Théorème de Benedicks
Notations
Dans toute cette démonstration, notons :
– pour f ∈L1(R), ˆf la transformée de Fourier de f définie par fˆ(ξ) =
Z
R
f(x)e−2iπxξdx,
– pour A∈ B(R), |A| sa mesure de Lebesgue et1Asa fonction caractéristique.
Théorème 1 (Benedicks, 1985)
Soit f ∈ L1(R) de sorte que A et B soient deux ensembles boréliens de mesure finie, où
A= supp f et B = supp ˆf . Alors f est nulle presque partout.
Démonstration : Soit f ∈ L1(R). On peut supposer, sans perte de généralités, que A soit de mesure strictement plus petite que 1. En effet, quitte à remplacer f par sa dilatation fλ où l’on a défini fλ(x) = f(λx) avec λ > |A|, on peut se ramener au cas où |A| < 1. La mesure de B reste finie, puisqu’un simple calcul montre que
fcλ(ξ) = 1 λ
fˆ ξ λ
!
.
Notons 1B la fonction caractéristique de l’ensemble B, et considérons la fonc- tion 1-périodique Φ définie surR par
Φ(ξ) = X
k∈Z
1B(ξ+k).
La suite de fonctions positives et mesurables
k=n
X
k=−n
1B(· −n)
n≥0
étant crois- sante, le théorème de Beppo-Lévi assure que
Z 1 0
Φ(ξ)dξ =X
k∈Z
Z 1 0
1B(ξ+k)dξ= X
k∈Z
Z k+1 k
1B(ξ)dξ =
Z
R
1B(ξ)dξ=|B|<+∞
Nécessairement, la fonction Φ est finie presque partout. Ainsi, la série définissant Φ n’étant constituée que des valeurs zéro ou un, on en déduit que pour presque
1
tout ξ0 ∈ R, 1B(ξ0 +k) 6= 0 seulement pour un nombre fini d’entiers k. Puisque fˆ= ˆf1B, il en découle la propriété suivante (que nous appellerons (*)) :
Pour presque toutξ0 ∈R,fˆ(ξ0+k)6= 0 seulement pour un nombre fini d0entiersk.
Fixons ξ0 ∈ R vérifiant la propriété (*) et considérons la série de fonctions 1-périodique, notée g, définie surR par
g(x) = X
k∈Z
e−2iπξ0(x+k)f(x+k).
L’ensembleA étant de mesure finie, par les mêmes raisons que précédemment, on peut démontrer que pour presque tout x ∈ R, f(x+k) 6= 0 seulement pour un nombre fini d’entiers k, ce qui montre que la somme g est finie presque partout.
Démontrons quelques propriétés associées à la fonction g, à savoir : (i)g ∈L1(T) où T=R/Z.
En effet, pourn ∈N∗, on a :
Z 1 0
k=n
X
k=−n
e−2iπξ0(x+k)f(x+k)
dx≤
k=n
X
k=−n
Z 1 0
|f(x+k)|dx
=
k=n
X
k=−n
Z k+1 k
|f(x)|dx
et la dernière somme converge lorsque n→+∞vers kfk1 puisque f ∈L1(R).
Dès lors que g ∈ L1(T), il est licite de calculer ses coefficients de Fourier (notés ck(g) pour k entier), à savoir :
(ii) pour tout k∈Z, ck(g) = ˆf(ξ0+k).
En effet, pour toutk ∈Z : ck(g) =
Z 1 0
X
m∈Z
e−2iπξ0(x+m)f(x+m)e−2iπkxdx.
La série apparaissant dans la définition de ck(g) étant presque partout composée
2
d’un nombre fini de termes, il vient : ck(g) = X
m∈Z
Z 1 0
e−2iπξ0(x+m)f(x+m)e−2iπkxdx
= X
m∈Z
Z 1+m m
e−2iπξ0yf(y)e−2iπkye2iπkmdy
=
Z
R
f(y)e−2iπ(k+ξ0)ydy
= ˆf(ξ0+k).
Enfin, la dernière propriété associée àg que nous allons démontrer est la suivante : (iii) |{x∈[0,1], g(x)6= 0}|<1.
En effet, on a les inclusions suivantes : {x∈[0,1], g(x)6= 0} ⊂ [
k∈Z
{x∈[0,1], f(x−k)6= 0} ⊂ [
k∈Z
A∩[k, k+ 1].
La propriété de σ sous-additivité de la mesure de Lebesgue assure que
|{x∈[0,1], g(x)6= 0}| ≤ X
k∈Z
|A∩([k, k+ 1])|
=|A|
.
Ayant supposé que |A|<1, on a le résultat voulu.
Finalement, soitξ0 ∈R de sorte que ˆf(ξ0+k)6= 0 seulement pour un nombre fini d’entiers k. La propriété (ii) fournit le développement en série de Fourier suivant sur [0,1] :
g(x) = X
k∈Z
fˆ(ξ0+k)e2iπkx.
Cette somme étant finie, g est alors un polynôme trigonométrique. Seulement, d’après la propriété (iii), ce polynôme trigonométrique s’annule sur un ensemble de mesure strictement positive, ce qui implique que g est le polynôme trigono- métrique nul. On en déduit que, pour presque tout ξ0 ∈ R et pour tout k ∈ Z, fˆ(ξ0+k) = 0, donc ˆf = 0 presque partout. Puis, d’après la formule d’inversion de Fourier ( ˆf étant évidemment intégrable), f = 0 presque partout, ce qui prouve le théorème de Benedicks.
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Remarques
1. Le théorème reste vrai pour f ∈Lp(R) (1≤p≤ ∞) puisque Lp(A)⊂L1(A) si A est de mesure finie.
2. En revanche, le théorème est faux dans l’espace des distributions tempérées S0(R). En effet, considérons la distribution
T = X
n∈Z
δn
où δn désigne la masse de Dirac en n. On a bien T ∈ S0(R) puisque pour tout f ∈ S(R),
hT, fi= X
n∈Z
f(n) = X
n∈Z
(1 +n2)f(n) 1 +n2 . D’où,
hT, fi ≤C· k(1 +x2)fk∞ avec C= X
n∈Z
1
1 +n2 <∞ ce qui montre que T ∈ S0(R).
Par ailleurs, on a supp T = Z, donc le support de T est de mesure nulle (à fortiori de mesure finie). Notons ˆT la transformée de Fourier deT. Pourf ∈ S(R), on a
hT , fˆ i=hT,fˆi= X
n∈Z
fˆ(n).
Pour cette définition de la transformée de Fourier, la formule sommatoire de Poisson s’écrit
X
n∈Z
fˆ(n) = X
n∈Z
f(n) ce qui implique que
hT , fˆ i= X
n∈Z
f(n) =hT, fi,
c’est-à-dire ˆT =T. Le support de ˆT est donc le même que celui deT, à savoir Z, ensemble de mesure finie. On ne peut donc pas étendre le théorème de Benedicks à l’espace des distributions tempérées S0(R).
Références
M. BENEDICKSOn Fourier Transforms of Functions Supported on Sets of Finite Lebesgue Measure. J. Fourier Anal. Appl 106, 180-183 (1985).
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