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Se souvenir du lendemain, Simon FALCONORAS

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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« Cela peut paraître invraisemblable qu’en voyant dans le futur, l’on puisse modifier le cours du passé et donc vaincre la fatalité du présent. Et pourtant ! »

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(3)

Sommaire

Mise en scène ... 5

Acte I ... 7

Préambule (Chronodège) ... 7

Scène 1 (Joël et Marianne) ... 8

Scène 2 (Joël et Marianne, Timothée Garrigole et Anne Moussaillon puis Pierre Saint-Ventoux) ... 11

Intermède (Chronodège) ... 14

Scène 3 (Joël et Marianne un peu plus vieux puis Anne) ... 14

Scène 4 (les terroristes et l’otage)... 17

Scène 5 (Joël et Marianne puis Anne) ... 20

Scène 6 (Joël et Timothée) ... 22

Scène 7 (Joël et son Père) ... 24

Scène 8 (Joël et Marianne) ... 28

Acte II ... 32

1er Intermède (Chronodège) ... 32

Scène 1 (Joël et Timothée) ... 32

Scène 2 (Joël, Timothée) ... 34

2ème Intermède (Chronodège) ... 36

Scène 3 (Joël et son Père) ... 36

Scène 4 (Joël et le Commissaire Vigneron, Timothée) ... 39

Scène 5 (Joël) ... 43

Scène 6 (Joël, le Commissaire et Pierre) ... 44

Scène 7 (Le chef des terroristes) ... 45

Scène 8 (Joël et le Commissaire) ... 46

3ème Intermède (Chronodège) ... 49

Scène 10 (Anne, Pierre et leur bébé, Joël et Marianne, puis le Commissaire) 50 Conclusion (Chronodège) ... 52

FIN ... 53

Annexes ... 54

Motivations ... 54

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Mise en scène

La distribution

- Chronodège : le Conducteur du Temps (Chronos : le temps, Odegos : le conducteur)

- Joël Moussaillon : le rêveur prudent - Marianne Moussaillon : la femme de Joël - Le vieux père de Joël

- Anne Moussaillon : la fille de Joël et de Marianne - Pierre Saint-Ventoux : le fiancé d’Anne

- Julien Vigneron : le Commissaire

- Timothée Garrigole : l’ami d’enfance d’Anne, le collègue de Pierre - Le chef des terroristes

- les terroristes (figurants cagoulés) - Le complice emprisonné

- Le gardien de prison (figurant)

- Françoise, l’aide-ménagère du père de Joël (figurante)

Les autres personnages (évoqués et non présents) - Célestin Moussaillon : l’ancêtre de Joël

- Charles-Henri Saint-Ventoux : l’ancêtre de Pierre

- Angèle Michalon : l’amour de Charles-Henri et de Célestin - Anicette Michalon : la demi-sœur d’Angèle

- Michèle Michalon : la sœur adoptive d’Anicette et d’Angèle

- Justin Garrigole : ancêtre de Timothée, époux de Michèle Michalon - Monsieur Dudras : le fonctionnaire de l’état civil

- Josette (amie de Marianne)

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Les décors

- Le convoi du Temps (scène vide, éclairages multicolores et défilants, grondements sourds)

- Le salon des Moussaillon (âtre et miroir, table avec tiroir et chaise, fauteuil, guéridon avec vase, tableau, deux portes)

- La chambre des Moussaillon (lit double, tables de nuits) - Le salon des Saint-Ventoux (lustre, une porte, tableau(x))

- La ferme des terroristes (puits au milieu, haie à droite, corps de ferme avec girouette au fond, au loin paysage avec village)

- La salle d’interrogatoire du commissariat (table, bancs, miroir sans tain, porte) - La cellule de prison du complice des terroristes

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« Se souvenir du lendemain »,

le rêveur prudent.

Acte I

Préambule (Chronodège)

Le convoi du temps : Un homme, « Chronodège », pénètre seul sur scène. Il est vêtu d’une longue cape blanche. Il porte un masque de théâtre. Les couleurs se reflètent sur la cape ce qui lui donne la couleur du Temps.

«Bonjour, vous êtes confortablement assis dans vos fauteuils, sans conscience ! Pourtant c’est de vous que je viens vous parler, ou plutôt de l’un d’entre vous, qui partage notre destin commun. Je viens vous raconter l’histoire de Joël Moussaillon, un homme exceptionnel malgré une apparente simplicité.

Mais avant tout je dois me présenter. Je m’appelle Chronodège, vous m’appelez « le Temps » parce qu’il donne cette teinte si particulière à ma cape. Mais vous vous

trompez, vous ignorez tout de ma nature et je vous comprends bien, car, comme vous, moi-même, je ne sais pas très bien ce que je suis. D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Quand tout cela a-t-il commencé ? Quand tout cela finira-t-il ? Ce n’est pas moi qui pourrais vous le dire. Nous sommes tous emportés dans un courant furieux, aux multiples accidents, aux chutes vertigineuses et parfois même nous traversons des accalmies aussi paisibles qu’éphémères.

Cette furie qui rugit tout autour de nous, vous n’en avez pas conscience. Mais moi je la ressens car, non, je ne suis pas le Temps, notre puissant maître à tous, je ne suis que le conducteur du convoi qui nous transporte à travers ses tourbillons. Et quand je dis que je suis le conducteur, c’est bien une emphase, car je n’ai que peu de manettes à ma disposition, et surtout pas de frein pour diriger ce convoi fou. Si jusqu’à présent

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j’ai pu maîtriser notre course, rien ne prouve, qu’un obstacle, ne va pas, soudainement, se dresser devant nous, infranchissable, alors ...

Non je n’ai aucun pouvoir au-delà de celui de nous conduire vers le futur, notre possible avatar immatériel, qui fuit devant nous et que nous ne rattraperons jamais. Tant que je veillerai, vous voyagerez et vous me devrez la vie. Mais vous n’éprouvez aucune reconnaissance, et je ne peux pas vous en tenir rigueur car, que vous montiez à bord, à la volée, quand vous nous rejoignez, ou que vous soyez expulsés quand vous êtes arrivés à destination, vous aussi n’avez que peu de choix. Tout juste pouvez-vous répondre par oui ou par non, de temps en temps, rester assis ou déambuler dans les longs couloirs, ou encore sauter du convoi, prématurément, quand vous ne supportez plus cet enfermement.

Mais, ce n’est pas pour vous apitoyer sur notre sort, que je m’adresse à vous. Bien au contraire, je pense pouvoir vous rendre l’espoir en vous présentant l’histoire

exemplaire de Joël Moussaillon, qui a su trouver la parade, le chemin de traverse pour, contre toute logique, infléchir le destin d’ordinaire si peu souple.

Et maintenant, ensemble, découvrons Joël : il n’en est qu’au début, alors qu’en se frottant les yeux, hésitant, il voit déjà, mais il n’en a pas encore conscience. »

La lumière s’éteint.

Scène 1 (Joël et Marianne)

Le salon des Moussaillon : Un homme, entre vingt et trente ans. Au mur, le portrait ancien, jauni par le temps, d’un couple « Célestin et Anicette Moussaillon » (Leurs noms sont écrits sous leur portrait, bien lisibles, avec une date : 1902. Il y a une ressemblance frappante entre notre homme et Célestin). Debout devant la cheminée dont le tablier est surmonté d’un grand miroir, il scrute son image comme pour

comprendre quelque chose, pour voir au-delà. Sur le même tablier il y a une pendule. Il semble un peu soucieux. Il jette un coup d’œil sur sa montre. Il prend un vase sur un guéridon et le pose à l’écart, par terre. Il s’assoit sur une chaise à côté d’une table, met la tête entre ses mains et ferme les yeux. Soudain, il relève la tête et tourne son regard vers la porte. Il se lève précipitamment et se dirige vers elle, au passage, il

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renverse le guéridon. Il ouvre la porte. De l’autre côté la femme, qui apparaît, s’apprêtait à ouvrir. Surprise, elle retire sa main et esquisse un geste de recul.

Joël : Marianne ! ma chère Marianne. Je t’attendais, tu es pile à l’heure. Ah ! Je suis impatient de connaître le secret pour lequel tu fais tant de mystère depuis une

semaine.

Marianne : En réalité j’ai un bon quart d’heure d’avance, ta montre doit être en avance, elle aussi.

Ils rigolent tous les deux en comparant leurs montres.

Joël : Et pourtant nous avons la même heure ! J’ai dû rêver, comme l’autre fois.

Marianne entre, inspecte les lieux et s’arrête devant le tableau des ancêtres. Curieuse, elle l’examine.

Marianne : Tu as rêvé ? … L’autre fois ? … Qu’est-ce que c’est que ce tableau ? Tu viens de l’accrocher ? C’est toi sur ce tableau ? Tu t’étais déguisé ?

Joël : non, pas du tout, ce sont mes arrière-grands-parents, Célestin et Anicette Moussaillon. Je l’ai retrouvé cet après-midi en allant fouiller dans le grenier. Marianne : C’est fou cette ressemblance avec ton aïeul !

Joël : Je sais, on me l’a déjà dit … Sinon, tu vas me laisser languir encore longtemps. C’est quoi ce secret ?

Marianne : On te l’a déjà dit ? Tu me dis à l’instant que tu venais de le trouver dans le grenier. Tu tiens à le laisser accroché là ?

Joël : Oui, oui c’est mon arrière-grand-père, je vais avoir besoin de lui …

Marianne : Tu vas avoir besoin de lui ? Mon pauvre Joël, je crois qu’il ne peut plus faire grand-chose pour toi, là où il est …

Joël : C’est vrai, tu as raison … C’est bizarre … C’est une impression. Je croyais que quelqu’un m’avait déjà dit que je lui ressemblais. Sinon, c’est bien ça que tu mijotes ? … la soirée au Diable vert … un spectacle de magie. Ah ! J’adore les magiciens … et tout le reste, … toute la bande. On m’a dit qu’ils seront tous là ? Il y en a, cela fait plus de dix ans que je les ai pas vus. Je suis très touché que tu ais pensé à moi.

Joël décroche le téléphone et le porte à son oreille. Après une minute il raccroche.

Marianne (très surprise): Mais enfin ! C’est pas possible, qui a vendu la mèche ? Pour une surprise, c’est raté ! Je t’avais seulement dit que pour ton anniversaire nous irions

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tellement de mal à tous les contacter sans que ça se sache, du moins c’est ce que je croyais. Et le Diable vert … et la magie. C’est qui ce « on », qui t’en a parlé ? Le même qui t’avait parlé de ta ressemblance avec ton aïeul ? Et puis arrête de

décrocher ce téléphone sans arrêt. Tout le monde se plaint de ne pas pouvoir nous joindre, ça sonne toujours « pas libre ».

Joël : Tu m’avais bien dit que c’était ce soir que nous y allions? Juste le jour de mon anniversaire, alors, c’est pas très difficile à deviner. Et qui que ce soit qui aurait vendu la mèche, c’est vraiment gentil de ta part. Rien n’est gâché, je t’assure. Et Anne qu’en fait-on ? À cinq ans elle est bien trop jeune pour veiller tard le soir. Bien-sûr il y a ton amie Josette, elle a une fille du même âge, Anne et elles s’adorent.

Le téléphone sonne, Marianne se précipite et décroche

Marianne : Allo ? Josette ? Ah oui, d’accord … C’est drôle que tu appelles

maintenant, on parlait justement de toi. Non, non, c’était à propos d’Anne, Joël me disais … Oui pourquoi pas, c’est une bonne idée, nos deux filles ont l’air de plutôt bien s’entendre … Ecoute, on te la dépose en passant … oui, dans environ une demi-heure ... Oui, c’est ça … à tout de suite.

Elle raccroche.

Bon on dépose Anne chez Josette en passant.

Joël : Sinon, j’ai rêvé de nous deux. Je nous voyais tous les deux, comme aujourd’hui, dans cette pièce, mais nous parlions d’une chose grave. Ça m’inquiétait mais j’ai pas gardé de souvenir précis, je crois qu’il s’agissait de l’actualité. Ou quelque chose comme ça…

Joël fait mine de décrocher le téléphone.

Marianne : Arrête Joël ! raccroche, Allez ! C’est peut-être assez comme ça, non ?… Passons aux choses sérieuses et surtout bon anniversaire !

Joël repose le téléphone. Marianne relève le guéridon et remet le vase dessus, puis elle pose une main dans le dos de Joël, et le pousse vers la sortie. Celui-ci attrape son manteau sur une patère, en passant. Il l’enfile et tous les deux quittent la pièce en refermant la porte derrière eux. Le téléphone sonne …

(11)

Scène 2 (Joël et Marianne, Timothée Garrigole et Anne Moussaillon puis

Pierre Saint-Ventoux)

La chambre des Moussaillon : Ils sont dans leur lit. Chacun avec un livre. Après un moment, Marianne ferme son livre. Embrasse Joël qui, absorbé par sa lecture, détourne à peine la tête. Marianne se retourne, éteint la lumière, de son côté, et s’endort … Finalement, Joël lève les yeux de son livre.

Joël : Marianne chérie, tu as raison nous avons une petite fille merveilleuse. Bon, je crois que je vais dormir. De toute façon je n’arrive plus à me concentrer, je sens une migraine venir.

Il se tourne vers elle et constate qu’elle dort déjà.

Joël : Tiens ! Elle dort déjà, elle aurait quand même pu m’embrasser avant de s’endormir.

A son tour il ferme son livre, éteint la lumière, s’allonge et s’endort.

Une lumière faible et diffuse éclaire les deux silhouettes endormies. Après un temps, l’ombre fantomatique de Joël quitte la silhouette couchée et se lève, éclairée par un halo lumineux, qui le suit. Il fait quelques pas et se tourne vers le milieu de la scène. A côté, dans le lit, dans l’ombre, les deux silhouettes de Joël et de Marianne continuent à dormir profondément.

Le halo lumineux se déplace en se renforçant pour éclairer le centre de la scène, mettant dans l’obscurité, l’ombre de Joël, qui observe, découvrant, dans le salon des Moussaillon, une femme. Anne est seule, Timothée entre s’approche. Il saisit le bras d’Anne. Celle-ci recule et d’un geste brusque libère son bras. Emportée par l’élan, elle percute la pendule, posée sur le tablier de la cheminée, qui tombe et se casse.

Anne (se frottant le bras et ramassant la pendule): Qu’as-tu Timothée ? Tu es bien énervé … par ta faute je viens de casser la pendule de mes parents …

Timothée : Anne, ma chère Anne, je suis venu te voir, je n’y tiens plus, il faut que je te dise, je t’aime. Je t’aime comme je n’ai jamais aimé jusqu’à ce jour.

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Anne (gênée) : Timothée, moi aussi je t’aime, comme on aime un ami avec qui on a partagé toute son enfance. Pour moi, tu seras toujours cher à mon cœur, comme un frère …

Timothée : Mais non Anne je ne suis pas ton frère, ni même ton cousin. Mon aïeule, Michèle Michalon a été adoptée par les parents de la tienne, Anicette Michalon. Nous n’avons pas les mêmes gènes. Anne, je veux t’épouser.

Anne (de plus en plus gênée, le repousse quand il se fait plus pressant) : Non, non, Timothée ce n’est pas possible.

La pénombre revient, Timothée recule, mais observe la scène suivante, dissimulé derrière une cloison. Anne rejoint un autre homme, éclairé à son tour. Lui est à quatre pattes, il semble chercher quelque chose par terre. Elle s’avance met son pied écrase quelque chose qui se brise. Elle soulève le pied et découvre qu’elle vient de casser une montre.

Pierre (à genoux, il relève la tête) : Je cherchais justement ma montre. Mais il semble que tu l’as trouvé avant moi.

Anne : Ah ! Désolé Pierre, je ne l’avais pas vu …

Elle ramasse la montre cassée et la tend à Pierre. Il se relève et la prend dans ses bras. Ils s’embrassent. Lui, a les cheveux noirs d’encre. Au mur la photo encadrée, d’un couple, jaunie par le temps (Les noms sont inscrits, nettement visibles, sous chacun des personnages : Charles-Henri Saint-Ventoux et Angèle Michalon, qui elle a les cheveux noirs d’encre, comme ceux de Pierre. Il y a aussi au milieu le chiffre 1900).

Pierre : Et tant pis pour ma montre. Anne, Je voulais te demander Anne : Pierre, …

Pierre et Anne (ensemble): Je voulais te dire … Pierre : Tu veux me dire ?

Anne : Parle, toi !

Pierre : … Je t’aime. Je veux t’épouser…

Anne : Oh ! Pierre … merci Pierre. Je t’aime tant !

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Pierre : Nous aurons des enfants, beaucoup d’enfants, et une grande famille … Anne : Et un grand mariage, avec toute la famille…

Pierre, un peu nostalgique, désigne le tableau.

Pierre : Anne, ce sont mes aïeuls, Charles-Henri Saint-Ventoux et sa femme, la belle Angèle Michalon. Elle avait la réputation d’être très belle et ses cheveux noirs y étaient probablement pour quelque chose. Dans sa famille tous avaient des cheveux noirs et j’en ai hérité. C’est là ma seule famille, pour cela je ne suis pas encombrant. Á part ma grand-mère qui m’a élevé, mais qui est morte il y a quelques années, aujourd’hui, je n’ai plus personne.

Anne : Oh ! Pierre, je le savais. Excuse-moi, je pensais pas à toi, excuse-moi. Je suis trop heureuse.

Pierre : T’en fais pas, Anne, je suis habitué. Même si c’est parfois un peu douloureux, j’arrive à vivre comme ça, grâce à toi. Et je vais peut-être avoir une vraie famille… Si ta famille m’accepte ?

Anne : Ne t’inquiète pas, tu vas adorer mes parents, autant qu’eux t’adoreront. Mon père est un peu spécial, comment te dire ? Il est pas toujours avec nous, il a son monde à lui. Mais quand il revient, c’est le meilleur des pères.

Pierre : Et ils savent pour nous ?

Anne : Non, je leur ai encore rien dit, mais je vais te les présenter et quand ils sauront que nous allons nous marier, ils seront fous de joie.

La lumière s’atténue et se déplace vers l’ombre Joël qui observe la scène, abandonnant les deux amoureux qui, à nouveau enlacés, disparaissent dans

l’obscurité. Il reste juste assez d’éclairage pour permettre de distinguer l’ombre de Joël rejoindre le lit pour se fondre dans sa silhouette endormie. Puis la lumière s’éteint complètement.

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Intermède (Chronodège)

Le convoi du Temps : Les lumières du temps se rallument et Chronodège est à nouveau sur scène…

« Ce simple rêve n’est pourtant pas un rêve ordinaire, et ces images se sont profondément gravées dans la mémoire de Joël. Même s’il n’en a pas conscience, cette scène va l’accompagner et l’interroger tant qu’il n’en verra pas

l’accomplissement …

Passons sur les longues années d’hésitations et d’apprentissage de Joël. Rejoignons le, vingt ans plus tard, alors qu’il a finalement maîtrisé ses troubles et prit conscience de son pouvoir. Maintenant, il a appris à mettre un peu d’ordre dans l’accumulation de toutes ses prémonitions. »

La lumière s’éteint.

Scène 3 (Joël et Marianne un peu plus vieux puis Anne)

Le salon des Moussaillon. Il n’y a plus de pendule sur le tablier de la cheminée.

Joël : T’as rien remarqué ces temps-ci ? Anne ?

Marianne : Si, j’ai remarqué, moi aussi, elle a fait tomber la pendule qui s’est cassée … Mais sinon elle est rayonnante. Je ne l’ai jamais vu aussi heureuse.

Joël décroche le téléphone. Mais cette fois Marianne se précipite, se saisit du téléphone et raccroche.

Joël : Ah oui ! moi, c’est un très vieux rêve qui m’obsède, il y a au moins vingt ans de ça ... et justement j’y ai vu Anne quand elle a cassé la pendule …

Le téléphone sonne. Marianne qui était resté près du téléphone décroche.

Marianne : Allo, … Oui c’est moi ma chérie … bien sûr, … au contraire, nous sommes là ton Père et moi, nous t’attendons.

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C’est curieux on en parle … elle appelle. Justement, je te parle d’Anne, notre fille, aujourd’hui, pas de tes vieux rêves. Je l’ai jamais vu aussi heureuse.

Joël : Ça m’étonne pas puisqu’elle va se marier.

Marianne : Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? Elle t’a dit qu’elle allait se marier ? Je te crois pas !

Joël : Non, elle m’a rien dit du tout, c’était dans mon rêve d’il y a vingt ans, qu’un jeune homme la demandait en mariage.

Marianne : Bon, c’est ça, tu rêves, ça a rien d’étonnant, encore un de tes rêves bizarres, j’ai toujours du mal avec ces rêves. Comme moi, tu serais très heureux que notre fille se marie, mais entre le rêve et la réalité ...

Joël : Je te l’ai déjà dit, mes rêves me montrent le futur.

Marianne : Ton rêve doit pas être si vieux que ça puisque tu as vu Anne avec un amoureux.

Joël : Si, justement, et je m’en souviens très bien. J’avais vu Anne telle qu’elle est aujourd’hui et à l’époque elle n’était qu’un bébé, je l’avais pas reconnue. Maintenant j’en suis sûr, c’était elle.

Marianne : Allons ! Tu viens seulement de rêver, que tu avais rêvé il y a vingt ans ! Joël : Non, je me souviens parfaitement de ce rêve fait il y a vingt ans. J’ai même conservé une image précise de son amoureux : il avait des cheveux très noirs.

Marianne : Il y a vingt ans ? … Non Joël, c’est pas possible ! Arrête, j’y crois pas ! Et pourquoi m’en as-tu pas parlé à l’époque ?

Joël : Il y a vingt ans, je savais pas encore que mes rêves me montraient le futur. Et je te l’ai dit, je n’avais pas reconnu Anne qui n’avait que cinq ans. Hélas j’ai reconnu une autre personne dans ce rêve : Timothée.

Marianne : Timothée ? Pourquoi hélas ? L’ami d’enfance d’Anne, tous les deux se sont toujours adorés.

Joël : Dans mon rêve, il n’était pas celui qu’on connait. Lui aussi déclarait son amour à Anne et elle le repoussait. J’espère que ça n’aura pas de conséquence pour l’un ou pour l’autre.

Il se tourne vers la porte et commence à s’en approcher en tendant le bras pour ouvrir. La porte s’ouvre et Joël, qui était derrière, la reçoit dans le nez. Anne entre. Elle sourit et embrasse ses parents avec chaleur.

(16)

Joël (en riant et en se frottant le nez): Bonjour ma fille, quelle énergie ! Tu as l’air en pleine forme.

Anne (voyant le nez de son père): Oh excuse-moi papa … Oui, ça va très bien, j’ai quelque chose à vous dire.

Joël jette un coup d’œil complice en direction de Marianne qui, elle, reste impassible.

Anne : Je vais me marier, Pierre et moi nous avons décidé de nous marier.

Marianne : Ma chérie, c’est merveilleux ! Qui est Pierre ? Raconte-nous, comment est-il ?

Anne : Il s’appelle Pierre Saint-Ventoux, il est très beau. Il a un beau regard, des yeux magnifiques et des cheveux noirs, très noirs.

Joël rejette un coup d’œil appuyé en direction de Marianne, qui continue de jouer l’indifférence.

Joël : C’est drôle Pierre, … Pierre Saint-Ventoux, ça me dit quelque chose…

Anne : Il est dans la police, c’est un inspecteur. C’est Timothée qui me l’a présenté, c’est son collègue. Ils sont tous les deux inspecteurs dans le même commissariat. Mais il faudrait que vous le rencontriez, ce serait mieux… Non ?

Marianne : Bien sûr, ma chérie, tu vas nous le présenter, je suis très impatiente de le voir.

Joël : Nous sommes tous les deux très impatients. Anne : Ah oui ? Je vais l’appeler tout de suite !

Anne compose un numéro sur son portable et attend. Elle tombe sur un répondeur.

Anne : … Bonjour Pierre, comme convenu je t’appelle, je suis avec mes parents, ils souhaitent te rencontrer, rappelle-moi … Il répond pas, je lui ai laissé un message … On va attendre un peu, il devrait pas tarder à rappeler.

Le temps passe sans aucune réponse.

Anne : Je suis déçue, on avait convenu que je l’appellerai.

Marianne : écoute, ma chérie, t’en fais pas, tu vas aller le voir et vous vous arrangerez.

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Joël : Alors Madame, qu’est-ce que vous en dîtes ?

Marianne : J’en dis qu’Anne était heureuse et que maintenant, elle est triste. J’espère qu’il s’est rien passé.

Joël : Allons ! Notre fille va se marier, c’est ça qui compte… Non ? Marianne : J’espère que tu as raison.

Joël : Mais sinon, j’avais prévu ce qui allait se passer, non ? Enfin pas tout, j’ai aussi une petite inquiétude, elle nous a parlé de Timothée … Je suis d’accord avec toi, sans savoir vraiment pourquoi, je suis, moi aussi, un peu inquiet.

Scène 4

(les terroristes et l’otage)

Le salon des Moussaillon. Joël est assis dans un grand fauteuil, il lit le journal. Il s’arrête de lire, relève la tête et tourne son regard vers la porte intérieure. Marianne l’appelle elle n’est pas sur scène.

Marianne : Joël ? Quand Anne

Joël (lui coupant la parole): Je crois qu’elle a parlé du week-end prochain, pour le week-end de la pentecôte.

Joël se lève et s’approche précipitamment du guéridon. Marianne entre. Bute sur le guéridon. Joël rattrape le vase au vol.

Marianne : Ah ! Ce guéridon dans le passage, il commence à m’énerver … J’espère que Pierre l’accompagnera.

Joël : Oui, oui, il sera certainement là. C’est un peu pour ça qu’elle vient, pour nous le présenter.

Marianne : Ah bon ? Tu le sais ? Tu l’as vu ?

Joël : Non, non, j’ai rien vu. Je dis ça uniquement parce qu’il n’y a pas de raison pour qu’elle vienne sans lui...

Marianne : Bon, je sors, j’ai quelques courses à faire. J’en ai pas pour longtemps. Joël : tu n’as pas oublié ton porte-monnaie ?

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Marianne fouille dans ses poches ... Elle retourne dans la pièce à côté ... Elle revient, exhibe le porte-monnaie et le met dans sa poche. Elle sort.

Joël : à tout à l’heure !

Joël se rassied et reprend la lecture du journal.

Joël : Cette histoire d’otage, de terroristes, c’est terrible. Ça y est, je sens mon mal de crâne qui me reprend.

Petit à petit, il s’endort. Il lâche son journal qui tombe par terre. La lumière baisse pour n’éclairer que le fantôme rêveur de Joël qui se lève et qui, dans l’ombre, suit la scène qui se déroule devant lui.

La ferme des terroristes : Au milieu de la cour, il y a des hommes masqués et armés, ils entourent un homme attaché sur une chaise, la tête recouverte d’un sac. L’un d’eux filme la scène.

Le chef, le seul non masqué, s’avance et se met à côté de l’homme attaché sur la chaise, de façon à être filmé avec lui. Il regarde l’heure à sa montre. elle est mal

attachée, elle tombe et se casse… Il la ramasse, hausse les épaules et la met dans sa poche. Il fait signe à celui qui tient la caméra de commencer à filmer. Il fait un discours devant la caméra.

Le chef : « L’heure est venue. Voilà un mois, nous vous avions demandé de libérer notre frère, injustement emprisonné dans vos geôles impérialistes, mais depuis vous n’avez rien fait, vous n’avez même pas daigné nous répondre. Nous sommes le 1er

juillet, date que nous vous avions fixée pour cet ultimatum. Vous avez eu tort de ne pas croire en notre détermination. Vous êtes donc les premiers responsables de ce qu’il va se passer. »

Il tire une balle dans la tête de l’otage qui s’écroule.

Le chef : Et maintenant vous savez de quoi nous sommes capables, plus rien ne nous arrêtera. Vous avez un mois supplémentaire pour répondre enfin à nos exigences, sinon...

Souvenez- vous bien de ce 1er juillet, car c’est le premier jour de la grande révolution.

(19)

Le chef : Je vais leur envoyer, et cette fois c’est parti !

Il se retourne vers ses complices et désigne le mort.

Le chef : Lui … vous n’avez qu’à le balancer dans le puits.

Fin du rêve, la lumière se rallume. Joël se réveille en sursaut, il est pâle et en sueur. Marianne entre.

Marianne : Ça y’est, je suis revenue…. Mais qu’est-ce que t’as ? T’es tout blanc. Ça va pas ?

Joël : Quel jour on est?

Marianne : On est mardi bien sûr, c’est toi-même qui m’as parlé du week-end prochain, le week-end de la pentecôte.

Joël : Alors, on est pas encore en juillet ?

Marianne : Mais non, enfin, la pentecôte c’est pas en juillet. Joël : Je viens de faire un cauchemar horrible ! Horrible … Marianne : raconte.

Joël : Oh non ! C’était bien trop horrible.

Marianne quitte la pièce en haussant les épaules, laissant Joël seul. Il se lève et tourne en rond, très excité.

Joël : J’ai encore un peu de temps. Du temps ? Du temps, pour faire quoi ? Et après tout, c’était peut-être pas un rêve prémonitoire... Pourtant si ! Ça y ressemble trop. Les rêves habituels, je les oublie. Cette fois, je me souviens de tous les détails : la ferme, le puits, cette girouette bizarre, le buisson sur la droite, les champs, le petit bois, le petit village tout au fond.

Il se dirige vers la table. Il fouille dans le tiroir et en sort une feuille de papier et un crayon. Il s’assoit et se met à dessiner puis il regarde le résultat.

Joël : C’est ça ! Oui, c’est ça ! Ah ! Les salauds, il faut pas les laisser faire. Et moi qu’est-ce que j’ai à faire dans cette histoire ? Pourquoi j’ai vu ça ? Je sais rien, j’ai jamais entendu parler de prise d’otage, ni d’aucun groupe terroriste. Et après tout, le

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1er juillet c’est peut-être pas cette année. Et si ça arrive, ils vont pas faire de publicité, c’est sûr. Comment savoir ?

Joël range le dessin dans le tiroir d’où il avait sorti la feuille.

Scène 5 (Joël et Marianne puis Anne)

Le salon des Moussaillon.

Joël : Aujourd’hui, je suis passé à l’état civil, je devrais bientôt recevoir la copie des documents. 1902, la date sur le tableau des ancêtres, c’est date de leur mariage : décembre 1902. Il y a aussi Timothée et son aïeule : Michèle Michalon, qui a épousé Justin Garrigole en 1903. J’en ai profité pour voir s’il y avait quelque chose sur la généalogie de notre futur gendre.

Marianne : T’as pas fait ça ? T’as peur pour ta fille ?

Joël : Non, pas du tout, mais quand Anne nous a parlé de Pierre Saint-Ventoux, cela m’a rappelé quelque chose. Et je me suis souvenu : dans mon vieux rêve, c’est un Pierre Saint-Ventoux qui demandait la main d’Anne. J’en suis sûr.

Marianne : Oui, enfin, c’est quand même Anne qui nous a donné le nom de son fiancé…

Joël : Oui, mais dans mon rêve il y avait un tableau de ses ancêtres, un peu comme celui des miens. Anne et Pierre en ont parlé et il a dit Saint Ventoux, j’en suis sûr.

Joël décroche le téléphone.

Marianne : Joël, tu raccroches ? s’il te plait !

Joël repose le téléphone

Tu es quand même un peu indiscret et là-bas, ils t’ont donné des renseignements sans te poser de questions ?

Le téléphone sonne. Marianne qui s’en était rapprochée décroche.

Marianne : Oui, ma chérie, on est là, Qu’est-ce que tu as ? Ça va pas ? À tout de …. Bizarre elle a raccroché …

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Joël : J’ai presque dit la vérité : j’ai dit que c’était notre gendre et ça a suffi. Pierre est le dernier représentant de sa famille. Il avait un aïeul contemporain de Célestin, qui était parisien lui aussi. Il s’appelait Charles-Henri Saint-Ventoux et il s’est marié avec une certaine Angèle en 1900, ça aussi c’était dans mon rêve. Et tu devineras jamais son nom de famille, à elle ? Elle s’appelait Angèle Michalon, comme Anicette Michalon mon aïeule, comme Michèle Michalon, l’aïeule de Timothée. C’est incroyable toutes ces coïncidences. Tu trouves pas ? Il n’y avait pas deux sœurs mais trois : Anicette et Michèle Michalon et maintenant Angèle. Monsieur Dudras, l’employé m’a promis qu’il allait continuer les recherches et qu’il m’enverrait un courrier avec ce qu’il trouvera. Il doit pas avoir grand-chose à faire, le pauvre, il s’est précipité sur ma demande … Marianne : Bon, maintenant tu es content, tu sais tout sur notre futur gendre. Encore faudrait-il qu’ils arrivent, ils sont en retard.

Joël qui s’était rapproché de la porte, se recule prudemment. La porte s’ouvre violemment, Anne entre seule.

Marianne : Bonjour ma chérie, tu es venue seule ?

Anne s’écroule en pleurant dans les bras de sa mère. Marianne jette un coup d’œil inquiet vers Joël qui lui renvoie un regard d’entendement

Anne : Maman, Papa, c’est affreux ! Marianne : Que se passe-t-il, Anne ? Anne : C’est Pierre … Il a disparu. Marianne : Comment ça, il a disparu ?

Anne : Il a disparu, c’est tout ! D’habitude, on se voit tous les jours et là plus rien. Ça fait plus d’une semaine qu’on s’est pas revu. J’ai beau l’appeler, lui laisser des

messages, rien ! Il répond jamais.

Joël : Tu sais, il est dans la police, il est peut-être en mission et il a pas pu te prévenir. Il a pas eu le temps, ou il a pas pu par discrétion. Dans la police, on fait pas ce qu’on veut. Quand il reviendra, il t’expliquera tout. Un policier, ça disparaît pas comme ça, surtout s’il a des projets de mariage.

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Marianne : Ton père a raison, Anne, t’en fais pas, il va revenir. Tu restes ? Je crois que ce serait mieux. Il faudrait en parler à Timothée. Il sait peut-être quelque chose, lui ?

Anne : Je préfère pas. Depuis quelques jours je l’évite, il a pas très bien réagi quand il a su que Pierre et moi nous allions nous marier. Alors il vaut mieux le laisser à l’écart.

Joël ouvre les bras et Anne se précipite dans ceux de sa mère en pleurant.

Scène 6 (Joël et Timothée)

Le salon des Moussaillon. Timothée entre et embrasse Joël. Son attention est attirée par le tableau des ancêtres.

Timothée : Célestin et Anicette, c’est tes ancêtres ? Anicette, la sœur de Michèle, mon aïeule. Dis donc, c’est fou ce qu’il te ressemble, Célestin.

Joël : Oui je sais, on me l’a déjà dit … Timothée, merci d’être venu, j’ai besoin de tes conseils. J’ai personne à qui parler. Je peux rien dire à Marianne et surtout pas à Anne.

Timothée : Qu’est-ce qu’il y a ? Tu n’as pas l’air en forme.

Joël : Oui, j’ai un gros problème. Je fais des rêves prémonitoires, tu le savais ?

Timothée : Euh ! pas spécialement. C’est vrai qu’Anne m’en a déjà un peu parlé mais c’est tout ! Et alors, t’as fait un rêve et l’avenir ne te convient pas ?

Joël : Mon dernier rêve était un horrible cauchemar. J’ai vu une ferme isolée dans la campagne, il y avait un commando de terroristes, ils ont exécuté un otage.

Timothée : Ouf ! C’est vrai que c’est pas drôle, et alors ?

Joël se dirige vers la table, il ouvre le tiroir, en retire son dessin et le tend à Timothée qui le prend et le regarde.

Joël : Eh bien, aux informations, ils parlaient d’un policier, enlevé par un commando terroriste.

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Joël : Ça c’est mon rêve : le dessin de la scène de l’exécution, j’en ai gardé un souvenir très précis. Tu me le rendras … Tu es dans la police, tu sais peut-être quelque chose ?

Timothée : Oui, je ne devrais pas te le dire mais je suis au courant de cet enlèvement. Ils cherchent à faire sortir de prison un des leurs.

Joël : Aux informations, j’ai vu la photo de l’otage ? C’est un policier. Et bien…je l’ai reconnu ... Le dessin : non pas dans ta poche, il faudra me le rendre …

Timothée (tenant le dessin dans sa main et regardant Joël d’un air interrogateur): Mais, bien sûr Joël, que je vais te le rendre, ton dessin. Tu connaissais ce policier ? Joël : Non, pas personnellement mais je l’avais vu dans un rêve, il y a vingt ans. Il demandait Anne en mariage. C’était lui, j’en suis sûr, c’était un des premiers rêves prémonitoires dont je me souvienne. Comme pour ce cauchemar, j’en ai gardé un souvenir très précis.

Timothée : Tu te rends compte, il y a vingt ans ! Comment peux-tu être sûr que c’était lui ?

Joël : Il a les cheveux très foncé, noir, exactement comme l’homme que j’ai vu dans mon rêve, il y a vingt ans. J’en suis sûr, je te le dis, ces rêves je les oublie pas. Et puis, il y a Anne, elle aussi était dans ce rêve, elle aussi je l’ai reconnue et elle vient de nous apprendre qu’elle allait se marier …

Timothée : Tu as rêvé, il y a vingt ans, de quelque chose qui se passe Maintenant ? Mais si ta fille va se marier, alors tout va bien ?

Joël : Non ça va pas ! Son fiancé, s’appelle Pierre Saint-Ventoux et il vient de disparaître. Elle nous a dit qu’il était ton collègue.

Timothée : Tu as été au commissariat ?

Joël : Moi non, mais Anne si. Elle a rencontré le commissaire, ton chef, Jules

Vigneron. Il lui a rien dit de précis. Il a quand même confirmé la disparition de Pierre. Tu parles, c’est normal, ils en disent le moins possible. Ah ! La pauvre Anne, si tu la voyais.

Timothée : Mais pourquoi n’est-elle pas venue me voir ? Et alors, dans ton rêve, que se passe-t-il ?

Joël : Dans mon rêve, il est assassiné, je suis sûr que c’était lui l’otage. Mais si mon rêve est vrai, il n’est pas encore mort. La scène d’exécution c’était le 1er

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Timothée : Tu veux le voir et lui montrer ce dessin ? Tu vas arriver en lui disant : « Bonjour Monsieur le commissaire, j’ai fait un rêve prémonitoire et j’ai vu l’endroit où les terroristes se cachent. Regardez ce dessin, c’est là qu’ils sont ». Au mieux, il te

prendra pour un fou.

Joël Je reconnais que c’est pas simple, c’est pour ça que je t’en parle. Qu’en penses-tu ? Tu connais le commissaire, toi !

Timothée (il met le dessin dans sa poche) : Mais tu te rends compte de ce que tu me dis. Oui je connais le commissaire et c’est sûr, il ne croira pas cinq minutes à ton histoire de rêves, et pour lui l’évidence, ce sera que tu es complice des terroristes, alors il va tout faire pour que tu parles. Le dessin, ça lui suffira pas, que veux-tu qu’il en fasse ? Il voudra tout savoir.

Joël : Oui, Timothée, tu as peut-être raison ... Je vais y réfléchir. Tu peux me rendre le dessin, s’il te plait. Je vais le mettre de côté en attendant. Il faut que je le montre … Mon père …

Timothée : Il faut que tu le montre à ton père ?

Joël (en tendant la main): Euh, non, pas à mon père … au commissaire …

Timothée sort le dessin de sa poche, à contre cœur, et le rend à Joël qui le glisse dans la sienne.

Marianne (elle appelle, elle n’est pas dans le salon) : Joël, tu es encore là ? … C’est pas aujourd’hui que devais aller voir ton père ?

Joël : Ah ! oui c’est ça, c’est aujourd’hui que je vais voir mon père … c’est ça.

En criant

Oui, oui, tu as raison j’y vais tout de suite.

Puis s’adressant à Timothée

Merci, Timothée. Maintenant il faut que je parte. J’avais oublié, mais je dois aller voir mon vieux Père, qui n’est pas très bien en ce moment. J’y vais régulièrement, il m’attend, je ne peux pas rester plus longtemps.

Scène 7 (Joël et son Père)

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Le père de Joël : Françoise, s’il vous plait, vous voulez bien aller ouvrir à mon fils ?

Une femme entre, regarde la porte d’entrée, puis le vieil homme d’un air dubitatif … Elle ouvre la porte … regarde sur le palier … Puis referme la porte. Elle revient vers le vieil homme … Celui-ci l’observe.

Le père de Joël : La chaise Françoise, la chaise …

L’aide-ménagère, prend une chaise dans un coin et la pose devant le vieil homme. On sonne à la porte, l’aide-ménagère se précipite pour aller ouvrir la porte. Joël entre, la salue en souriant et va embrasser le vieil homme.

Joël : Mon cher papa, me voilà de retour. Je suis content de te voir, Comment ça va aujourd’hui ?

Le père de Joël : Ah, c’est toi Joël, j’avais complètement oublié que tu venais aujourd’hui … Mais ça tombe bien. Je vais pas très bien mon fils, plutôt mal, même. Joël : Allons Papa, je t’ai toujours entendu dire ça et tu es toujours là, solide comme le roc.

Le père de Joël (en désignant la chaise qui lui fais face) : Merci mon fils pour ces encouragements, mais je sais de quoi je parle et je sais que ça ne va pas fort. Je me fais vieux et personne n’y peut rien. Mais assied-toi donc, Il faut que je te parle maintenant, j’ai quelque chose à te dire.

Joël (s’asseyant): tu sembles bien grave tout à coup, ce que tu as à me dire est-il si important ?

Le père de Joël : Non, pas vraiment mais j’ai toujours pensé que je devrai t’en parler un jour et je crois que le moment est venu.

Joël : …

Le père de Joël : j’ai un secret … Joël : Oui ?

Le père de Joël : je voyais l’avenir. Je dis je voyais car depuis quelques années mes rêves ne sont plus aussi nets. J’y vois encore mais un peu moins bien. Ce doit être l’âge.

Joël : Eh bien ! Mon cher père, si ça peut te rassurer, je crois que tu m’as légué ce don.

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pour toi, mais pour moi, ça a été plus une souffrance qu’un don. D’abord des migraines et ensuite j’ai vu des choses qui ont plutôt assombri ma vie.

Joël : Je dois avouer que c’est difficile et troublant, c’est vrai que moi aussi ce que je vois n’est pas toujours réjouissant et moi aussi j’ai des sacrées migraines.

Le père de Joël : J’ai fait plusieurs rêves prémonitoires, tous commençait par le temps qui se cassait.

Joël : Le temps se cassait ?

Le père de Joël : Oui enfin, c’est symbolique. Il y a plusieurs années j’ai fait un rêve horrible, J’ai vu un homme poser une bombe et, toi mon fils, tu passais dans la rue, au moment de l’explosion. Tu étais très gravement touché. Et peut-être même que tu mourrais. Je ne t’ai pas reconnu tout de suite, car tu étais jeune quand j’ai fait ce rêve, mais en grandissant tu ressemblais de plus en plus nettement à la victime de cet attentat. Ce rêve me hantait, alors je n’y ai plus tenu, j’ai mené mon enquête et j’ai retrouvé le terroriste de mon rêve. Je l’ai reconnu sans hésitation. Il habitait non loin de la rue dans laquelle l’attentat de mon rêve avait lieu. Les jours passaient et ce rêve me hantait. Sans la connaître exactement, je voyais l’heure du drame s’approcher et je ne pouvais pas t’empêcher de passer dans cette rue au moment exact où la bombe exploserait. Et de toute façon, tu n’étais pas la seule victime, dans la rue j’avais vu plein de blessés. Il fallait que je fasse quelque chose mais je ne savais pas comment m’y prendre. Qui pouvait me croire ? Finalement, j’ai choisi la méthode la plus simple mais pas la plus élégante : j’ai envoyé une lettre anonyme au commissariat du

quartier. L’homme a été arrêté et je crois qu’ils ont trouvé des preuves suffisamment convaincantes pour faire de lui un terroriste qui s’apprêtait à commettre un attentat. Mais ce rêve ne m’a pas quitté pour autant, et depuis je traîne la culpabilité d’avoir dénoncé un homme de la manière la plus lâche qu’il soit : anonymement. Personne ne saura ce qu’il se serait passé si je n’avais pas envoyé cette lettre.

Joël : Papa, tu dois retrouver la paix maintenant. Comme toi, je sais ce qu’il se passe quand on voit l’avenir et je peux t’assurer que comme toi, si je vois des choses, quand il faut agir je me se sens très désarmé, impuissant. Tu as bien fait d’envoyer cette lettre, il n’y a pas de mauvaise manière de sauver des innocents. J’en suis sûr, tu as sauvé beaucoup vies. Tu as fait ce qu’il fallait.

Le père de Joël : Mais tu te rends compte qu’on ne saura jamais ce qu’il se serait passé. Cette idée m’obsède : Ai-je vraiment changé quelque chose ? Peut-être que

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cet homme, qui pourri en prison, est innocent ?

Joël : écoutes, en ce moment même, un groupe terroriste a enlevé un policier et menace de le tuer. La revendication de ces terroristes est qu’on libère un des leurs qui est emprisonné. Je presque sûr que ce complice est la même personne, que celui que tu as fait arrêter, il y a quelques années. Quel est le commissariat auquel tu as envoyé ta lettre ?

Le père de Joël : En réalité, je ne l’ai pas envoyé au commissariat, mais au domicile d’un inspecteur de ce commissariat, l’inspecteur Jules Vigneron.

Joël : Tu n’as plus à te faire du souci, il s’agit bien du même homme. Et si l’homme que tu as envoyé en prison n’a pas commis de crime c’est bien grâce à toi. Et

maintenant, j’en suis sûr, tu m’as sauvé la vie, comment pourrais-tu t’en vouloir pour cela ?

Et si ça ne suffisait pas j’ajouterais que ton inspecteur est maintenant commissaire et c’est être à toi qu’il doit sa promotion, pour cette arrestation. … Mais c’est peut-être aussi pour ça que les terroristes se sont attaqués à ce commissariat-là, en y choisissant leur otage. Oui, ça doit être pour ça, plus j’y pense plus ça me paraît évident. Mais cette fois tu n’y es pour rien papa, je te l’assure.

Le père de Joël : Merci, mon cher fils, pour ce réconfort. Si tout ce que tu me dis est vrai, tu ne peux pas savoir combien ça me fait du bien. Je vais y réfléchir et tu vas m’envoyer tout ce que tu as sur cette affaire, peut-être que ça arrivera à me rassurer définitivement.

Joël : je te le promets papa, je t’apporterai toutes les coupures de journaux que je trouverai. Et je crois que c’est maintenant à moi de prendre le relai dans cette affaire, à moi de faire aussi bien que toi, pour contrer les odieux projets de ces fous.

Décidément, tu ne m’as pas transmis que le don de prémonition, j’ai reçu en supplément les soucis qui vont avec.

Sinon, as-tu connu ton grand-père, Célestin Moussaillon ? J’ai retrouvé un tableau qui le représente avec sa femme, Anicette. Tout le monde me dit que je lui ressemble. Le père de Joël : Non je ne l’ai pas connu, il était déjà vieux quand je suis né. Je me souviens du tableau dont tu parles et maintenant que tu me le dis, c’est peut-être vrai que tu lui ressembles. Ce tableau était au grenier avec d’autres papiers le concernant.

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Joël : A la prochaine fois, papa. Je repasserais la semaine prochaine et cette fois j’espère que tu auras la pêche !

Joël sort.

Scène 8 (Joël et Marianne)

Le salon des Moussaillon. Le guéridon, avec le vase, est poussé hors du passage. Joël feuillette un vieux carnet. Il est poussiéreux avec des restes de toiles d’araignées dans les cheveux.

Joël : Marianne, Marianne viens voir, vite !

Marianne entre.

Joël (se passant la main dans les cheveux et époussetant sa chemise): Oui je sais … je viens du grenier ! J’ai retrouvé un carnet qui a appartenu à mon arrière-grand-père Célestin Moussaillon. Ça ressemble à une sorte de journal mais ça à l’air d’être limité à quelques années seulement. Je l’ai trouvé dans le grenier, là où il y avait le tableau des ancêtres.

Marianne (voyant Joël poussiéreux): Beurk ! … C’est intéressant, de quoi parle-t-il ? Joël (regardant le journal et le commentant): Il y a pas mal d’allusions à un amour impossible … C’est drôle, il parle d’Angèle Michalon et pas d’Anicette, sa femme, pourtant. Ils se sont mariés en 1902 et Angèle Michalon a épousé Charles-Henri Saint-Ventoux en 1900. Tu te souviens, c’est ce qu’ils m’ont dit à l’état civil … Charles-Henri et Célestin se connaissaient bien. Remarque avec des femmes qui portent le même nom, c’est pas étonnant. Célestin en parle comme d’un grand ami.

Et dis donc comme moi il semble qu’il voyait dans le futur. C’est ce qu’il dit en tout cas. Il parle d’une fois où il a vu en rêve, un certain Timothée Garrigole, il écrit : « il faut se méfier des Garrigole et pas que moi, je dois en parler à mes amis». Dans un autre rêve il a vu un homme crier son nom : Célestin , avec celui d’Anicette. Alors il en a déduit qu’il s’agissait de lui. Il n’y a pas non plus trente-six Célestin dans

l’entourage d’Anicette. Il écrit qu’il va aller voir Charles-Henri pour le mettre devant ses responsabilités : « je lui dirais : ou tu abandonnes cette folle idée, ou tu vas nous

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perdre tous les deux, moi ton meilleur ami et Angèle que tu dis tant aimer. Je sais tout Charles-Henri, et si tu ne renonce pas je vais en parler à Angèle. A toi de choisir ! »

Joël tourne les pages et commente en lisant.

Joël : Je crois me souvenir de quelque chose sur Charles-Henri et Angèle : un tableau des ancêtres, comme celui des nôtres … Dans mon rêve avec Anne et Pierre, je crois que c’est Pierre qui parlait de Charles-Henri, son aïeul …. Tiens, finalement on dirait que Célestin s’est décidé à déclarer son amour. Il dit son intention d’aller voir Angèle pour lui demander sa main … Angèle ? Et, il a l’air décidé.... Il semble qu’il y ait eu un problème avec son ami Charles-Henri.

Marianne : Saint-Ventoux, comme Pierre, le fiancé d’Anne ?

Joël : Oui, justement, c’est ça ! Comme dans mon vieux rêve. Tout se recoupe, tu sais je t’en ai parlé l’autre jour … Et il termine par une discussion avec ce Charles-Henri … Il parle d’un duel ? Non j’y crois pas. Tiens, lis ça.

Il tend le journal ouvert à Marianne. Marianne le prend et lit.

Marianne : … « Il faut absolument que j’écrive ce qui vient de se passer. Demain il sera peut-être trop tard. C’est affreux, ce matin, Henri, mon cher ami Charles-Henri, m’a défié en duel. Il m’a giflé à deux reprises pour me provoquer. C’est insensé, je ne le connaissais pas aussi violent, aussi peu raisonnable. En cinq minutes il a effacé des années d’une longue et profonde amitié. Il a même dit qu’Angèle serait au vainqueur, il n’a pas le droit de décider ainsi du sort d’Angèle. Et puis un duel, à notre époque, il est fou. Je ne veux pas le tuer, je ne veux pas mourir, moi. Mais lui a l’air vraiment décidé à aller jusqu’au bout. Il n’a rien voulu entendre. J’étais passé le voir pour lui annoncer mon espoir de mariage avec Angèle, notre amie à tous les deux. Enfin, amie en ce qui me concerne, car auparavant, Charles-Henri, lui, il semblait plutôt la traiter avec mépris. L’autre jour, il a eu des mots blessants envers elle, il s’en est moqué, elle qui pourtant n’a d’yeux que pour lui. Il s’est moqué de sa naïveté et de sa confiance excessive. Il ne se rend même pas compte que c’est parce qu’elle l’aime qu’elle est comme cela avec lui. Je le lui ai dit mais il ne semblait pas comprendre. Et puis comme je commençais à lui dire que j’avais demandé à Angèle de m’épouser, il m’a coupé la parole et il a dit qu’il était amoureux d’elle. Il disait que je l’avais trahi.

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croire que je savais qu’il aimait Angèle. Mais la dernière fois, quand il s’est moqué d’elle, je me suis senti libéré. Alors j’ai décidé d’aller voir Angèle, pour lui déclarer mon amour, sinon j’aurais continué de me taire. Je me serais sacrifié pour leur bonheur à tous les deux. Angèle ne m’a pas répondu tout de suite. J’en ai déduit qu’elle se donnait du temps pour réfléchir mais elle paraissait bienveillante à mon égard. Elle m’avait souri chaleureusement et j’avais bon espoir.

C’est normal qu’elle réfléchisse, un mariage ce n’est pas anodin et c’est normal que j’ai voulu en parler à Charles-Henri, mon meilleur ami. Il a dit que lui aussi, il

demanderait la main d’Angèle, et qu’il allait le faire tout de suite, car, disait-il, Angèle devait passer le voir. Je suis sorti et j’ai croisé Angèle dans l’escalier. Je lui ai raconté ce qui venait de se passer, la colère de Charles-Henri, son amour pour elle et le duel. Angèle est devenue toute pâle, je ne l’avais jamais vu dans un tel état. Elle a monté les escaliers quatre à quatre. Elle disait qu’il n’était pas question que nous nous battions pour elle, que si ce duel avait lieu, quoi qu’il arrive, aucun de nous ne l’épouserait, elle disparaitrait.

Je suis resté en bas, dans la rue, en attendant le retour d’Angèle. Ce ne fut pas long, quelques minutes plus tard, je l’ai vu repasser en trombe. Elle a à peine pris le temps de me regarder, juste de me dire « je compte sur toi Célestin ! ». Elle semblait

effrayée. Alors je suis remonté, mais Charles-Henri a refusé de m’ouvrir. Il criait que nous nous battrions à mort. Plus rien ne pourrait s’y opposer. J’étais désespéré alors je lui ai dit que je préférais renoncer à Angèle. Que je lui laissais le champ libre, il pourrait l’épouser si elle voulait bien de lui. Il s’est tût et n’a plus rien dit … Je suis parti.

Je suis anéanti, j’ai rendez-vous à cinq heures, demain matin, à la porte de Boulogne, pour ce duel insensé. Charles-Henri m’a envoyé ses témoins pour me confirmer le rendez-vous. Je vais y aller pour tenter, encore une fois, de le raisonner. J’espère qu’après une nuit de repos, et surtout l’intervention d’Angèle, il va revenir à la raison.» C’est incroyable cette histoire. Mais pourtant, c’est Anicette que Célestin a épousé. Après il y a plus rien. Son journal s’arrête là.

Marianne rend le journal à Joël qui feuillette les dernières pages.

Joël : C’est inquiétant : que s’est-il passé ? J’espère qu’ils ne se sont pas battus. Tu te rends compte si Célestin meurt, il n’était pas encore marié à Anicette quand il y a eu

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cette histoire de duel. Ils n’avaient pas encore eu d’enfant. Je suis inquiet, il va se passer quelque chose, je le sais, je le sens, je suis terriblement inquiet…

Marianne : Que veux-tu qu’il se passe ? C’est toujours ton cauchemar ?

Joël : Non, non ça n’a rien à voir. Je sais pas vraiment, mais j’ai peur. Mal au crâne, J’ai vraiment peur …

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Acte II

1

er

Intermède (Chronodège)

Le convoi du Temps

« Cette fois, tout est en place, les fils sont noués. Ce duel : le voilà, le redoutable obstacle, que je craignais tant. Il est devant nous. Si son ancêtre, Célestin, meurt qu’adviendra-t-il de Joël ? Et quel sera le sort de Pierre, si c’est Charles-Henri qui est touché ? Certes, pour lui, la situation n’est déjà pas des plus enviables. Pourtant, lui aussi est face à ce même obstacle, comme tous les acteurs de ce drame. Est-ce une absurdité temporelle ? Est-ce un naufrage qui a provoqué la tempête ? Est-ce un nœud qui s’est formé avant même que la corde ne soit tressée ? Et qui se dénouera avant d’être formé ? Est-ce le néant qui engloutit tout ? Mais qu’importe après tout ? Que peut faire Joël qui voit les ancêtres menacés de mort avant même que leur descendance ne soit assurée ? Là, est la question ! »

Scène 1 (Joël et Timothée)

Le salon des Moussaillon

Joël : Timothée, je suis toujours plus seul et le temps presse. J’ai personne à qui parler et j’ai besoin de toi. J’ai retrouvé le journal de mon aïeul, Célestin Moussaillon, c’est un carnet. Il écrit qu’il allait se battre en duel avec son ami, un certain Charles-Henri Saint-Ventoux, qui est l’ancêtre de Pierre.

Timothée : Allons, qu’est-ce que tu me racontes ? Ton ancêtre se battrait, euh,… se serait battu … avec celui de Pierre ? Tu vois des morts partout !

Joël : Quand j’ai rêvé, j’ai vu Pierre demander Anne en mariage, derrière eux, il y avait un tableau représentant un couple, un peu comme celui de mes ancêtres et l’homme

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s’appelait Charles-Henri Saint-Ventoux. Il ressemblait énormément à Pierre et la femme s’appelait Angèle Michalon, « la belle Angèle ».

Timothée : Michalon ? Nous sommes donc tous reliés par ces trois femmes. Bon, tu es là, tu discutes avec moi, c’est donc que quoi qu’aient fait les ancêtres, ce qui devait arriver est arrivé, et maintenant, eux pas plus que toi, ne peuvent plus rien y changer. Joël : Hélas, comme j’aimerais que tu ais raison. Mais je ne sais pas … Si mon ancêtre est mort au cours de ce duel, je peux pas avoir existé. Et si c’est l’ancêtre de Pierre qui meurt, Anne n’aura plus de fiancé. Depuis que j’ai lu ce journal, je suis très mal à l’aise, je ressens une grande angoisse.

Timothée : Mais enfin que crains-tu ? Tu es là et Pierre est encore vivant, c’est toi-même qui me l’a dit. C’est donc qu’aucun de vos ancêtres n’est mort. Calme-toi Joël, ce n’est qu’un délire.

Joël : Si je vois l’avenir, c’est qu’il existe un lien entre moi et les événements du futur. J’ai lu des trucs à propos du déterminisme de notre monde, des possibilités de

bifurcations de l’histoire, des ruptures de temporelles. Enfin, j’ai pas tout compris, mais j’ai peur, je sens des choses, il va se passer quelque chose, j’en suis sûr. Tu ne peux pas m’en dire un peu plus sur cet enlèvement ? Je voudrais tellement pouvoir faire quelque chose.

Timothée : Pierre a été enlevé par une bande de terroristes et ils demandent la libération d’un de leurs complices qui pourrit en prison depuis plusieurs années. Nous avons quelques pistes, nous espérons aboutir prochainement et, dans tous les cas, avant la fin de l’ultimatum.

Joël : Oui, c’est ce que j’avais déjà compris, C’est quoi vos pistes ?

Timothée : Vraiment Joël, je suis désolé, je ne peux pas t’en dire plus sans aller à l’encontre des ordres reçus.

Joël : Je crois qu’il faut que j’aille quand même voir le commissaire Vigneron.

Timothée : Encore une fois je te le déconseille, comment te le dire ? En ce moment au commissariat on est sur les dents, le commissaire il n’est pas à prendre avec des pincettes et des témoignages aussi farfelus que le tien il y en a des centaines par jour. Et il faut tout vérifier, on sait plus où donner de la tête.

Joël : Oui, mais je suis le seul à pouvoir faire quelque chose, je le sais. Il faut absolument que Charles-Henri renonce à ce stupide duel. Si Célestin voit dans le

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qu’il est le descendant de Charles-Henri … s’il sait que la vie de Pierre est menacée … s’il sait que moi aussi, je vois dans le futur,… et s’il sait que j’ai vu le lieu de détention de Pierre.

Timothée : Si, si, si …Tu vois bien, il y a trop de si, ça ne marchera jamais. Et si tu vois dans le futur, tu sais aussi comment le commissaire va te recevoir, ça ne fait aucun doute.

Joël : Tu as peut-être raison. Mais je sais aussi que si un malheur arrive à Pierre, je m’en voudrais toute ma vie de n’avoir rien tenté.

Timothée : Bien sûr que j’ai raison ! Non Joël, tu n’y es pour rien dans toute cette histoire, vraiment tu n’as rien à te reprocher. Fais confiance à la police, fais-nous confiance. Laisse-nous faire, je dois rencontrer leur complice emprisonné, celui dont ils demandent la libération. Cela permettra certainement de confirmer la piste sur laquelle nous travaillons. Mieux que ton dessin, lui va nous le dire à nous où ils se cachent les bougres»

Timothée sort

Scène 2 (Joël, Timothée)

.

Joël semble éprouver une grande fatigue. Il se masse le crâne et s’écroule dans le fauteuil.

Joël : Vous faire confiance ? Vous faire confiance … Ah ! Timothée tu me fais peur. Toi et ton commissaire, vous me faites peur.

Il ne tarde pas à s’endormir. La scène du rêve se reproduit. Une cellule. Un homme se morfond. Dehors il y a de l’orage. L’homme se lève et regarde par la fenêtre à travers les barreaux. Au-delà des murs de la prison, il y a un clocher qui sonne les heures. Un éclair illumine le ciel et frappe le clocher. L’horloge s’arrête foudroyée. Sur la droite la porte : l’œilleton s’ouvre, puis la porte. Timothée pénètre dans la cellule, la porte se referme derrière lui.

(35)

Timothée : Salut Bonhomme, je suis venu te voir. J’étais curieux de voir ta gueule d’abruti. Tes complices, ceux qui sont encore en liberté, ils nous causent beaucoup de soucis et il faut absolument que ça cesse, et rapidement ? Tu m’entends ? Il va falloir que tu nous dises où ils se cachent. C’est une question de vie ou de mort et je ne parle pas uniquement de celle de l’otage qu’ils menacent d’exécuter, si tu me comprends bien.

L’homme se tait.

Timothée : Je n’ai pas beaucoup de temps et je t’assure que je ne partirais pas d’ici sans avoir résolu le problème d’une manière ou d’une autre. Donc tu as le choix ou tu parles et tu me dis où je peux les trouver, ou bien …

L’homme continue de se taire.

Timothée : Je sens que je vais rapidement perdre patience. Je ne suis pas venu ici pour une simple visite. Tu vas me dire ce que tu sais, et tout de suite !

Timothée saisit brutalement le prisonnier par le bras et l’immobilise en lui le lui tordant dans le dos. Il lui passe les menottes contre un montant du lit et le saisit par les cheveu et le secoue.

Le prisonnier : Je ne sais pas si votre otage tient à la vie, mais moi cela ne

m’intéresse pas, vous pouvez faire ce que vous voulez, je ne parlerais pas et vous ne saurez rien.

Timothée : Ah ! Oui, tu ne parleras pas ! Ah ! Je ne saurais rien. Tu n’es qu’une ordure ! Tu ne valais pas grand-chose et pour le coup tu ne vaux plus rien. Tu es plus qu’inutile, tu es nuisible. Et les nuisibles tu sais ce qu’on en fait.

Il frappe violement la tête du prisonnier contre le mur. Celui-ci s’écroule foudroyé. Timothée se précipite vers la porte, et crie :

Timothée : Au secours ! Au secours, le prisonnier a tenté de se suicider. Vite appelez les secours ! »

Un gardien entre.

Timothée : Vite, vite, il a perdu connaissance. Remuez-vous, vous voyez pas qu’il perd son sang. Vous m’aviez pas dit qu’il était suicidaire, ce type. Je lui ai passé les

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menottes, pour l’immobiliser, justement, mais il a suffi que je détourne les yeux,

quelques secondes, pour qu’il se frappe la tête contre le mur. Bon dieu, allez chercher un médecin sans tarder. C’est un témoin précieux, il ne faut surtout pas qu’il meurt. »

Joël se réveille. Il est seul.

Joël (À lui-même): Timothée ! Toi, un assassin ? Si c’est le cas, tu as bien changé. Décidément, la police ça déforme son homme où alors c’est peut-être l’amour qui pourrait faire de toi ce criminel. Anne avait bien raison, il va falloir se méfier. De toute façon, J’ai maintenant une raison supplémentaire d’aller voir le commissaire. Le temps presse, je n’ose pas imaginer ce qu’il se passera pour Pierre, si leur complice était tué.

2

ème

Intermède (Chronodège)

Le convoi du Temps

Chronodège : « Et c’est là que tout se joue. Joël à tous les éléments en mains et il va pouvoir passer à l’action. Il peut maintenant intervenir pour brouiller l’avenir du passé, pour changer le présent. »

Scène 3 (Joël et son Père)

Le père de Joël est dans son fauteuil. Il somnole. Il relève la tête et s’adresse à son aide-ménagère qui époussette les meubles.

Le père de Joël : Françoise, la chaise s’il vous plait.

Elle hésite.

Si, si la chaise, pour mon fils, il ne devrait pas tarder. Et après vous irez lui ouvrir.

L’aide-ménagère, s’exécute d’un air désabusé. Elle pose une chaise devant le fauteuil du père de Joël et reprend son travail.

Le père de Joël : Mais enfin, Françoise, je vous ai demandé d’aller ouvrir.

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travail en laissant la porte ouverte, derrière elle. Joël entre dans son dos. Elle sursaute.

Joël : Bonjour Françoise. Je vous ai fait peur ? Désolé, mais la porte était ouverte, alors je suis entré. Bonjour Papa, tu vois je suis revenu, comme promis. Vas-tu mieux cette fois-ci ?

Le père de Joël : Oui, oui, beaucoup mieux et j’ai l’impression que ma mémoire me revient. Depuis que tu m’as dit que cet homme était vraiment coupable, je me sens beaucoup mieux. Au moins on est deux à partager mon secret.

Joël (lui tendant un dossier) : Tiens, comme promis, je t’ai apporté des coupures de journaux sur l’affaire du terroriste. Sinon, j’ai suivi ton conseil et je suis retourné au grenier, là où j’avais trouvé le tableau de nos ancêtres. Eh bien, j’ai trouvé un carnet dans lequel Célestin écrivait son journal. Il y parle d’un duel avec son ami, pour l’amour d’une femme, « la belle Angèle ».

Le père de Joël : Moi aussi j’ai gardé des vieux papiers, je crois que j’ai gardé une lettre d’Anicette adressé à un son amoureux. C’est mon père qui me l’avait remise. Ça, je m’en souviens parfaitement, il m’avait dit : « cette lettre n’est jamais partie, et Anicette la conservée secrètement, après aavoir épousé Célestin. Elle est précieuse, elle pourra peut-être te servir, à toi ou à tes enfants ». Et je n’ai jamais eu l’occasion de m’en servir, alors je l’avais un peu oubliée. Ça tombe bien finalement, comme tu sembles t’intéressé aux vieux papiers, je te la lègue comme mon père me la léguée. Joël : mais tu ne me l’avais pas dit ? Son amoureux ? C’est Célestin ? Où elle est cette lettre ?

Le père de Joël (en désignant la commode): Oh, je ne sais plus trop. Normalement elle devrait être dans le premier tiroir de la commode, c’est là que j’ai mis tous mes vieux papiers.

Joël va fouiller dans la commode. Il ouvre plusieurs lettres et finit par trouver la bonne.

Joël (en ouvrant une enveloppe jaunie par le temps): ce ne serait pas ça ? … Mais ce n’est pas Célestin à qui elle s’adresse, elle parle de Charles-Henri. Quel imbroglio cette histoire !

Il lit.

(38)

Angèle de t’épouser. Tu ne peux pas t’imaginer combien cette nouvelle m’a affectée. Je comprends mieux maintenant pourquoi tu tenais tant à ce que notre liaison reste secrète, depuis si longtemps. Tu ne m’aimes pas ! Tu t’es joué de moi, tu as joué avec mes sentiments, pour ton plaisir, sans te soucier de moi qui t’aime sincèrement.

Comment as-tu pu me faire ça ?

Non, Charles-Henri, je n’y crois pas. Je t’écris cette lettre en espérant que tu vas me dire que tout cela est faux, que c’est moi que tu aimes et pour le prouver nous allons enfin pouvoir officialiser notre amour. Rejoins-moi, mon amour, ne m’abandonnes pas, après toutes ces années, je crois que je ne pourrais pas le supporter.»

Mais alors, Charles-Henri n’a pas le droit de demander la main d’Angèle. Tout pour lui et rien pour les autres. Il est incroyable ce type ! Ils n’ont aucune raison de se battre ! Charles-Henri doit renoncer à toutes ses prétentions. Et Célestin ne l’a probablement jamais su. Il faut absolument prévenir Célestin …

Le père de Noël : Tu veux prévenir qui ? Joël : Célestin, bien sûr !

Le père de Joël : Comment ça, prévenir Célestin ? Tu débloque mon fils

Joël : tu as dit l’autre fois que tous tes rêves commençaient par une cassure. Attends … Tu as dit que tes rêves commençaient par le temps qui se casse … ou quelque chose comme ça, non ?

Le père de Joël : Oui, enfin c’était un symbole. Il faut pas prendre ça à la lettre. Joël : Que voulais-tu dire par « le temps qui se casse » ?

Le père de Joël : Oh, c’est simple, tous mes rêves prémonitoires commençaient par une montre qui se cassait. Ou du moins un truc dans ce genre. Enfin c’est ce qui m’avait frappé.

Joël (Il saisit une pendule et la lance violemment au sol et s’écrie) : Célestin ! Célestin ! Si tu m’entends, écoutes moi ! Je suis Joël, ton arrière-petit-fils. Je viens d’apprendre que Henri avait une liaison avec Anicette. Anicette aime Charles-Henri et il veut la tromper. Il n’a pas le droit de revendiquer l’amour d’Angèle, tu entends ? Célestin, Ne le laisse pas faire ! Ne te laisse pas faire …

Le père de Joël : Eh ! ça va pas mon fils ? T’es devenu dingue, qu’est-ce qui te prends à crier comme ça ? Et puis c’est malin, tu as cassé ma pendule.

Joël : J’appelle à Célestin, comme toi, comme moi, il voit le futur. Je le sais, il l’a écrit. Comme toi, je vois aussi le temps se casser au début de tous mes rêves. Alors je

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