NOTE
UTILISATION DIGESTIVE DES PROTÉINES DU
LACTOSÉRUM PAR LE VEAU PRÉRUMINANT A L’ENGRAIS
R. TOULLEC C.-M. MATHIEU L. VASSAL R. PION*
*
Station de Recherches sur
l’Élevage
des Ruminants**
Station
d’Étude
des Métabolismes Centre de Recherches deClermont-Ferrand,
63 - Saint-Genès-Champanelle
.Station de Recherches laitières et de
Technologie
des Produits animaux Centre national de Rechercheszootechniques,
78 -Jouy-en-Josas
Institut national de la Recherche
agronomique
Les matières azotées des aliments d’allaitement actuels ont pour
origine
presque exclusive lapoudre
de lait écréme. L’utilisation d’autres sources d’azote par le veaupréruminant
a faitl’objet
de travaux peu nombreuxqui
n’ont paspermis, jusqu’à présent,
d’obtenir des résultats satisfaisants(B LAXTER
etW OOD ,
i952 ; HUBER etS LADE , 19 6 7 ).
Nous avons doncentrepris
l’étude de l’utilisation de
quelques
matières azotéessusceptibles
de se substituer à celles du lait dans les aliments d’allaitement. Nousrapportons
ici les résultats concernant l’utilisationdigestive
des
protéines
du lactosérum.Les matières azotées
représentent
environ 12 p. 100de la matière sèche du lactosérum. Unproduit
constitué presque exclusivement deprotéines
et de matières grasses a étépréparé
à laLaiterie
expérimentale
du Centre national de Rechercheszootechniques
deJouy-en-Josas
àpartir
du lactosérumqui provenait
des fabrications defromages
deGruyère.
Au moment de sonutilisation,
ce lactosérumprésentait
en moyenne lescaractéristiques
suivantes :pH 6, 45 ,
acidité titrable(exprimée
en acidelactique)
0,10 p. ioo, teneur en matières azotées0 ,8 9
p. 100, teneur enmatières grasses 0,50 p. 100. La teneur en matières grasses était amenée à i p. 100par addition de crème contenant environ 50 p. 100de matières grasses.
Après chauffage
à93 - 95 °C,
lepH
dulactosérum était abaissé
brusquement
à environ 5,3 par addition de laquantité
de lactosérum acide nécessaire pJurporter
l’acidité titrable dumélange (exprimée
en acidelactique)
à0 , 1 6- 0 , 17
p. 100. Dans ces
conditions,
onprécipitait
en moyenne o,5 g deprotéines
p. 100g de lactosérum.
Le
précipité présentait
unaspect
floconneux et entraînait la presque totalité des matières grasses.Après
avoir étéséparé
par décantation etfiltration,
leprécipité
était mis en moules etpressé pendant
24heures. Leproduit
obtenu contenait en moyenne 40 p. ibo de matière sèche dont lacomposition
étaitapproximativement
la suivante : 39 p. 100 de matièresazotées,
57 p. 100de matières grasses, 2 p. 100de matières minérales et i p. 100d’acidelactique.
Par son mode depréparation,
ceproduit correspond
à celui que lesfromagers jurassiens
etsavoyards appellent
« Séret » ou « Sérac ». Le lactosérum
dégraissé
etpartiellement déprotéiné
résultant d’une fabri-cation, servait, après
avoir été acidifié par une culture delactobacilles, d’agent
d’acidification pour la fabrication suivante.Après transport jusqu’au
C. R. Z. V. deTheix,
le Sérac était stocké à -150 C jusqu’à
son utilisation. Le lait deremplacement
étaitpréparé
au moment del’emploi
en
mélangeant (pour
ikg) :
150 g deSérac, 6 5
g depoudre
de lactosérum séché par leprocédé
Spray,
3 g demélange
minéral etvitaminique
et7 8 2
g d’eau à40 °C.
SonpH
était de l’ordre de5 , 3
o et il contenait en moyenne 12,4 p. 100de matière sèche dont la
composition
était la suivante : 24 p. 100de matièresazotées,
23 p. 100de matières grasses, 42 p. 100delactose,
6 p. 100de matières minérales et 2p. 100d’acidelactique.
Les acides aminés du Sérac
(tabl. i)
ont été déterminés parchromatographie
sur colonne aumoyen d’un
appareil automatique, après hydrolyse
acide(PION
etFAUCONNEAU, 19 66).
Les acidesaminés soufrés ont été déterminés
après oxydation performique.
Lesprotéines
de Sérac sontparticulièrement
riches en acides aminésindispensables
et semiindispensables puisque
ceux-cireprésentent
environ 60 p. 100de l’ensemble des acides aminés. Elles sont donc nettementplus
riches que les matières azotées du lactosérum
qui
ne contiennent que 47p. 100d’acides aminésindispensables.
Elles ont une teneur enlysine particulièrement élevée,
et renferment en propor- tionséquilibrées
laplupart
des acides aminésindispensables
et semiindispensables.
Elles sonttoutefois
légèrement
carencées enhistidine,
et contiennent un certain excès de leucine. Leur similitude decomposition
avec la(i-lactoglobuline permet
de supposer que leur teneur entrypto- phane
est élevée.L’essai a
porté
sur 2 veaux mâles de race frisonne maintenus en cage à bilan entre lesâges d’environ et 9 6 jours.
Les mesures dedigestibilité
ont commencé une semaineaprès
la mise encage : elles ont été
effectuées
en 6périodes
successives de rrjours, séparées
par desinterpériodes
de 3
jours
commeindiqué
dans le tableau 2. Les veaux ont reçu le lait à base de Séracd’abord
enmélange
avec du lait entier enproportions
décroissantespendant
les 5premiers jours, puis
seuljusqu’à
la finde
l’essai. Lesquantités
distribuées étaientimportantes
etaugmentaient
avecl’âge
de 8
kg/j
audébut, jusqu’à
16kg/j
àpartir
del’âge
de 70jours.
,L’appétit,
lacroissance,
l’efficacitéalimentaire
et l’état sanitaire ont été satisfaisants endehors toutefois de la
première période
de mesures où l’incidence des diarrhées a étéplus
élevée.Nous n’avons pas tenu
compte
des résultats de cettepériode
dansl’expression
des moyennes. Laquantité
de matière sèche consommée parjour
a été de i 422g, celle consommée parkg
degain de poids
de 1514 g, legain
depoids
de 940g/j ( 30
g d’écart entre les 2veaux),
et lepourcentage
de
jours de diarrhées (jours
où la teneur en matière sèche des fèces a été inférieure à r2p. ;lOO )
dez I
. A
l’abattage,
les carcasses avaient unaspect
et un étatd’engraissement
tout à fait normaux.En dehors de la
première période
de mesures, ladigestibilité apparente
du lait a été élevée(
97
p. 100pour la
matièreorganique)
etcomparable
à celle des aliments d’allaitementclassiques (tabl. 2 ).
Ladigestibilité
de l’azote(g 3
p.100 )
a étéplus
élevée que celle(8 3
p.100 )
obtenue parR
AVEN ( 19 6 7 )
pour l’azote d’unaliment
d’allaitement dont les matières azotéesprovenaient
pour,moitié
d’un sérumdélactosé. L’utilisation métabolique
de l’azote absorbé a été excellentepuisque
te eaemcient
de rétentionapparent
à atteint 72 p. 100et adépassé
celui(6 5
p.100 )
obtenu dansdes conditions analogues
par MATHIEU et BARRÉ( 19 6 4 )
pour l’azote d’un lait entier à 35 P-1000de matières
grasses.. Cette valeurélevée peut
êtreattribuée,
d’unepart,
à la teneurplus
forteen
glucides
dulait
deremplacement
et, d’autrepart,
à une meilleurecomposition
en acidesaminés,
enparticulier
en cequi
concerne les acides aminés soufrés.En
conclusion,
lesprotéines
du lactosérum sont bien utilisées par le veaupréruminant.
Remarquons cependant
que cesprotéines
necoagulent
pas sous l’action de laprésure
commenous avons pu le
vérifier
à la fois in vitro et dans la caillette àl’abattage.
Parconséquent,
cettecoagulation
ne semble pas un facteurdéterminant ; cela s’oppose
aux conclusions de BLAXTERet
WooD( 1953 )
mais s’accorde avec les résultatsobtenus
par OwEN et al.( 195 8)
avec du laitentier
rendu
incoagulable
par addition de citrate de sodium. Il serait doncpossible
deremplacer
en?-I , ...
totalité la
poudre
delait
écrémé dans les aliments d’allaitement à condition que les sources de matièresazotées utilisées
soientbien équilibrées
en acides aminésindispensables
et ne contiennent niconstituants
peudigestibles,
ni facteursantitrypsiques (G ORRILL et THOMAS, 19 6 7 ).
Reçu pour publication
enjuillet 1 969.
SUMMARY
DIGESTIVE UTILIZATION OF WHEY PROTEINS BY PREliUMINANT FATTENING CALVES
A milk substitute with
only whey proteins
as source ofnitrogen
wasgiven
to twoprerumi-
nant calves
kept
inbalance
cages between the ages of about 7 and 96days. Appetite, growth, efficiency
of feed utilization and health weresatisfactory. Apparent digestibility
of the consti- tuents of thesubstitute (table 2)
washigh
andcomparable
to that ofconstituents
of the usual milkreplacers (organic
matter97
percent, nitrogen
93 percent,
fat 9.1 percent).
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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E.C., Société de
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etBiologique,
Cahier n° 6,15 8- 175 .
R
AVEN A.