NUMÉRO BEST OF BIBLIO
18 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXII - n° 1 - janvier-février 2017
INFECTIOLOGIE CLINIQUE HORS VIH
Contexte
Les césariennes non programmées sont à risque de complications infec- tieuses, notamment d’endométrites, malgré l’antibioprophylaxie systé- matique. En France, selon l’actualisation 2010 des recommandations de la Société française d’anesthésie et de réanimation, l’antibioprophylaxie repose sur la céfazoline, le céfamandole ou le céfuroxime. Cependant, cette antibioprophylaxie ne couvre pas les bactéries intracellulaires, notamment Ureaplasma spp., pourtant incriminées dans une proportion non négligeable d’infections post-césariennes.
Méthode
Alan Tita et al. ont mené une étude randomisée en double aveugle, dans 14 centres aux États-Unis, évaluant une antibioprophylaxie classique par céfazoline (ou clindamycine, en cas d’allergie), associée soit à une perfu- sion de placebo, soit à une perfusion unique de 500 mg d’azithromycine, pour des césariennes effectuées en cours de travail ou après rupture de membranes, sur des grossesses uniques, de terme supérieur à 24 semaines d’amé norrhée. L’étude, intitulée Cesarean Section Optimal Antibiotic Prophy- laxis (C/SOAP), a inclus 2 013 femmes, entre 2011 et 2014, pour un objectif d’inclusion fi xé à 2 000.
Résultats
Les résultats sont spectaculaires (diapositive 1) : le critère principal composite (endométrite/infection de site opératoire/autre infection)
est retrouvé chez 6,1 % des 1 019 femmes randomisées dans le bras azithromycine versus 12 % des 994 femmes du bras placebo (RR : 0,51 ; p < 0,001) [diapositive 2]. Les 3 composantes du critère composite semblent évoluer dans le même sens (réduction de moitié du risque d’infection lorsqu’on ajoute une perfusion d’azithromycine), même si les différences ne sont pas signifi catives pour le critère autres infec- tions, probablement par manque de puissance en raison de la rareté de l’événement. Par ailleurs, l’incidence des événements indésirables graves chez la mère en post-partum (critère composite prédéfi ni) était également diminuée dans le groupe azithromycine (1,5 versus 2,9 % ; p = 0,03). En outre, de nombreux critères secondaires retrouvent un bénéfi ce de l’azithromycine pour la mère, y compris sur la fi èvre du post- partum (5 versus 8,1 % ; p = 0,004), la nécessité de réadmission ou de consultation non programmée (8,1 versus 12,4 % ; p = 0,002) et la prise d’antibiotiques en post-partum (12,4 versus 16,7 % ; p = 0,006), tandis qu’aucune différence n’était observée dans l’incidence des événements indésirables graves chez le nouveau-né (14,3 versus 13,6 % ; p = 0,63), ce qui semble logique.
Concernant la microbiologie, seules 50 femmes ont eu des prélèvements positifs en culture, isolant principalement des entérobactéries, du staphy- locoque ou de l’entérocoque. Il existait moins de cultures positives dans le groupe azithromycine (1,4 versus 3,6 % ; p = 0,001), et moins de bactéries résistantes à au moins 1 antibiotique (1,0 versus 2,4 % ; p = 0,01).
Référence bibliographique
Tita AT, Szychowski JM, Boggess K et al.; C/SOAP Trial Consortium. Adjunctive Azithromycin Prophylaxis for Cesarean Delivery. N Engl J Med 2016;375(13):1231-41.
Il s’agit d’une étude majeure, très bien conduite, qui pose une question pertinente et apporte des résultats cohérents et spec- taculaires. Comme toujours, il faudra être attentif au risque d’émergence de résistances à l’azithromycine si cette pratique se généralise, et tenter d’identifi er le sous-groupe le plus à même de bénéfi cier de cette double antibioprophylaxie, ce que cette étude ne permet pas, malgré sa puissance. Il est diffi - cile de dire, à ce stade, si les équipes vont appliquer directe-
ment ce que cette étude suggère fortement de faire, où si une étude de confi rmation sera conduite. S’il est toujours préfé- rable de ne pas changer les pratiques sur la base d’une seule étude, les considérations éthiques devront être soigneusement prises en compte dans la conception d’une éventuelle étude confi rmatoire : en effet, sur la base de l’étude détaillée ici, il semble que la clause d’ambivalence ne serait pas respectée si un bras placebo était proposé.
Commentaire
L’ajout d’azithromycine (dose unique, 500 mg i.v.)
à l’antibioprophylaxie classique par céfazoline diminue le risque infectieux après une césarienne non programmée
Pierre Tattevin
(Service des maladies infectieuses et de réanimation médicale, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes)
0018_LIF 18 15/02/2017 15:45:50
NUMÉRO
BEST OF BIBLIO À retrouver sur le site www.edimark.fr
La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXII - n° 1 - janvier-février 2017 | 19
P. Tattevin déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
0019_LIF 19 15/02/2017 15:45:53