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| La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 1 - janvier-février 2016NUMÉRO BEST OF BIBLIO
INFECTIOLOGIE CLINIQUE HORS VIH
Comparaison de l’incidence des complications après la pose d’un cathéter veineux central non tunnélisé en réanimation : l’étude 3SITES
Contexte
Chacun des 3 principaux sites d’insertion des cathéters veineux centraux (CVC) en réanimation (jugulaire, sous-clavier et fémoral) comporte des risques septiques (bactériémies/fongémies), thromboemboliques et mécaniques (pneumo- thorax). 3SITES est une étude randomisée contrôlée française, conduite au sein de 9 centres hospitaliers généraux (n = 5) et universitaires (n = 4), de décembre 2011 à juin 2014. Cette étude, financée par le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national, a porté sur des patients adultes de réanimation présentant une indication de pose de CVC avec au moins 2 sites possibles parmi les 3 usuels (jugulaire, sous-clavier et fémoral). La randomisation, effectuée selon un schéma 1:1:1 lorsque les 3 sites étaient possibles, ou 1:1 lorsque 2 sites seulement étaient possibles, déterminait le site d’insertion. Pour le reste, les pratiques étaient laissées à l’appréciation du réanimateur, selon les recommandations en vigueur au moment de l’étude (insertion selon la technique de Seldinger, règles d’asepsie et antiseptiques ad hoc, repérages anatomiques ou recours à l’échographie). Les CVC n’étaient pas utilisés pour des prélèvements ni pour des dialyses.
Méthode
Le critère principal était la survenue d’une bactériémie (ou candidémie) liée au CVC, évaluée par un comité d’adjudication en insu du bras de
randomisation, et/ou une thrombose veineuse profonde symptomatique.
Les complications mécaniques étaient des critères secondaires.
L’étude a porté sur 3 471 CVC insérés par voie jugulaire (n = 1 284), fémorale (n = 1 171) ou sous-clavière (n = 1 016), chez 3 027 patients d’âge moyen de 63 ans, avec une prédominance masculine (64 %). Les principaux anti- septiques utilisés étaient la chlorhexidine alcoolique (44 %) et la povidone iodée alcoolique (43 %). La pose du CVC a été guidée par échographie dans respectivement 77 %, 26 % et 14 % des cas d’insertion jugulaire, fémorale et sous-clavière. La durée moyenne de pose a été de 12 minutes, et le taux d’échec de, respectivement, 8 %, 5 % et 15 % en cas d’insertion jugulaire, fémorale et sous-clavière.
Résultats
Avec une durée médiane de cathétérisation de 5 jours, le critère principal (bactériémie ou thrombose profonde symptomatique) a été observé avec une incidence de 1,5 pour 1 000 cathéters-jours en cas de CVC sous-clavier versus 3,6 en cas de CVC jugulaire, et 4,6 en cas de CVC fémoral, avec un risque supérieur en cas de CVC fémoral versus sous-clavier (HR = 3,5 ; IC95 : 1,5-7,8 ; p = 0,003), et en cas de CVC jugulaire versus sous-clavier (HR = 2,1 ; IC95 :1-4,3 ; p = 0,04) [diapositive 1]. À l’inverse, les complications mécaniques ont été plus fréquentes avec les CVC sous-claviers (p = 0,047), prin- cipalement les pneumothorax (13 après CVC sous-clavier versus 4 après CVC jugulaire et 0 après CVC fémoral). Une interaction significative est observée entre le repérage par échographie et le risque de complication mécanique.
Référence bibliographique
Parienti JJ, Mongardon N, Mégarbane B et al. ; 3SITES Study Group. Intra- vascular complications of central venous catheterization by insertion site.
N Engl J Med 2015;373(13):1220-9. L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Voici une étude rigoureuse, qui apporte des données solides sur les risques respectifs des 3 sites d’insertion des CVC non tunné- lisés chez les patients adultes de réanimation. Il faut notam- ment saluer son caractère multicentrique, la partici pation de centres hospitaliers généraux et universitaires, ainsi que l’ap- plication “en vie réelle” de la stratégie : le reste de la prise en charge, y compris les modalités de pose des CVC et leur usage, était laissé à la discrétion des réanimateurs. On salue égale- ment, au passage, l’efficacité de la valorisation de ce travail, publié en article original dans le New England Journal of Medi- cine à peine plus d’un an après la dernière inclusion ! Les leçons que l’on peut tirer de cette étude ne sont pas univoques si
l’on considère que la supériorité de la voie sous-clavière selon le critère principal (bactériémie et thrombose symptomatique) s’accompagne d’un surrisque sur un critère secondaire non anecdotique (complications mécaniques, essentiellement pneumothorax). Compte tenu de l’inter action de ce risque mécanique avec les modalités d’insertion (repères anato- miques versus échographie), on peut penser que le risque mécanique diminuerait avec un usage plus systématique de l’échographie pour la pose des cathéters sous-claviers. Malgré sa conclusion non univoque, cet article méritait largement sa place dans ce “Best of 2015”, par la qualité de la méthode.
Chapeau, les réanimateurs français !
Commentaire
Pierre Tattevin (Service des maladies infectieuses
et réanimation médicale, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes)
0014_LIF 14 23/02/2016 14:32:08
La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 1 - janvier-février 2016 |
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NUMÉRO
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