FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1895 — 1896
N° 26.
TUMEURS MELAHIÛUES
DES DOIGTS ET DES ORTEILS
THÈSE
POUR LE
DOCTORAT EN MEDECI
Présentée et soutenue
publiquement le 22 Novembre 1895
PAR
Emilien-Célestin de NICOLAS DU PLANTIER
ÉLÈVE DU SERVICE DE SANTÉ DE LA MARINE
Né à Saint-JPaul Laroche (Dordogne), le S6 mars 18 71
MM. LANELONGUE professeur Président
_ . . , , x i BADAL professeur 1
Examinateurs dela These.. SABRAZÉS agrège juges
BINAUD agrégé t
Le Candidat répondra àtoutesles questions qui lui seront
faites
surles diverses
partiesRe l'enseignement médical
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU
MIDI, P. CASSIGNOL
91, RUE PORTE-DIJEAUX,
91
1895
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS
^ '
Professeurs honoraires'
AZAM
Messieurs
PICOT.
Clinique
interneJ
PITRES. \ DEMONS.
Clinique
externej
LANELONGUE.Pathologie
interne DUPUY.Pathologie
etthérapeutique
générales VERGELY.Thérapeutique
ARNOZAN.Médecineopératoire MASSE.
Clinique d'accouchements MOUSSOUS.
Anatornie
pathologique
COYNE.Anatomie
BOUCHARD.
Anatornie généraleet
Histologie
VIAULT.Physiologie
JOLYET.Hygiène UAYET.
Médecinelégale MORAGHE.
Physique.
BERGONIE.Chimie
BLAREZ.
Histoire naturelle GUILLAUD.
Pharmacie FIGUIER.
Matière médicale
de NABIAS
Médecine expérimentale FERRE.
Clinique ophtalmologique
BADAL.Clinique des maladies
chirurgicales
des enfants PIÉCHAUD.Clinique
gynécologique BOURSIER.AGRÉGÉS EN EXERCICE
SECTION DE MÉDECINE 1 MESNARD.
CASSAET.
Pathologie interneetMédecine légale
( AUCHE.
SABRAZÈS.
LE DAN TEC.
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS ( VILLAR
Pathologie externe. i BINAUD.
( BRAQUEHAYE.
Accouchements ' RIVIÈRE.
) CHAMBRELENT.
SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
Anatornie
)
PRINCETEAU.Analomie
j
CANNIEU.Physiologie
PACHON.Histoire naturelle
BEILLE.
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physique S1GALAS.
Chimieet
Toxicologie
DENIGES.Pharmacie
BARTHE.
COURS COMPl_ÉM E NTAI R ES
Clinique int.
des enf. MM. MOUSSOUS Maladies mentales.... MM.RÉGIS.
Clinique des maladiescutanéeset
syphilitiques
DUBREUILH AccouchementsPathologie
externe.... DENUCERIVIÈRE Cliniq. des maladiesdes voies urin. POUSSON Chimie DENIGÈSMal.dularynx, des oreillesetdunez MOURE
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans les Thèses qui lui sont présentées, doivent être considérées comme propres a leurs
auteurs et qu'elle n'entend leurdonnerni approbation ni improbation.
A LA MÉMOIRE DE MON PÈRE
A MA MÈRE
Témoignaged'affectionet de reconnaissance.
A MON FRÈRE MARC
CURÉ-DOYEN
Faible témoignagedegratitude pour sessoins
etsesconseils sipaternels.
A MES FRÈRES ET SŒURS
A MA TANTE DESMARTIAL
A MON ONCLE DESMARTIAL
CONSEILLER A LA COUR DE POITIERS
Vive reconnaissance.
A MES EXCELLENTS CAMARADES
M. André DAMOND, élève du service de santé de la Marine, M. le docteur Charles LANTAUME, médecin de la Marine.
MEIS ET AMICIS
A MONSIEUR LE DOCTEUR CH. FAGUET
ANCIEN INTERNE DES HOPITAUX, EX-CHEF DE CLINIQUE DE LAFACULTÉ
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR LANELONGUE
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALEALAFACULTÉ DEMÉDECINE
DE BORDEAUX
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER D'ACADÉMIE
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
-
INTRODUCTION
Les
mélanomes
constituentparleur ensemble
un groupe detumeursdont lesexemples
nelaissent
pas qued'être
assezrares.
Leurs
sièges de prédilection
sontaprès l'œil, le pied et
surtout les
orteils, la main
etparticulièrement les doigts.
Frappés de cette particularité
que cestumeurs siégeaient de préférence à l'extrémité des membres,
nousavonsvoulu nousrendre
compte de
cefait
etsavoir quelles
enétaient les
raisons.Nous avons cherché à réunir toutes les observations de tumeurs
mélaniques des doigts et des orteils publiées jusqu'à
ce
jour,aussi bien
en1
rancequà 1 étranger. Nous
y sommes parvenuaprès beaucoup de peine. Ces observations
nous servant debase,
nous avonsessayé de faire
uneétude
com¬plète et comparée de
cesdeux affections.
Et nous avonsconclu de ce travail que ces
tumeurs offraient
entre elles degrandes analogies
entous points
etqu'elles étaient passibles
du même traitement
chirurgical.
— 8 —
Nous avons
divisé
notretravail
ensix chapitres
Chapitre I :
Historique
;Chapitre II :
Anatomie pathologique
;Chapitre III :
Etiologie
;Chapitre
IV
:Symptomatologie
; Chapitre V :Diagnostic
;Chapitre
VI
:Pronostic
ettraitement.
Nous avons
terminé
en mettant sousles
yeux unesérie
d'observations
de
tumeursmélaniques des doigts et des
orteils et en
posant
nosconclusions.
Avant d'entrer
dans
notresujet, il est
undevoir bien doux
à
remplir, c'est celui de remercier tous ceux qui par leur
bienveillance nous ont
facilité la tâche, parfois si difficile de
l'étudiant et
qui
parleurs bonnes leçons
nousont appris la
science
médicale.
Que M. le docteur Ch.Faguet, chef de Clinique chirurgicale
de la
Faculté, reçoive
tous nosremerciements. C'est lui qui
nous a
suggéré l'idée de cette thèse et
nous en aallégé la
tâche par
de nombreux conseils.
Il nous reste â
présenter l'expression de notre vive grati¬
tude à M. le
professeur Lanelongue
pourl'intérêt qu'il
nousa
porté durant notre stage dans
sonservice de clinique et
pour
l'honneur qu'il
nousfait aujourd'hui en acceptant la
présidence de notre thèse.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Lamélanose n'a
pris droit de cité dans les écrits scientifi¬
ques que
depuis le commencement de
cesiècle, lorsque
Laënnec et
Bayle
eurentdécrit les tumeurs mélaniques du
poumon
et des autres
organes(1806).
A cette
époque, carcinome,
sarcome,épithéliome mélani¬
ques,
n'étaient point différenciés,
neformaient qu'une seule
et même
catégorie
:la tumeur mélanique.
C'estainsi que
Boyer,
en1834, et Liston,
en1840, publient
chacun un cas de tumeur
mélanique des doigts
sansspécifier
la nature de cette tumeur. Nous
reproduirons leurs observa¬
tions sous toute réserve.
A cette
époque,
eneffet, il arrivait
souvent quel'on consi¬
dérait à tort comme tumeurs
mélaniques, toute
unecatégorie
de
néoplasmes à la surface desquels s'étaient produites des hémorrhagies,
ce quel'on appelait le fongus sanguin.
Ce n'est
qu'en 1850,
avecVirchow,
quel'on
a uneidée
exacte des formes que
peut revêtir la
tumeurmélanique. On
en
distingue trois espèces
:le
sarcome,le carcinome, l'épi-
théliome.
Du Plantier 2
— 10 —
Eu
1855, Demarquay et Monod publièrent dans la Gazette
des
Hôpitaux
uneobservation bien authentique de cancer mélanique. M. Ch. Robin en fit l'examen microscopique.
D'autres cas furent
ensuite publiés
parAnnandale, 1865,
Nuun,
Verneuil, 1875, Godlee, 1880, Nieberg, 1882, Wheeler,
1882, Hallé, 1883, Hutchinson, 1886, Segond, 1886, Nepveu,
Ch.
Faguet, 1894.
En résumé, nous
aurions trouvé quatorze
casde tumeur mélanique des doigts, carcinome
ousarcome.
Sur les
dix-sept
casde mélanome des orteils, que nous
avons pu
recueillir dans les auteurs français et étrangers,
nous n'avons trouvé aucune
observation complète c'est-à-dire accompagnée de l'examen microscopique détaillé. Aussi les
donnerons-nous sous toute réserve.
La
première observation
parueà
cesujet
aété publiée en
1857 parFergusson (1). Il
nedonne
quele résultat de l'exa¬
men
microscopique et prétend
quela
coupede la tumeur en
question présentait les caractères des tumeurs mélaniques.
D'autres observations ont été
publiées ensuite
parFollin,
1851, Simon, 1861, Forster, 1862, Richet, 1873, Nieberg, 1875, Broca, 1874, Verneuil, 1874, Heurtaux, 1876, Busch, 1880, Verneuil, 1886, Burnett, 1888, Glûge, 1888, Hutchin¬
son,
1889, CarlRokoch, 1889.
D'après
ce que nous venonsde dire, il ressort
quel'his¬
toire des tumeurs
mélaniques des doigts est plus ancienne
que celle des tumeursmélaniques des orteils.
(1) Tlie Lancet, 1857, vol. I.
CHAPITRE II
Anatomie 3P
abl:Lolocjic[-u.e
Au
point de
vueanatomo-pathologique, il faut
avouerque
parmi les observations, même récentes, publiées
sur cesujet, il
enest
peuqui puissent
nousfournir des renseigne¬
ments exacts. Trèsbien
prises
aupoint de
vuedu siège et de
la
description à l'œil
nudes tumeurs, elles sont complète¬
ment sacrifiées en ce
qui touche l'examen microscopique.
A. Au
point de
vuemicroscopique les tumeurs mêla-niques
des
doigts et des orteils
11eprésentent rien de particulier, si
ce n'est leur couleur
noire, qui leur
afait donné leur
nom:(y.sXaç, noir,
votToç,maladie.) A part cette propriété, nul
carac¬tère bien tranché ne les différencie des autres tumeurs
malignes.
La mélanine
qui leur donne cette coloration noire toute
spéciale, et dont
nous nedirons
quequelques mots
en pas¬sant, se
présente
sousforme de petits grains noirs. La méla¬
nine vient selon les uns de la matière colorante du sang, selon les autres d'une élaboration cellulaire
spéciale. La
pre¬mière
opinon qui est celle Rokitansky, Kœlliker, Rindfleisch,
Nepveu
aété soutenue
parGussenbauer ù. l'aide d'examens
— 12 —
histologiques
peuprobants. La deuxième opinion professée
par
Cornil et Ranvier, Lebert, Robin, Heurtaux, nous paraît plus vraie et
nous nous yrattachons volontiers pour des rai¬
sons que nous
n'énumérerons
pas,de
peurde sortir de notre sujet.
Quant
auxformes diverses
quepeuvent présenter les
tumeurs des
doigts et des orteils,
nous renvoyonsà notre chapitre IV où
nousmontrerons le néoplasme
auxdiverses phases de
sonévolution.
B. L'étude
anatomo-pathologique des tumeurs mélani-
ques
des doigts et des orteils, n'est
pas encoretrès bien
con¬nue faute d'observations
complètes à
cesujet. Car lorsque
toute
description est remplacée
par unmot, le carcinome, le
sarcome, ou même souvent
simplement la tumeur, il est
difficile au lecteur de s'assurer de la réalité des faits obser¬vés.
Aussi tiendrons-nous
compte avant tout
pourfaire l'étude histologique des tumeurs mélaniques des doigts des obser¬
vations
III, VI, VIII, XIV,
oùles détails des résultats micros¬
copiques sont relatés-d'une façon précise. Nous nousservirons
surtout de l'Observation
XIV, prise
avecautant de soin
qued'intelligence
parM. le docteur Ch. Faguet.
D'après
cesquelques observations, la tumeur mélanique pourrait
seprésenter
sousdeux formes
:1° Le
carcinome;
2° Le sarcome.
Quelle
estde
cesdeux
formes cellequi
seprésente le plus fréquemment 9
Si nous nous
rapportons à
nosobservations,
nous avonssur les
quatorze
caspubliés
:Six sarcomes
(Obs. VII, VIII, IX, X, XI, XIII).
Deux carcinomes
(Obs. III, XIV).
%
— 13 —
Il reste six observations que nous ne savons
à quelle
espèce rattacher, faute d'examen microscopique total.
Par
conséquent le
sarcome serencontrerait plus fréquem¬
ment que
le carcinome.
1° Carcinome.— Le cancer
mélanique
atout à fait la struc¬
ture du
carcinome,
à cettedifférence près
queles cellules
contenues dans les alvéoles sont infiltrées de
pigment noir.
M. le docteur Ch.
Faguet (1) dans l'observation qu'il
apubliée
a fait l'étude
complète de l'histologie du carcinome mélanique
des
doigts. Nous
ne pouvonsmieux faire
quede reproduire
ce
qu'il
endit
: «La tumeur est essentiellement constituée
par
de grandes cellules pâles,aplaties,de forme généralement allongée
ou enraquette, quelquefois ovoïdes, à
noyauvolu¬
mineux, pâle et renfermant d'un â quatre nucléoles très
brillants. On
peut
yrencontrer des globes épidermiques très
nettement caractérisés. »
(Ch. Faguet).
En d'autres
points,
on a puconstater des cellules petites, arrondies, rappelant
un peul'aspect des cellules du.
sarcomeembryonnaire; mais
nousdevons faire
remarquer quedans le
cas où nous avons observéce
fait, il s'agissait d'un néoplasme largement ulcéré (Obs. XIV).
Les vaisseauxsont
plus
oumoins nombreux, mais ont tous
desparois
propres.Le derme est infiltré de cellules cancéreuses,
mais l'épi-
derme
paraît résister pendant
untemps
assezlong à l'enva¬
hissement du processus
néoplasique.
Le
périoste
selaisse envahir
assezrapidement, tandis
que le tissu osseux peut
conserver assezlongtemps
sonintégrité.
Les
ganglions épitrochléen et axillaires
sontinfiltrés de
(1) Ch. Faguet (Soc. d'anat.etdephysiol., Bordeaux,23juillet1894).
— 14 —
bonne heure par
les cellules carcinomateuses et le pigment mélanique
;ils renferment,
enoutre quelquefois, des
amasgranuleux,
nonmélaniques, qui
nesont autre chose
quedes
amas de tissu
lymphoïde atteint de
nécrosede coagulation (Obs. XIV).
Les
granulations mélaniques sont plus
oumoins confluen-
tes; en certains
points, elles constituent des
amasnoirâtres qui obscurcissent complètement le champ du microscope et
ne
permettent
pasd'étudier quels sont leurs rapports
avecles
éléments
anatomiques
;ailleurs, elles sont
assez,isolées
pour laisser constaterqu'elles sont de volume très variable et qu'elles siègent, soit dans l'intérieur des cellules, soit
dans le tissu
intercellulaire,
ausein duquel elles sont libres.
»(Ch. Robin.)
2° Sarcome. — Sur les six observations de sarcome méla¬
nique des doigts publiées dans la littérature médicale, il
n'en est
qu'une, celle de Wheeler (Obs. VIII) qui
nousfasse
connaître ou
plutôt
soupçonnerl'histologie du néoplasme.
Celle
deHallé(Obs. IX)
11econtient
pourainsi dire pasd'exa-
men
microscopique.
Nous eussions été heureux d'étudier àfond cette
question,
mais lescas de sarcome
mélanique des doigts sont
rares etnous n'avons pas eu
la chance d'en
rencontrer.Dans l'observation de
Wheeler, il s'agissait d'un
sarcomefuso-cellulaire.
Le
néoplasme est constitué
pardes cellules ovales
etfusi-
formes réunies en faisceaux. Le
protoplasma des cellules
est peuabondant et leur
noyaurelativement volumineux. Le pigment mélanique
yest très
concentré,parfois il obscurcit
le
champ du microscope.
Les vaisseaux
sanguins sont nombreux
et. sansparois
pro¬pres.
Les
ganglions arrondis, lisses, sont nettement encapsulés (Obs. IX). Leur surface peut être d'un noir d'encre à la
coupe,comme elle
peut être également moins colorée, grise, poin-
tillée de noir et
plus molle.
C'est toutce que nous savons
de la nature histologique du
sarcome
mélanique des doigts.
En relevant les observations des tumeurs
mélaniques des orteils,
nousn'en
avons trouvé aucunequi soit complète. De
sorte
qu'il
nousest très difficile de faire l'étude histologique
de ces tumeurs.
Sur les
dix-sept observations
que nous avonsrecueillies,
noustrouvons:
5sarcomes.
3 carcinomes.
Il en reste par
conséquent 9 qui
nesont
pasclassées, et
dans
lesquelles
on netrouve
aucun examenhistologique.
1° Carcinome. — Dans les troisobservationsde cancer mé¬
lanique des orteils (Obs. IV, II, X),
nous ne pouvonsrelever
aucun détail
microscopique. Leurs auteurs
se contentent de lesrapporter
autype des carcinomes
sans endonner les
raisons.Nouspensons que
cette forme de néoplasme mélanique doit
.avoir la môme constitution que
les carcinomes
engénéral et
doit être
identique
aucarcinome mélanique des doigts dont
nous avons
déjà parlé.
*2U Sarcome. — Nous ne pouvons non
plus retirer grand profit
aupoint de
vueanatomo-pathologique de l'étude des cinq observations de
sarcomemélanique des orteils
que nousavons recueillies.
Cependant
ce queRichet
atrouvé
àl'autopsie de
son ma¬lade
(Obs. \ )
nousferait croire
que ce que nous avonsdit
des sarcomes
des doigts peut
serapporter à
ceuxdes
or¬teils.
Ge sont aussi
des néoplasmes formés
pardes cellules
avec des noyauxet des prolongements. Ces cellules sont égale¬
ment
remplies de matière pigmentaire noirâtre
sousforme
de
granulations.
Il est une autre forme que
pourraient revêtir les tumeurs mélaniques et
queL. Bard (1)
adécrite dans d'autres régions.
Il l'a
appelée la forme mixte. On
nel'a jamais rencontrée
dans les tumeurs
mélaniques des doigts et des orteils.
De tout ce que nous avons
dit dans
cechapitre, il ressort
: 1°Que les
sarcomes sontplus fréquents
queles carcino¬
mes dans lestumeurs
mélaniques des doigts et des orteils;
2o
Que
sans nous prononcer,faute de
preuvessuffisantes,
nous pensons que
les carcinomes et
sarcomesmélaniques
des
doigts ont la même constitution histologique
que ceux des orteils.(1) L. Bard. —De lanalure parasitaire de la mélanose et de certainestumeurs mélaniques, Lyon
Médical,
1885.Précisd'auatomie
pathologique, Paris, 1890, p. 105.CHAPITRE III
ETIOLOGIE
L'étiologie des tumeurs mélaniques des doigts
sedivise
tout naturellementen deux
parties:
causesgénérales,
causes locales.Causes
générales.
—Elles
nesemblent
pasavoir
une influence biendéterminée,
et, àparler franchement, elles
nous sont encore inconnues. De l'étude de nos observations il résulte que
l'affection est deux fois plus fréquente chez la
femme que
chez l'homme. La plus grande fréquence de la
maladie se montre de
quarante à 70
anset l'on
nel'a
pas rencontrée au-dessous de neufans. Il estrare detrouver cette affection flans lajeunesse
;cependant Liston et Godlee
enont publié deux
cas.Seulement leur observation manquant
absolument d'examenhistologique,
onpeut
setenir
surla
réserve et se demander s'ils ont eu affaire réellement à des tumeurs
mélaniques véritables.
Nous ne savons pas
quel est le rôle
quepeut jouer la profes¬
sion.
Pourtant,
on acité des
cas de mélanose de la peauchez
des
palefreniers qui auraient soigné fies chevaux porteurs le
cette affection. L'hérédité n'a pas
été observée chez l'homme
DuPlantier
- L8 —
et la
pigmentation de la
peau neparaît jouer
aucunrôle clans
la
production de la maladie
:les
racesbrune
etblonde ysont
également prédisposées.
Les causeslocales des tumeurs
mélaniques des doigts sont inflammatoires
outraumatiques.
Rôle de
l'inflammation.
—Broussais rangeait toutes les
tumeurs dans les
phlegmasies chroniques. C'était, peut-être négliger
un peutrop le rôle
quepeuvent jouer les irritations répétées dans la production des
tumeurs.Pour Rindfleisch,
l'inflammation
prédispose
auxtumeurs,
parcequ'elle laisse
à sa suite un tissu demoindre vitalité. Il y a
donc là
unefai¬
blesse locale
acquise, à rapprocher des faiblesses locales innées, telles
queles
verrues,les noevi,
etc.D'une part Nunn
a
publié
uneobservation de
tumeurmélanique succédant
àune verrue. D'autre
part, dans l'Observation
IVil s'agit d'une
tumeur
mélanique succédant
à unulcère
rouge,dans l'Obser¬
vation XI c'est une tumeur
mélanique succédant
à un pana¬ris
chronique qui avait
entretenu unesuppuration prolongée
etdans l'Observation XIV nousassistons
également à la for¬
mation d'un cancer
mélanique à la suite de phénomènes inflammatoires
causés par unpanaris.
Rôle du traumatisme. — D'une
façon générale,
onaccorde
un rôle
prépondérant
auxtraumatismes
dans laproduction
des tumeurs.
Verneuil, quoique partisan de l'influence
diathésique, accorde à la contusion
unegrande importance.
Il en est de môme de
Virchow, Campbell, de Morgan, et de
tous les
localistes;
avant euxVelpeau, Desault, Gensoul,
s'étaientégalement
montrésfavorables
au rôle des violences extérieures. Ce rôle du traumatisme dans laproduction des néoplasmes est aujourd'hui .accepté
partous les chirurgiens plus particulièrement
en cequi
concerneles
tumeurs méla¬niques (Verneuil, Sticli, Barette, Gross, Broca, etc.).
Si nous comparons
les tumeurs mélaniques des doigts
aux— 19 —
tumeurs
métalliques des autres régions,
nous voyonsqu'elles
sont
après celles des
yeuxet des orteils celles
quel'on
ren¬contre le
plus souvent. Leur fréquence relative est due juste¬
ment à cefait que
les doigts sont plus exposés
auxtrauma-
tismes que
les autres parties du
corps.Ce sont des plaies,
des
contusions, des
corpsétrangers sous-unguéaux (écliar-
desde
bois, aiguilles), qui amènent rapidement des complica¬
tions inflammatoires et par
cela même le panaris traumati-
que
aigu.
Dans notre
statistique des mélanomes des doigts,
nousavons vu que
les femmes étaient plus sujettes
queles hom¬
mes à cette affection. Il
pourrait
sefaire justement
quela
cause du
néoplasme résidât dans
cefait
quela femme est plus sujette
auxtraumatismes,
en ce sensqu'elle manie l'aiguille et
queles piqûres qu'elle
sefait très souvent
auxdoigts peuvent servir de véritable inoculation septique du
derme
sous-unguéal.
Nous diviserons notre étude
étiologique des tumeurs méla- niques des orteils
endeux paragraphes. Nous
verrons-les
causes
générales et les
causeslocales.
(\mses
générales.
—Nous allons indiquer dans le tableau
suivant
l'âge, le
sexedes malades atteints de
tumeursmêla- niques des orteils
:AGE HOMMES FEMMES
De 35 à 40ans 2 »
De 40 à 45 ans 2 »
De 45 à 50 ans » i
De 50 à 55ans 2 2
De 55 à 60 ans 1 l
De 60 à 65 ans 1 2
De 65 à 70ans 1 »
De 70 à 75ans » l
Cette affection n'a
jamais été observée dans la jeunesse
et dans les cas que nous
publions, tous les malades avaient dépassé l'âge adulte. La proportion est plus forte chez les
hommes que
chez les femmes. Nous relevons,
eneffet, neuf
cas chez les uns,
sept
caschez les autres. La plus grande fréquence
serencontre de quarante à soixante-cinq
ans.Cependant
nous en avonsdeux
caschez deux hommes de trente-cinq
anset chez
unhomme de soixante-treize
ans.Le rôle que
peut jouer l'hérédité est inconnu. Il semble
que
l'on
ne sesoit
pasoccupé de cette question,
car aucune observation ne donne de détails à cesujet.
Causes locales. — Le traumatisme est souvent le
point de
de
départ de l'onyxis et c'est là
quela profession doit jouer
un rôle
qui s'explique
parcertaines conditions mécaniques.
La
marche, les fatigues interviennent certainement, surtout
chez lessujets
peusoigneux, malpropres. L'action de la
chaussure a été diversement
interprétée. Elle est réelle,
carsous son
influence, il peut
seproduire
unonyxis aigu, qui peut devenir le point de départ d'une tumeur mélanique
oud'un
onyxis mélanique, absolument
commele panaris peut engendrer le panaris mélanique (Hutchinson). Les observa¬
tions XII et XV en sont des
exemples.
Quant
àl'inflammation, elle joue absolument le même
rôle quedans les tumeurs mélaniques des doigts.
Il est une
question
que nous avonsvoulu garder
pourla
fin de ce
chapitre, c'est le siège de la lésion.
Le tableau
suivant, reposant
sur nosobservations,
nous montrera que pourles tumeurs mélaniques des doigts, la
main droite est
plus souvent atteinte
quela main gauche.
Nous verrons
aussi
que, parordre décroissant, le
pouceest
le
plus souvent atteint, puis viennent le médius, l'index et le
petit doigt.
— 21 —
Pour les mélanomes des
orteils, le pied droit serait le plus
souvent
atteint, mais
nous ne pouvons nous prononcer, car,sur
dix-sept observations, le fait n'est mentionné
quesept
fois.
Quant
auxorteils, c'est le
grosorteil qui est le siège
de
prédilection du néoplasme. Puis viennent
parordre
décroissant : les
troisième, deuxième
etquatrième orteils.
Dans les deux genres
de mélanomes
nous voyons, en résumé,qu'il
y ala plus grande analogie quant
ausiège de
la lésion.
TUMEURS
MÉLANIQUES
DES DOIGTS. -l Gauche 4
mains . y-. -
) Droite 7
I Pouce 5
\ Indçx 3
doigts... < Médius 4
i Annulaire
(
Petitdoigt 1TUMEURS MÉLANIQUES DES ORTEILS
\ Gauche 3
j
Gros 8
\ Deuxième 2
orteils.. . < Troisième 3 I Quatrième 1
\ Cinquième
Il est bon
d'ajouter
quetoujours
ou presquetoujours la
lésion a débuté par
la matrice unguéale,
oule sillon latéro- unguéal dans les doigts et les orteils.
Lebert, Vyss, Bard, etc.., ont essayé d'étudier la Pathogénie
des
mélanomes, mais leurs
travaux n'ontfait
faire que peu deprogrès à la question. Aussi
sommes-nousobligés de
11e rien dire de lapathogénie des tumeurs mélaniques, si
cen'est
qu'elle est
encoretout-à-fait obscure.
CHAPITRE IV
SYMPTOMATOLOGIE
Il serait difficile de décrire toutes les formesque
peuvent
revêtir
cliniquement les tumeurs mélaniques des doigts et
celles des
orteils,
surtout audébut de leur évolution. Cepen¬
dant
lorsqu'elles sont arrivées à leur période d'état, elles se
ressemblentplus
oumoins, mais
assez pourpouvoir
enfaire
une
description générale.
Nous allons d'abord décrire
les mélanomes des doigts
: 1° Audébut, leur développement est insidieux
:c'est
un liseré noirqui
semontre au-dessous de l'ongle, à la suite
d'un traumatisme
(Obs. VIII)
oude toute autre
causeexté¬
rieure. Souvent cette
pigmentation mélanique succède à
unpanaris chronique (Obs. I, N, NI, XIV). C'est cette diversité
de causes
qui fait la diversité des formes cliniques que peu¬
vent revêtir les tumeurs
mélaniques des doigts.
De toutes ces formes,
il
en est une quel'on doit surtout
connaître,
c'est celle qui
seprésente le plus fréquemment et qu'Hutchinson
aappelée
:Panaris mélanique.
La ressemblance
de
cetteaffection
avecle panaris chroni¬
que
est si complète et la quantité de néoplasmes mélaniques
si
petite dans les premières phases qu'il est
presquetoujours
traité au début comme une affection banale de
l'ongle. Il faut quelquefois
unœil exercé
pourreconnaître la bande étroite
de nature noire
qui entoure la partie enflammée. Or,
nous verrons dans lechapitre VI, réservé
aupronostic et
autrai¬
tement,
combien il serait important de faire de bonne heure
le
diagnostic
pourpouvoir opérer le plus tôt possible.
Quant
ausiège de la tumeur, elle
occupe audébut
presquetoujours la même place.
C'est ainsi que
dans dix de
nosobservations
nous voyons lenéoplasme débuter
surle rebord latéral
del'ongle
oule
derme
sous-unguéal. Une seule fois (Obs. II), le néoplasme
a débuté sur la facepalmaire du doigt,
et uneseule fois aussi
il apris naissance
àla racine du
médius. C'est le cas de Verneuil(Obs. V).
L'affection est
plus lente dans
sonévolution
quelorsqu'il s'agit de mélanose dans les
autrespoints du
corps.En effet,
si nous consultons nos
observations,
nous sommessurpris
en
voyant
parexemple
quedans l'observation de Boyer (Obs. I), le néoplasme
amis 30
ans àévoluer,
et quedans
celle de Liston
(Obs. II), elle
amis
18 ans. Dans les autres cas,l'évolution de la
tumeur a étéplus rapide
:15 mois dans
l'Observation
IV.1 an et demi VIL
VIII.
IX.
X.
XII.
XIV 2 ans »
7 ans »
4 ans »
2 ans »
2 ans »
Il semble que
l'affection
couve et quepareille à
l'étincellequi
abesoin d'un
peude vent pour incendier ce qui l'entoure,
elle ait besoin d'un traumatisme,
d'une irritation quelconque
pour
augmenter de volume, soulever l'ongle, entraîner sa
chute et entrer dans sa seconde
période, période d'état.
2° Dans cette dernière
phase, les caractères du néoplasme
sont mieux tranchés. Il se
présente sous la forme d'une
tumeur de grosseur
variable, comme un œuf de pigeon
(Obs. I et IV)
ou comme unenoisette (Obs. II, X). Celte
tumeur estla
plupart du temps irrégulière, bosselée. Sa colo¬
ration noire
apparaît à travers la peau non ulcérée. Ces
tumeurs ont une consistance ferme,
due
surtoutà l'abon¬
dance des fibres
élastiques de la région; leur base est
souvent dure. Il est difficile de les
limiter
à causede l'infil¬
tration de la masse morbide dans
les tissus. C'est grâce à
cette infiltration que
la couleur foncée superficielle de la
peau
s'accentue de plus
enplus, ainsi que la saillie de la
tumeur, car
le tissu papillaire et le pourtour des glandes se
laissent envahir.
L'hypertrophie des papilles ne tarde pas à déterminer la
chute du revêtement
épidermique et l'ulcération commence.
Celle-ci
peut-être aussi la conséquence du traitement ou des
violences extérieures.
Ces ulcérations sont
d'un mauvais aspect. Elles sont bour¬
geonnantes, noirâtres, irrégulières, â bords renversés en
dehors. Il s'en écoule une
sécrétion ichoreuse, fédide, noirâ¬
tre,
quelquefois même sanguinolente et mélangée de frag¬
ments
sphacélés de la tumeur.
Avecl'ulcération se
fait vite la contamination.Les ganglions épitrochléen et axillaires s'engorgent. Quelquefois même
leur
engorgement
alieu avant l'ulcération de la tumeur, mais
alors ils sont durs et non
douloureux. Leur volume est plus
ou moins
considérable; ils
selaissent isoler d'abord de leur
Du.Plantier 4
1
^'1
— 2G —
capsule fibreuse, mais plus tard ils contractent des adhérences
avec le tissu
périphérique également dégénéré et il est alors
difficile de s'assurer que ce
sont bien des ganglions lympha¬
tiques. Seulement
on trouvehabituellement dans la
mêmerégion d'autres ganglions plus petits, également dégénérés quoique reconnaissables
encore.Les lésions
constatées par l'examenmicroscopique offrent le type du
sarcomemélani-
que.
Il serait intéressant de savoir si les canaux
lymphatiques
subissent la môme
dégénérescence
queles ganglions. C'est
une recherche
qui n'a
pasété faite.
Plus tard avec
l'ulcération,
lesganglions deviennent dou¬
loureux,
seramollissent
etsuppurent. Dans
ce casle
pusest
noirâtre comme la sécrétion de l'ulcération.C'est là le
premier temps de l'infection, qui, arrêtée
un moment auxganglions,
segénéralise ensuite
avec unegrande puissance dans
toutl'organisme, lorsque l'affection
aété
abandonnée à elle-même.C'est alors nue le malade
présente tous les symptômes de
la cachexie cancéreuse. Il devient
jaune paille, il maigrit, perd
sonappétit. Il est
un moyende reconnaître la générali¬
sation de la
maladie, c'est
parl'analyse histologique des
urines, du
sang,des crachats.
C'est ainsi que
Eiselt fit le diagnostic d'un
cancermélani-
queprimitif du foie, rien
que surla réaction de l'urine,
en 1858.
Clauzel,
en1874,
enindique les procédés spéciaux
dans sathèse
inaugurale.
Parmi les troubles
fonctionnels,
nous pouvons noterla perte des fonctions du doigt et la douleur
trèsvive,
même dès le début. Ces troubles de lasensibilité s'expliquent
par
l'altération des éléments
nerveux,corpuscules de Meissner, de Pacini, qui sont si nombreux
et si per¬fectionnés à cette
région.
Comme pour
les tumeurs des doigts, au point de vue clini¬
que, nous
ne décrirons pas toutes les formes variées que peu¬
vent revêtir
les mélanomes des orteils
audébut de leur évo¬
lution.
1° Le début de ces
néoplasmes est identique à celui des néoplasmes mélaniques des doigts, c'est-à-dire qu'il passe
souvent
inaperçu. Il faut aussi
untraumatisme, une irritation
pour
faire deviner le mal. Les orteils, plus que les doigts,
sont
appelés à subir les chocs extérieurs. Aussi les cas de mé¬
lanomes
sont-ils plus fréquents à cette partie du membre in¬
férieur.
Des différentes formes
cliniques qu'ils revêtent il en est
une que nous avons
retrouvée plusieurs fois dans nos obser¬
vations et que nous
rapprocherons du panaris mélanique ;
nous
l'appellerons l'onyxis mélanique, parce qu'elle présente
les
plus grandes analogies avec l'onyxis général.
Elle est
produite
par untraumatisme,
uneirritation de la
chaussure.
L'affection
débuterait
commedans le panaris mélanique
par un
liseré noir situé sous l'ongle. Le malade de Cari Ro-
kocli
(Obs. XVII) avait remarqué, disait-il, une tache noire,
grosse comme
la tète d'une épingle située sous l'ongle du
gros
orteil. Il n'y
a quecette ligne de pigment mélanique qui
le différencie de
l'onyxis vulgaire.
La lésion occupe au
début presque toujours le même siège.
Dans la
plupart des
casquand on indique le siège du néo¬
plasme,
onvoit qu'il
aune prédilection marquée pour le re¬
bord latéral de
l'ongle
O oule derme sous-ungéual.
OCependant, dans l'Obs. XII, la tumeur mélanique succéda
à une tumeur
fibro-nucléaire située
entreles troisième et quatrième orteils. Busch a publié un cas semblable (Obs. X)
et Verneuil en
cite
un cassiégeant dans l'espace interdigital
lu gros
orteil. D'autres fois,
ce sontsimplement des taches
noires résidant sur la peau
de l'orteil (Obs. III, IV).
Le
néoplasme évolue lentement. Dans les observations
que nouspublions, le fait n'est
pastoujours constaté,
nousnetrouvons
de
détails à cesujet
quedans cinq d'entre elles.
Ce sont :
5 ans dans l'observation
Plusieurs années —
2 ans —
8 mois
11 ans —
I IV VI vv XVII
La moyenne
de l'évolution de l'affection serait d'après
ce tableau dequatre
ans.2° Au bout d'un certain
temps variable
comme nous venons de levoir, le néoplasme
seprésente
sousla forme d'une
tu¬meur de grosseur
variable,
comme unefève (Obs. I),
commeun œuf d'oie
(Obs. XVII). Cette
tumeur estbosselée, dure, saillante, noirâtre.
Quand elle s'ulcère, elle devient fongueuse et saignante. Il
s'en écoule une sécrétion
sanguinolente, noirâtre
et fétide(Obs. V).
Les
ganglions de l'aine
seprennent et peuvent acquérir
un volumeconsidérable, le volume
d'un œuf depoule, dans
l'Observation XVII.
Quand
ils ne sont pasulcérés, ils
ontla
forme d'une tumeurbosselée, dont la
couleur noire se laisse voir â travers la peau.Aussi
a-t-on pudire qu'ils truffaient la région qu'ils occupaient. Les ganglions
seprennent toujours,
surtout
lorsque la tumeur
estabandonnée
âelle-même.
Heurtaux
(Obs. IX) trouva, chez
sonmalade,
ungrand
nombre de noyaux sur
le trajet des lymphatiques. Ce fait
n'a pas
été constaté dans les
tumeursmélaniques des doigts.
Puis l'infection se propage, gagne peu
à
peules tissus et
les viscères et,
parmi ceux-ci, Je foie
enpremière ligne.
Alors tous les
symptômes cachectiques
setraduisent
:dimi¬
nution des
forces, perte de l'appétit, teint jaune paille, amaigrissement. Lss urines, le
sang,les crachats peuvent
révéler la
généralisation et servir de
moyende diagnostic.
Comme, troubles
fonctionnels,
nous notonsla perte des
Jonctions de l'orteil et la douleur très vive que
le malade
ressent.
En résumé, nous voyons que
les tumeurs mélaniques des doigts ont à
peuprès la même symptomatologie
queles
tumeurs
mélaniques des orteils
:même début, même période
d'état et môme
généralisation dans les deux
cas.Il semble
seulement que
l'évolution des mélanomes des doigts
sefasse plus lentement
quecelle des mélanomes des orteils. La
causeen est dans l'irritation presque
continuelle
quesubissent les
orteils. Nous l'avons vu dans
l'étiologie.
CHAPITRE Y
DIAGNOSTIC
Le début des mélanomes
des doigts et des orteils,
avons-nous
dit,
est presquetoujours insidieux. Il y a bien une petite bande noire, mais elle est parfois si fine, qu'on la
devine
plutôt qu'on
nela voit. Il semblerait que le pouvoir
de
produire
unestructure pigmentée est seulement faible au voisinage des ongles (Hutchinson). Aussi faut-il se méfier
toutes les fois
qu'on est en face d'une affection chronique de
l'extrémité des
doigts
oudes orteils, et bien rechercher le
liseré noir
caractéristique. Nous verrons, en effet, combien il
est
important de faire promptement le diagnostic, quand nous parlerons du traitement. Or, lorsque le liseré noir n'est pas
très
visible, le mélanome des doigts peut être confondu avec
les diverses
variétés de panaris, les formes syphilitique, névropathique, chronique. Ce n'est que par l'étude minu¬
tieuse du
début, de l'évolution, des symptômes de la maladie,
que
l'on arrivera à la vérité.
De même pour
le mélanome des orteils quvpeut être con¬
fondu avec les
différentes variétés d'onyxis, formes syphiliti¬
que,
trophique, inflammatoire.
-
: •- •• . ■•!
-
■ '■■■■
fil
29 —
Lorsque !a tumeur s'est développée, qu'elle
aacquis
un certainvolume, il faut la différencier des
tumeurs nonméta¬
lliques, qui pourraient avoir
avecelles quelques analogies
au
point de
vuemacroscopique. Ce qui servira surtout à faire
le
diagnostic,
ce serala présence du pigment mélanique,
avec cette colorationsépia caractéristique, qui est
propre auméla-
nome seul. Les autres tumeurs sont le
plus souvent
rougefoncé, bleu livide, mais jamais elles
neprésentent la teinte sépia. Quand elles sont ulcérées, elles
nedonnent
paslieu à
un écoulement deliquide mélanique. La gangrène ries orteils
que l'on rencontre chez certainsdiabétiques pourrait être prise
pour
de la mélanose, mais l'examen des urines servirait de
contrôle.
Dans les cas
douteux,
on aura recours àl'examen
histolo-gique d'un fragment de la tumeur,
etsi elle
estulcérée,
onpourra
utiliser le
sucnéoplasique
pourcet
examen.On
ne manquera pas nonplus de faire l'examen du
sang,des uri¬
nes,
ries crachats, qui, dans certains
cas,peuvent être d'un grand
secours.Nous
savons, eneffet,
que cesdivers liquides
de
l'organisme s'imprègnent du pigment mélanique (Obs. XII,
tumeurs des
orteils).
Maintenantce sera à l'examen
microscopique qu'il faudra
avoir recours,
lorsqu'on voudra savoir si, bistologiquement,
on a affaire à un sarcome ou à un carcinome. Au
point de
vue
clinique, toute différenciation
estimpossible. Du reste,
ce
qu'il importe de savoir c'est le
caractère malin de la tumeur. On attendra pourfixer le pronostic
etle traitement
de bien connaîtrel'étendue
et la forme de l'affection et sondegré de généralisation.
CHAPITRE VI
Pronostic et- Traitement.
La
gravité des néoplasmes mélaniques est
connuedepuis longtemps et
nousdevons ajouter
quecette malignité était
considérée de tous
temps
commeextrême. Dupuytren, Vel-
peau,
Cruveilhier, Virchow, Cornil et Trasbot, guidés
parles préceptes de leurs devanciers, regardaient tout mélanome
comme un noli me
tangere. On
nedevait jamais opérer quand
on avait affaire au cancer
mélanique,
caropéré
ouaban¬
donné à
lui-même,
sonpronostic était fatal (Cornil et Trasbot).
C'était tomber dans un
pessimisme exagéré. Sans doute le pronostic du mélanome des doigts et des orteils est toujours
très sérieux et même extrêmement grave,
mais
on nedoit
pas
dire qu'il est absolument fatal. Et avant de donner une
appréciation exacte
surl'avenir d'un malade porteur d'un
cancer
mélanique,
ondoit tenir compte de la rapidité de
l'évolution du
néoplasme, de
sagénéralisation, de
son étendue et de sa forme.Or,
nous avons vu quel'affection, qu'elle siège
auxdoigts
ou aux
orteils, est plus lente dans
sonévolution que lors-
Du Plantier 5
qu'il s'agit de mélanose dans les autres points du
corps.Quoique cela, elle tend cependant à envahir les ganglions lymphatiques et les autres
organesd'une façon
presquerégulière et entraîne ainsi le patient à la mort,
comme nous l'avons vu dans certaines de nos observations. Mais il y a un«;
plus grand espoir d'arrêter les progrès du mal
par uneopération large et précoce,
quedans les autres
casde méla¬
nose. »
(J. Hutchinson).
Et si nous voulons faire une différence entre le
pronostic
des mélanomes des
doigts et celui des mélanomes des>
orteils,
nousdirons
que, parsuite de l'évolution plus rapide
de ces
derniers, le pronostic doit être plus
grave.En
présence d'un mélanome des doigts et des orteils, quand
on se seradécidé à
uneintervention, l'on n'aura quel¬
que
chance de succès qu'en rejetant toute demi-mesure.
Du reste,
l'opération n'offre
aucundanger
parelle-même,
et les
quelques résultats heureux
que nous avonsrapportés
dans nos observations
plaident
en safaveur.
Dans
plusieurs des
cas que nouspublions,
nous voyons quela tumeur
arécidivé dans les ganglions correspondants qui, trouvés intacts, n'avaient
pasété enlevés
avecla
tumeur.Nous pouvons
donc conclure
quequel
quesoit l'état des
gan¬glions lymphatiques, ils doivent être enlevés. L'opération comprendra donc deux temps
:l'ablation des ganglions et
celle de la tumeur.
Verneuil
rapporte bien
un casde
tumeurmélanique des doigts guéris
parles caustiques (Obs. V). Mais les caustiques,
les
ligatures à la base de la
tumeur,les raclages, les topiques,
les cautérisations doivent être
regardés
commeinutiles
etdangereux.
Dans les cas de tumeur
ulcérée, lorsque la généralisation
aura été reconnue,
faudra-t-il opérer? Oui
et non.Oui, lors-
que
la cachexie ne sera pas trop intense, non, lorsque le
malade sera
trop affaibli. Car, dans le premier cas, l'inter¬
vention
chirurgicale, mieux que toutautre moyen fera cesser
les
douleurs, les hémorrhagies et prolongera la vie en l'amé¬
liorant
beaucoup. Dans le second cas, elle ne ferait que
l'affaiblir
davantage et précipiter le dénouement fatal.
Observations de Tumeurs mélaniques
des doigts
Observation 1
Tumeur
mélanique du petit doigt de la main droite
(boyer. Gaz. Médicale
de Paris 1834,
p.212)
En mars 1830, un homme
âgé de cinquante-sept
ans,de bonne
constitution, habituellement
bien portant, l'ut admis à l'hôpital de la
Charité pour une
tumeur du volume d'un gros œuf qu'il portait au
bout du
petit doigt de la main droite. Cette tumeur avait l'aspect,
d'unevéritablepomme
cuite, fendillée, était couverte d'une couche de
lymphe
plastique, présentait
unecertaine consistance sous les doigts,
et
saignait facilement et abondamment au moindre attouchement.
Douleurs lancinantes ; insomnie
à
causede
cesdouleurs. On distin¬
guait
uneseule glande engorgée dans l'aisselle correspondante.
Au dire du malade, le début de
la
tuneurdatait de trente
ans.Elle
s'était manifestée par une
petite ligne noire au-dessous de l'ongle du
petitdoigt.
Cette ligne noire, qui, était indolente, était restée dans un
état stationnaire
pendant l'espace de vingt-huit
ans ;c'est-à-dire
jusqu'aux
deux dernières années qui avaient précédé l'entrée du
malade à l'hôpital.
Au commencement de ces deux dernières années,
— 36 -
la
ligne
noire qui paraissait au-dessous del'ongle,
commença à segonfler,
à s'étendre
et à devenir douloureuse. Ledéveloppement
decette ligne noire fit exfolier et sauter l'ongle par morceaux ; une tumeur
saignante,
d'abord plate, puis globuleuse, sedéclaraà laplacede l'ongle.
Cette
tumeur augmenta ensuite par degrés et pritenfin la forme et le volume que je viens de décrire. Le malade faisait remar¬quer que dans les trois derniers mois, la tumeur avait acquis le
double du volume qu'elle avait auparavant.
Désarticulationdu
doigt
dans la phalange moyenne.En quinze joursde traitement l'homme
guérit
parfaitement de son mal.La glande engorgée de l'aisselle se
dissipa
sans rien y faire. .T'aiplusieurs
fois revu l'homme dont je viens de parler, ilse porte trèsbien sans
éprouver
le moindre signe de récidive.Observation II
Tumeur
mélaaique du
médiusgauche
(liston. The Lancet 1839-1818, vol. 2, p. 415)
A. B.,
âgée
dedix-huit ans, fut admiseàl'hôpital
le 30janvier.
Elleavait une tumeur sur la face palmaire du médius gauche, depuis sa naissance. Elle ne lui avait occasionné aucun
inconvénient,
si ce n'estdepuis
trois ans, environ. A cetteépoque
elle commença à devenir très douloureuse et empêchala malade de se servir de sondoigt.
Latumeur fut incisée et on en retira une petite quantité de substance noirâtre. Quand je vis la malade, elle portaitune petite tumeur à la surface palmaire de
l'auriculaire,
environ de la grosseur de la moitié d'une noisette. Il yavaitunecicatriceà l'endroit où la tumeurpremière
avait étéenlevée. La tumeur étaittrès