FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNÉE 1897-98 No 76
CONTRIBUTION A L'ETUDE
fi
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée
et soutenuepubliquement le 16 Février 1898
PAR
Joseph-Jean FLOUS
Ancien externe des Hôpitaux Né à Noaillan (Gironde), le 7 avril 1873.
Examinateurs de laThèse
MM. COYNE, BADAL, CANNIEU, BINAUD,
professeur... Président.
professeur...
agrégé > Juges.
Le Candidatrépondra auxquestions qui lui seront faites sur les diverses parties del'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17 rue montméjan 17
1898
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES Doyen honoraire.
PROFESSEURS :
MM. MICÉ 1
AZAM
\
Professeurshonoraires.DUPUY
Cliniqueinterne Cliniqueexterne Pathologie interne....
Pathologieetthérapeu¬
tiquegénérales Thérapeutique Médecineopératoire...
Clinique d'accouchements
Anatomiepathologique
Anatomie
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AGREGES EN EXERCICE :
section de médecine (Pathologie interneetMédecine légale).
MM. MESNARD.
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Le DANTEC.
section de chirurgie et accouchements 1 MM. YILLAR.
Pathologieexterne
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Accouchements MM. RIVIERE.
CHAMBRELENT.
Anatomie.
section des sciences anatomiques et physiologiques
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CANNIEU. Histoirenaturelle
Physique MM
Chimie etToxicologie..
section des sciences physiques SIGALAS. I Pharmacie
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M. BARTHE.
DEN1GES.
COURS COMPLEMENTAIRES :
Clinique interne des enfants MM. MOUSSOUS.
Clinique desmaladiescutanées etsyphilitiques DUBREUILH.
Clinique des maladies des voies urinaires POUSSON.
Maladies dularynx, des oreilles et dunez MOURE.
Maladies mentales RÉGIS. ,
Pathologie externe
DENUCÉ.
Accouchements
RIVIÈRE.
Chimie DENIGES.
Le Secrétairede la Faculté: LEMAIRE.
Pardélibérationdu 5 août 1879, la Facultéaarrêté queles opinionsémises dans les Thèses qui lui sont présentées doivent être considérées comme propres à leursauteurs, et qu'elle n'entend
leur donner ni approbation ni improbation.
A mon maître
Monsieur le Docteur LAGRANGE ChirurgiendesHôpitaux,
Médecin oculiste del'Hôpitaldes Enfants.
Sincère hommage de reconnaissance.
A mon Président de Thèse
Monsieur le Docteur P. COYNE
Professeur d'AnatomiepathologiqueàlaFaculté de Médecine de Bordeaux, Officier de l'Instruction publique.
Hommage de respectueuse sympathie
et deprofonde reconnaissance.
;;v> -<
■susse
11||||f||g§
Arrivé au terme de nos études
médicales,
nous ne sau¬rions
quitterrJa Faculté
etles hôpitaux de Bordeaux
sansprofiter de l'occasion qui s'offre à
nousd'adresser
à nos maîtres nos sincères remerciements pourl'enseignement qu'ils
nous ontprodigué
etla bienveillance qu'ils
nous ont constammenttémoignée.
Nous sommes heureux de
pouvoir, dans
cettecircons¬
tance,
leur offrir l'hommage de
notreprofonde reconnais¬
sance.
Nous n'oublierons
jamais M. le professeur Démons,
au serviceduquel
nous avonsfait
nospremières
armes.M. le Dr
Saint-Philippe
nous ainitié
àla pratique déli¬
cate de la médecine
infantile, il
adroit
à tous nos remer¬ciements pour
l'intérêt particulier qu'il n'a
cesséde
noustémoigner. Nous garderons longtemps le souvenir de
no¬tre
première année d'externat passée près de lui.
Que M. le Dr Lande reçoive
aussi tous nos remercie¬ments
pour son
enseignement
et pour sabienveillance
à notreégard, durant
notreseconde
année d'externat pas¬sée dans son service à
l'hôpital Saint-André.
M. le Dr
Lagrange
nous atémoigné le plus grand inté¬
rêt dans bien des
circonstances, c'est lui qui
abien voulu
nous
indiquer le sujet de
cetravail, qu'il daigne agréer l'hommage de
notrerespectueux attachement.
M. le
professeur agrégé Cannieu
a eutoujours
pournous une
bienveillance qu'on
nepeut oublier, il
méritetout
particulièrement
notre reconnaissance et notre inal¬térable amitié.
M. le
professeur Coyne
nous afait le grand honneur
d'accepter la présidence de
notrethèse,
nousle prions
d'agréer l'hommage de
notreprofonde gratitude.
— 12 -
Nous ne pouvons
oublier de remercier bien sincère-
mentM.
Gruvel, docteur ès-sciences, à l'obligeance duquel
nous devons les
deux photographies microscopiques qui complètent notre observation.
Enfin,
nousremercions tout particulièrement nos deux
excellents
amis Hervé
etGuyot, internes à l'hôpital des
Enfants, qui ont bien voulu nous aider dans nos recher¬
ches.
Qu'ils soient assurés de notre dévouement et de no¬
trebien sincère
amitié.
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
DU
SARCOME Mlll M LA CHOROÏDE
INTRODUCTION
A propos
de deux observations nouvelles,
nous étudions le sarcomemélanique de la choroïde. Nous insisterons particulièrement
sur sonmode de développement,
sur sa marcheenvahissante, c'est-à-dire
lafaçon dont il
se pro¬page au
dehors de l'œil
et àl'orbite.
Nous
esquisserons d'ailleurs l'étude complète de
cette affection mais sans entrerdans les détailsqui
nous entraî¬neraient
trop loin. Nous
nedirons
que cequi
esttle
nature à faire ressortir nosobservations.
Pour arriver au but que nous nous sommes
proposé,
nous avons fait
l'historique très détaillé de l'affection
(pienous
étudions,
nous avons traduiten entier les divers cha¬pitres de la monographie du professeur Ernst Fuchs qui
traitent le sarcome
mélanique de la choroïde,
et nous avonspensé qu'il était important de faire figurer à côté
de nos deux observations cellesqui
nous ontle plus
frappé
pardes particularités
que nous retrouvonsdans
lesnoires. Nous avons pu
ainsi constituer un chapitre vrai¬
ment inédit
d'anatomie pathologique.
Dans trois
chapitres différents, nous avons étudié l'étio-
logie, la symptomatologie et le diagnostic, le pronostic et
traitement.
Enfin sur
la dernière
pagede notre travail figurent nos
conclusions.
HISTORIQUE
Laënnec
désigna
sousle
nomde mélaniques.les
tumeurspigmentées et
sedéclara
enfaveur de la
nature cancé¬reuse. Lebert reconnut
également dans
ces tumeursles
caractères du cancer. Mais Sichel
(1) les considère
commele résultat de
l'hypersécrétion d'une matière qui existe à
l'état normal dans l'économie telle que
le pigmentum de
la choroïde.
En
1853, le docteur Pamard (2) cite quatre observa¬
tions
ophtalmologiques
propresà infirmer l'opinion géné¬
ralement admise sur la nature cancéreuse des mélanoses.
En
réponse à l'article du docteur Pamard, le docteur Tavignot (3) prétend n'avoir jamais
vu quedes récidives,
il cite deux observations dont l'examen
histologique
nelaisse aucun doute sur la nature cancéreuse de l'affection.
Le
professeur Staeber (de Strasbourg) (4) cite huit obser¬
vations de mélanose de
l'œil, il termine
en disant : « Si l'on entend par cancer unetumeur dans la
structure delaquelle la cellule cancéreuse
entre commeélément prin¬
cipal,
onpeut dire
quela mélanose n'est
pas un cancer.Mais combien de tumeurs ne
possédant
pas cettecel¬
lule
qui
sont pourle clinicien de véritables
cancers parcequ'elles ont récidivé
et ontdonné lieu
à une cachexiecaractéristique.
(1) Annalesd'oculistiques, XXVI,p. 148.
(2) Annales d'oculistiques, 1853.
(3) Annalesd'oculistiques, 1853.
(4) Annalesd'oculistiques, 1853.
— 16 —
Considérée
ainsi, l'affection cancéreuse doit compren¬
dre la mélanose.
En1857,
les l)rs Saint-Lager etHervier(l) fontdes études
surla mélanose
de l'œil, ils font des expériences chimiques
et
micrographiques et arrivent aux conclusions suivantes :
1° De par
le lieu d'élection on est porté à conjecturer
que
la mélanose de l'œil n'est qu'une exagération de la
sécrétion
normale de la matière pigmenlaire qui peut par¬
fois se dévier
dans d'autres
organes.2° La
fréquence de la mélanose chez les chevaux blancs
s'explique
parce fait que le pigment des poils n'étant pas
sécrété
abondamment
va sedéposer dans le parenchyme
des organes.
3° La mélanose
n'est
pasle résultat d'un épanchement
sanguin
caroutre qu'elle vient sans hémorragie ou ecchy¬
mose
préalable, son aspect, sa couleur d'encre de Chine
la différencient nettement
du
sangépanché qui tend à
passer
à une nuance de plus en plus claire pour finir par
disparaître Un fait saillant surtout dans l'histoire de la
mélanose, c'est la rareté de son apparition dans le cer¬
veau
qui est cependant le siège d'hémorrhagies fréquentes.
A propos
de l'étude sur la mélanose, on doit citer les
travaux de
Vossius
etde
sonélève Maschke. Ils arrivent
à démontrer
qu'il existe deux sortes de pigments mélani-
ques,
l'un d'origine hématique, l'autre dû à un dépôt exa¬
géré de pigments.
Carnot,
dans
sathèse de doctorat ès-sciences, fait une
étude très
approfondie sur l'origine du pigment.
L'histoire
du
sarcomede la choroïde commence avec Gluge et Lebert. Ces auteurs font des études histologi-
ques
les amenant à concevoir le sarcome. Mais le vérita¬
ble
point de départ est l'observation de Grœfe (1858), sui¬
vie de
celles de Dor, Ew-Huke, Fano, Knapp.
(1)Annales
d'oculistiques, 1857.
— 17 —
En
1870-71, Becker, professeur à Heidelberg, et Aqua- glino, produisent des
ouvragesimportants
surl'étude clinique des tumeurs intra-oculaires.
Jusqu'en 1873,
nous pouvonsrelever dans l'historique
les noms de E. Berthold et
Knapp qui citent quelques
observations intéressantes.
En
1873,
nouspossédons
uneétude
trèscomplète du
sarcome
mélanique, grâce à la thèse du docteur Brière.
Puis dans les diverses Revues et Annales
d'oculistique,
on
peut lire les
nomsde Nettleship, Salvioli, Spencer, Watsord, Argyll Roberston, Qualino, de Vicentis, Le¬
wis,
Richet, Braley, Gauran, Santos-Fernandez, Angel-
luci, Aschenborn, Hosch, Story, Leroy, Moyes
etDespa- gnet qui jusqu'en 1882 enrichissent la science de
nom¬breuses observations.
Enfin, c'est durant
cette année queparaît l'Importante monographie de Fuchs (Dcis
scircomdes Uvealtractus).
221 cas de sarcome du tractus uvéal y
figurent.
En
1883, nouvelles publications de Knapp, Keyser, Leggi-Kip
p,Newark-Farnham.
En
1884, le docteur Lange (de Saint-Pétersbourg) fait paraître
unarticle où il indique
un nouveausigne de diagnostic
pourle
sarcomeintra-oculaire.
Foucher, Rampoldi, Norton citent des observations
desarcome
mélanique de la choroïde.
En
1885, Martin (G.) fait paraître {Bull.
soc.rne'd.
et chir. deBordeaux)
uneobservation semblable de
même queHirscheberg et Birnbacker.
En
1886,
oncite' les observations
deWilliams, Adda-
rio, Pintode Gama, Albetos.
En
1887, Max Maschke publie
unimportant travail
dans
lequel il confirme les idées de Vossius
ausujet de
la double
origine du pigment.
En
1888, Galezowski
insiste sur le mode de propaga¬tion du sarcome.
En
1889, paraît la thèse de Vanhoutte (Paris).
Flous 2
En
1890, la thèse de Crépet (Nancy).
Pincus
(0.), Hiram Woods publie deux observations
sur le sarcome
mélanique de la choroïde.
Le docteur Panas fait un
article
sur cette mêmeaffec¬
tion et insiste sur le
diagnostic différentiel du décolle¬
ment
simple de la rétine d'avec le décollement sympto- matique du
sarcomeintra-ocaclaire.
En
1891, observation de Guttmarm (G.) et de Feren-
denthal
(G.).
En
1893, le docteur Lagrange publie des travaux
sur les tumeursmalignes de l'œil de l'orbite et de ses an¬
nexes;
Basso fait
uneétude
surle
sarcomede la choroïde.
En
1894, observation de Schultz.
En
1896, paraît
unarticle du docteur Panas
surla pro¬
pagation du
sarcomeà la cavité orbitaire et
sesenvirons.
M.
Vignes rapporte
un casde
sarcomechoroïdien dont
l'évolution a duré
vingt
ans.Gorechi
rapporte
un cas surla même affection.
L'observation de M. Antonelli est presque
semblable à
celle de M.
Vignes.
En
1897,
oncite
unarticle de M. Rochon Duvigneaud
sur le
diagnostic, pronostic, traitement des tumeurs intra
oculaires.
CHAPITRE PREMIER
OBSERVATIONS
Observation I
(personnelle).
S...
(Emile-Jean),
àSoulignac,
53 ans, cultivateur.Il entre à
l'hôpital Saint-André,
le9 septembre 1897.Antécédents héréditaires : Père mortd'affection pulmonaire à
l'âge
de 67 ans. Mèremorte d'une affection
chronique
dularynx,
qui très probablement étaitun épithélioma.Il ades frères et dessœurs en très bonne santé.
Antécédentspersonnels : Homme très
vigoureux,
n'a jamais eud'affection digne d'être notée.
En 1891, il s'aperçoit que la vision de son œil droit disparaît. Il vient consulter leDr
Lagrange
enmai 1892, lequelconstateun décol¬lement étendu de la rétine en bas et en dedans.
Rien de particulierne fitsoupçonner un néoplasme.
Le malade ne suivit aucun traitement. La perception lumineuse disparut
absolument;
une cataracte sedéveloppe,
le processus mor¬bide se déroule très
lentement,
puisque lesaccidents glaucomateux éclatentseulement enmai 1897, six années environ aprèsl'appari¬
tion du décollementdela rétine.
Lesdouleurs ont cessépresque complètement depuis
l'apparition
d'une volumineuse saillie entre le droit interne et le droit
inférieur;
le globe de l'œil est parailleurs trèsrégulier et ne présente rien de particulier, si ce n'est le
développement
excessif des veines ciliaires quiindique
la gêne de la circulation intra-oculaire. La tension de l'œil estactuellement àpeu près normale, ce quis'explique
par la facilité que trouve lenéoplasme à sedévelopper
en dehors du globe oculaire.Il existe une cataracte complète avec dilatation de la pupille. La
perception lumineuse de cet œil droit est absolument nulle, celle de
l'œil
gauche absolument intacte.
Le malade est très bienportant,
l'état général est très bon.
L'énucléation a lieu le 12
septembre 1897. On chloroformise le
malade. Rien à noter durant
l'opération.
Examen du
globe oculaire et de la tumeur.
—Nous nous sommes
trouvé en présence
d'un globe oculaire à peu près normal, à part
l'existence de la tumeur et
quelques points avoisinant cette tumeur.
Cette dernière estsituée entrele
droit interne et le droit inférieur
à5 millimètresde la cornée;
elle présente
unecoloration blanche, le
volume environ d'une
petite noisette, d'une consistance assez dure,
sa forme estcelle d'uneframboise,
mais les bosselures ne sont cepen¬
dant pas très
nombreuses. Autour de la tumeur on peut apercevoir
des petites
saillies arrondies et noirâtres qui ne sont autre chose
qu'un envahissement néoplasiquc de la sclérotique.
Nousavons divisé le globe
oculaire
endeux parties égales par un
plan desection passant
parle diamètre tranverse de la cornée et
coïncidantavecun
grand diamètre de la tumeur externe.
L'œil ainsi ouvert, nous avons pu
observer
undécollement de la
rétine surles deuxtiers
postérieurs du globe, puis nous nous sommes
trouvé en présence
d'une tumeur mélanique présentant une large
surface
d'implantation
surla sclérotique, laquelle paraissait absolu¬
mentintacte au niveau de
la section. La base de cette tumeur se
moule exactement sur la face concave
de la sclérotique, occupe la
région
interne, et environ comme volume, le sixième de celui du globe
oculaire. Elleestlégèrement
acuminée, la hauteur au niveau de la sec¬
tion estde 3millimètres,sa
plus grande épaisseur est de 6 millimètres.
La consistance est à peu près
la même
quecelle de la tumeur
externe, mais
le fait qui
nous a paruextrêmement intéressant, est
de rencontrer une tumeur interne
d'un gris très foncé au-dessus de
laquelle, la sclérotique seulement, la séparant, siège une seconde
tumeur, par
conséquent externe, dont la couleur blanche contraste
singulièrement
avecla couleur noire de la tumeur interne.
Nousavons eu, le 12
janvier 1898, la bonne fortune d'examiner le
malade qui a
fait l'objet de notre observation.
L'énucléation de son
œil
a eulieu il
y aquatre mois environ ; il
— 21 —
neparaît aucunerécidive au niveau de l'orbite; le malade jouit d'un parfait état général; il n'a ressenti aucune
douleur,
aucun malaise depuis l'intervention pratiquée par M. le Dr Lagrange; il n'a rien changé dansses habitudes et toutesses fonctionsphysiologiques
se font à merveille.Nous avonsexaminé avecgrand soin les différentsorganes,surtout le foie, etpartout nous avonsconstatédes rapportsanatomiques nor¬
maux. Rien de
changé
dans la forme, dans le volume des différents viscères.Nous avons pu pratiquer une
légère
saignée capillaire et faire l'examen dusang.Après avoir mis une goutte de sang entre deux lamelles, nous avons pu observer au
microscope
des globules rouges absolument normaux, pas de globules nains, pas de globules géants, pas de grains de mélanine.Nous avons fait la numération des globules par la méthode de Malassez; nous avons répété trois fois le même manuel opératoire
etnous avonstrouvéunemoyenne de S millions parmillimètre cube.
Il nous a été permisde faire, avec le concours de notre excellent ami, M. Garraud, pharmacien à l'Hôpital des Enfants, une analyse complète des urines de ce malade. En voici les résultats :
Volume de 24 heures . . Inconnu, maisle malade n'ajamais remarqué une augmentation ou une diminution dans laquantité de ses urines de 24 heures; ila
toujoursnormalementuriné.
Densité à -f 15° 1,021.
Réaction acide, jaune pâle, normale, transparent, nul.
Couleur Odeur. , Aspect Sédiment;
ÉLÉMENTS NORMAUX PAR LITRE
Urée 11 gr.
Acidephosphorique totalenP203. . . 1 gr. 10 Chlorurede sodium 10gr.80
ÉLÉMENTS ANORMAUX Albumine
Glucose
Pigments biliaires. .
néant.
— 22 —
Eiselt a
prétendu
quel'urine des gens atteints de mélanose devient
noire en
quelques heures,
parle repos à l'air et à la lumière ; on
obtient un résultat
semblable, dit le même auteur, et spontanément,
par
l'addition d'acide azotique concentré. Eiselt explique ce fait par
la présence
de la mélanine dans l'urine.
Iloppe-Seiyler
adémontré que cette propriété de l'urine de deve¬
nir sombre ne tenait pas à un
pigment spécifique, mais en une con¬
sidérable teneur en
indican.
Quoi qu'il en
soit,
ensuivant exactement le manuel opératoire
d'Eiselt, il ne nous apas
été permis d'observer, dans le cas présent,
la coloration brunâtre
progressive de l'urine exposée à l'air; de
même, la
réaction
parl'acide azotique concentré ne nous a rien
donné. Dansnotre
première expérimentation, nous avons laissé les
urines exposées à
l'air durant quarante-huit heures, rien n'a changé
dansl'aspect,
l'odeur n'était même pas ammoniacale.
Examen
histologique
:Cet
examen aété fait sous le contrôle de mon
maître, M.
le
DrLagrange. Les coupes ont été faites après inclusion
dansla
paraffine et colorées au picro-carmin et à l'hématoxiline.
L'examen histologique
devant porter à la fois sur les parties intra-
oculaires etsur les
parties extra-oculaires du néoplasme, nous nous
sommes
appliqué à faire porter nos coupes sur la portion du néo¬
plasme
visible dans la figure 2, si bien que d'une façon générale
chaque coupe
permet d'étudier la partie extra-oculaire et la partie
intra-oculaire séparées
l'une de l'autre
parla sclérotique.
En
multipliant les
coupes,il nous a été possible de découvrir l'ori¬
ficeartificiel par
lequel la portion intra-oculaire du néoplasme a pu
gagner
l'orbite. Nous pouvons ainsi faire porter notre étude histolo-
logiquesur
trois points principaux :
1° La
portion intra-oculaire.
2° La
portion extra-oculaire.
3°L'orifice de
communication.
Premièrepartie. La
portion intra-oculaire frappe immédiatement
par
la quantité très considérable de pigments qu'elle contient. En
certainsendroits,
particulièrement dans les points où la tumeur confine
àlasclérotique,on remarque
de véritables conglomérations noires
qui
setrouvent aussi d'ailleurs en grande abondance mais sous un plus
petit volume dans le reste de cette tumeur choroïdienne.
Cetaspect noirâtre du néoplasme infra-oculaire contraste sur les
préparations
microscopique
comme sur lapièce macroscopiqueavec l'absence presque complètede pigmentdans laportion extra-oculaire qui revêt l'aspect général d'un sarcome blanc.Il y a entre la pigmentation extrême de la première portion du néoplasmeetl'absencepresquecomplètedupigmentdans la deuxième portion une particularité très intéressante qui mérite une attention toute spéciale. La sclérotique qui sépare ces deux portions du néo¬
plasme ne paraît pas d'ailleurs avoir souffert; dans la majorité des coupes elleaconservésonépaisseuruniforme etsastructure fibreuse
caractéristique. Ce n'est que sur un pointtrèscirconscrit étudié plus
loin qu'elles'est laissée perforer.
Telles sont, d'unefaçon générale,lesdispositionsreconnues surles coupes examinées à un très faible grossissement. On ne
distingue
aucune des membranes profondes de l'œil, la rétine décollée n'a pas été comprise dans les coupes et au niveau du néoplasme la choroïde
a été complètement détruite, si bien qu'il est impossible derecon¬
naître surquellecouche de lamembrane vasculairede l'œil l'affection s'est plus particulièrement localisée.
Avec un grossissement
(Yérich
oculaire 3 obj. 6. tube non tiré),nouspouvons apprécier les détails de structure du néoplasme. Nous
constatons immédiatement qu'il
s'agit
d'une tumeur sarcomateuse, composée en majeure partie d'éléments fusiformes. Cependant quel¬quesrégions du néoplasme et particulièrement celles qui sont éloi¬
gnées de la
sclérotique
sont composées de cellulesembryonnaires jeunes à l'état d'activé prolifération. Les éléments pigmentairessonttrès abondants, ils sont surtout constitués par de gros amas brunâ¬
tres indépendants du reste du néoplasme tassés les unscontre les autres en massesirrégulières, il y a peu de cellulessarcomateuses
quirenferment dans leurprotoplasme quelques granulations pigmen¬
taires. Les cellules qui renferment les pigments en sont totalement farcies. Ilestimpossible aussi bienavec un fortgrossissementqu'avec
un grossissementfaible de dire que le néoplasmeadébuté dans telle
ou telle partie de la membrane vasculaire de l'œil, puisque tout est la proie des éléments morbides depuis la membrane vitreuse
(couche
interne) jusqu'à la laminafusca.
Lenéoplasmeestd'ailleurs peu vas-24
culaire, les seuls
vaisseaux
quenous yayonsreconnussont de
grossesbouchesvasculaires
dépendant vraisemblablement de la couche des
veines dela choroïde.
Deuxièmepartie.La
portion extra-oculaire, ainsi
que nousl'avons
dit, mériteune
mention spéciale
pourl'absence
presquecomplète de
pigments,
elle
estégalement remarquable
parla densité plus grande
de son tissumais elle est
également constituée
pardes cellules fusi-
formesdont beaucoup sonttrès
allongées; du reste,
peude vaisseaux
et tous ceux que nous y rencontrons
sont situés contre la scléro¬
tique et sont
préexistants
aunéoplasme. D'ailleurs
cesarcome fibro-
plastique ainsi développé
endehors du globe de l'œil a des limites
très nettes, ainsi que le
fait apparaissait
avecévidence
surla pièce
anatomique.Troisième partie. Etudions maintenant le trait d'union qui
relie
lesdeux parties
de la
tumeur que nousanalysons. Il
afallu faire
unassez grand
nombre de préparations
pourreconnaître la solution de
continuité relativement étroite de la sclérotique. Mais
il
nous aété possible de faire
à ceniveau des
coupesqui la mettent
encomplète
évidence. Il ne s'agit pas
d'une ouverture faite à l'emporte-pièce,
mais d'une déchirure autourde
laquelle la sclérotique apparaît amin¬
cieusée, infiltrée,
détruite enfin
parle développement des cellules
embryonnaires jeunes,actives, cherchant à sortir de l'œil. Il est possi¬
ble que pour passer
ainsi à travers la sclérotique, les éléments
em¬bryonnaires aient suivi la paroi d'un vaisseau qui leur
aservi
enquel¬
que sorte
de fil conducteur, mais
surles
coupesdont la figure 3
reproduit
minutieusement l'aspect, il n'est
paspossible de voir autre
chose qu'une ouverture
irrégulière faite dans
unesclérotique amin¬
cie et infiltrée.
Aprèscette
description, il
nousresterait à étudier
pourcette tumeur
mélaniquela
question de l'origine du pigment;
onsait
quele pig¬
ment peut,
dans le néoplasme, venir soit des éléments pigmentés
normaux de larégion,
soit du
sang.Dans
notre casparticulier,
sansexamenplus
approfondi, il
neparaît
pascontestable
quele pigment
soit avant tout du pigment
choroïdien,
caril n'existe d'éléments
mélaniques quedans la portion intra-oculaire du néoplasme. Les
quelques granulations
quel'on trouve dans la portion extra-oculaire
— 25 —
ont, étésans aucun doute apportées par les cellules sorties de l'œilà la faveur de laperforation que nous venons de décrire. Une autre raison doit nous faire admettre l'origine non
hématique
de ce pig¬ment, c'est le peu de richesse vasculaire du néoplasme, dans lequel
on ne rencontre aucune
hémorrhagie
interstitielle.D'ailleurs, pourcompléter cet examen, je me propose de résumer
etde vérifierce qui a été dit et faitàce sujet.
Les auteurs n'ontjamais été d'accord sur
l'origine
du pigment dusarcome
mélanique.
Virchow estpartisan de la prolifération du pigment physiologique
de la choroïde.
Langhans
en fait une origine purementhématogène;
les globulesrougessont absorbés par les cellules etforment le pigment.
Fuchs est de l'avis de Virchow, .les cellules
pigmentaires
de la choroïde infecteraientles cellules de tumeur incolore voisine.Vossiusa été conduit à une opinion opposée par l'examen micro- cliimiqueminutieux des tumeurs mélaniques de l'œil. Il existe une transformation directe de
l'hémoglobine
ou des corpuscules rouges du sang et par conséquent, d'aprèscet auteur, on doit, dans un sar¬come mélanique, trouver le
mélange
de pigments, les uns d'originehématique,
les autres provenantde la prolifération depigments phy¬siologiques.
Ces faitsontété misenrelief parlaréaction de Perles etde Quinke.
Le premier réactif n'est autre que du cyanure de potassium, le second du sulfure d'antimoine.
Par ces réactifs les masses pigmentaires se colorent : 1° en bleu;
2° en vertfoncé ou noir, d'où présence de
l'hémoglobine.
Mais il est un pigmentdiffus brun chocolat qui n'estpas modifié.
Oppenheimer estd'accord avec Vossius.
À l'incitation duprofesseur Vossius, Maschke a examiné plusieurs
sarcomes
mélaniques
de la choroïde, il dit :1erCas. De fines coupessoumises à l'action dusulfure d'antimoine
ne donnèrent la réaction
caractéristique
du fer ni de la part des fragments pigmentairesàgros grainsni de celledes tissus cellulaires pigmentés. Mais ilne fautpas enconclurequeles fragments pigmen¬taires bruns contigus à la lumière des vaisseaux ne dérivent pas
de
l'hémoglobine, car ce sont
les
massespigmcntaires caractérisées
par Vossius. Le résultatnégatif
peuttenir
à ce quele bulbe de l'œil
a séjournélongtempsdans le liquide de Muller,
ouà l'existence d'une
combinaison chimique empêchant
l'action du sulfure d'antimoine
sur le fer du pigment.2° Cas. Cellulesremplies de poussières
brun chocolat foncé. Cor¬
puscules rouges
nombreux
etpressés les
unscontre les autres et
indiquant sans doutele résidu d'une hémorragie antérieure; cellules pigmentaires choroïdiennes atrophiées. A la périphérie, cellules fusi-
formesnon
pigmentées
entrelesquelles existent des cellules pigmen¬
taires rondesou fusiformesisoléescontenantdupigment
brun foncé.
Lesulfure d'antimoinedonnaiten grande partie une
réaction posi¬
tiveavecles cellules rondes et fusiformes caudées; réaction
négative
avec les cellules coloréesd'une façon diffuse en
brun chocolat.
3e Cas. Les endroits pigmentés entourent
les vaisseaux,
cesont
des amas arrondis donnant laréaction de Perles. La tumeur estsur¬
tout constituée par des
cellules fusiformes
nonpigmentées.
4e Cas. Tumeurconstituée
principalement de cellules pigmentées.
Sous unfaible
grossissement,
onpouvait distinguer deux sortes de
tissus
pigmentés
:cellules
à noyaux etfragments
sans noyaux.Les
premièresétaient d'un brun chocolat
oud'un brun foncé, allant jus¬
qu'au noir,
les
autresprésentaient
toutesles
nuancesdepuis le
rouge jaune jusqu'au noiret setrouvaient
en contactavecles vaisseaux.
Les deux réactions ont donné des résultats positifs et ont
laissé
intactle pigmentsitué dans les
cellules fusiformes. Donc les résul¬
tats de Yossiusparaissent
confirmés.
En suivant le mêmemanuel opératoireet usant
des mêmes réactifs
surplusieurs coupes
de la
tumeurqui
afait l'objet de
monobserva¬
tion, ilnem'a pasété
permis d'arriver
aurésultat de Max Maschke.
C'estdans le laboratoire de M. le professeur agrégé
Cannieu, et
ensa présence que
j'ai essayé d'obtenir les réactions caractéristiques.
Lesréactifs sont restés surles coupesdurant 24
heures
etplus.
La tumeuravait été fixée dans une solution faible de sublimé. Je
nepense pas quece
soit là la
causedes résultats négatifs, et j'ai la
conviction que nous
avions affaire à du pigment choroïdien.
— 27 —
Grâce à
l'obligeance de M. le Dr Ulry,
nous pouvons fairefigurer dans
notrethèse
uneseconde observation.
Observation II
Recueillie dans le service de INI. leprofesseur Badal.
P..., âgé de 39 ans, surles antécédents personnels et héréditaires duquel nous ne possédons pas de renseignements bien précis, chas¬
sait il y aquatre ans, lorsque ayant fait feu il reçutdans l'œil droit
une partie des gaz provenant de la combustion de la poudre. Il res¬
sentit aussitôtune légère piqûre au point si
brusquement
trauma¬tisé, etce fut là le seul symptôme douloureux qu'il présenta, lavue étaitrestée parfaitementnormale.
Immédiatementaprès l'accident, P... s'aperçut, en dedans de sa cornéedroite, de la présence de « deux petits points noirs » qui ont augmentéprogressivement. La vision de cet œil a suivipendant ce
temps une marche graduellement décroissante et elle est totalement abolie depuis un an ; àce moment, P... aéprouvé desdouleurs lanci¬
nantesdans l'œil droit«qui étaitrougecommeunetachede sang».Ces douleursont duréplusieurs semaines. Ily a environ trois mois,"P...
reçoituncoup sur son œilmalade. Cesecond traumatismedétermine de nouvelles douleurs et la production d'une ecchymose sous-con- jonctivale.Lespetitesmasses noires ontenmêmetemps grossi. Cette augmentation devolume a inquiété le malade et il s'est décidéà entrer à
l'hôpital
le 22 février. L'œil droit, de volume normal, pré¬sente en dedans, au niveau de la
Sclérotique,
en arrière du limbescléro-cornéen,
deux masses très noires, l'une supérieure, du volume d'un noyaude cerise, l'autre inférieure, de la grosseur d'une len¬tille, ces deux masses sont toutesdeux aplaties,
sous-conjonctivales,
et séparées l'une de l'autre par une dépression peu marquée.
Lacornée infiltrée dans sa partie supérieure et externe est trans¬
parente en bas et en dedans; grâce à cette partie transparente on
aperçoit l'iris décoloré et le cristallin cataracté. L'œil estinéclaira- ble.
— 28 —
L'œil
gauche
neprésente rien de particulier à signaler.
L'énucléation ayant
été décidée,
onla pratique le 24 février après
anesthésiechloroformique.
L'œil est ouvert le 27 suivant son
diamètre vertical antéro-
postérieur. Le corps
vitré est fluide et contient une grande quantité
de cristaux brillants de
cholestérine. La rétine est décollée totale¬
ment. On est
surpris de
trouverà la partie interne du globe une
tumeur de forme
irrégulière constituée
pardeux parties séparées
par un
étranglement
; enarrière dans le corps vitré, une masse
noire ronde du volume d'un noyau
de cerise, accolée
enavant à
une masse plus
volumineuse du volume d'une noisette. Il est facile
de s'assurer que
la
masseantérieure
necorrespond pas au staphy-
lome, car avec une
pince
onpeut la soulever et constater qu'elle
n'adhère pas à
la région ciliaire, elle
secontinue seulement avec la
tumeur
postérieure fixée h la choroïde par un large pédicule.
L'examen histologique a
été fait
parMM. Ulry et Gabanne. Il ré¬
sulte de cet examen que
les deux tumeurs extra et intra-oculaire
sont des mélano-sarcomes. Il est à
signaler aussi, dans l'examen mi¬
croscopique, que
la face interne de la sclérotique, sur laquelle repose
la tumeur intra-oculaire, est
absolument indemne de toute lésion.
N.ousavons, sur
plusieurs
coupesde cette tumeur, essayé de repro¬
duire lesréactions de Max
Maschke, mais,
commedans notre obser¬
vation
personnelle,
nous avonseudes résultats négatifs.
CHAPITRE II
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
Nous n'avons pas
l'intention de faire l'étude approfon¬
die des lésions actuellement bien connues
qui caractéri¬
sent le sarcome
mélanique de la choroïde. Mais,
comme nous l'avonsdéjà dit, le point culminant de
notrethèse
est de rechercher :
1° Comment et en
quel point
sefait le début du
néo¬plasme.
2°
Quelle voie il suit
pourenvahir les tissus voisins.
Pour
répondre à
cetteseconde question,
nous avons recherché avec laplus grande minutie
tousles
casde
tumeurs intra et
extra-oculaires,
c'est-à-dire tous les cas serapprochant de
notreobservation personnelle.
Voici le résumé de l'examen
histologique de
cesdiffé¬
rentes observations.
ObservationIII
L'œilprovient de la clientèle de M. le professeur Von Arlt.
Pour ce qui regarde la tumeur intra-oculaire, on peut à juste titre laregarder comme uneinfiltration sarcomateuse diffuse de la totalité du tractusuvéal.
La choroïde, épaissie àde certainsendroits, est traversée par des cellules sarcomateuses. C'est dans la choroïdeproprement dite que se trouve le plus fort degré d'infiltration.
La tumeur se compose de cellules petites mais épaisses, fusifor-
mes, les unes incolores, les autrespigmentées. La substance inter-
— 30 —
cellulaire a presque
disparu. Çà
etlà les cellules sont ordonnées
sous forme decordons ou de travées dans Taxedesquels
marcheunvais¬
seau. C'està la
périphérie de
cescordons qu'on trouve la plus forte pigmentation. Le nodule extra-oculaire, du volume d'une lentille,
présente
la même
structure :celle d'un
sarcomeà
grossescellules
rondes,comme
quelques-unes des parties de la
tumeurintra-oculaire.
Onpeut voir une
communication directe entre la tumeur extra-ocu¬
laire etlatumeur intra-oculaire.
Il existeun deuxième nodule extra-oculaire delamême
grandeur
et de la même constitution histologique;
il
est endedans du
côtédu
nerfoptique. Ici de
larges
traînéesde cellules
sarcomateusestraver¬
sentla sclérotique dans une
direction oblique; elles suivent proba¬
blement
quelques-unes des
artèresciliaires postérieures
;elles fen¬
dent lasclérotiqueen
lamelles nombreuses
etforment
une commu¬nication directe entreles tumeursextra-oculaire etintra-oculaire.
Observation IV
Fuchs
Malade de GG ans, admise le 13 novembre
1878.
Commémoratifs: Il y a
huit jours, violente inflammation de l'œil
gauche.Auparavant la malade avait
vudes cercles colorés et
commeà traversun brouillard. Vue trouble aussi du côtédroit.
Etat actuel: Femme trèsvieillie. Très forte injection ciliaire â gau¬
che; on ne peut pas
voir le fond de l'œil. Ayant diagnostiqué
un glaucome, onfait
uneiridectomie supérieure régulière.
Guérison sans incident: Les milieux de l'œil deviennent transpa¬
rents. En 1879, la malade revient pour
des accidents analogues du
côté droit. Même traitement, mêmes résultats.
Quelque temps après son
départ, production d'une
tumeurà côté
de la pupille.
Enucléation.
Examen
anatomique: Choroïde attaquée dans
presque toute son étendue, etpresque toutessescouches,
parla dégénérescence
sarco¬mateuse, qui
s'étend aussi du côté inférieur
versle
corpsciliaire. La
- 31 —
chambre antérieure est remplie par des masses sarcomateuses. De là, on peut suivre une traînée de cellules
néoplasiques
à travers lacornée et observer par conséquent une communication directe entre les deux tumeursintra-oculaireetextra-oculaire, siège dans larégion
du pôle postérieur. Elle n'est pas en communication directe avecla
dégénérescence intra-oculaire; cependant, des traînées cellulaires entre les lamelles de la
sclérotique
lelong
de quelques vaisseaux ciliaires postérieurs montrent le chemin pris par les cellules sarco¬mateuses lors de leur migration au dehors.
La choroïde estépaissie; sasurface interne estenpartierecouverte de petits nodules blancs; sur des coupes transversales, on trouve qu'elle est traversée dans toute son épaisseur par des cellules sarco¬
mateuses. Celles-ci font leurpremière apparition dans la couche des grosvaisseaux et dans la supra-choroïde et même au dehors de la membranevitrée.Là, ainsique dans le stromachoroïdien, elles sont groupées sous formede petits amas arrondis qui sont en partie sous les cellules de
l'épithélium
pigmentaire, en partie sur celui-ci et qui correspondent auxpetits nodules blancs visibles àl'oeil nu à la sur¬face interne de la choroïde.
Les cellules formant les nodules sont arrondies ou
polygonales,
avec un gros noyau. Dans les petits nodules, les cellules sont plus petites; dans les grands, elles atteignent un volume considérable et ont plusieurs noyaux,de telle sortequ'elles ressemblent aux cellules géantes, sans cependant avoir
l'aspect
typique desmyéloplaxes.11 semble que, dans ce cas, la formation sarcomateuse provient de la cicatrice de l'iridectomie. En partant de là, le sarcome a proliféré d'un côté endehorsetaformé la tumeur péricornéenne et,de l'autre côté, a envahi dans la chambre
intérieure,
l'iris, le corps ciliaire et la choroïde.Iln'yaque lasection la pluspostérieure de la choroïde et du côté supérieur qui n'ait passubi de dégénérescence.
La tumeurextra-oculaire,situéeaupôlepostérieur,s'était produite de la manière ordinaire par une migration decellules sarcomateuses le
long
des vaisseaux traversant lasclérotique.
Observation V
Fuchs.
Commémoratifs
:M.G..., 50
ans, a eu,il
yadeux
ans,des douleurs
violentes dans l'œil droit. Depuisun an et
demi, exophtalmie
pro¬gressive. A
l'heure actuelle, les paupières peuvent être à peine fer¬
mées, le globe
oculaire
estimmobilisé. Enucléation, raclage de l'or¬
bite.
Examen anatomique : Le segment
postérieur de la choroïde est
occupé par une
néoformation qui
nefait
pas unegrande saillie dans
le corpsvitré, mais
qui,
enrevanche,
aperforé la sclérotique
pour proliférer endehors
etobtenir
unvolume
assezconsidérable (celui
d'une prune
environ).
Le sarcome
(dans
sapartie tant intra qu'extra-oculaire) se compose
de cellules fusiformes de grandeur moyenne;
quelques places
ne contiennentcependant quedes cellules rondes.
Le
pigment
estdistribué très irrégulièrement dans la tumeur; on
lerencontre dans les cellules. La tumeur doit avoir prisson
origine
dansl'une des couches externesde la choroïde,car l'on trouve pres¬
que partout
la
tumeurrevêtue
parla couche capillaire et la mem¬
branevitrée. Au milieu seulement elles font défaut, desorte que
la
tumeur adhèreavec la rétine.
ObservationYI
Luglino et Manfredi.
Sarcome mélanotique du corps ciliaire.
Chan..., âgé de 63 ans,
aveugle de l'œil droit depuis quatre
ans.Depuis
deux
ans, tumeurdéveloppée à la partie inférieure du globe,
elle offre tousles caractères d'un
staphylome scléro-choroïdien.
La tumeurextra-oculaire mesure trois centimètres sur
deux dans
ses principaux
diamètres. Le quart inférieur externe de la cavité
oculaire est occupé par une
néoplasie qui naît du
corpsciliaire et
s'étendjusqu'à la