• Aucun résultat trouvé

La mise en scène partenariale de l'échec scolaire: approche ethnographique du traitement interinstitutionnel de la difficulté scolaire en REP (Genève)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La mise en scène partenariale de l'échec scolaire: approche ethnographique du traitement interinstitutionnel de la difficulté scolaire en REP (Genève)"

Copied!
514
0
0

Texte intégral

(1)

Thesis

Reference

La mise en scène partenariale de l'échec scolaire: approche ethnographique du traitement interinstitutionnel de la difficulté scolaire

en REP (Genève)

PELHATE, Julie

Abstract

La recherche étudie le partenariat interinstitutionnel au sein de l'école primaire du REP genevois. Il s'agit de comprendre comment les collaborations internes et externes à l'école sont construites comme un outil de régulation de la difficulté de l'élève et comment, sur les scènes de leur mise en œuvre, les élèves et leurs familles sont catégorisés. Cette recherche s'inscrit dans une perspective ethnographique ; elle combine l'observation de 73 réunions de professionnels et la conduite de 71 entretiens de recherche menés auprès des professionnels observés. L'analyse de trois types de réunions (conseils des maîtres, réunions internes et réseaux) rend compte de l'entremêlement des scènes, des logiques d'action et des registres d'expertise. La thèse permet de mettre en évidence l'aspect processuel du traitement de la difficulté de l'élève (un enchaînement ordonné de diagnostics et de prises en charge de la difficulté) ainsi que la récurrence des logiques de prévention et d'individualisation pour le bien de l'enfant.

PELHATE, Julie. La mise en scène partenariale de l'échec scolaire: approche ethnographique du traitement interinstitutionnel de la difficulté scolaire en REP (Genève). Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2018, no. FPSE 689

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:105768 URN : urn:nbn:ch:unige-1057681

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:105768

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

Section des sciences de l’éducation

Sous la direction de Jean-Paul PAYET

La mise en scène partenariale de l’échec scolaire Approche ethnographique du traitement interinstitutionnel

de la difficulté scolaire en REP (Genève) THESE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en sciences de l’éducation

Par Julie PELHATE

Thèse N° 689

GENEVE Janvier 2018

10-349-504

Membres de la commission de thèse :

Jean-Paul Payet, directeur de thèse, Université de Genève Greta Pelgrims, Université de Genève

Frédérique Giuliani, Université de Genève Pascale Garnier, Université de Paris 13 Denis Laforgue, Université de Savoie

Gilles Monceau, Université de Cergy-Pontoise

(3)
(4)
(5)
(6)

Remerciements

Ce travail de thèse est le résultat, à la fois d’un labeur solitaire et d’une réflexion collective ; fruit de rencontres, d’affinités, d’amitiés, d’interactions, de discussions, de moments de doutes et enfin de soulagement. L’aboutissement d’un tel travail n’a été possible que par le soutien quotidien de tous, collègues, famille et amis.

Aussi, mes remerciements s’adressent-ils en priorité aux directeurs des établissements scolaires, aux enseignants, aux éducateurs ainsi qu’aux infirmières scolaires pour m’avoir fait confiance et pour m’avoir ouvert les portes de leur routine professionnelle. Je remercie également les acteurs professionnels extérieurs aux écoles qui, en plus d’avoir accepté ma présence à leurs réunions, m’ont accordé de leur temps pour des entretiens. En partageant leurs différents vécus professionnels et en m’ouvrant les coulisses de leurs quotidiens, ces professionnels ont permis que cette recherche voit le jour.

En second lieu, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à Jean-Paul Payet pour son accompagnement bienveillant, son exigence, sa confiance et son écoute tout au long de ces années. Mes remerciements s’adressent également à Pascale Garnier, Frédérique Giuliani, Denis Laforgue, Gilles Monceau et Greta Pelgrims qui ont accepté d’être membres de mon jury de thèse.

Bien évidemment, une pensée spéciale, cordiale et amicale à l’équipe de Sociologie de l’Action - Transformations des Institutions - Éducation (SATIE) que j’ai rejoint et avec laquelle échange, confrontation, argumentation ont été de rigueur lors de notre collaboration. Je réitère mes remerciements à Frédérique Giuliani pour nos riches discussions et l’intérêt toujours manifesté pour mes travaux de recherche. Je ne saurais oublier Diane Rufin, mon binôme du quotidien, qui m’a épaulée d’un bout à l’autre dans l’accomplissement de ce travail. J’adresse aussi une pensée affective à Marie Chartier dont l’approche sociologique, fine et rigoureuse, m’ont été d’une aide précieuse. Que dire de l’apport indispensable et déterminant de Fabien Deshayes lors du sprint final ! Je ne pourrais conclure mes remerciements à l’attention de l’équipe SATIE sans mettre en exergue les encouragements permanents de Valérie Hutter ainsi que les éclairages pertinents de Zakaria Serir.

En outre, je remercie Claude Haro et Laurent Dauty qui, à l’issue de mes études, ont guidé mes premiers pas dans le champ éducatif et ont forgé ma passion pour ce domaine. Ma reconnaissance va également à Vijé Franchi qui m’a convaincue de l’opportunité de démarrer cette thèse de doctorat.

Parce qu’il s’agit d’un travail de maturation que l’on porte plusieurs années et qui nécessite un entourage à l’écoute, disponible et confiant, je remercie ma famille pour son soutien inestimable et son aide précieuse dès le début de l’aventure. Je remercie mes amis pour les ondes et les vibrations positives qu’ils n’ont cessé de me communiquer mais surtout pour leur patience que j’ai rudement éprouvée. Bien évidemment et tout naturellement, je remercie Guy, mon coéquipier du quotidien. Doté d’une sérénité à chaque épreuve, ses encouragements et sa présence apaisante ont permis l’éclosion de ce travail. Enfin merci à Namka, soleil de tous les jours et bouffée d’air indispensable à la réalisation de la tâche.

(7)
(8)

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ... 7

1. Une expérience professionnelle passée qui interroge ...7

2. La récurrence des constats donnant lieu à un triple questionnement de recherche ...10

3. Plan de la thèse ...15

CHAPITRE 1 CONSTRUCTION DE L’OBJET DE RECHERCHE : UNE APPROCHE ETHNOGRAPHIQUE DE LA MISE EN SCÈNE PARTENARIALE DES TRAJECTOIRES DE LA DIFFICULTÉ SCOLAIRE ... 19

1. Ancrage théorique de l’objet de recherche : une théorie émergente des faits observés et discours recueillis ... 20

1.1. La construction de carrières d’élèves « hors normes » : variabilité des perspectives interprétatives de la difficulté scolaire et de son traitement ...21

1.2. Le partenariat interinstitutionnel comme mode d’action contre l’échec scolaire : la construction collective de trajectoires particulières...31

1.3. Le secret à l’épreuve des interactions : l’échange d’informations ou l’émergence d’un contrôle social implicite et diffus ...40

2. Problématisation et postulats de recherche : un triple questionnement et une analyse multi niveaux ... 48

2.1. Problématique ...48

2.2. Les postulats de la recherche ...49

3. Données de terrain et méthodes d’investigation : l’inscription dans une sociologie compréhensive de la réalité ... 50

3.1. La définition des scènes à observer : un ajustement constant ...51

3.2. L’observation de réunions et les entretiens avec les acteurs : le croisement de matériaux riches ...60

3.3. Présentation et analyse de l’échantillon ...62

CHAPITRE 2 ÉLÉMENTS SOCIOHISTORIQUES SUR LA CATÉGORISATION DE LA DIFFICULTÉ DES ÉLÈVES ET SUR LES PRISES EN CHARGE EXISTANTES DANS LE CANTON DE GENÈVE ... 81

1. Première période : la construction d’un problème social, de l’enfant « vicieux » à l’enfant « difficile » ... 83

1.1. Des classes spéciales à la création de la première consultation médico-pédagogique : le passage du « crétinisme » à l’« anormalité scolaire » ...83

1.2. De la consultation au Centre d’observation : de l’observation de l’« enfant arriéré » et « difficile » au dépistage de l’enfant « inadapté » ...89

(9)

1.3. Le Service d’observation et le Service médical des écoles : définition des contours de

la difficulté et variation de sa prise en charge ...91

2. Deuxième période : une prise de conscience et reconnaissance des inégalités sociales, un glissement des causes biologiques aux causes socioculturelles de la difficulté scolaire ... 95

2.1. Années 1950-1960 : l’idéologie d’égalité des chances et la figure de « l’enfant inadapté » ...95

2.2. Années 1970-1980 : une démocratisation de l’école, la compensation du milieu carencé de « l’élève en difficulté » ...100

3. Troisième période : les années 1980-2015, la territorialisation de l’action éducative et la focalisation sur les inégalités sociales ... 109

3.1. La différenciation et l’individualisation comme moyens de lutte contre les inégalités sociales et l’échec scolaire ...109

3.2. Critique de l’individualisation, localisation de l’action éducative et décloisonnement des compétences ...115

3.3. De nouvelles professions dans l’école : entre une logique préventive des risques et inclusive des élèves ...122

3.4. Penser les « besoins éducatifs particuliers » dans le collectif de professionnels : glissement progressif vers une logique d’inclusion ...127

4. Le paysage institutionnel du système scolaire genevois actuel ... 135

4.1. Fonctionnement du système scolaire dans un contexte intercantonal particulier ...135

4.2. Particularité du contexte institutionnel genevois : les divers offices du DIP ...138

CHAPITRE 3 L’ENCADREMENT DE LA NORMALITÉ SCOLAIRE ET DU PARTENARIAT INTERINSTITUTIONNEL DANS LE SYSTÈME SCOLAIRE PRIMAIRE GENEVOIS ACTUEL ... 149

1. A chaque difficulté, sa prise en charge : définition institutionnelle de la norme scolaire, attribution des registres d’expertise et prises en charge associées ... 149

1.1. Les situations « difficiles » : de la difficulté scolaire aux problèmes de comportement ...150

1.2. Les situations « complexes » ...157

1.3. Les situations d’élève « à besoins éducatifs particuliers » ...162

2. Collaboration, partenariat ou réseau : des pratiques encadrées à travers la définition des rôles des acteurs scolaires ... 169

2.1. Des principes généraux de collaboration et de partenariat difficilement contestables ...169

2.2. Des pratiques prescrites : la complémentarité des acteurs scolaires dans le traitement de la difficulté ...172

2.3. La mise en action de la collaboration : une réponse ajustée à chaque type de situation ...182

3. Circulation d’informations sur l’élève : la place des parents dans la trajectoire et la constitution de « casiers scolaires » ... 196

3.1. L’accord des parents comme principe absolu ...196

3.2. Un accord nécessaire des parents pourtant peu visible dans les processus ...198

(10)

3.3. Circulation d’information et suivi des élèves : la constitution de « casiers scolaires » .204 CHAPITRE 4

LES « CONSEILS DES MAÎTRES » : SCÈNES DE RÉGULATION PÉDAGOGIQUE

DES SITUATIONS DIFFICILES ET À BESOINS ÉDUCATIFS PARTICULIERS

... 213

A. Le conseil des maîtres « collectif » : une exposition de la pratique enseignante ... 216

1. Une organisation collective entre directeur, enseignants et autres acteurs ... 216

1.1. Deux profils de directeurs : « meneur » vs « observateur » ...216

1.2. Des enseignants pris dans les enjeux du collectif et du « maintien de la face » ...219

1.3. Les éducateurs sociaux : des « figurants » de ces scènes ...223

1.4. Lieu d’affirmation du rôle des infirmières scolaires ...225

2. L’identification de situations et la définition de cas particuliers dans un collectif d’acteurs ... 227

2.1. L’enseignant : entre protection de son travail en classe et exposition de sa pratique ..228

2.2. Les variables explicatives des comportements « hors normes » : de la culture d’origine à l’idéologie du « don » ...233

2.3. La constitution de « casiers scolaires » : une fonction cachée du conseil des maîtres ..245

2.4. La mise en ordre des routines institutionnelles : discussion sur la composition des classes, ajustement des catégories d’analyse et de la norme évaluative ...248

3. Débats et expression timide de désaccords sur l’orientation de la trajectoire scolaire : du traitement normatif au traitement inclusif ... 255

3.1. Entre traitement normatif et mesure pédagogique dans l’école : le redoublement comme étape du processus d’orientation vers le spécialisé ...255

3.2. L’individualisation et le traitement intégratif dans l’école : significations diverses et mise en œuvre « pratique » du travail de prévention ...259

3.3. L’externalisation des prises en charge dans une perspective inclusive : la proposition de « bilans » à l’OMP et la collaboration avec de multiples professionnels ...268

3.4. Paradoxe du traitement séparé dans un cadre inclusif : l’enseignement spécialisé comme processus progressif et négocié ...276

3.5. Traitement préventif et intervention d’autres registres dans l’école : la demande de conseil au Service de Protection des Mineurs (SPMi)...280

B. Le conseil des maîtres à deux : un étayage de la pratique enseignante ... 283

1. Une scène de face à face entre directeur et enseignant ... 284

1.1. Un directeur « observateur » : entre régulation des situations d’élèves et étayage des pratiques enseignantes ...284

1.2. Des enseignants seuls face à l’exposition de leur pratique et de leur vécu ...288

2. Des situations définies sans le poids du collectif enseignant : l’expression de la souffrance et du mal être des enseignants ... 290

3. Des interactions consensuelles sur des prises en charge récurrentes : la figure particulière du directeur « observateur » dans l’orientation de la trajectoire ... 293

(11)

CHAPITRE 5

LES « RÉUNIONS INTERNES » :

SCÈNES DE VEILLE SUR LES COMPORTEMENTS HORS NORMES ET DE PRÉVENTION DES MALTRAITANCES

... 301

1. Une organisation autour d’un noyau dur d’acteurs dans l’école ... 303

1.1. Une scène majoritairement orchestrée par les directeurs d’établissement ...305

1.2. Une scène de prédilection pour l’éducateur et l’infirmière ...309

2. La définition des situations des élèves : entre un relatif consensus sur la description des faits et de nombreux désaccords sur les actions à mettre en œuvre ... 314

2.1. Scène d’accordage sur les registres d’interprétation de l’urgence à agir et catégorisation des attitudes hors normes ...316

2.2. Dilemme de l’individualisation ou trouble dans les pratiques professionnelles ...317

2.3. La construction de connaissances réputationnelles sur les familles : une finalité non intentionnelle comme ressource pour l’action ...319

3. Une scène de veille sur les élèves et de contrôle des « cas » : un ajustement des perceptions, un traitement inclusif qui peine à émerger ... 328

3.1. Un ajustement des visions éducatives dans des registres d’interprétation variés et cultures professionnelles diversifiées ...329

3.2. Une scène de jugement des pratiques professionnelles et attitudes parentales : des enseignants, des thérapeutes et des parents passés au crible ...347

3.3. Une scène de mesure de l'« urgence sociale » à agir : les limites de la prévention dans l’école ...360

CHAPITRE 6 LES RÉUNIONS DE « RÉSEAU » : SCÈNES OUVERTES SUR LES CAS COMPLEXES ... 373

1. Une variété de configurations en fonction des établissements : rôle des acteurs, perception du rôle et des modes collaboration ... 375

1.1. Des directeurs animateurs de réseau ...376

1.2. Des enseignants présents en arrière-plan : raisons variables de cette mise à l'écart ....381

1.3. Le rôle d’étayage et d’intermédiaire interinstitutionnel de l’éducateur ...386

1.4. Le rôle de l’office médicopédagogique incarné par deux acteurs distincts et complémentaires ...390

1.5. Le rôle de l’office enfance jeunesse joué par divers acteurs et sur des registres variés ...397

1.6. Le rôle paradoxal des parents : des acteurs périphériques et pourtant premiers concernés par les interactions ...404

2. Définition de la situation scolaire de l’élève : les coulisses, la représentation et le débriefing entre professionnels ... 406

2.1. Les coulisses des réunions de réseau ...406

2.2. L’entrée en scène des acteurs : les parents de l’élève en question et/ou les professionnels externes ...408

(12)

2.3. Une catégorisation variable en fonction des acteurs en présence : la pluralité des

causes et des significations d’un cas complexe ...418

3. Une scène de croisement des regards professionnels : le poids de l’hybridation des logiques sur les trajectoires des élèves ... 431

3.1. Une négociation parfois échouée du processus d’orientation en enseignement spécialisée ...431

3.2. Le partenariat entre acteurs à l’épreuve de logiques professionnelles diverses : bricolage entre inclusion scolaire et externalisation des actions ...438

3.3. Finalités multiples et perceptions variées de cette configuration : une centralité de l’école peu remise en question ...457

CONCLUSION ... 467

1. Des traitements imaginés dans une visée préventive et pour le bien de l’enfant ...473

2. Un partenariat interinstitutionnel pour ajuster l’individualisation des prises en charge ...477

3. Perspectives ouvertes et prolongements possibles de ce travail ...482

Bibliographie... 485

Liste des abréviations et acronymes ... 495

Annexes ... 496

(13)
(14)

INTRODUCTION

« Quelqu’un qui souhaite écrire une thèse n’a en fait que trois problèmes à résoudre : comment commencer, comment terminer et que faire entre les deux. »

(Becker, 2013, p.10)

1. Une expérience professionnelle passée qui interroge

Au commencement de cette thèse, il y a une expérience professionnelle de quatre années passées à animer et à coordonner un collectif d’acteurs issus des champs scolaires, sanitaires et sociaux dans le cadre d’un dispositif appelé « Programme de Réussite éducative » (PRE) en France1. Ce dispositif s’adressait aux enfants de 2 à 16 ans présentant des « signes de fragilité » ou ne bénéficiant pas « d’un environnement social, familial et culturel favorable à leur développement harmonieux ». Il était encadré par un texte de loi de 2005 qui distingue les territoires concernés – les « zones urbaines sensibles » ou établissements relevant de

« l'éducation prioritaire » – précise les publics visés – les élèves du premier et du second degré2 et leurs familles – ainsi que les champs d’action – domaines éducatif, périscolaire, culturel, social ou sanitaire. Une circulaire de 2006 précisait les formes du dispositif, recommandant des interventions plus collectives dans les domaines sanitaire et social, insistant sur une individualisation des parcours et sur le soutien personnalisé. Ce dispositif a été mis en œuvre en vue de compléter l’action scolaire, pour remédier prioritairement aux difficultés des élèves ou du moins aux difficultés rencontrées par les acteurs scolaires sur des territoires particuliers et avec des publics spécifiques. La circulaire précisait de nouveau les enjeux de la mise en place de ces projets qui devaient s’intégrer au maillage territorial et institutionnel existant :

Les difficultés scolaires que rencontrent beaucoup d’enfants et d’adolescents résultent bien souvent de facteurs liés à leur environnement social, culturel et familial ou à des difficultés de santé qui peuvent entraîner le décrochage et l’absentéisme scolaires, le repli sur soi et, parfois, des problèmes de comportement. Le programme "réussite éducative" mis en œuvre dans le cadre du plan de cohésion sociale a pour ambition de traiter l’ensemble de ces difficultés. 3

Dans les textes institutionnels, la corrélation était évidente entre difficultés scolaires et environnement social, culturel et familial. Les textes expliquaient ainsi le décrochage scolaire, l’absentéisme, le repli sur soi et les problèmes de comportement par un environnement carencé, que la mise en place du dispositif devait pouvoir rétablir. Les principes mis en avant attribuaient

« une place prépondérante au parcours individuel et au "sur-mesure" avec une intervention

1 Dispositif issu du Plan de cohésion sociale (issu de la loi n°2005-32 de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005). Programme 15 « Accompagner les enfants en fragilité » et Programme 16 « Accompagner les collégiens en difficulté et rénover l'éducation prioritaire » et de la Circulaire de la DIV du 27 avril 2005 relative à la mise en œuvre des programmes 15 et 16 du plan de cohésion sociale.

2 Dans l'enseignement public français, le premier degré correspond à l’école primaire (soit l’enseignement primaire en Suisse de la 1P à la 8P) et le second degré correspond à la scolarité en collège (6ème à la 3ème) puis lycée (2nde à la Terminale), soit le cycle d’orientation et l’ECG ou Collège en Suisse.

3 Circulaire n°2007-004 DU 11-12-2006, bulletin officiel, http://www.education.gouv.fr/bo/2007/2/MENE0603257C.htm

(15)

inscrite dans la durée de professionnels de différentes spécialités et d’associations constituées en réseau au sein d’équipes pluridisciplinaires de réussite éducative »4. Pour ce faire, le projet devait s’appuyer sur « un partenariat élargi à tous les acteurs concernés par la mise en œuvre d’une politique éducative à l’échelle locale ». Ce dispositif se revendiquait d’une nouvelle approche fondée sur l’individualisation des parcours où il s’agissait de prendre en compte la singularité de chaque situation, une attention à l’enfant dans sa globalité (particulièrement concernant son environnement social et familial), une dynamique fondée sur un partenariat avec les acteurs locaux, du secteur associatif, scolaire, socioéducatif en passant par le champ social, médicosocial voire médical. Le dispositif « PRE » devait s’entourer d’acteurs non seulement pour mettre en place des actions, des traitements, des suivis, mais également pour penser les situations. Ces dispositifs devaient nécessairement s’appuyer sur une équipe pluridisciplinaire composée d’un réseau coordonné d’acteurs professionnels et associatifs qui se mobilisaient autour de situations individuelles d’enfants en difficulté. C’était l’une des conditions pour bénéficier du label « PRE ».

Pour répondre aux difficultés de ces territoires, les coordinateurs de ces PRE (dont je5 faisais partie) étaient incités d’une part à collaborer avec le tissu associatif existant ainsi qu’avec divers acteurs institutionnels du champ scolaire, social, médicosocial et médical. La finalité de ces réunions résidait dans le fait de trouver des réponses « individualisées » aux cas pour lesquels nous étions « saisis ». Les « actions » proposées devaient être pensées en collectif – l’équipe pluridisciplinaire – et de façon anonyme. La constitution de ces équipes m’appartenait, tout comme l’animation et la garantie de confidentialité des « parcours » dont il était question.

L’objectif affiché de ces équipes était « d’appréhender les problèmes des jeunes dans leur globalité ».

En tant que coordinatrice du projet, j’avais pour mission de réunir ces professionnels afin de présenter anonymement les situations pour lesquelles le dispositif était « saisi ». Cela pouvait aller d’une simple demande de prise en charge pour une activité de loisirs (pour le bien-être d’un enfant, lui « apprendre à se canaliser »6), à l’étude plus fine d’une situation de désarroi d’une enseignante, par exemple face à l’absentéisme d’un élève couplé aux préoccupations sur son environnement familial et sa fratrie. Les professionnels présents à cette réunion, avec leurs propres compétences, devaient aider à l’identification précise des difficultés, l’établissement d’un diagnostic « consensuel » de la situation ouvrant sur la proposition d’un parcours éducatif adapté et enfin le suivi de l’évolution de l’enfant. Dès la mise en place de ces équipes (qui se réunissaient deux fois par mois) et l’animation des réunions, je fus confrontée à la délicate problématique de la circulation de multiples informations sur les enfants et leur famille. Les professionnels présents devaient également être rassurés sur les fondements éthiques de ce travail de collaboration.

L’exercice de cette mission de coordination me questionnait à plusieurs niveaux. Première source d’interrogation, l’aspect éthique des échanges entre acteurs attirait mon attention à chaque réunion et questionnait particulièrement les professionnels du champ sanitaire et social.

4 Une circulaire de la DIV - Délégation Interministérielle à la Ville - aux préfets en 2006.

5 L’utilisation de la première personne est réservée à l’introduction qui met en exergue le choix de l’objet de recherche lié à un parcours professionnel et personnel. Le « nous » scientifique sera utilisé pour la suite de ce travail de thèse.

6 Il s’agit de situations de « saisines » d’acteurs professionnels du territoire.

(16)

Ces derniers trouvaient une réelle utilité à venir partager leurs connaissances et compétences sur les situations que j’exposais. C’était aussi l’occasion pour eux de rencontrer d’autres acteurs du territoire. Passé cet engouement et la perception d’une réelle utilité pour la pratique, beaucoup s’interrogeaient sur la circulation d’informations sur cette scène en vue d’une réponse individualisée. Même anonymisées, certaines situations « complexes », « connues » sur un petit territoire, finissaient par être identifiées par certains.

Sous couvert d’individualisation des réponses aux besoins identifiés, qu’autorisait alors le respect du secret professionnel et des codes déontologiques des différents professionnels impliqués ? Quelles informations le réseau de professionnels de l’équipe pluridisciplinaire pouvait-il partager ? Quelles modalités devait-on appliquer pour garantir la confidentialité des informations échangées au sein du réseau ? Pouvait-on réellement trouver des solutions d’accompagnement des enfants et/ou des parents en respectant le secret professionnel à la lettre ? Ne risquait-on pas de se priver de tout moyen d’agir sur la situation ? Malgré la rédaction et la mise en œuvre d’une charte de déontologie, qui prévoyait entre autres que les situations soient discutées anonymement, ce questionnement était toujours présent. Le territoire sur lequel j’exerçais ne dépassant pas les 15 000 habitants et le dispositif ciblant quelque 4 000 habitants, l’anonymisation des discussions n’était parfois qu’un leurre ! Au-delà de cette riche expérience, ce fut la définition même des parcours et la circulation d’informations sur les enfants et leurs familles qui retenaient mon attention.

Ma deuxième interrogation portait sur la réalisation d’un diagnostic « partagé » entre les professionnels présents. En effet, je constatais qu’il s’inspirait de ma propre présentation et définition de la situation de l’enfant. Même en y mettant les formes et en tentant de rester la plus neutre possible, mon inquiétude transpirait régulièrement de ma présentation et influait sur l’orientation des discussions. Les parents n’étaient jamais associés à ces réunions mais informés que « l’équipe pluridisciplinaire » se réunissait pour étudier leur cas. Suite à la réunion, ils pouvaient (théoriquement) refuser le « parcours » qui leur était proposé. Je me demandais alors comment évaluer la juste urgence à agir pour ne pas évincer certaines situations potentiellement dégradées mais ne pas non plus intervenir trop rapidement sous prétexte de l’émergence d’inquiétudes d’un ou deux professionnels ? Pouvait-on réellement laisser le temps à un enfant d’évoluer sans l’étiqueter au premier faux pas ? Était-il possible d’appliquer les principes du

« faire avec » les parents dans des situations qui inquiétaient les professionnels et nécessitaient d’agir vite ? Comment faire « avec eux » dans les situations dégradées sans rompre la confiance établie ? De quelles manière les accompagner afin qu’ils prennent en charge par eux-mêmes les difficultés de leurs enfants ? De plus, face à l’absence des principaux intéressés lors des réunions, je me demandais comment élaborer des pistes d’actions sans tenir compte de leur avis en situation. En effet, que vaut alors un diagnostic lorsque les parents ne participent pas à son élaboration ? Comment leur en rendre compte ? La transparence n’appelait-elle pas systématiquement la participation des parents à ces réunions ?

Enfin, ma troisième interrogation, sur la mise en œuvre du partenariat pour discuter de situations d’enfants, concernait la place des acteurs présents et leur influence sur la définition et la « coloration » des parcours. Par exemple, en présence d’une assistante sociale du conseil

(17)

général7, pour une situation « inquiétante », une Aide éducative à domicile (AED)8 pouvait être la piste retenue quand, pour une situation similaire, en présence de la responsable de circonscription de l’Aide Sociale à l’Enfance, c’est un recueil d’information préoccupante9 qui devait être envoyé à la cellule départementale de recueil de traitement et d'évaluation. Se posait donc la question de l’émergence du diagnostic et des facteurs qui en influençaient la couleur.

En effet, quels acteurs participaient à l’élaboration des trajectoires et quels registres l’emportaient sur les autres ? Quels rapports de forces étaient à l’œuvre ? Quels en étaient les déterminants ? Quels acteurs parvenaient à imposer leur point de vue ? Lesquels étaient moins pris en compte ?

2. La récurrence des constats donnant lieu à un triple questionnement de recherche À la suite de cette expérience professionnelle, mes réflexions sur cette pratique de

« collaboration » croisèrent l’opportunité d’intégrer une équipe de recherche en sociologie de l’éducation, à Genève. Ce fut alors l’occasion pour moi de changer de posture, non plus animer des réunions entre divers acteurs professionnels mais les observer, de l’extérieur, afin de mettre à l’épreuve mon questionnement précédemment émergé. Je voyais dans cette opportunité de recherche l’occasion d’enquêter sur les réunions entre professionnels dans l’école autour de cas d’élèves jugés difficiles, d’explorer la thématique du partenariat interinstitutionnel, d’aller creuser cette organisation particulière que j’avais désormais l’occasion de comprendre en adoptant une position de chercheuse ; un autre point de vue, par nature plus distancié. C’est d’abord dans le cadre d’une recherche sur les relations entre l’école et les familles10, au sein de trois établissements du Réseau d’enseignement prioritaire (REP) genevois, que je me retrouvais confrontée aux interrogations précédemment rencontrées. Je découvrais toute une activité professionnelle déployée en réunions, sous plusieurs formes, au sein de l’école. Ces rencontres étaient bien souvent animées par le directeur d’établissement afin de discuter de cas difficiles pour lesquels une « individualisation » des actions, dans l’école ou à l’extérieur, étaient envisagée. Les raisons des difficultés formulées en réunions, la dynamique des acteurs ou encore les finalités de ces réunions me rappelaient mon activité antérieure…

Cette récurrence a conforté ma volonté d’aller « creuser » mon triple questionnement, issu du terrain, à travers une recherche sur le partenariat interinstitutionnel déployé dans l’école.

Sous couvert de prévention et d’individualisation des prises en charge, que permet la circulation

7 Aujourd’hui devenu le conseil départemental, il s’agit de assemblée délibérante pour chaque département français, qui a entre autres compétences l’aide sociale dont la protection de l’enfance (équivalent du SPMi à Genève), l’insertion des personnes en difficulté, l’aide aux personnes handicapées et âgées et la prévention sanitaire.

8 Un soutien matériel et éducatif à la famille. Cette prestation est préventive et s’inscrit dans le dispositif de protection administrative de l’enfant.

9 Depuis la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, la protection de l’enfance distingue l’information préoccupante (IP) du signalement des enfants en danger, terme désormais réservé à la saisine de l’autorité judiciaire. Cependant, dans les cas où la gravité de la situation le justifie, tout personnel de l’Éducation nationale peut aviser directement le procureur de la République en tant que personne travaillant dans un service public susceptible de connaître des situations de danger (article L 226-4 du code l’action sociale et des familles) sous réserve d’adresser une copie de cette transmission au président du conseil départemental.

10 Recherche FNS menée par l’équipe SATIE, dirigée par Jean-Paul Payet. Cette recherche collective a étudié les relations entre l’école et les familles en contexte défavorisé, notamment en cas de difficultés perçues par les enseignants ; les situations d’interaction ont été observées puis questionnées au sein de trois établissements du REP. Ainsi, notre matériau de thèse est imbriqué dans une recherche collective basée sur l’observation de 150 rencontres individuelles enseignant-parents et 63 entretiens de recherche menés auprès d’enseignants. C’est dans ce cadre que nous avons « trouvé » notre propre terrain de recherche doctorale à savoir les réunions entre professionnels, les scènes de coulisse, pour des élèves en difficulté. Ce terrain

« collectif » a donc été complété de l’observation de 73 réunions et de la réalisation de 30 entretiens (en plus des 41 menés auprès des enseignants).

(18)

d’information sur un enfant ? Comment parvenir à une définition consensuelle de la situation d’un enfant ? Quelle place prennent les professionnels présents, quel rôle jouent-ils et quel est l’impact sur l’orientation de la trajectoire ? Ainsi, ces interrogations sont motivées par la volonté d’enquêter sur le quotidien d’une activité ordinaire, l’organisation pratique de réunions pour des cas particuliers d’élèves dans l’objectif d’une individualisation des réponses. Trois configurations de réunions sont alors repérées dans l’école : les conseils des maîtres, les réunions internes et les réunions de réseau.

Pour resituer la mise en œuvre de ce partenariat, rappelons que la prise de conscience et la reconnaissance des inégalités sociales dans l’école, qui date des années 1950-70 (Derouet, 1992) a entrainé un glissement progressif dans l’interprétation des difficultés scolaires des élèves. La question de l’orientation scolaire couplée à un discours institutionnel sur l’égalisation des chances et la lutte contre l’échec scolaire a mis le projecteur sur l’école en tant que responsable de ces inégalités scolaires. Parallèlement, face au manque de place dans les lieux de scolarisation spécialisés, l’école a progressivement développé diverses formes d’appuis individuels, a imaginé une compensation des difficultés et s’est entourée de diverses formes de collaborations entre professionnels. Ainsi dans les années 1980, le contexte de réflexion sur l’égalisation des chances et la diversité des publics auxquels est confrontée l’école primaire confortent cette nécessité de collaborer avec d’autres acteurs pour lutter contre l’échec scolaire.

Le partenariat avec des acteurs extérieurs s’inscrit alors dans une évolution sociohistorique du traitement de la difficulté scolaire dans l’école non plus fondée sur un cadre d’égalité formelle, d’indifférence aux différences mais fondée sur un cadre d’équité induisant une différenciation scolaire (Payet, Sanchez-Mazas, Giuliani, & Fernandez, 2011), une attention particulière à l’enfant en tant qu’individu lorsque ce dernier n’entre pas dans une norme scolaire attendue. Au nom du bien de l’enfant et du bien-être de l’élève dans l’école, la posture professionnelle d’individualisation face aux élèves « hors normes » sous-tend la nécessité, pour les acteurs scolaires, de s’entourer d’autres métiers pour comprendre et agir sur la situation à l’aune des compétences professionnelles « expertes » des troubles repérés.

Cette dynamique des années 1980-90 a émergé dans un contexte de prévention qui s’est accru au cours du 20ème siècle. Terme initialement accroché à la lutte contre la délinquance juvénile ou encore la protection de l’enfance en danger (Becquemin, 2007, p. 74) la prévention, réaménage les registres professionnels et conditionne le partenariat entre acteurs. Il s’agit d’une notion à géométrie variable, qui revêt des contours différents selon les professions, s’adresse à des usagers variés au cours du temps et renvoie à de

nombreux implicites qui ne facilitent pas la compréhension des enjeux politiques. (…) Les justifications préventives alimentent les orientations sécuritaires, pénales et répressives avec une efficacité rhétorique comparable à celles qui avaient participé au développement des politiques sanitaires et sociales au cours du 20ème siècle. (ibid., 2007, p.74).

Depuis une dizaine d’années, la justification préventive (couplée à celle du bien de l’enfant, notion phare de la fin des années 1990) alimente les orientations prises dans l’école, notamment celle d’une activation accrue de partenariat et d’un travail de collaboration avec d’autres professionnels. C’est dans ce contexte d’individualisation et de prévention que prennent place progressivement des modes de coopération interinstitutionnelle, entre métiers variés, dans la

(19)

perspective de penser non seulement la difficulté scolaire de l’élève mais également l’éventuelle difficulté sociale de l’enfant désormais envisagée « dans sa globalité ». Cette activité inclue donc, de la part de l’école, d’identifier les « cas difficiles », de les nommer et de différencier le normal du pathologique (Canguilhem, 2013). Ce processus de traitement de l’anormalité scolaire questionne alors la dynamique partenariale dans l’école et ce qu’elle produit en termes de catégorisation et de dynamiques professionnelles. Quel rôle joue l’institution scolaire lorsque de multiples professions, aux registres d’action différents et légitimités diverses, se retrouvent dans l’école ? Que produit ce croisement des regards sur la prise en charge de la difficulté d’un élève et l’orientation de sa trajectoire ?

Ce processus se met en œuvre en croisant des logiques diverses et éclaire les dilemmes auxquels les acteurs scolaires sont confrontés. Les catégories actuelles de traitement de la difficulté scolaire sont diffuses dans une histoire singulière de la prise en compte de l’anormalité scolaire en lien avec l’action médicopédagogique sur un territoire particulier. C’est la raison pour laquelle nous envisageons le partenariat interinstitutionnel dans l’école comme le révélateur de modalités de tri scolaire mais aussi comme le reflet d’une évolution sociohistorique du traitement des singularités scolaires entre professionnels multiples et œuvrant avec des cadres de références divers. Il s’agit de rendre compte d’un processus plus vaste qui ne peut toutefois se comprendre qu’en allant observer concrètement comment se déroulent ces réunions, ce qui s’y discute et ce qui s’y décide.

Observer les interactions entre professionnels lors de réunions organisées dans l’école à propos d’élèves en difficulté scolaire permet de rendre compte de ce processus d’identification d’élèves, de catégorisation de la difficulté et d’étiquetage (Becker, 1963/1985) dans un collectif d’acteurs, en vue d’un traitement individualisé et d’une orientation scolaire particulière. Notre approche, au plus près des pratiques, met l’accent sur ce qui se joue dans le repérage des élèves, comment les acteurs ordinaires de l’école définissent concrètement la difficulté scolaire, de quelle manière émergent les situations difficiles, comment elles sont justifiées, catégorisées, triées et traitées. L’observation des réunions couplée aux entretiens avec les professionnels permet de rendre compte d’un processus de tri des élèves à travers des techniques et des interactions multiples en vue d’un traitement de singularités (Monceau, 2001).

L’objectif de ce travail de collaboration dans l’école est de focaliser l’attention sur des élèves qui posent problème ou questionnent l’enseignant au cours de l’année scolaire, voire les enseignants durant plusieurs années. Le regard de l’enseignant seul (Garnier, 2003) n’apparaissant pas suffisant, l’école se dote d’autres registres d’interprétation, internes (éducateur, infirmière) et externes (psychologue, logopédiste11, médecin…), afin de qualifier la difficulté repérée, de trouver et d’orienter l’élève vers la prise en charge adéquate. Il s’agit entre autre de définir le degré d’écart aux normes scolaires afin de qualifier si l’élève relève d’une scolarisation « normale » et « ordinaire » ou au contraire, s’il présente des troubles justifiant une scolarisation en enseignement spécialisé. La réalité du travail et de l’orientation des trajectoires laissent place à de multiples tâtonnements dans les interactions afin de trouver le

« bon traitement » au diagnostic défini dans le collectif d’acteurs. Cette activité institutionnelle associe divers types d’acteurs (professionnels/profanes) et divers registres d’interprétation. Elle

11 Le terme de logopédiste est l’appellation romande de l’orthophoniste.

(20)

alimente la trajectoire (Strauss, 1985/1992, pp. 143-144) de l’élève à divers moments de l’année scolaire et de diverses manières (variabilité des mesures prises). Cette trajectoire est donc soumise non seulement aux échéances institutionnelles (pour l’orientation dans le spécialisé par exemple) mais également aux interprétations émergentes en réunion et sur les scènes plus informelles de discussion (salle des maîtres, dans les couloirs…).

C’est donc munie d’un triple questionnement, issu de notre pratique antérieure et mêlé à l’observation du terrain genevois, que nous explorerons les trois configurations repérées dans les écoles. Notre première source d’interrogation fait écho à notre étonnement ressenti face à la multiplicité des scènes et acteurs dans l’école en charge de traiter des difficultés d’élèves. En effet, trois scènes principales reviennent dans chacun des établissements. L’une d’elles, le conseil des maîtres, est prescrite dans les textes, les deux autres correspondant davantage à une mise en œuvre localisée, avec des variations en fonction des établissements. Les finalités de ces scènes restent similaires : discuter des élèves « en difficulté », de ceux qui sont « hors normes », mais également des situations « complexes » à la limite d’un signalement. Chacune des scènes incarne une organisation particulière et des finalités spécifiques. Néanmoins, elles reflètent un processus dans le traitement des situations ainsi qu’une certaine complémentarité des informations récoltées pour venir nourrir une compréhension globale de la situation, de son environnement afin d’agir en maitrisant la totalité du cas à traiter.

Le cadre de l’équité sous-tend cette posture professionnelle d’individualisation de la part des acteurs scolaires (Payet et al., 2011). Cet ajustement aux cas particuliers se traduit par la nécessité d’une attention particulière aux besoins des élèves et donc d’une adaptation de la norme scolaire à des singularités. Pour ce faire, les directeurs d’établissement convoquent des acteurs professionnels, internes ou externes à l’école, afin d’échanger des informations, circonscrire collectivement la difficulté de l’élève et ajuster les prises en charges. En effet, afin d’adapter un traitement sur mesure dans l’école, les différents professionnels qui interviennent sur le cas doivent pouvoir échanger des informations. C’est alors que nous avons pu assister dans l’école au croisement de regards de professionnels aux registres d’expertise variés.

Ce constat rejoint notre deuxième questionnement qui fait écho aux préoccupations des acteurs ordinaires rencontrés et concerne la circulation d’informations privées sur l’élève et sa famille sans que cette dernière ne soit associée aux discussions. En effet, une expertise professionnelle multiple soulève le paradoxe lié à la circulation d’informations. Les professionnels doivent s’échanger des renseignements sur les élèves tout en respectant le secret (auquel chaque profession est soumise) qui apparaît comme une sorte d’évidence en creux puisque le cœur de l'expertise réside dans l’information (Frison-Roche, 2005 ; Garnier, 1997).

Les réunions qui s’organisent dans l’école (particulièrement les réunions de réseau) révèlent la contradiction entre une nécessaire circulation des informations et le souci pour chaque professionnel de ce qu’il peut ou ne peut pas dire. Les confidences entre acteurs sont l’occasion de lever le secret sur certaines informations, ce qui soulève la question éthique à l’égard des familles : elles sont absentes et donnent leur accord pour que les professionnels se rencontrent mais ignorent l’ampleur des informations qui circulent sur leur cas. En réunion, les professionnels construisent une expertise sur la situation de l’élève à partir de multiples informations détenues par les acteurs de l’école mais également par d’autres professionnels.

Ces divers acteurs sont alors confrontés au dilemme de « se parler », d’échanger des

(21)

informations, de construire une expertise et d’orienter la trajectoire sans dévoiler des informations jugées « trop sensibles » et « inutiles » pour l’école. C’est alors dans le cours de l’action que se définit la situation, que se délimitent les contours de la difficulté, qu’émergent des informations jugées « utiles » pour l’école ou qu’au contraire d’autres sont tenues secrètes.

Enfin, notre troisième interrogation porte sur la construction collective de ce jugement sur l’élève et la définition de la situation lors des interactions dans lesquelles diverses logiques d’actions se croisent. Les acteurs jouent un rôle en lien avec leur mission et leurs références professionnelles, dévoilent leurs pratiques et véhiculent une image d’eux-mêmes. L’objet de cette recherche consistera alors à comprendre la définition de la situation de l’élève dans un collectif d’acteurs pluriels, les registres mobilisés, les interprétations formulées ainsi que les influences de certains registres professionnels sur d’autres. Au moyen de savoirs professionnels, les acteurs s’emparent de certains pans de la trajectoire de l’élève. Dotés d’une culture professionnelle particulière, chacun des acteurs entre dans le jeu des échanges sur l’élève avec ses propres références du métier et perception de leur rôle. Il s’agira de repérer les alliances entre acteurs, les accordages entre professionnels aux cultures variées, la négociation des territoires de compétences, les mises en concurrence (particulièrement lors des réunions de réseau) des savoirs (Hughes, 1996) légitimés. Il sera intéressant de repérer ce que produit cette concurrence entre professions, aux histoires et aux légitimités différentes (Abbott, 2003), non seulement pour les acteurs présents mais également pour l’orientation de la trajectoire scolaire des élèves.

Ce triple questionnement constituera le fil rouge de notre analyse des scènes observées.

Tout d’abord, il s’agira d’identifier les acteurs présents et les rôles de chacun dans les textes institutionnels mais également dans l’analyse des trois scènes. Ensuite, nous serons attentive à la définition de la situation, aux catégories d’analyse récurrentes ainsi qu’à la mise à l’épreuve des types de secret dont sont garants les divers professionnels. Enfin, nous analyserons les interactions en réunion au prisme des récurrences et divergences en termes de perceptions de la définition de la situation, de négociation des traitements et d’orientation des trajectoires des élèves. L’objet de ce travail sera également de repérer les situations d’élèves transposées d’une scène à l’autre et d’identifier les influences en termes de catégorisation. C’est donc à partir de ce questionnement particulier qu’il nous a semblé indispensable et « utile » de comprendre de quelle manière les processus d’étiquetage s’agencent et modèlent les trajectoires scolaires dans les écoles primaires genevoises.

Il s'agit dans ce travail de thèse d'ouvrir la « boite noire » (Latour, 2005) de l’institution scolaire, pour non seulement comprendre les phénomènes scolaires et les acteurs qui y agissent mais également pour prendre en compte le caractère construit et incertain du « diagnostic » scolaire. En revanche, il ne s’agit pas de considérer cette expertise scolaire comme un simple support de reproduction de la structure des inégalités sociales. Nous n’expliquerons pas non plus les difficultés scolaires des élèves par l’appartenance de classe sociale mais nous serons davantage préoccupée par le fait de démontrer le caractère élaboré des inégalités scolaires que nous estimons produites par des mécanismes internes à l’institution (Mehan, 1992/1997). En effet, à quoi servent ces réunions ? Au-delà des principes véhiculés et des discours prononcés, les interactions entre professionnels alimentent-elles le diagnostic de la situation dans le but d’améliorer le bien de l’élève ? Les nombreux échanges n’aboutissent-ils pas finalement à un

(22)

étiquetage des élèves, un classement et un tri selon le rapport aux normes propre à chacun des professionnels présents ? Nous faisons l’hypothèse que ces réunions, qui prennent l’apparence d’espaces dédiés à l’amélioration de la scolarité de l’élève « en difficulté », participent à produire la ségrégation scolaire et, par-là, à susciter et/ou à renforcer des inégalités scolaires. Il s’agira alors de repérer les acteurs, les configurations, les mises en œuvre de la collaboration et ce qui constitue le cœur des interactions entre de multiples professionnels et souvent sans les parents des élèves.

3. Plan de la thèse

Notre premier chapitre élabore l’objet de recherche et s’attache à situer notre approche, une démarche ethnographique de la mise en scène partenariale des trajectoires de la difficulté scolaire. Il ancre notre recherche dans une perspective interactionniste qui justifie une approche ethnographique du terrain. Il resitue le questionnement initial qui a émergé des premiers moments passés sur le terrain, éclairé par diverses recherches et auteurs. Ce premier chapitre est aussi l’occasion de présenter notre problématisation et nos postulats de recherche à partir d’hypothèses induites du terrain. Enfin, il fait état des méthodes d’investigation et de recueil des données de terrain en présentant l’échantillon de recherche et en justifiant une approche sociologique compréhensive de la réalité.

À travers une approche sociohistorique de la catégorisation de la difficulté des élèves et des prises en charge existantes dans le canton de Genève, notre deuxième chapitre fait état du contexte de la recherche. Il s’agit de situer l’évolution et la construction d’un problème social au fil des années par les divers acteurs institutionnels genevois. En effet, pour comprendre le processus actuel de traitement de la difficulté de l’élève dans l’école primaire genevoise, il nous parait indispensable de revenir sur la construction sociohistorique, sur ce territoire du canton de Genève, de l’alliance entre l’école et la médecine, la pédagogie et la psychologie dès les années 1890, afin de traiter les élèves dits « arriérés », puis « anormaux », en « échec », « en difficulté » et depuis peu, à « besoins éducatifs particuliers ». En repérant trois périodes historiques, ce travail nous permet de situer la construction des catégories d’élèves « en difficulté » à travers le temps, de nommer ces diverses catégories et de repérer les diverses logiques d’action qui se sont succédées dans l’école primaire. Cette approche sociohistorique permet d’identifier les logiques d’actions et cadres de référence à l’œuvre de la fin du 19ème siècle jusqu’aux années 1950 avec l’avènement du Service Médico Pédagogique (première période) ; des années 1950 aux années 1980 qui correspondent à une prise de conscience et reconnaissance des inégalités sociales (deuxième période) ; enfin, la période actuelle (troisième période) correspondant à une période de territorialisation de l’action éducative, de focalisation sur les inégalités sociales, l’introduction d’une logique d’inclusion scolaire et la nécessaire collaboration entre acteurs comme mode d’action contre l’échec scolaire. L’étude de cette dernière période est aussi l’occasion de présenter le paysage institutionnel du système scolaire genevois actuel. Resituer d’un point de vue sociohistorique ce qu’il est courant d’appeler la

« difficulté scolaire » vise à comprendre la construction des catégories d’analyse de la difficulté des élèves ainsi que la prégnance actuelle d’anciens cadres d’analyse mêlés à de nouvelles pratiques et nouveaux registres professionnels.

(23)

L’étude systématique des textes de loi, règlements, directives, procédures et outils présentée dans notre troisième chapitre situe l’encadrement de la normalité scolaire et du partenariat interinstitutionnel dans le système scolaire primaire genevois actuel. Ce chapitre cherche à identifier les prescriptions et injonctions qui pèsent sur la pratique des acteurs scolaires et des professionnels du réseau en général. Cette analyse des textes est effectuée à partir de notre triple questionnement précédemment formulé. Premièrement, il s’agit de repérer l’identification et l’encadrement institutionnel de la difficulté de l’élève qui justifient une activation du partenariat. En effet, l’étude des textes nous permet d’appréhender la définition institutionnelle de la norme scolaire (et typologie de difficultés). Il s’agit de repérer les catégories d’analyse utilisées pour qualifier les types de difficulté – situation « difficile », « complexe » ou « à besoins éducatifs particuliers » – les registres employés pour évoquer les causes et saisir les diverses prises en charges associées au niveau scolaire et extrascolaire. Ensuite, dans un second temps, une partie sera consacrée à l’analyse des termes utilisés pour qualifier les diverses

« collaborations » prescrites au niveau institutionnel, le repérage des acteurs clés de cette collaboration, la définition de leur rôle dans le partenariat ainsi que les enjeux de ces modes d’action contre la difficulté. Nous mettons en avant également la profusion de textes et procédures qui cadrent cette modalité d’action dans l’école et pèsent sur la pratique des acteurs scolaires. Les modalités de collaborations associés à chaque type de difficulté sont également détaillées afin d’identifier ce qui est prescrit au niveau institutionnel. Enfin, notre troisième questionnement nous amène à analyser d’une part, les mises en garde institutionnelles concernant la circulation d’informations et de suivi de l’élève et d’autre part, la place accordée aux parents dans les processus ainsi que leurs rôles attendus sur les diverses scènes de collaboration.

Les chapitres 4 à 6 constituent l’analyse de notre matériau de recherche composé de l’observation des réunions et la réalisation d’entretiens menés auprès des acteurs observés, internes (enseignants, directeurs d’établissement, éducateurs, infirmières) et externes (assistante sociales du SPMi12, psychologues et logopédistes de l’OMP13, médecins répondant du SSEJ14…) à l’école. Ces trois chapitres exposent les résultats de l’analyse des données empiriques selon les trois axes retenus et pour chaque scène identifiée : premièrement, l’organisation concrète de la configuration, les rôles des acteurs impliqués dans ces réunions et les perceptions de leur rôle ; deuxièmement, la définition de la situation, les registres d’interprétation et catégories d’analyse et enfin, troisième axe d’analyse, les interactions concrètes laissant place aux consensus et controverses, à la mise en œuvre concrète de la circulation de l’information et la mise en tension des types de secrets auxquels chaque professionnel est tenu. Ce troisième axe permet également de faire apparaître les récurrences en termes d’orientation des trajectoires d’élèves en fonction des scènes repérées ainsi que les cas typiques identifiés.

Le chapitre 4, consacré à la présentation des conseils des maîtres, est l’occasion d’explorer cette scène particulière de régulation des trajectoires scolaires entre enseignants et directeurs.

Il permet de montrer concrètement le poids des prescriptions sur les pratiques des enseignants,

12 Service de Protection des Mineurs

13 Office médico-pédagogique

14 Service Santé Enfance Jeunesse

(24)

les ajustements auxquels ils se livrent face à des situations singulières, les paradoxes avec lesquels ils doivent composer et les dilemmes avec lesquels ils agissent. Ces réunions traduisent également un lieu de forte exposition de leur pratique professionnelle qui les restreint diversement dans l’exposition de leur point de vue sur la situation, selon la configuration du conseil des maîtres retenue par le directeur d’établissement.

Le chapitre 5 concerne les réunions internes mises en œuvre par un noyau d’acteurs (directeur, éducateur, infirmière) et permet plus spécifiquement d’envisager le croisement de registres d’analyse variés et complémentaires à l’action scolaire. Il explore la mise en œuvre concrète d’un travail de « veille » sur les comportements « hors normes », un travail de prévention des « maltraitances ». Cette réunion sera présentée plus particulièrement à partir des

« cas » énoncés en conseil des maîtres et transposés en réunions internes. Incarnant une scène d’entre-deux, entre le domaine scolaire et l’action socioéducative, la présentation de cette configuration met en avant les collaborations routinières avec deux acteurs œuvrant dans l’école mais sur des registres « extrascolaires » : l’éducateur et l’infirmière. Cela permet d’entrevoir ce que produit la présence d’autres métiers dans l’école sur les pratiques scolaires et sur les configurations d’acteurs.

Enfin, le chapitre 6 situe une organisation particulière (le travail en réseau) en la mettant en perspective avec de nouvelles relations et réalités professionnelles croisant les pratiques et logiques scolaires, sanitaires et sociales. L’analyse des réunions dites de « réseau » illustre l’ouverture de l’école au croisement des regards multiples sur des situations dites « complexes » et/ou à « besoins éducatifs particuliers ». Ce chapitre présente les « réseaux » comme une scène de mutualisation des registres d’expertise des divers acteurs afin d’aboutir à un traitement cohérent et partagé. Il présente les accords et divergences d’acteurs, les consensus trouvés en situation (malgré des désaccords avoués en entretiens), le croisement de logiques d’action sur la situation de l’élève. D’ailleurs, l’organisation de cette scène pour un cas particulier est toujours le résultat d’interactions ayant eu lieu lors des deux précédentes scènes présentées. Il s’agira alors de présenter dans ce chapitre les situations d’élèves évoquées en conseil des maîtres et/ou réunions internes, les cas « transportés » d’une scène à l’autre et plus particulièrement ceux présents sur les trois scènes de régulation de la difficulté de l’élève.

(25)

Références

Documents relatifs

Toutefois, le théâtre de société, avec les parades au château d’Étioles (Lenormand d’Étioles, mari malheureux mais riche de la Pompadour), se trouve au

Cette absence de catégorisation peut être considérée comme la monstration « en direct » des faits qui se donnent pour brutes, mais aussi comme un procédé de

Cela est possible parce que l’assistant connait bien le projet artistique, mais également parce qu’il est engagé et payé pour.[…] Assumée par l’assistant, la répétition se

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

Nowadays in many families, both parents work, so they both have to do the shopping, cooking, and cleaning in their free time.. Parents, therefore, don't have as much time with

La revue de littérature de Kammerlander (12) a identifié 2 études avec consultation gériatrique avancée dans le service de chirurgie orthopédique qui s’apparentent

C’est vrai, parce qu’au fond, j’aurai passé ma vie à faire du théâtre, et ce n’est pas vrai, parce que, un, je n’aurai fait théâtre que de mon soupçon radical