisentdesrhagades
profondes.
On neconstate nirougeur, ni lésions
dermiques.
Pied gauche. — La plante est légèrement
épaissie, médiocrement
écailleuse.
Traitement : 1° Pilules asiatiques ; 2° pommade à
la
chrysaro-bineau 1/10.
19juin 1892. Main droite. La plaque malade .s'est étendue; elle
occupe maintenant toute la face palmaire de la main depuis le pli1»car- pienjusqu'au pli métacarpo-phalangien des 2°, 3e, 4e doigts, qu'elle franchitlégèrement. De plus, les lésions ont recouvert la première pha¬
langedu pouce. On trouve à la limite des lésions une séparation bien
nette entrePépiderme normalet l'épiderme parcheminé. La surfacede
laplaque estdevenue rugueuse par suite de l'exagération des saillies papillaires qui sont plus apparentesqu'à l'état normal, et elleestcou¬
verte depetites taches noirâtre de un
1/2
à 1 millimètre, correspon¬dantà des bouchonsépidermique durs et cornés. Après l'ablation de
ces bouchons,la plaque malade parait criblée de trous comme undé à coudre. Ces cônesépidermiques paraissent siéger sur les crêtes papil¬
lairesau niveau des orifices sudoripares.
Maingauche. — Les lésions forment un placard qui occupe la plus
— 22 —
grande partie de
la
paumede la main,
ens'étendant
aupremier espace
interdigital et àlaface palmaire du
pouce.Sur toute cette surface, l'épiderme n'est pas
épaissi d'une façon très
sensible; maisilestsec,dur, écailleux, et se
fissure
auniveau des plis.
11 desquame
difficilement
enfarine, mais cette desquamation s'exagère
par le grattage. A
la périphérie, la plaque apparaît limitée
par untrait
absolument net, qui déterminela
formation de larges arcades et semble
avoirététracé commepar unepointe
d'aiguille;
autoucher, cette déli¬
mitation n'estplus accuséeque par une
ligne à peine perceptible et
parlepassage brusque
de l'épiderme souple et normal à l'épiderme morbide
qui est
parcheminé. Cette brusque transition de l'épiderme sain à l'épi¬
derme maladeestun faittrèsfrappant.
A la face dorsale du premier espace
intergital,
et surla face pal¬
maire du pouce,les lésions sont
bien moins limitées. On n'y constate
rien d'analogue au soulèvement
épidermique qui
sevoit dans la trico-
phytie.
A laplantedespieds,
l'épiderme est épaissi,
selaisse écailler par le
grattage et présente
quelques-uns de
cescônes épidermiques que l'on
rencontre auxmains.
La démangeaison n'existe quedans
les intervalles où le malade
sus¬pend l'usage de ses
médicaments.
Traitement : 1° Pilules asiatiques (deux par
jour)
;2° pommade
avec :
Lanoline 8 grammes.
Cire blanche 8 —
Huile d'olives 4 —
Acide salicylique
2
—Résorcine 2 —
9 octobre 1892. Maindroite. — A la partie centrale
de la
paume, l'épiderme arecouvrésasouplesse habituelle. A la périphérie, il existe
bien encore un aspectcriblé, mais toutes
les lésions épidermiques sus¬
mentionnées sont guéries.
Maingauche. — Lapaume est recouverte
d'un épiderme lisse et
souple, circonscrit par un
liséré d'épiderme plus ancien.
En somme,laguérison
semble complète.
Traitement: Pommade avec Lanoline
Cirejaune Huile d'olives
Chrysarobine
A cestrois observations que nous
devons à l'obligeance de
M. le Prof. W.
Dubreuilh,
nouspouvons joindre quelques
faits
analogues recueillis dans les auteurs. Nous citerons
toutd'abordune
observation d'Hallopeau, où le malade, atteint
depuis huit
ansd'un lichen plan des pieds, des cuisses, des
avant-bras,
de la
vergeet de la bouche, avait de Fhyperké-
ratose
palmaire
avecdilatation des orifices sudoripares.
C'estensuite une autre
observation du même auteur : un
homme,
atteint depuis longtemps de lichen plan des mem¬
bres,
présentait
uneliyperkératose des paumes et des plantes.
Leslésions
prurigineuses avaient une bordure érythémateuse
bien accusée.
En 1891,
Brooke
apublié trois observations de lichen plan
palmaire: mais
nousnous abstiendrons de relater la troi¬
sième
qui
nousparaît être une liyperkératose d'origine arse¬
nicale.
Enfin Malcolm Morris, en
1894,
asignalé
unautre cas où
le malade avait du liclien
plan des jambes, ainsi que des
lésions
hvperkératosiques des paumes et des plantes.
Observation IV
(Hallopeau, Annalesde
dermatologie, 1889,
p.287.)
PL.. est atteint depuis huit ans
d'un lichen plan qui, après
avoir été longtemps limité aux
pieds,
aenvahi depuis six mois les cuis¬
ses, les avant-brasetla verge.
L'affection offre
sescaractères classiques;
on remarque particulièrement, aux
avant-bras surtout, la présence
dans laplupart des éléments
de nombreuses dépressions ponctiformes. Ce
qui ne rentrepas dans
la règle
et nousparait mériter l'attention, c'est
laprésence dans les paumes des
mains, ainsi qu'à la face palmaire des
6grammes.
6 —
3 -
— 24 -
doigts et leurextrémité, de nombreuses
dépressions isolées dont le dia¬
mètre dépasseparfois 1 millimètre; un
certain nombre d'entre elles
sont entourées d'une saillie appréciable à la vue et au toucher ; on trouve aussi des élémentsintermédiaires entre ces dépressions isolées et celles des plaques de lichen
complètement développées. Le malade
assure que ces altérations se sontproduites récemment en
même
tempsque les papules des avant-bras.
Observation Y
(Hallopeau, Annales dedermatologie, 1895,p. 121.)
Le malade, vigoureusementconstitué et exerçant
le
métierde
cocher, faitremonterà six mois le début deson éruption; il s'est mani¬
festépar l'apparition danslapaume des mains de petites
saillies
recou¬vertes de squames; d'abord limitées à la partie médiane, elles ont
pris
de l'extension depuis unmois: le malade nepeut dire à
quelle
époqueontparu les boutons qui existent actuellement
dans la continuité des
membres.
Ces boutons ont les caractères d'élémentsde lichen plan. On les voit
au niveau des coudes, sur le bord cubital des poignets, au-devant des
genoux ainsi qu'àleurpartie postérieure ; cesont des papules
brillantes,
polygonales, déprimées dans leur partie centrale, caractéristiques en un motd'éléments de lichen plan. Sur la face antérieure des jambes,onvoit
en outredesplaques confluentes dont les nuancessont opalines ; la
fine
desquamation et les dépressions ponctiformes sontencore peut-êtreplus
caractéristiques ; ce sontlà des manifestations banales de la maladie;il
n'en est pas de même des altérations palmaires et plantaires. Dans
les
paumes des mains l'épiderme est partoutépaissi et induré ; il desquame
en larges lambeaux des doigts. On trouve cesmêmes lésions dans les plis de flexion.
Les squamesreposent sur une surface d'un rouge vif; cette colora¬
tion encadre latéralement toutela partie indurée, elle dessine ainsiexac¬
tementle pourtour de la région; cette coloration, très intense, disparaît
en grande partiesousla pression du doigt.
Ces altérations s'accompagnent d'un prurit intense, ainsi que d'une
vive sensibilité à la pression.
-- 25 —
Aux plantes
des pieds, les talons, le bord externe des pieds, la face
inférieure des métatarses
et des phalanges présentent un épaississement
trèsconsidérable de
l'épiderme qui est jaune, en même temps qu'il est
lesiègede
larges
squamestrès adhérentes ; comme aux mains, ces par¬
ties squameuses et
indurées sont entourées par une zone érvthémateuse
qui mesure
de 1 à 2 centimètres de largeur : elle remonte à environ
3 centimètres au-dessus
des talons
;l'épaississement de l'épiderme cesse
à son niveau ; toute
l'étendue de
cesrégions est le siège d'intenses sensa¬
tions
prurigineuses.
Les faces dorsalesdes
deuxièmes et troisièmes phalanges sont le siège
de papules
de lichen plan.
Nous noussommes
demandé,
envoyant ces hyperkératoses si nette¬
ment limitées aux faces
palmaires et plantaires, s'il ne s'agirait pas
d'une forme normale de
pityriasis rubra pilaire ; mais, ainsi que l a
remarqué M.
Besnier, les caractères des boutons qui occupent la conti¬
nuité desmembres ne
permettent
pasde s'arrêter à cette interprétation.
Ils'agitsans
contredit d'un lichen plan.
Observations VI et
VII
(H.-G. Brooke,
in The British Journal of clermatologij, 1891, p. 19.)
Premier cas. — Lepremiercas se
rapporte à une femme, Mlle F...,
âgéede
trente-huit
ans,qui me fut envoyée par M. Malcolm Morris ;
ill'avait traité pour une
éruption généralisée très abondante de lichen
plan, qui
survint
au coursd'une convalescence pour deux opérations
ovariennes consécutives.
Quand je vis la malade pour la première fois,
l'éruption
avait disparu, sauf aux mains et aux pieds. Sur la face dor¬
sale des deux extrémités,
il existait encore de nombreuses papules
caractéristiques
ainsi
quedes taches pigmentaires ; les paumes et les
plantes, la
face palmaire des doigts, la face plantaire des orteils étaient
complètement
recouvertes
parun épiderme très épais. La peau était
rude au toucher etdevenait
sèche,
rugueuse,si l'on ne prenait soin de la
bien lubréfier. Lacoloration
était jaunâtre et transparente ; à la surface,
les crêtes papillaires
et les sillons normaux interpapillaires étaient bien
conservés. Les plis au
contraire étaient partiellement oblitérés.
Chez cettemalade,le
diagnostic
nepouvait présenter de difficultés ;
— 26 —
car nonseulement lazonehyperkératoséese trouvait bordée de papules typiques-de lichen plan, maisencorela surfacedes lésions étaitparsemée
de nodules surélevés, qui présentaient une surface aplatie ainsi qu'une légère dépression centrale. L'épithéliumétait trop épaissi pour laisser
voir la base de quelques-unes des papules ; mais il était suffisamment transparent pour permettre de se rendre compte quechaque nodule provenaitd'une papule profondément située au-dessous. Il n'existait
aucune perte apparente de la sensibilité tactile ou douloureuse ; mais parfois la maladeéprouvait quelques démangeaisons.
Les faces plantairesdes pieds avaient presque entièrement recouvré leur consistance normale sous l'influence des emplâtres, des lotions, des pommades à l'acide salicvlique et à la résorcine. Quant aux mains, en raison desdifficultéséprouvées par la malade, qui étaitauteur, àgarder
le pansement d'une façon continuelle, elles ne sont encorequ'à demi guéries. L'usage d'un scalpeletd'une lime était nécessaire pour enlever les débrisépithéliauxetpermettre auxmédicaments depénétrer lescou¬
ches lesplus profondes. Les emplâtres et les pommades émollientes à l'acide salicylique et àlarésorcine (les seuls agents thérapeutiques qui aient montré quelque efficacité) étaient appliqués d'une façon à peu
prèsconstante. Plus efficaces encoreque tout autre traitement furent les compresses imbibées d'une lotion faible à la résorcine etrecouvertes degants de caoutchouc, compresses que l'on faisait alterner avec des applications depommade à la résorcine, selon la méthode préconisée
par Unna dans le traitement de certains eczémas et des affections séborrhéiques.
Deuxième cas. —La seconde observation est celle d'un manœuvre,
âgé de trente-quatreans, qui vint à l'Hôpital pour unépaississement de
laplante des pieds, lequel l'empêchait de travailler en raison des souf¬
frances qu'occasionnait le poids ducorpsportantsur les faces plantaires.
Chez ce malade, seules étaient hyperkératosées les parties directement
soumises à lapression de lachaussure, c'est-à-dire la tête des métatar¬
siens, les parties saillantes des orteils etle talon tout entier. L'épithé¬
lium était très épaissi, mais ne présentait ni papules, ni nodules ;
bien aucontraire, il étaittrès égalsur toute son étendue, exceptésur les parties latérales des talons, où il devenait excessivement dur et rugueux,ressemblanten quelque sorte à une masse de gomme adra-
gante
desséchée. Dans tout le reste de l'aire plantaire, sur la voûte du
pied
qui
neporte point dans la station debout, l'épithélium avait son
épaisseur
normale, mais la peau y était d'une coloration pourpre intense,
en mêmetempsque
limitée
parune ligne bien accusée. Cette ligne décri¬
vaitune courbe et
passait du
grosorteil au talon ; elle se.distinguait de
lapeau
normale avoisinante par un bord très rouge et légèrement sail¬
lant, ainsiquepar une
fine collerette de desquamation. Comme cette
airedécolorée se
continuait à la face plantaire avec la masse cornée, il
y a de
fortes présomptions de penser que ce même état existait au des¬
sous, et se
trouvait caché par l'épaisse masse cornée qui recouvrait le
reste de la plante.
Au dire du malade,
l'affection s'était développée graduellement, et
complètement en
dehors de toute éruption de la peau. Sans aucun doute,
notre malade n'avait
jamais à sa connaissance présenté de maladie
cutanée; mais, comme
il n'était point des plus intelligents, son affirma¬
tion n'avait guère
de valeur. Il n'existait, ni dans la kératose elle-même,
ni dansl'aire rougeâtre,
rien qui fût caractérisque de l'une de ces mani¬
festations morbides
plus
connuesdont nous avons déjà fait mention. Au
dessous del'une des
malléoles internes, l'on découvrait cependant quel¬
ques
papules de lichen plan ; et près de ces dernières, une ou deux ma¬
cules
profondément pigmentées. Il est possible que les lésions fussent
touteslesconséquences
d'une seule maladie, mais cette dépendance est
entièrement
hypothétique.
Les papules
disparurent, comme le fit en partie la bordure de l'aire
rougeâtre, sous
l'action d'un vernis au goudron salicylé; mais un trai¬
tementsianodinne fut
naturellement d'aucune efficacité contre la masse
de substance cornée.
Mollin, qui avait justifié de son utilité dans des
cas en apparence
identiques en raison de l'action kératolytique de la
potasse
caustique qu'il contient, n'obtint rien autre chose qu'un effet
émollient ; au contraire
l'application d'un emplâtre à 5 0 0 d'acide sali-
cylique
(formule du professeur Piek) produisit bientôt de l'effet et per¬
mit au maladede
reprendre
sontravail eu toute liberté et sans aucune
douleur. Lesderniers
vestiges de l'affection ont été traités par des com¬
presses de
résorcine maintenues par des chaussures imperméables.
- 28 -
Observation VIII
(Malcom Morris, in TheBritish Journalofdermatology,1894, p. 335.) Malcolm Morris a montré un cas de lichen plan persistant, avec
hyperkératose. des paumes et des plantes, chez un peintre âgé de cin¬
quante-neufans. '
Les deux paumes présentaientun épaississement de la peau qui était sèche, écailleuseet laissait voir des fissures analoguesà celles de la der- matite professionnelle. Auxplantes aussi, l'onconstataitdeshyperkéra- toses, plus apparentes sous le talon : cet état de choses durant depuis quatre mois. Sur le devant des deux jambes, il y avait des placards annulaires etcircinés, dont les bords, d'une coloration pourpre intense, étaient surélevés, constitués par des papules caractéristiques de lichen plan, et dont les centres étaientplus pâles avecçà et là une fine des¬
quamation.
Pasde varices perceptibles. Le maladese plaignaitde légères déman¬
geaisons.
Avant d'en arriver à notre
description,
nous devonsajouter
que
MM. Audry, Vidal
etWhitfield
ontmentionné l'existence de ces lésionspalmaires
etplantaires
au cours de lichensplans généralisés,
etrappeler enfin
cette observation deQuin-quaud où
« lesrégions palmaires
etplantaires
étaient dans leurpartie
centrale lesiège d'un placard
rouge,légèrement
squameux, entouré d'un bourrelet
plus sombre
d'environ 3 millimètres delargeur;
ses contours étaientpolycycliques
;aux paumes
des
mains il s'en détachait desprolongements
radiés suivant les
plis
normaux. »Mais nous nous abstiendronsde
rapporter
cette observation deBrooke,
que nous avonssignalée, ainsi
quela publication
de MM.
Hallopeau
etG. Hénocque
« sur un cas de lichen de Wilsonliyperkératosique des
extrémités aveclésions buccales et mélanodermie arsenicale». Dans l'un et dans l'autre de cesdeux cas, les
phénomènes
d'arsenicisme sont vraimenttrop
accusés pour que
le diagnostic
nerestepoint
en suspensentreune
hyperkératose d'origine arsenicale
et des manifestationspalmaires
etplantaires
de lichenplan chronique.
CHAPITRE III
DESCRIPTION
Les
quelques observations que nous venons de relater
nous
permettront d'ébaucher une description des manifesta¬
tions
palmaires et plantaires du lichen plan.
A la paume
des mains, le lichen plan chronique nous paraît
débuter, comme
dans les formes aiguës de l'affection, par de
petites élevures lenticulaires rougeâtres, faiblement hyperké-
ratosées : ce sont des
papules typiques de lichen plan. Ces
élevures,
à peine saillantes, un peu dures au toucher, ne tar¬
dent
point à
segrouperet à se fusionner pour donner naissance
àdes
placards très étendus, dont les contours, toujours irré¬
guliers. affectent des formes géographiques très découpées.
Les
parties saillantes, l'éminence thénar, l'éminence hypo-
thénar,
semblent les points de prédilection de la maladie ;
toutefois il n'est pas rare que
la face palmaire des mains et
des
doigts
nesoit entièrement recouverte par les lésions.
Le contour de la
surface malade est nettement dessiné par
unetrès faible
saillie, qui suit
engénéral la limite de l'épi-
derme
palmaire
surle bord cubital et sur le bord radial de la
main. Cetalus,
brunâtre
parsuite de Thyperkératose, est par¬
fois limité en dehors parune
étroite zone de coloration rou- geâtre
:il est très
peuaccusé, à peine sensible au doigt qui
perçoit plutôt cette sensation que produit le passage brusque
de
Pépiderme souple et normal à l'épiderme parcheminé de
Paire affectée. A la
périphérie de ces placards, sur les poi-
— 30 —
gnets,
surla face dorsale des doigts et de la main, il est assez
ordinaire de rencontrer de
petites papules de lichen plan dont l'importance est considérable
pourle diagnostic différentiel
desmanifestations
liyperkératosiques. Quant à l'existence des
lésions
unguéales, elle est vivement discutée.
Dans la
partie malade, la couche cornée de l'épiderme n'est
que
faiblement épaissie
;mais elle est sèche, rugueuse, dure
au toucher. Iln'existe
point de margination, et les lésions
sont
égales
surtoute l'étendue de la région kératosée. Les
crêtes
papillaires sont partout bien visibles, plus accusées peut-être
que surl'épiderme normal. La desquamation, ainsi
ainsi
qu'il résulte des observations
que nous avonsrelatées,
est
toujours faible, et
seréduit même le plus souvent à un simple état farineux, qui dessine
enblanc les intervalles des
saillies
papillaires. Quant
auxplis de flexion de la
paumeet
des
doigts, ils sont le siège de
crevasses,de rhagadeS, au ni¬
veau
desquelles l'hyperkératose s'exagère et forme de vérita¬
bles bourrelets
qui mesurent
encertains points plusieurs
millimètres
d'épaisseur. Au bord de
ces crevasses,la desqua¬
mation devient
plus active
:l'épiderme
sedétache
enlam¬
beaux
épais.
Dans un certain nombre d'observations, nous trouvons
signalée la dilatation des orifices sudoripares, qui sont occu¬
pés
pardes bouchons épidermiques durs et cornés, du vo¬
lume d'une tête
d'épingle. Cette particularité, si
commune dans leshyperkératoses d'origine arsenicale, prête singuliè¬
rementà la confusion;
mais elle est
en somme assezhabi¬
tuelle dans le lichen
plan, et s'observe fréquemment dans
les autres localisations de la maladie. La
pression de
cesbou¬
chons
épidermiques occasionne chez quelques individus des phénomènes
assezdouloureux
pourdéterminer le malade
(Observation III) à
seles arracher violemment.
Le
prurit est généralement médiocre dans les manifesta¬
tions
palmaires du lichen plan chronique. Toutefois, l'on
avu les
démangeaisons devenir intolérables quand
seprodui¬
saient dans