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La douleur périopératoire en chirurgie de la main Pain perioperative in surgery of the hand

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Mise au point

La douleur périopératoire en chirurgie de la main Pain perioperative in surgery of the hand

M.-T. Gatt

Département danesthésieréanimation, hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France Reçu le 31 août 2006 ; accepté le 4 septembre 2006

Résumé

La période périopératoire dans la chirurgie de la main s’associe à des douleurs qu’il faut traiter. L’amélioration de la prise en charge de la douleur observée ces dernières années est le fait d’une meilleure connaissance des mécanismes de la douleur, d’une évaluation rigoureuse et de protocoles thérapeutiques adaptés aux mécanismes de la douleur. Le plus souvent nociceptive, la douleur lorsqu’elle persiste ou s’intensifie, prend les caractéristiques d’une douleur neurogène. Les traitements par les antalgiques n’ont alors aucun effet, il faut recourir aux substances antihyperalgésiantes. La prévention de la douleur demeure son meilleur traitement. De fait, l’organisation de la prise en charge de la douleur périopératoire s’inscrit dans une démarche–qualité à laquelle participe toute l’équipe médicochirurgicale.

© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Pain has to be treated during the perioperative period. The recent improvement in pain treatment results from a better understanding of pain mechanisms, strict evaluations and appropriate protocols for pain management. Mainly nociceptive, postoperative pain looks more and more like neuropathic pain when it persists or increases. Therefore, analgesics are no more effective and antihyperalgesiant drugs must use. Preventive treatments have to be considered first as the best pain treatment. Basically, perioperative pain has to be understood as a standard quality manage- ment by the medical and surgical team.

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Mots clés :Douleur aiguë ; Chronique ; Hyperalgésie ; Analgésie postopératoire ; Démarche–qualité ; Chirurgie de la main Keywords:Acute; Chronic pain; Hyperalgesia; Chronic pain; Postoperative pain treatment; Following quality management; Hand

1. Introduction

La chirurgie de la main est celle d’un organe essentiel de l’homme, intervenant dans sa vie de relation. La main est l’organe sensoriel du toucher, elle peut même suppléer à l’absence de vision. Elle est aussi l’organe moteur du geste et de la préhension. Elle intervient dans toutes les formes de tra- vail ou d’expression artistique, dans les échanges avec les autres, dans la sexualité. Elle est ainsi le prolongement de la pensée de l’homme et le vecteur de son identité. Cette chirurgie a pour vocation de réparer et de restaurer au mieux ces fonc-

tions dans le cadre des traumatismes de la main et celui des affections non traumatiques, neurologiques, vasculaires, infec- tieuses, rhumatismales, tumorales et congénitales.

Pour traiter la douleur il faut la décrypter et l’évaluer, ce qui se fait à plusieurs niveaux en tenant compte tant des aspects somatiques que des représentations socioculturelles de cet organe. Au plan somatique, toute chirurgie engendre de la dou- leur, toutefois cette douleur peut également s’inscrire dans un contexte douloureux préalable lié à la pathologie ou au trauma- tisme qui conduit à l’intervention elle-même. Le fonctionne- ment psychologique du patient et son vécu de la maladie ou des circonstances du traumatisme sont également à prendre en compte, ils permettent d’engager un processus thérapeutique et d’anticiper, voire de prévenir certaines complications. Ce que

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Adresse e-mail :marie-therese.gatt@avc.aphp.fr(M.-T. Gatt).

1297-3203/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

doi:10.1016/j.main.2006.08.002

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nous avons à traiter n’est pas une douleur, trop souvent est réduite à sa dimension physique, maisla plainteexprimée par le patient. Au support somatosensoriel se surajoutent les dimensions émotionnelles et cognitives de la douleur, la souf- france engendrée par la perte de tout ou partie de la main en cas d’amputation et les modifications anatomiques, les craintes du fait d’expériences douloureuses antérieures, l’incapacité à se projeter dans un avenir personnel et professionnel différent. La douleur est de fait un phénomène complexe, il importe de défi- nir les mécanismes physiopathologiques qui la sous-tendent et d’évaluer ses différentes composantes sensorielles, émotionnel- les, cognitives et comportementales. Le traitement symptoma- tique est adapté aux résultats de cette analyse. Après sa mise en route, il est régulièrement évalué et ajusté.

2. Rappels de physiologie de la douleur[1]

2.1. Naissance et intégration du message douloureux 2.1.1. De la périphérie vers les centres

Les influx nociceptifs sont générés en périphérie par les ter- minaisons de fibres sensitives peu ou non myélinisées. Ces terminaisons constituent les nocicepteurs, elles sont situées dans la peau, les muscles, les articulations et les viscères. Les influx sont ensuite véhiculés par les fibres C et A delta vers la moelle épinière. La majorité des nocicepteurs répondent à des stimuli variés, thermiques, mécaniques ou chimiques. Les fibres qui véhiculent les influx sont de petit diamètre, de type A delta et C. La douleur aiguë rapide est due à l’activation des fibres A delta alors que la douleur retardée correspond à celle des fibres C. Les fibres C sont majoritaires puisqu’elles repré- sentent 80 % des fibres afférentes cutanées.

2.1.2. Les centres

Les fibres afférentes gagnent la moelle par la corne posté- rieure, quelques rares fibres parviennent à la corne antérieure, motrice. Deux catégories de cellules relaient à ce niveau, les neurones convergents et les neurones spécifiques. Les neurones convergents sont activés par la douleur et d’autres modalités sensitives, ils sont également convergents au plan topique, recevant des informations cutanées et viscérales. Cette conver- gence est à l’origine des douleurs projetées. Les neurones spé- cifiques ne peuvent être activés que par les influx nociceptifs.

Le neuromédiateur le plus connu est la substance P, libérée par les fibres C.

Le message douloureux gagne les centres cérébraux par la voie antérolatérale croisée, constituée par trois faisceaux prin- cipaux, le néospinothalamique se projetant dans le thalamus ventro-basal, le paléospinothalamique et le spinoréticulaire se projetant dans les régions médianes du thalamus. Les neurones thalamiques de la douleur se projettent en grande partie sur le cortex somesthésique primaire. Les centres supérieurs inter- viennent dans le traitement des informations, les contrôles de la douleur et les adaptations comportementales.

2.1.3. Les phénomènes de sensibilisation

2.1.3.1. Sensibilisation des nocicepteurs (Schémas 1–3). Les nocicepteurs sont activés par des stimuli algogènes, thermi- ques, mécaniques ou chimiques. Des substances, libérées lors du processus inflammatoire, telles que la sérotonine, la brady- kinine, les ions H+ et K, l’histamine, les prostaglandines, les leucotriènes sont sensibilisatrices, elles prolongent l’activation

Schéma 1. Nociception, étape cutanée.

Schéma 2. Nociception, linflammmation.

Schéma 3. Nociception, inflammation neurogène.

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des nocicepteurs. Il en va de même pour les cytokines et le NGF (nerve growth factor) qui, à la suite d’un traumatisme tissulaire, stimulent la dégranulation des mastocytes et favori- sent alors la libération de SP (substance P) et de CGRP (calci- tonin gene related peptide). Dans les mêmes conditions, la substance P et la Neurokine A sont également libérées tant au niveau médullaire que périphérique en raison d’une transmis- sion par voie antidromique de potentiels d’action vers les ter- minaisons périphériques des fibres C (réflexe d’axone) et aug- mentent la perméabilité vasculaire. Ces différentes substances participent àl’inflammation neurogène ou hyperalgésie secon- daire. De plus, des récepteurs silencieux ont été décrits au niveau articulaire, ils ne déchargent que lors d’une inflamma- tion. Ces nocicepteurs, une fois activés, participeraient aux phénomènes d’allodynie et d’hyperalgésie. De fait si un stimu- lus nociceptif peut déclencher une sensation douloureuse, des lésions tissulaires secondaires à ce stimulus vont à leur tour activer et sensibiliser les nocicepteurs.

2.1.3.2. Sensibilisation du système nerveux central (Schémas 4, 5). En cas d’hyperalgésie primaire ou inflammation la

zone douloureuse se superpose à la zone de lésion tissulaire en rapport avec des mécanismes de sensibilisation essentielle- ment périphériques, se différenciant d’une zone d’hyperalgésie secondaire, plus étendue que la zone lésionnelle en raison de mécanismes centraux. Les mécanismes centraux et périphéri- ques sont sans doute intriqués sans que l’on connaisse la pro- portion de chacun d’entre eux. L’extension de l’hyperalgésie à des zones non traumatisées n’est pas uniquement due à la sen- sibilisation des nocicepteurs. En fait, l’hyperalgésie secondaire se développe plus largement que l’œdème. En revanche, une fois l’hyperalgésie installée, l’injection d’anesthésique local ne semble pas efficace. Ainsi, cette hyperalgésie s’installe, si les influx nociceptifs peuvent atteindre le système nerveux, et ne semble plus dépendante de la périphérie par la suite.

Les substances libérées au niveau de la corne dorsale de la moelle sont évaluées à une vingtaine, réparties en deux groupes principaux, les acides aminés excitateurs et les neuropeptides.

Le glutamate semble jouer un rôle primordial dans la transmis- sion nociceptive. Il agit sur des récepteurs métabotropiques et ionotropiques au nombre desquels est le N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Les neuropeptides sont libérés dans les couches superficielles de la moelle. La SP agit préférentiellement sur le récepteur à la Neurokinine de type NK1. La SP modulerait la transmission synaptique dépendante des récepteurs NMDA.

Le CGRP semble potentialiser les effets excitateurs de la SP.

2.1.3.3. Interaction des mécanismes périphériques et centraux.

Les sensibilisations périphérique et centrale sont intriquées. Il semble bien que l’installation de la sensibilisation nécessite ini- tialement une sensibilisation centrale alors que son entretien est dépendant des influx périphériques, au moins en cas de lésion tissulaire prolongée périphérique.

2.1.3.4. Activation des systèmes inhibiteurs. Si la stimulation nociceptive induit une sensibilisation, il s’y associe également une inhibition d’origine supraspinale qui semble majorée en cas d’inflammation périphérique. Cette inhibition s’exerce à l’échelon métamérique par les systèmes inhibiteurs descen- dants utilisant des monoamines ainsi qu’à d’autres niveaux métamériques qui expliquent le phénomène d’inhibition diffuse centrale d’origine nociceptive.

2.1.3.5. Tolérance aiguë. Une tolérance aiguë peut se dévelop- per lors d’une administration, de courte durée, d’antalgiques puissants utilisés en périopératoire. Ces antalgiques activent les récepteurs opioïdes de type mû, ce qui met en jeu des sys- tèmes glutamatergiques, pronociceptifs, ceux-ci par l’activation de leurs récepteurs NMDA, entraînent alors une hyperalgésie due à un effet pronociceptif supérieur à l’effet antinociceptif des antalgiques. Ce phénomène semble persister plusieurs jours et il peut être prévenu par l’administration d’antagoniste NMDA tel que la kétamine.

2.1.4. Contrôles de la douleur

En 1965, Wall et Melzack ont démontré dans leur théorie du

« gate-control » que les neurones médullaires convergents étaient sous le contrôle d’influences excitatrices et inhibitrices,

Schéma 4. Nociception, étape médullaire.

Schéma 5. Mécanismes de l’hyperalgésie.

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les premières sont périphériques, les secondes sont centrales.

D’après les auteurs, la douleur survient en cas de rupture de l’équilibre entre les deux influences, soit par excès de stimula- tion, soit par défaut de contrôle.

Les contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs (CIDN) décrits par Le Bars sont sous-tendus par une boucle faisant intervenir des structures supraspinales. Des neurones nociceptifs de la corne postérieure sont puissamment inhibés par une stimulation nociceptive appliquée à distance de leur champ récepteur. Ils pourraient être le support de l’effet antalgique de l’acupuncture et des douleurs de contre-irritation avec amélioration d’une douleur chronique par la survenue d’une douleur aiguë à dis- tance. L’action de la SGPA s’exerce par l’intermédiaire du NRM en activant l’interneurone enképhalinergique de l’inhibi- tion présynaptique des fibres C par des voies inhibitrices des- cendantes vers la moëlle.

3. Identifier la sémiologie de la douleur en chirurgie de la main est primordial

Notre propos se limitera à la douleur périopératoire, toute- fois les connaissances acquises grâce aux développements récents de la neurophysiologie ont permis de mieux cerner la complexité des mécanismes à l’origine des douleurs dont se plaignent les patients opérés. Ainsi, selon la durée, deux types de douleur ont été décrits : la douleur aiguë ou douleur par excès de nociception, la douleur chronique correspondant dans la majorité des cas à une douleur neuropathique, plus rarement à une douleur psychogène (Tableau 1). Entre les deux, peut se développer une douleur aiguë persistante corres- pondant le plus souvent à une douleur par excès de nociception dont le diagnostic étiologique n’est pas fait ou le traitement symptomatique n’est pas adapté, mais également à l’installa- tion d’une douleur neurogène.

La douleur postopératoire est le type même de la douleur par excès de nociception. En effet, la chirurgie est responsable de traumatismes tissulaires tels que section, écrasement, brû- lure, qui activent d’une part, les récepteurs de la douleur ou

nocicepteurs situés dans la peau, les aponévroses, les muscles, les tendons, le périoste et les articulations, d’autre part, les mécanorécepteurs sensibles à des hyperstimulations. Les subs- tances algogènes libérées lors du processus inflammatoire déclenché par le traumatisme tissulaire sont sensibilisatrices, elles prolongent l’activation des nocicepteurs. La substance P et la Neurokine A libérées tant au niveau médullaire que péri- phérique, participent à l’inflammation neurogène ou hyperalgé- sie secondaire. De plus, des mécanorécepteurs silencieux décrits au niveau articulaire ne déchargent que lors d’une inflammation. Une fois activés, ils participeraient aux phéno- mènes d’allodynie et d’hyperalgésie. De fait, si un stimulus nociceptif peut déclencher une sensation douloureuse, des lésions tissulaires secondaires à ce stimulus vont à leur tour activer et sensibiliser les nocicepteurs, ces phénomènes doulou- reux vont évoluer vers la chronicité s’ils ne sont pas reconnus et traités à temps.

4. Caractéristiques cliniques de la douleur

Plusieurs situations cliniques sont envisageables.

4.1. Première situation clinique

La douleur postopératoire observée pendant les 48 premiè- res heures est d’intensité variable et comparée à celle des mem- bres inférieurs, elle est moins forte[2]. Elle dépend du type de chirurgie, de la possibilité d’immobilisation. Cliniquement, la douleur correspond à unehyperalgésie primaire: la zone dou- loureuse se superpose à la zone de lésion tissulaire (cutanée, musculaire, artérielle ou nerveuse) en rapport avec des méca- nismes de sensibilisation essentiellement périphériques. Cette douleur est tout à fait sensible aux antalgiques conventionnels.

Elle va diminuer en quelques jours, si aucune complication ne survient.

4.2. Deuxième situation clinique

Au-delà des 72 premières heures, la persistance de la dou- leur ou son intensité croissante doivent faire suspecter :

● une complication chirurgicale locale. La rougeur, l’œdème, la fièvre, un écoulement par les redons vont orienter le diag- nostic en fonction de leur association et conduire à un trai- tement étiologique qui ne dispense pas d’un traitement symptomatique par les antalgiques ;

● une douleur aiguë persistante de mécanisme neurogène.

L’interrogatoire recherche alors des paresthésies et/ou des dysesthésies. Cliniquement des modifications de la sensibi- lité tactile et douloureuse sont à rechercher comme une hypoesthésie, uneallodynie,unehyperesthésie, une hyper- algésie, voire une hyperpathie (Tableau 2). Ces troubles sous-tendent une hyperalgésie secondaire ou inflammation neurogène. La zone d’hyperalgésie secondaire est plus éten- due que la zone lésionnelle en raison des mécanismes cen- traux. Les mécanismes centraux et périphériques sont sans doute intriqués sans que l’on connaisse la proportion de

Tableau 1

Douleur aiguëdouleur chronique

Douleur aiguë Douleur chronique

Symptôme Syndrome

Signal d'alarme Maladie

Finalité biologique Utile Inutile

Protectrice Destructrice

Étiologie Unique Complexe

Somato-psycho-social Type d'apparition Brutale > 3 à 6 mois

Caractéristiques Douleurs permanentes Douleurs permanentes et/

ou paroxystiques Brûlure, prurit, décharge électrique

Examen clinique Hyperalgésie locale Modification de la sensibilité Topographie : viscérale,

cutanée, musculaire, artérielle

Diagnostic Recherche étiologique Démarche symptomatique

+++ +++

Conduite à tenir Traitement curatif Traitement réadaptatif

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chacun d’entre eux. L’extension de l’hyperalgésie à des zones non traumatisées n’est pas uniquement due à la sensi- bilisation des nocicepteurs. En fait, l’hyperalgésie secon- daire se développe plus largement que l’œdème. Expérimen- talement, cette hyperalgésie peut être contrôlée par l’injection préalable d’anesthésique local soit par infiltra- tion, la prévention est partielle, soit par bloc nerveux, la prévention est totale. En revanche, une fois l’hyperalgésie installée, comme elle est liée à des mécanismes centraux, elle ne répond plus aux traitements antalgiques qu’ils soient opioïdes ou non. Parfois il s’agit d’uneallodynie mécanique dynamique qui survient uniquement lors des mobilisations et gêne considérablement la rééducation. Ce type de douleur est également le fait de phénomènes de sensibilisation cen- trale et ne répond pas non plus aux antalgiques.

4.3. Troisième situation clinique

Associée à des œdèmes importants, des troubles vasomo- teurs et une hypersudation, la douleur intense, à type de brû- lure, doit faire craindre la survenue d’une complication fré- quente de la chirurgie du membre supérieur, un Syndrome douloureux régional complexe I (SDRC I) correspondant à une algodystrophie ou unSyndrome douloureux régional com- plexe II (SDRC II) correspondant à une causalgie, s’il y a eu dans ce dernier cas abord ou traumatisme nerveux.

4.4. Quatrième situation clinique

Il existait une douleur chronique avant l’intervention. Cette douleur peut influencer la sémiologie et l’intensité de la dou- leur postopératoire pour plusieurs raisons. Le patient recevait des traitements qui auraient dû être poursuivis en postopéra- toire et ne l’ont pas été, un syndrome de sevrage apparaît et n’est pas toujours identifié, l’agitation est confondue avec de l’anxiété, voire avec un delirium. L’anxiété ou la dépression dont souffre le douloureux chronique va augmenter directe- ment l’intensité de la douleur postopératoire ou indirectement par le vécu particulier des suites postopératoires. Enfin la dou- leur préexistante peut parasiter la sémiologie de la douleur pos- topératoire, un examen neurologique préalable s’avère de fait indispensable en cas de chirurgie pour syndrome canalaire ou pour reprise après traumatisme des extrémités (écrasement,

amputation, section partielle), cet examen recherche les trou- bles de la sensibilité précédemment cités (Tableau 2).

4.5. Particularités liées à la traumatologie en urgence La douleur est intense, typiquement nociceptive. Elle s’est installée rapidement. La mise en condition du patient avant son transport doit la prendre en compte. De par son intensité élevée associée à l’anxiété générée par les conditions du traumatisme, le recours à une analgésie par voie intraveineuse est nécessaire, voire à l’association à une analgésie locorégionale. Les mobi- lisations que nécessitent les examens s’accompagnant de nou- velles crises douloureuses, il est possible dans ces conditions d’analgésie de mieux les contrôler par l’utilisation de bolus.

Les techniques d’analgésie utilisées, parfaitement réversibles, ne gênent aucunement l’examen clinique, le patient calmé est nettement plus coopératif. De plus, toutes les données de la littérature confirment que cette douleur si elle n’est pas correc- tement prise en compte, fait le lit de la douleur chronique.

5. Prise en charge de la douleur (Tableau 3)

La prise en charge doit être globale et prendre en compte les différentes composantes de la douleur. Le traitement est médi-

Tableau 2

Glossaire daprès les définitions de lAssociation internationale pour létude de la douleur, 1986

Paresthésies Sensation anormale à type de fourmillements, picotements ou engourdissements

Dysesthésies Correspondant aux mêmes sensations avec une connotation anormale

Hypoesthésie Diminution de sensibilité dans un territoire cutané Allodynie Douleur provoquée par une stimulation non douloureuse Hyperesthésie Douleur provoquée par une stimulation douloureuse Hyperalgésie Réponse exagérée à une stimulation douloureuse Hyperpathie Réponse retardée et anormalement intense à une stimulation

répétitive douloureuse ou non, dans un territoire hypoesthésique (elle est équivalente à l'association d'une hyperalgésie et d'une allodynie

Tableau 3

Stratégie de prise en charge de la douleur aiguë

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camenteux, physique et psychologique. Le traitement médica- menteux des douleurs nociceptives est fondé sur l’utilisation des antalgiques tandis que celui des douleurs neuropathiques utilise les antiépileptiques, les tricycliques. La prise en charge psychologique ne doit pas être un ultime recours quand tout va mal ou quand la plainte est incompréhensible. Elle fait partie intégrante de la prise en charge globale du patient au même titre que la kinésithérapie et l’aide médicosociale dès lors qu’une limitation voire un handicap peut survenir.

Des règles générales de prescription pour la prise en charge de la douleur postopératoire (DPO) ont été définies par un groupe d’experts de la Société française d’anesthésie et de réa- nimation en 1999 [3]. Deux possibilités peuvent être envisa- gées : l’analgésie par voie générale et l’analgésie par voie loco- régionale.

● Les antalgiques non opioïdes (paracétamol, anti- inflammatoires non stéroïdiens) sont utilisés seuls, pour une chirurgie peu douloureuse en chirurgie ambulatoire ou pour les patients ne pouvant bénéficier d’une autre tech- nique d’analgésie. Ils peuvent être également associés d’emblée ou lorsque la douleur persiste ou augmente, à d’autres techniques analgésiques (analgésie multimodale), afin d’optimiser l’analgésie. Si un antalgique opioïde doit être utilisé, la morphine est le produit de référence pour l’analgésie postopératoire. Elle est efficace sur les douleurs par excès de nociception et son effet est dose dépendant. La voie orale doit être privilégiée chaque fois que cela est pos- sible. La voie parentérale est néanmoins plus intéressante en postopératoire. L’analgésie autocontrôlée par voie intravei- neuse (patient controled analgesia ou PCA) s’est imposée comme un concept thérapeutique efficace pour résoudre les nombreux écueils de la prescription conventionnelle de morphine par voie orale ou sous-cutanée, en particulier le non-respect des horaires. Elle permet une titration continue de la dose nécessaire par le malade lui-même, elle limite la somnolence. Le taux de satisfaction est très élevé, supérieur à 90 %. En revanche, la PCA intraveineuse est inefficace pour calmer la douleur provoquée, comme celle qui survient à la toux ou au cours des séances de mobilisation ou de kinésithérapie ;

● l’analgésie locorégionale, par voie périmédullaire, est réser- vée aux patients pouvant présenter un handicap respiratoire ou cardiovasculaire. L’utilisation d’un cathéter permettant l’administration continue ou discontinue d’antalgiques pro- longe l’analgésie et facilite la rééducation postopératoire des patients. Les blocs périphériques analgésiques sont une pos- sibilité d’analgésie locorégionale. Ils peuvent être associés au paracétamol et/ou aux anti-inflammatoires non stéroï- diens par voie générale. En cas de douleurs dynamiques liées à la mobilisation active ou passive, l’analgésie locoré- gionale est supérieure à celle obtenue avec les morphiniques par voie générale ou par l’analgésie morphinique autocon- trôlée ;

● pour lachirurgie ambulatoirede la main, les blocs troncu- laires ou plexiques sont les plus intéressants. Ils compren- nent le bloc axillaire continu ou le bloc multitronculaire au

canal huméral. L’utilisation d’un cathéter par voie axillaire permet d’obtenir une analgésie prolongée d’excellente qua- lité et autorise également une rééducation intensive immé- diate. Les effets adverses et les complications sont quasi- ment absents. Les principales indications sont les chirurgies complexes de la main (ténolyse, arthrolyse), les traumatismes majeurs de la main et, plus rarement, les lam- beaux, les chirurgies vasculaires, réimplantations et revascu- larisations pouvant bénéficier ainsi d’un bloc sympathoplé- gique continu[4]. Les blocs tronculaires distaux réalisés au coude ou au poignet sont adaptés à la chirurgie ambulatoire comme complément des blocs précédents. Certaines équipes posent des cathéters au poignet dans les territoires ulnaire, médian et cubital. Le choix et le type d’administration de l’anesthésique local permettent d’obtenir l’analgésie posto- pératoire la plus adaptée au type de chirurgie. Ils sont éga- lement mieux acceptés par les patients[5].

6. Principes de prescription et surveillance

Dans tous les cas, l’intensité et les caractéristiques de la douleur doivent être évaluées afin de choisir les antalgiques en fonction des paliers de l’OMS. La technique d’analgésie dépend du type de chirurgie, mais aussi des objectifs souhaités, du rapport bénéfice/risque, du terrain et des conditions de prise en charge postopératoire. Les prescriptions doivent être réalisées à horaires fixes et non à la demande. Un antalgique doit être prescrit dans des délais suffisants avant un examen clinique douloureux, une mobilisation du patient pour la rééducation ou lors d’un soin infirmier tel que la réfection d’un pansement. L’efficacité du traitement instauré doit être évaluée régulièrement selon des méthodes d’auto- ou d’hété- roévaluation.

Le traitement de la douleur doit être mis en place en fin d’intervention ou avant la levée du bloc sensitif d’une anesthé- sie locorégionale. L’analgésie préemptiven’a pas fait la preuve de son efficacité en raison d’un blocage incomplet des afféren- ces nociceptives ou du fait de douleurs préopératoires évoluant depuis plusieurs mois, le blocage est alors insuffisant pour réduire la plasticité neuronale [6]. Le choix de la technique d’analgésie postopératoire dépend de son efficacité à contrôler la douleur postopératoire, à prévenir dans la mesure du pos- sible la chronicisation des douleurs et des possibilités de sur- veillance pour assurer la sécurité du patient. Différentes études vont en ce sens et tendent à démontrer la supériorité des anal- gésies locorégionales sur la morphinothérapie intraveineuse à court et à moyen terme[7]. L’utilisation desubstances antihy- peralgésiantes comme la kétamine à faible dose en intravei- neux permet de réduire l’allodynie péricicatricielle et la douleur provoquée [8], son utilisation peut s’envisager dès la fin de l’intervention.

7. Organisation de la prise en charge de la DPO

Si la prise en charge de la douleur postopératoire était autre- fois quelque peu négligée, elle occupe aujourd’hui une toute autre place. Son organisation répond à des critères fondés sur

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des référentiels dans une démarche d’amélioration de la qualité auxquels de nombreuses équipes ont décidé de répondre [9– 11]. L’analgésie postopératoire nécessite une sécurité optimale dans l’utilisation de techniques aujourd’hui sophistiquées.

L’utilisation des analgésiques centraux et l’apparition de nou- velles techniques d’analgésie comme l’analgésie autocontrôlée ou l’analgésie locorégionale nécessite l’implication et la dispo- nibilité des personnels soignants, médecins, infirmières et kiné- sithérapeutes.

La mise en place d’un programme de gestion de l’analgésie postopératoire dans un service de chirurgie doit répondre à un certain nombre de critères de qualité bien établis afin de satis- faire aux exigences d’efficacité et de sécurité. Ils insistent sur les réformes particulières à mettre enœuvre dans une unité de soins :

● disposer d’outils d’évaluation de la douleur et les utiliser régulièrement auprès des patients ;

● informer les patients des méthodes d’analgésie et obtenir leur accord pour leur utilisation lors de la consultation d’anesthésie ;

● utiliser des protocoles standardisés ;

● utiliser les techniques réputées les plus efficaces en cas de douleur intense (PCA, ALR…) ;

● mettre en place une prise en charge de la douleur qui couvre l’ensemble du préopératoire jusqu’au postopératoire ;

● évaluer le bénéfice des traitements administrés ;

● diminuer l’incidence et l’importance des effets secondaires.

Pour ce faire, les différents professionnels de santé doivent recevoir une formation continue, participer activement à l’évaluation des résultats et de leurs pratiques. Enfin, il n’est possible de réaliser ces objectifs qu’avec l’implication totale de l’établissement de soins dans cette démarche-qualité.

8. Conclusion

L’amélioration de la prise en charge de la douleur conduit à donner un plus grand confort au patient, à diminuer les durées

et les coûts d’hospitalisation. Elle fédère les équipes médico- chirurgicales en développant les connaissances respectives autour des pathologies opérées et des techniques utilisées pour le soulagement de la douleur tout en responsabilisant les différents professionnels de santé et le patient par le biais des informations dispensées à différents niveaux.

Références

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