16 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 1 - janvier-février 2016
NUMÉRO BEST OF BIBLIO
INFECTIOLOGIE CLINIQUE HORS VIH
Un vaccin très efficace et bien toléré contre Ebola !
Pierre Tattevin
(Service des maladies infectieuses et réanimation médicale, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes)
Contexte
L’épidémie Ebola qui a frappé la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone en 2014 et 2015 a été un cauchemar. Longtemps déclarée hors de contrôle, malgré l’intervention massive de nombreuses organisations gouvernemen- tales et non gouvernementales, cette épidémie est peut-être en train de s’éteindre, enfin.
Le plus beau succès thérapeutique (le seul ?) de l’année 2015 est indis- cutablement le vaccin par le virus de la stomatite vésiculaire (VSV) vivant recombinant, exprimant une glycoprotéine de surface de l’Ebola virus Zaire (rVSV-ZEBOV), dont l’essai pivot a été publié en août 2015 dans le Lancet.
Méthode
Des études de phases I et II avaient démontré les propriétés immunogènes et la bonne tolérance de ce vaccin. L’essai de phase III intitulé “Ebola, ça suffit”, financé par l’OMS, avec le soutien du Wellcome Trust, de Médecins Sans Frontière et des gouvernements norvégiens et canadiens, s’est déroulé du 1er avril au 28 juillet 2015 en Guinée, dans les régions où l’épidémie sévissait encore. La stratégie appliquée, dite de la “vaccination en anneaux”, repose sur l’identification de sujets particulièrement à risque – les “contacts” de cas documentés – chez qui l’efficacité vaccinale a le plus de chance d’être démontrée, même avec des effectifs restreints, alors que l’épidémie était en nette diminution. Cette stratégie n’est pas inédite, puisqu’elle a été appliquée aux campagnes d’éradication de la variole, avec le succès que l’on sait.
Pendant la durée de l’étude, pour chaque cas de maladie Ebola docu- mentée, les équipes de réponse Ebola dressaient immédiatement la liste des contacts (et des contacts de contacts), auprès de qui la stratégie vaccinale a été évaluée. Seuls les adultes (âge > 18 ans), à l’exclusion des femmes enceintes (compte tenu du caractère vivant de ce vaccin), étaient éligibles. La randomisation, dite “en cluster”, a affecté chaque groupe de contacts dans le bras “vaccin immédiat”
ou dans le bras “vaccin retardé” (à J21). Le critère principal était la survenue d’un cas documenté au-delà de J10, évalué par des inves- tigateurs en insu du bras de randomisation. Les critères secondaires ont notamment porté sur la tolérance et l’acceptabilité du vaccin, dans les 2 bras.
Résultats
Les résultats, résumés dans les diapositives 1 et 2, sont édifiants : avec une efficacité estimée à 100 % (aucun cas d’Ebola documenté au-delà de J6 post-vaccination), ce vaccin confirme sur le terrain, en situation réelle, son efficience, et l’obtention rapide d’une immunité protectrice après une seule injection.
Le comité de surveillance de l’essai a recommandé la poursuite de l’éva- luation de ce vaccin avec cette même stratégie, mais en vaccinant immé- diatement tous les contacts, la poursuite d’un bras “vaccination différée’”
n’étant pas éthique, compte tenu des résultats de cet essai.
Référence bibliographique
Henao-Restrepo AM, Longini IM, Egger M et al. Efficacy and effectiveness of an rVSV-vectored vaccine expressing Ebola surface glycoprotein: interim results from the Guinea ring vaccination cluster-randomised trial. Lancet
2015;386(9996):857-66. L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec MSD, Pfizer et Sanofi.
C’est un papier majeur de 2015, pour son impact, pour la qualité de la méthodologie, et pour son caractère innovant.
Il faut saluer le choix du vaccin (vivant, pour permettre une protection immédiate, avec une injection unique, arme idéale pour mettre fin à une épidémie galopante), et le choix de la stratégie “en anneaux”, qui a permis de démontrer une effi- cacité avec un nombre raisonnable de sujets, tout en participant à la lutte contre l’épidémie. Bien sûr, toute la problématique n’est pas résolue avec ce seul outil : le fait notamment que ce vaccin soit un virus vivant a conduit à exclure de cette étude les enfants et les femmes enceintes, qui ne sont pas une frac- tion négligeable de la population, particulièrement en Afrique
subsaharienne. Cependant, un effet “troupeau” peut être espéré, même s’il n’a pas été démontré dans ce travail : en protégeant une bonne partie des contacts, on atténue la trans- mission, ce qui suffit à éteindre une épidémie lorsque le taux d’attaque reste modéré, ce qui est le cas pour Ebola. Quelques mois plus tard, l’épidémie semble effectivement éteinte, mais la prudence reste de mise, d’autant que les experts ont été refroidis par les nombreuses surprises que leur a apportées cet Ebolavirus Zaire : le nombre record de cas, l’échec des inter- ventions qui avaient permis la fin des épidémies antérieures, le portage prolongé dans certains réservoirs, la transmission à partir de sujets asymptomatiques, etc.
Commentaire
0016_LIF 16 23/02/2016 10:36:55
La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 1 - janvier-février 2016 | 17
NUMÉRO
BEST OF BIBLIO À retrouver sur le site www.edimark.fr
0017_LIF 17 23/02/2016 10:36:57