Thesis
Reference
Le leadership des directions d'établissement scolaire et la reconnaissance de la diversité culturelle: une comparaison
Genève-Montréal
BAUER, Stéphanie
Abstract
Ce travail de thèse est une étude qualitative qui compare la manière dont les directions d'établissements scolaire de Genève et Montréal conçoivent et exercent leur leadership quant à la reconnaissance de la diversité culturelle et la justice sociale. 44 entretiens ont été réalisés auprès de membres de directions primaires et secondaires. Les résultats montrent un rapport à la diversité plus favorable à Montréal où l'expression de la différence culturelle en milieu scolaire est légitime et valorisée. Néanmoins, la reconnaissance de la diversité s'accompagne de limites explicites en terme d'égalité des sexes, de francisation et de sécularisation. A Genève, la reconnaissance de la diversité ne se manifeste que dans une minorité d'établissements scolaires multiculturels et défavorisés, où s'exprime un leadership engagé envers la justice sociale. En conclusion, la comparaison du leadership des directions interroge les conceptions de la société dans son ensemble quant à son rapport à la diversité culturelle.
BAUER, Stéphanie. Le leadership des directions d'établissement scolaire et la
reconnaissance de la diversité culturelle: une comparaison Genève-Montréal. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2016, no. FPSE 624
URN : urn:nbn:ch:unige-816860
DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:81686
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:81686
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Section de Sciences de l’éducation Sous la direction de Abdeljalil Akkari
LE LEADERSHIP DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT SCOLAIRE ET LA RECONNAISSANCE DE LA DIVERSITE CULTURELLE :
UNE COMPARAISON GENEVE-‐MONTREAL
THESE
Présentée à la
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève
pour obtenir le grade de Docteure en sciences de l’éducation
par Stéphanie BAUER
de Bâle (BS) Thèse No 624
GENEVE
Janvier 2016 03-302-833
2
LE LEADERSHIP DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT SCOLAIRE ET LA RECONNAISSANCE DE LA DIVERSITE CULTURELLE :
UNE COMPARAISON GENEVE-‐MONTREAL
Par Stéphanie Bauer
Candidate au titre de Docteure en sciences de l’éducation
Jury:
Professeur Abdeljalil AKKARI, directeur
Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education, Université de Genève
Professeure Marie-‐Anne BROYON
Haute école pédagogique du Valais
Professeur Jean-‐Paul PAYET
Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education, Université de Genève
Professeur Maurice TARDIF
Faculté des Sciences de l’éducation, Université de Montréal
Professeur Bernard WENTZEL
Institut de recherche et de documentation pédagogique, Neuchâtel
4
Table des matières
INDEX DES FIGURES ... 7
INDEX DES TABLEAUX ... 7
LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS UTILISES ... 8
INTRODUCTION ... 11
CHAPITRE 1: LA PROBLEMATIQUE DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE PAR LES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT SCOLAIRE ... 16
1. LE DEFI DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE POUR LES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENTS SCOLAIRES : DEFINITION DU PROBLEME ... 16
AXE 1 : LES INEGALITES DE REUSSITE DES ELEVES ISSUS DE LA MIGRATION ... 16
AXE 2 : LE ROLE DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT SCOLAIRE ... 18
QUESTION DE DEPART ... 19
2. L’INTERET DE LA COMPARAISON ... 20
3. LE DEFI DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE POUR LES DIRECTIONS GENEVOISES ... 22
A. L’ECOLE GENEVOISE FACE AUX INEGALITES DE REUSSITE DES ELEVES D’ORIGINE ETRANGERE ... 22
B. LA PROFESSIONNALISATION DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENTS SCOLAIRES A GENEVE ... 29
4. LE DEFI DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE POUR LES DIRECTIONS MONTREALAISES ... 35
A. L’ECOLE MONTREALAISE FACE AU DEFI DE LA MULTICULTURALITE ... 36
B. LA PROFESSIONNALISATION DES DIRECTIONS AU QUEBEC ... 47
5. SYNTHESE ET FORMULATION DE LA QUESTION DE RECHERCHE PRELIMINAIRE ... 53
CHAPITRE 2 : UNE REVUE DE LA LITTERATURE SUR LE LEADERSHIP DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT SCOLAIRE ... 57
1. LE ROLE DES DIRECTIONS DANS LA LITTERATURE ANGLO-‐SAXONNE : QUEL(S) MODELE(S) DE LEADERSHIP ? ... 57
A. L’ADMINISTRATEUR ... 58
B. DU LEADERSHIP INSTRUCTIONNEL AU LEADERSHIP TRANSFORMATIONNEL ... 58
C. UN EFFET ESSENTIELLEMENT INDIRECT SUR LES PERFORMANCES SCOLAIRES DES ELEVES ... 60
D. LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DE DIRECTION ASSOCIEES A LA REUSSITE SCOLAIRE ... 62
2. LES DIRECTIONS DANS LA LITTERATURE FRANCOPHONE : REDEFINITION DES FONCTIONS ET DES RELATIONS PROFESSIONNELLES AU SEIN DES ETABLISSEMENTS SCOLAIRES ... 66
A. LA LEGITIMITE DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT EN CONSTRUCTION EN SUISSE-‐ROMANDE. ... 67
B. DIRIGER UN ETABLISSEMENT MULTICULTUREL AU QUEBEC : ENJEUX ET DEFIS ... 72
3. PREMIERE MODELISATION DU ROLE DES DIRECTIONS DANS LA REUSSITE SCOLAIRE DES ELEVES ISSUS DE L’IMMIGRATION ... 81
CHAPITRE 3 : CADRE THEORIQUE DE LA PRISE EN COMPTE DE LA DIVERSITE CULTURELLE ... 87
1. DEFINIR LES RAPPORTS A LA DIVERSITE : LES CONCEPTS-‐CLES ... 87
A. CULTURE ET DIVERSITE ... 87
B. ETHNICITE ET ETHNICISATION ... 89
C. LES MODELES D’ACCULTURATION ... 93
D. DEPASSER LA DICHOTOMIE INTERCULTUREL/MULTICULTUREL ... 96
2. L’INSTITUTION SCOLAIRE ET SON RAPPORT A LA DIVERSITE ... 97
A. EGALITE ET JUSTICE EN EDUCATION ... 98
B. L’AGIR SCOLAIRE FACE A L’ALTERITE ... 104
C. UNE DERIVE SOUVENT CONSTATEE : LE FOLKLORISME ... 106
D. UNE REPRESENTATION POSITIVE DE L’ETHNICITE : LE « ROLE MODEL » OU « MODELE DE REUSSITE » .. 108
E. LES RELATIONS ECOLE-‐FAMILLE : QUEL(S) MODELE(S) ? ... 109
3. LE LEADERSHIP POUR LA JUSTICE SOCIALE : UN MODELE POUR PENSER LE ROLE DES DIRECTIONS .. 112
4. SYNTHESE DU MODELE D’ANALYSE ET FORMULATION DES QUESTIONS DE RECHERCHE ... 119
A. RAPPORT A LA DIVERSITE ET LEADERSHIP : COMMENT PENSER LE ROLE DES DIRECTIONS ? ... 119
B. FORMULATION DES QUESTIONS DE RECHERCHE ... 123
CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE ... 126
1. POSTURE EPISTEMOLOGIQUE ... 126
A. PARADIGME INTERPRETATIF ET APPROCHE PHENOMENOLOGIQUE ... 126
B. LA COMPARAISON COMME PERSPECTIVE… ... 127
C. … ET PROCESSUS ... 128
2. L’ENTRETIEN COMME CHOIX D’INSTRUMENT DE RECHERCHE ... 129
3. L’ENQUETE DE TERRAIN ... 132
A. L’ENQUETE DE TERRAIN A GENEVE ... 132
B. L’ENQUETE DE TERRAIN A MONTREAL ... 134
I. PROFIL DES PARTICIPANTS INTERROGES ... 135
II. CONDUITE D’ENTRETIEN ET TRANSCRIPTION ... 137
4. LE PROCESSUS D’ANALYSE QUALITATIVE ... 138
A. LE PROCESSUS D’ANALYSE QUALITATIVE SELON MILES ET HUBERMAN (2003) ... 138
B. CODAGE ET CATEGORISATION ... 140
C. L’ANALYSE CATEGORIELLE AVEC N-‐VIVO ... 142
CHAPITRE 5 : ANALYSE DES ENTRETIENS DES DIRECTIONS DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET SECONDAIRE GENEVOIS ... 147
1. LE RAPPORT A LA DIVERSIFICATION SOCIO-‐CULTURELLE DE LA SOCIETE GENEVOISE ... 148
A. UN RAPPORT POSITIF, QUOIQUE CONSENSUEL, A LA DIVERSIFICATION SOCIO-‐CULTURELLE DE LA SOCIETE GENEVOISE ... 148
B. LES TENSIONS DE LA DIVERSITE : ENTRE MENACE IDENTITAIRE ET COMMUNAUTARISME ... 150
C. ENTRE INTEGRATION ET ASSIMILATION, LA VARIETE DES POSTURES QUANT A L’APPORT DE LA MIGRATION DANS LA SOCIETE GENEVOISE ... 153
D. L’ORIGINE CULTURELLE A-‐T-‐ELLE UN ROLE A JOUER DANS L’EXPLICATION DE L’ECHEC SCOLAIRE ? ... 155
2. LE RAPPORT AUX FAMILLES ET A LA COMMUNAUTE ... 160
A. LES REPRESENTATIONS SUR LES FAMILLES MIGRANTES ... 160
B. LA COLLABORATION AVEC LES FAMILLES : QUELLES SONT LES PRATIQUES DECLAREES ? ... 165
C. MODELISATION DU RAPPORT A LA DIVERSITE DANS LE CADRE DES RELATIONS ECOLE-‐FAMILLE ... 176
3. LE RAPPORT AUX ENSEIGNANTS ... 179
A. LES ENSEIGNANTS ET LEUR RAPPORT A LA DIVERSITE : QU’EN DISENT LES DIRECTIONS ? ... 179
B. L’EXERCICE DU LEADERSHIP DANS LA MOBILISATION DES ENSEIGNANTS ... 185
C. LA RECONNAISSANCE LIMITEE DE L’ETHNICITE POSITIVE DES ENSEIGNANTS ISSUS DE LA MIGRATION ... 189
4. LA RECONNAISSANCE DE LA DIVERSITE DANS L’ORGANISATION SCOLAIRE ... 195
A. LA PRISE DE CONSCIENCE, ET LE DEPASSEMENT, DU ROLE NEGATIF JOUE PAR LES FILIERES DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ... 195
B. LA RECONNAISSANCE DES LANGUES D’ORIGINES DES ELEVES : UN DISCOURS CONTRASTE ... 199
C. LE PROJET D’ETABLISSEMENT COMME MOYEN DE METTRE EN PRATIQUE LA RECONNAISSANCE DE LA DIVERSITE CULTURELLE A L’ECHELLE DE L’ETABLISSEMENT ... 200
D. LA « FETE INTERCULTURELLE » EN DEBAT, ENTRE CELEBRATION DES DIFFERENCES ET DE LA CULTURE COMMUNE ... 204
E. LA DIFFICILE RECONNAISSANCE DE LA DIVERSITÉ RELIGIEUSE ... 210
6
5. LE RAPPORT A LA RECONNAISSANCE DE LA DIVERSITE ET SON INSCRIPTION DANS LE LEADERSHIP DES
DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT ... 219
A. UN RAPPORT INTERROGE ENTRE ECOLE, SOCIETE ET DIVERSITE ... 219
B. QUEL LEADERSHIP DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENTS ? ... 225
CHAPITRE 6 : ANALYSE DES ENTRETIENS DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENTS SCOLAIRES MONTREALAIS ... 228
1. LE RAPPORT A LA DIVERSIFICATION SOCIO-‐CULTURELLE DE LA SOCIETE MONTREALAISE ... 229
A. UN RAPPORT POSITIF A LA MULTIETHNICITE ... 229
B. LES TENSIONS DE LA DIVERSITE : LE COMMUNAUTARISME ET SES INCIDENCES ... 232
C. UNE ETHNICISATION RELATIVISEE PAR L’APPARTENANCE SOCIALE ... 234
D. ENTRE INTEGRATION ET ASSIMILATION, LE DEFI DE « L’EDUCATION AUX DROITS ET LIBERTES » ... 235
2. LE RAPPORT AUX FAMILLES ET A LA COMMUNAUTE ... 240
A. LES REPRESENTATIONS DES FAMILLES MIGRANTES ... 240
B. LA COLLABORATION AVEC LES FAMILLES : QUELLES PRATIQUES ? ... 245
3. LE RAPPORT AUX ENSEIGNANTS ... 258
A. UN DISCOURS ESSENTIELLEMENT PORTE SUR LE LEADERSHIP PLUTOT QUE LE TRAVAIL ENSEIGNANT ... 258
B. UN LEADERSHIP HUMANISTE ... 259
C. LES CLIVAGES ENSEIGNANTS COMME PRINCIPAL DEFI DU LEADERSHIP DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT 260 D. L’EXERCICE DU LEADERSHIP DANS LA MOBILISATION DES ENSEIGNANTS ... 263
E. LA RECONNAISSANCE DE L’ETHNICITE POSITIVE DES ENSEIGNANTS ISSUS DE LA MIGRATION ... 268
4. LA RECONNAISSANCE DE LA DIVERSITE DANS L’ORGANISATION SCOLAIRE ... 274
A. LE QUASI-‐MARCHE SCOLAIRE RENFORCE-‐T-‐IL LA SEGREGATION ? ... 274
B. LE PROJET D’ETABLISSEMENT ... 276
C. CELEBRER LA DIVERSITE OU LA CULTURE QUEBECOISE ? ... 278
D. LE CALENDRIER INTERCULTUREL DE LA COMMISSION SCOLAIRE ... 279
5. LE RAPPORT AU RELIGIEUX ... 282
A. L’ETHNICITE ARABO-‐MUSULMANE AU CENTRE DU DEBAT SUR LES ACCOMMODEMENTS RAISONNABLES 282 B. LES ARGUMENTS DES DIRECTIONS POUR ACCEPTER LES AR ET LEUR STRATEGIES ... 286
C. LES ARGUMENTS DES DIRECTIONS POUR REFUSER LES AR ET LEURS STRATEGIES ... 292
6. LE RAPPORT A LA DIVERSITE ET SA RECONNAISSANCE DANS L’EXPRESSION DU LEADERSHIP DES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT ... 303
A. LA CONNAISSANCE DU MILIEU COMME PREALABLE ... 303
B. LE RAPPORT AUX ELEVES : ENJEU ESSENTIEL DE L’EXERCICE DU LEADERSHIP EN MILIEU MULTIETHNIQUE 304 C. QUELLE « VISION » GLOBALE DU LEADERSHIP ? LES CAS DE DM2 ET DM12 ... 306
D. QUEL LEADERSHIP POUR LA JUSTICE SOCIALE ? ... 308
CONCLUSIONS ... 310
1. SYNTHESE ET MISE EN PERSPECTIVE DES RESULTATS ... 310
A. LES REPRESENTATIONS DES DIRECTIONS ENTRE ASSIMILATION ET INTEGRATION ... 312
B. UN RAPPORT A LA DIVERSITE PLUS OU MOINS ETHNICISE ... 314
C. LA RECONNAISSANCE DE L’ETHNICITE POSITIVE : UN PREALABLE A L’EXERCICE DU LEADERSHIP POUR LA JUSTICE SOCIALE ? ... 316
D. QUELLE INTERROGATION DES RAPPORTS DE POUVOIR ? ... 319
2. APPORTS, LIMITES ET PERSPECTIVES ... 320
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 324
Index des figures
Figure 1 : Religions par statut et période d’immigration, Québec, 2001. Tiré du Plan d’action 2004-‐2006 du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration
(Gouvernement du Québec, 2004, p. 125) ... 40
Figure 2: Représentation des 10 variables interdépendantes autour du leaderhsip scolaire (Leithwood et al., 2004, p. 18) ... 62
Figure 3 : Schématisation du modèle d'influence des pratiques de direction (Pelletier et al., 2015) ... 66
Figure 4: Directions d'école mentionnant des motifs religieux liés aux demandes (Fleury, 2007, p. 23) ... 80
Figure 5 : Modélisation du leadership pédagogique ... 83
Figure 6 Modélisation du leadership favorisant la réussite des élèves issus de la migration ... 85
Figure 7: Conceptualisation du rapport de l’école face à la diversité culturelle ... 120
Figure 8 : Modélisation du leadership pour la justice sociale ... 122
Figure 9: Articulation des deux modèles théoriques ... 123
Figure 10: Modélisation du rapport aux familles des directions genevoises ... 178
Figure 12: Synthèse des résultats de l’analyse qualitative ... 311
Index des tableaux
Tableau 1: Répartition de la population résidante selon l'appartenance religieuse en 2010 (Etat de Genève, 2013) ... 23Tableau 2: Répartition de la population résidante selon la ou les langues parlée(s) à la maison en 2010 (Etat de Genève, 2013) ... 23
Tableau 3: Pourcentage des élèves scolarisés dans l'enseignement obligatoire du canton de Genève selon leur nationalité (Le Roy-‐Zen Ruffinen, 2009) ... 24
Tableau 4: Profil des directions d'établissements scolaires selon la CDIP (2009a) ... 34
Tableau 5 : Principaux lieux de naissance des élèves issus de l’immigration entre 1994 et 2008 (MELS, 2006 et Direction de la recherche, des statistiques et de l’information, 2008) ... 37
Tableau 6 : Immigrants admis au Québec selon la langue maternelle 2008-‐2012 (Ministère de l’Immigration et de communautés culturelles, 2012) ... 39
Tableau 7: Référentiel de compétences des directions d’établissement (MELS, 2008) ... 52
Tableau 8: les caractéristiques des écoles défavorisées performantes d’après la revue de la littérature établie par Archambault, Garon, et Harnois (2011, p. 2) ... 77
Tableau 9 : Aspects concernés par les demandes (Fleury, 2007) ... 79
Tableau 10 : Intercultural strategies of ethnocultural groups and the Larger Society (Berry, 2011) ... 94
Tableau 11 : Modèle révisé des orientations d’acculturations des migrants (Bourhis, Moïse, Perreault, & Sénécal, 1997) ... 95
Tableau 12 : Modèle bidimensionnel des orientations d’acculturation de la société d’accueil (Bourhis et al, 1997) ... 96
Tableau 13: schématisation des positions adoptées dans l'idéologie de l’égalité des acquis (Grisay, 1984), repris par Crahay, 2000) ... 103
8
Tableau 14 : Cadre de référence des postures enseignantes tiré de Payet et al. (2011, p.
28) ... 104
Tableau 15: Distinction entre un bon leader et un leader pour la justice sociale (Theoharis, 2007) ... 115
Tableau 16: Construction du guide d'entretien ... 131
Tableau 17: Profil des participants genevois ... 133
Tableau 18 : Profil des participants montréalais ... 136
Tableau 19: Définition des catégories d'analyse finalisées ... 144
Liste des acronymes et abréviations utilisés
AIDEP : Association des Directeurs et Inspecteurs des Ecoles Primaires de la Suisse romande et du Tessin
CDIP : Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique CEETUM : Centre d’études ethniques des universités montréalaises
CIIP : Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse et du Tessin COHEP : Conférence suisse des recteurs et rectrices des hautes écoles pédagogiques CROTCES : Conférence Romande et Tessinoise des Chefs d’Etablissement Secondaire CLACESO : Conférence Latine des Chefs d’Etablissement de la Scolarité Obligatoire
DIP : Département de l’instruction publique (ici Genève) ELCO : Enseignement langue et culture d’origine (Genève) EOLE : Education et ouverture aux langues à l’école
FORDIF : Formation en direction d’institutions de formation (Suisse)
FORRES : Formation Romande pour les Responsables d’Etablissement Scolaire, FQDE : Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement
HARMOS : nom du concordat suisse sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire entre les différents cantons
HEP : Haute école pédagogique (Suisse)
IDHEAP : Institut de hautes études en administration publique (Suisse) ISSLC : Interstate School Leaders Licensure Consortium Standards IFFP : Institut fédéral de formation professionnelle (Suisse)
MELS : Ministère de l’éducation, des loisirs et du sport (Québec)
OCDE : Organisation pour la coopération et le développement économique OFS : Office fédérale de la statistique (Suisse)
OMP : Office médico-‐pédagogique (Genève)
OPP : Organisme de participation des parents (Montréal)
PASAF : Programme d’accueil et de soutien à l’apprentissage du français (Québec) PAT : Personnel administratif et technique
PELO : programme d’enseignement des langues d’origine (Québec) PISA : Programme international pour le suivi des acquis des élèves PIRLS : Progress in International Reading Literacy Study
REP : Réseau d’éducation prioritaire (Genève)
SRED : Service de la recherche en éducation (Genève)
TIMSS : Trends in International Mathematics and Science Study ZEP : Zone d’éducation prioritaire (France)
CS pour commission scolaire
CSDM pour commission scolaire de Montréal AR pour accommodement raisonnable.
10
Remerciements
Je tiens à remercier en premier lieu les participants de mon étude, les directrices et directeurs d’établissement scolaire interrogés à Genève et à Montréal, qui m’ont très gracieusement accordé de leur temps malgré un emploi du temps ô combien surchargé, et qui ont partagé avec confiance et bienveillance, leurs doutes et certitudes issues de leur passionnante expérience professionnelle.
J’aimerais également remercier mon directeur de thèse, le Professeur Abdeljalil Akkari, pour m’avoir donné la chance de mener à bien cette étude et d’avoir encouragé et accompagné le travail tout au long de ces années d’apprentissage. Mes remerciements vont également aux membres de la commission, les Professeurs Maurice Tardif et Jean-‐Paul Payet, pour la qualité de leur feedback qui m’ont permis de grandement améliorer le manuscrit tout au long du processus. J’adresse également mes remerciements à la Professeure Marie-‐Anne Broyon qui m’a fourni des commentaires très pertinents en fin de thèse ainsi que le Professeur Wentzel pour sa participation en tant que membre du jury.
Je tiens à remercier le Professeur Tardif également pour son accueil à l’Université de Montréal au sein du CRIFPE, ainsi que pour son aide dans la prise de contact avec le terrain. J’ai notamment pu bénéficier de l’aide de Messieurs Gabriel Boileau et Richard Boudreault à l’Université de Montréal, que je remercie également. Le Professeur Bernard Schneuwly, de l’Université de Genève, doit également être remercié pour l’aide apportée dans les recherches de participants à Genève.
Je n’aurais jamais pu terminer ce travail sans l’aide des mes précieux collègues et amis, à l’Université de Genève tout d’abord, qui m’ont soutenue depuis le début, et ensuite à la Haute Ecole Pédagogique de Lausanne, qui m’ont permis de trouver les dernières forces pour franchir la ligne du marathon. J’aimerais particulièrement remercier Raquel, Camila, Ana, Isabelle, Maru, Luna pour la solidarité sans faille d’Uni Pignon ainsi que Marie, Paola, Katia, Elodie, Vanessa, Corinne, Mauro, Bernard et Marc pour l’énergie positive transmise dans les couloirs de B21. Un grand merci à vous tous.
Un merci tout particulier pour mes relectrices hors-‐pair à l’œil de lynx affuté : Camila, Diane, Charlotte, Elodie et Maude.
J’aimerais également remercier tous mes proches qui, de près ou de loin, à Genève, Lausanne, dans le Pays de Gex ou ailleurs, m’ont soutenu dans cette aventure académique pleine de rebondissements. Rien n’aurait été possible sans vous.
Et enfin, des remerciements du fond du cœur vont à César pour sa patience, son humour, et son soutien inconditionnel de toujours. Merci…
INTRODUCTION
Cette thèse porte sur le rôle des directions d’établissement scolaire dans la reconnaissance de la diversité culturelle à Genève et à Montréal. L’objectif est de comprendre la manière dont les directions conçoivent et exercent leur leadership quant à la prise en compte de la diversité de leur établissement. Notre démarche de recherche est qualitative et comparée. Elle chercher à mettre en perspective le rapport à la diversité culturelle des directeurs et directrices du secteur public de Genève et Montréal, en faisant ressortir les similitudes et les particularités de leur discours.
La prise en compte de la diversité culturelle est un enjeu majeur des systèmes éducatifs contemporains (Akkari, 2009). Notre premier intérêt était de pouvoir comprendre comment cette prise en compte pouvait devenir effective dans les établissements scolaires genevois ainsi que les questions qu’elle soulevait. La comparaison avec le Québec nous a paru évidente de par la décentration qu’elle permettait sur notre propre terrain de recherche familier, mais également pour la compréhension de l’objet même, à travers l’identification de tendances transversales et de spécificités contextuelles. En effet, le Québec est une province multiculturelle comme Genève mais qui propose des politiques de gestion de la diversité différente dans l’espace scolaire, avec notamment un droit des minorités plus reconnu du point de vue juridique. Il nous donc a semblé intéressant de comparer la manière dont la problématique de la diversité culturelle pouvait se traduire dans deux réalités scolaires à la fois proches et distinctes.
Dans un deuxième temps, notre intérêt s’est porté vers le rôle d’un acteur peu étudié : les directions d’établissement scolaire. Nous avons en effet fait rapidement le constat du manque de littérature sur ce sujet, et particulière en Suisse-‐romande. A l’heure où la fonction de direction d’établissement primaire émergeait à Genève1, il nous paraissait important de pouvoir apporter une contribution scientifique à la compréhension de leur réalité. Et ce d’autant plus que les directions représentent un acteur stratégique des systèmes éducatifs (Gather Thurler et al., 2011; Gather Thurler & Perrenoud, 2004).
Nous espérons que ce travail, une fois terminé, puisse leur être utile.
Afin de pouvoir répondre à notre objectif, nous avons organisé le développement de notre propos en deux grandes parties. La première partie explique la construction de notre modèle d’analyse à travers une mise en évidence de la problématique étudiée, de la revue de la littérature ainsi que du cadre théorique et de la méthodologie. La fin du troisième chapitre expose notamment la formulation de la question de recherche. Cette première partie permet de voir comment s’est construite s’est même question à travers différentes étapes. Nous avons en effet montré comment la question de départ initiale,
1 Nous avons commencé la réflexion autour du sujet de thèse à l’automne 2009, soit une année après l’entrée en fonction des directions d’établissement primaire.
12
« dans quelle mesure le renforcement du rôle des directions représente-‐t-‐il une opportunité pour la réussite scolaire des élèves issus de la migration ? », évolue vers la question de recherche finalisée : « dans quelle mesure les directions d’établissements scolaires reconnaissent-‐elles la diversité culturelle dans la conception et l’exercice de leur leadership ? ». Les étapes successives de la construction de notre modèle d’analyse sont détaillées en particulier à la fin de chaque chapitre. La seconde partie présente nos analyses empiriques en comparant l’étude du contexte genevois et montréalais. Une conclusion synthétise les résultats et ouvre des perspectives pour le prolongement du travail.
Le premier chapitre présente notre problématique. Il contextualise de manière plus large notre objet d’analyse en montrant comment se manifeste la problématique de la gestion de la diversité culturelle par les directions d’établissement scolaire à Genève et à Montréal. Les enjeux sociaux et scientifiques sont soulevés dans chacun des contextes étudiés, à travers deux axes correspondant à deux domaines de recherche: les inégalités de réussite des élèves issus de la migration et la professionnalisation des directions d’établissement scolaire. L’articulation de ces deux champs nous permet de donner une assise scientifique et sociale quant à la pertinence de l’étude de l’acteur direction d’établissement scolaire. Nous avons ainsi modifié notre question de départ pour l’orienter autour du rôle des directions dans la réussite scolaire des élèves issus de la migration.
Le second chapitre permet justement de préciser le rôle des directions d’établissements scolaire. Nous souhaitions en effet conceptualiser cette notion de rôle. Pour ce faire, nous nous sommes intéressées à la littérature nord-‐américaine sur les directions d’établissement scolaire, abondante sur le sujet. Cette littérature problématise ce rôle à travers le concept de « leadership » basé essentiellement sur les travaux de Leithwood (Leithwood, Seashore Louis, Anderson, & Wahlstrom, 2004; Leithwood & Riehl, 2003) . Elle met également en évidence, à travers des enquêtes quantitatives, les facteurs de réussite du leadership efficace et du leadership des établissements défavorisés. A travers une synthèse de ces différents travaux, nous avons pu proposer un modèle d’analyse du rôle des directions, sans toutefois tenir compte de la variable multiculturelles des établissements, peu présente dans la littérature.
C’est justement la prise en compte de la diversité culturelle qui sera l’objet de notre cadre théorique. Dans ce troisième chapitre, nous allons intégrer la problématique du rapport à la diversité dans notre modèle d’analyse. Ce rapport à la diversité sera conceptualisé à travers la notion de reconnaissance (Honneth, 2000; Taylor, 1994).
Nous postulons en effet, sur la base des travaux en sociologie de l’éducation (Dubet &
Duru-‐Bellat, 2004; Payet, Sanchez-‐Mazas, Giulani, & Fernandez, 2011), que pour améliorer la réussite des élèves issus de la migration, l’école doit s’éloigner du modèle d’indifférence aux différences pour intégrer une reconnaissance de la différence culturelle des élèves. Une vision positive de la différence est sous-‐jacente à cette reconnaissance, sans lui suffire cependant, la reconnaissance impliquant également la
transformation de la différence culturelle en une ressource pour l’élève et l’espace scolaire plus général. Ce postulat est exprimé en ayant conscience des effets pervers que peut induire la reconnaissance des différences culturelles, en terme de stigmatisation et de communautarisme notamment. Par ailleurs, il nous a paru judicieux de mobiliser le concept d’ethnicité (Fouquet-‐Chauprade & Felouzis, 2013; Lorcerie, 2003) ainsi que les attitudes d’acculturation (Berry, 2005; Bourhis, Moïse, Perreault, & Sénécal, 1997) pour penser la notion de reconnaissance et son actualisation dans la réalité scolaire. Enfin, notre modèle d’analyse a été enrichi du cadre théorique nord-‐américain du leadership pour la justice sociale (Shields, 2004; Theoharis, 2007) qui nous permettait d’articuler les deux champs théoriques du leadership et de la prise en compte de la diversité culturelle.
La fin de ce troisième chapitre propose une schématisation du modèle d’analyse retenu et met en évidence les dimensions de l’objet de recherche qui seront étudiées dans notre partie empirique. La question de recherche générale de notre travail, découlant de ce modèle est la suivante : « Dans quelle mesure les directions d’établissements scolaires reconnaissent-‐elles la diversité culturelle dans la conception et l’exercice de leur leadership ? ».
La méthodologie de recherche employée pour répondre à cette question est décrite dans le chapitre 4. Notre étude est comparée et s’inspire des principes de la phénoménologie tels que décrit par Mucchielli (2007). La méthode d’analyse est qualitative car il nous a paru pertinent, au vu de notre objet, de pouvoir comprendre le sens que les acteurs, les directions d’établissement genevoises et montréalaises, donnaient à cette reconnaissance de la diversité culturelle. Les profils des participants des deux villes sont décrits. 44 entretiens ont été réalisés entre Genève et Montréal, puis transcrits et analysés selon la méthode proposée par Miles et Huberman (2003). Ce chapitre explique comment les catégories d’analyses ont été construites, à partir de notre modèle théorique, et également comment elles ont évolué au fur et à mesure du processus d’analyse.
La seconde partie comprend les chapitres 5 et 6. Le chapitre 5 donne à voir notre analyse des entretiens des directions genevoises et le chapitre 6 fait de même avec les directions montréalaises. Afin de respecter la systématicité nécessaire à l’analyse comparée, nous avons tenté de faire ressortir les mêmes catégories dans les deux chapitres. Cependant, certaines catégories spécifiques ont fait l’objet d’une attention particulière dans l’un ou l’autre des contextes. Par ailleurs, afin de faciliter la lecture, nous avons choisi de faire ressortir les points de comparaison pertinents, en terme de similitudes et différences, dans le chapitre 6, bien que les entretiens aient été analysés séparément. Le chapitre 6 a donc comme particularité de faire ressortir également les tendances et dynamiques transversales de notre objet de recherche. Notre étude se termine par une conclusion synthétisant les principaux résultats de l’analyse empirique ainsi que par une ouverture vers des perspectives sociales, formatives et scientifiques.
14
PREMIERE PARTIE : CONSTRUCTION DU MODELE D’ANALYSE
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CHAPITRE 1: LA PROBLEMATIQUE DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE PAR LES DIRECTIONS D’ETABLISSEMENT SCOLAIRE
Le but de ce chapitre est de présenter au lecteur la problématique qui sera traitée au cours de ce travail de thèse. Nous souhaitons non seulement caractériser le défi de gestion de la diversité culturelle qui s’offre aux directions2 d’établissements scolaires, mais également montrer la pertinence d’un éclairage comparé sur le sujet. Nous commencerons par définir le problème soulevé par la diversification culturelle des systèmes scolaires avant de nous intéresser à la manière dont il se traduit dans les contextes étudiés que sont les villes de Genève et Montréal3. Nous terminerons par une mise en perspective de la problématique et de ses enjeux, à la fois communs et spécifiques, pour les directions d’établissements scolaires.
1. Le défi de la gestion de la diversité culturelle pour les directions d’établissements scolaires : définition du problème
La problématique que nous aimerions soulever dans ce travail est double : les élèves issus de l’immigration ont moins de chance de réussir à l’école que les autres élèves, et le rôle des directions d’école est en cours de redéfinition suite aux réformes de la nouvelle gouvernance. Notre problématique est donc divisée en deux axes qui structureront notre travail dans ce premier chapitre. Les deux axes sont présentés brièvement dans les sections qui suivent.
Axe 1 : les inégalités de réussite des élèves issus de la migration
Depuis plusieurs décennies, la prise en compte de la diversité culturelle est devenue un défi important des systèmes éducatifs. L’accroissement des migrations nationales et internationales a contribué à modifier considérablement les caractéristiques du public scolaire. Aujourd’hui, la plupart des grands centres urbains des pays industrialisés ont une démographie sociale et culturelle très diversifiée. La réponse de l’école à cette diversification s’est construite au fur et à mesure. D’une prise en compte marginale voire absente des élèves issus de la migration, les politiques éducatives ont maintenant à l’agenda une intégration réelle de ces élèves et la volonté de favoriser la réussite de tous.
Cependant, force est de constater que cet objectif est loin d’être atteint. Nous allons nous baser, afin de présenter la problématique dans son aspect le plus général, sur les études
2 Par directions nous entendrons ici les directeurs et directrices d’établissements ainsi que leurs adjoints et adjointes, ou doyens et doyennes.
3 Une description des systèmes éducatifs genevois et montréalais se trouve en annexe 1
internationales PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves). Bien que critiquables pour certains biais méthodologiques (Cattonar, Mangez, Delvaux, Mangez, & Maroy, 2009), ces études ont l’avantage de proposer des résultats comparables à l’échelle internationale et mettant en évidence la relation entre origine migratoire et performance scolaire. Cette introduction rend donc compte de la problématique à l’échelle internationale. La contextualisation de cette dernière dans nos terrains d’étude particuliers suivra dans les sections 3 et 4 de ce chapitre.
Sur la base des enquêtes PISA, nous pouvons donc constater que les élèves issus de la migration ont des résultats inférieurs aux élèves dits autochtones4. Selon le rapport issu de l’enquête de 2012 (OCDE, 2013), en moyenne générale de l’Organisation de la Coopération et du Développement Economiques, ci-‐après OCDE, les élèves issus de la migration ont des résultats inférieurs de 23 points. Cependant, au Canada par exemple, cette différence est plus faible. Si l’on compare la Suisse et le Canada, situés dans le même groupe de pays accueillant entre 15 et 30% d’immigration, au niveau des performances en mathématiques, on remarque un contraste assez net entre les deux pays quant à l’écart de performance des élèves autochtones et migrants. Si la Suisse semble faire mieux du point de vue de la moyenne globale (530 points contre 518 points pour le Canada) (OCDE, 2013, p.36), l’écart entre élèves issus de l’immigration et élèves autochtones est bien plus important en Suisse (environ 60 points) qu’au Canada (environ 10 points) (OCDE, 2013, p. 71). Le Canada semble donc mieux assurer la réussite scolaire des élèves issus de l’immigration en comparaison à la Suisse.
L’enquête PISA permet également de distinguer les performances des élèves de première et deuxième génération. De manière générale, dans l’OCDE, ainsi qu’en Suisse et au Canada, les élèves autochtones ont de meilleurs résultats que les élèves de deuxième, puis de première génération (OCDE, 2013, p. 81). Au Canada cependant, les différences de résultats sont négligeables alors qu’en Suisse, l’écart est important : environ 25 points entre les élèves autochtones et ceux de la deuxième génération, et 35 entre les élèves autochtones et ceux de la première génération. Ce résultat est inquiétant pour la Suisse car il nous montre les limites de l’intégration des élèves d’origine étrangère dans l’école suisse. En effet, si ces élèves sont nés en Suisse et y ont fait leur scolarité, comment pouvons-‐nous encore expliquer un tel écart ? Les réponses sont-‐elles du côté du système scolaire ? Des politiques d’accueil ? Des caractéristiques des élèves ? Sur ce dernier point, il est important de pouvoir isoler l’effet du milieu social dans l’explication de la réussite scolaire, car l’on sait depuis les travaux de Bourdieu et Passeron (1964) qu’il est l’un des facteurs les plus déterminants des performances des élèves. La même enquête PISA de 2012 (OCDE, 2013, p. 73) nous donne quelques
4 L’enquête PISA définit les élèves autochtones comme les élèves étant nés dans le pays où l’enquête s’est déroulée ou qui ont au moins un parent né dans ce pays. L’étude distingue également les élèves de première génération (nés à l’étranger et dont les parents sont nés à l’étranger) et de deuxième génération (nés dans le pays avec deux parents nés à l’étranger) (OCDE, 2013, p. 72).
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éléments de réponse, illustrant encore une fois les bons résultats du Canada en matière de réussite d’intégration des élèves migrants. Après contrôle du milieu socio-‐
économique (OCDE, 2013, p.71), on remarque que les différences de performances entre élèves issus de la migration et autochtones sont très faibles au Canada (moins de 10 points) mais bien présentes en Suisse (plus de 40 points). Le fait d’être un élève issu de la migration représente donc un plus grand risque d’échec scolaire en Suisse qu’au Canada.
Ces résultats nous interpellent et nous amènent à essayer de comprendre les raisons du succès du Canada ainsi que les inégalités de réussite en Suisse. Pour ce faire, nous allons nous centrer sur deux régions francophones : la province de Québec et le canton de Genève. Cette comparaison nous paraît pertinente car le Canada et la Suisse sont des pays fédéraux où les provinces et cantons jouissent d’une certaine autonomie en matière d’éducation. De plus, ils accueillent tous deux une part importante de migrants.
Cependant, une différence à souligner réside dans les politiques d’accès à la citoyenneté.
S’il faut 3 ans à 4 ans de résidence sur le territoire à un migrant pour faire la demande de citoyenneté au Canada, la durée de résidence nécessaire sur le territoire suisse est de 12 ans. Le Canada, contrairement à la Suisse, est un pays qui se définit officiellement comme multiculturel et promeut l’arrivée de la migration.
L’échelle nationale nous parait cependant trop large pour pouvoir comparer la manière dont les directions d’établissement scolaire parviennent à gérer les établissements multiculturels. Afin de réduire la focale, nous souhaitons donc cibler plus particulièrement la ville de Genève et la ville de Montréal, villes francophones et multiculturelles. Nous souhaitons en effet aborder cette question du point de vue qualitatif car nous pensons que la compréhension de cette problématique complexe nécessite une analyse contextualisée et approfondie. Ainsi, la compréhension des inégalités de réussite liées à l’origine migratoire nous semble nécessiter à la fois un ancrage géographique réduit, mais également un regard international comparé, afin de pouvoir mieux comprendre ses dimensions transversales et spécifiques.
Comment se manifeste le problème des inégalités de réussite liées à l’origine migratoire dans les provinces sélectionnées ? Nous tenterons d’y répondre dans la section 3 en montrant également de quelle manière les systèmes éducatifs québécois et genevois ont développé, depuis les années 70 environ, un certain nombre de mesures visant à gérer la diversité culturelle dans l’espace scolaire.
Axe 2 : le rôle des directions d’établissement scolaire
Notre regard sur le problème des inégalités de réussite nous amène à nous intéresser à un acteur encore peu connu des recherches en éducation : la direction d’établissement.
Par direction d’établissement, nous entendons tous les membres composant une équipe de direction, à savoir le chef ou la cheffe d’établissement, ses adjoints ou adjointes pour