Etude de la croissance
enhauteur du Cèdre
(Cedrus Manetti)
Utilisation d’un appareillage de
mesureautomatique
G.
AUSSENAC,
A. GRANIER P. GROSSLN.R.A., Station de
Sylviculture
et de ProductionCentre de Recherches forestières de Nancy,
Champeno
ll
x,
F 54280Seichamps
Résumé
La croissance du cèdre a été étudiée à l’aide d’un
appareillage automatique
permettantune mesure continue. Une
description
détaillée del’appareil
utilisé est donnée par les auteurs.Les mesures effectuées ont montré que la croissance en hauteur du cèdre commence
à Nancy à la fin du mois d’avril et se termine à la fin du mois de
septembre.
La croissance se
produit
d’une façongénérale
pendant la nuit, maislorsque
le tempsest couvert et pluvieux la croissance peut se poursuivre pendant la
journée.
A
partir
de mesures effectuées les auteurs ont calculé le seuil apparent devégétation (température
moyennejournalière)
qui est égal à 6,6 &dquo;C. Les auteurs montrent aussi que la durée de lapériode journalière
de croissance est d’autant plus longue que l’étathydrique
de
l’atmosphère
est élevé et que le rayonnementglobal
est faible.Les auteurs
interprètent
la croissancejournalière
en hauteur de la façon suivante :- dans le courant de la nuit il y a
croissance,
en même temps l’arbre seréhydrate,
ce
qui
se traduit par uneaugmentation
de la turgescence ;- le matin la croissance ralentit alors que l’arbre est bien
réhydraté ;
- dans la
journée
l’arbre voit son déficithydrique
augmenter. La rétraction de la pousse qui en résulte peut alors masquer la croissance en longueur au sens strict ;- en fin de
journée
la croissance reprend et compense la rétraction due à ladéshydration.
1. - Introduction
La croissance de l’arbre
peut
êtreinterprétée
comme le résultat de l’interaction entre legénotype
et les conditionsécologiques,
etparmi
elles les facteursclimatiques
et
microclimatiques.
Dans le cadre d’une étude sur lecomportement écophysiolo- gique
du Cèdre(Cedrus
atlanticaManet.),
des recherches ont étéentreprises
pourpréciser
l’influence des facteursclimatiques
sur la croissance en hauteur de cetteessence. Dans ce
domaine,
très peu de données sontdisponibles
sur cetteespèce
fréquemment
utilisée pour les reboisements enrégion
méditerranéenne.L’étude de la croissance en hauteur nécessite des mesures
périodiques.
Enconditions
naturelles,
les mesures sont leplus
souvent faites à l’échelle de la semaineou de la
journée (AussErrnc, 1975). L’auxanomètre, qui permet
d’effectuer desmesures à des échelles de
temps
inférieures àl’heure,
n’est utilisablequ’au
labo-ratoire.
Nous rapportons ici les
premiers
résultats obtenus àpartir
de mesures(1)
conti-nues effectuées à l’aide d’un
appareillage particulier,
installé en conditions naturellespendant
une saison devégétation.
Ces résultats sontcomplétés
par trois années demesures hebdomadaires.
2. - Matériel et méthodes
2.1.
Dispositif expérimental
L’étude a été réalisée dans l’Arboretum d’Amance
près
deNancy (altitude
250m),
situé sur un sol brun lessivé
qui
s’estdéveloppé
sur des marnesliasiques
couvertesde limons. Nous donnons brièvement sur le tableau 1 un certain nombre de carac-
téristiques climatiques
de cette station.L’expérimentation
a été réalisée dans unpetit peuplement
utilisé pour des étudesécophysiologiques.
Nous avons suivi le débourrement et la croissance des arbres de ceplaceau
de 1977 à1979 ;
des mesures depotentiel hydrique
ont été faites en 1976 et 1977. Les mesures de croissance en continu ont été effectuées sur un arbre dontnous donnons les
principales caractéristiques
ci-dessous :2.2. Méthode de mesure
Les
premiers
essais de mesureautomatique
ont commencé en1977,
il se sontpoursuivis
en 1978. En 1979 nous avons pu effectuer des mesures tout aulong
dela saison de
végétation.
L’appareillage qui
a été réalisé pour effectuer des mesures devaitrépondre
à uncertain nombre de
spécifications,
enparticulier :
-
possibilité
d’une utilisation en conditionsnaturelles ;
- bonne fiabilité.
(1) Etude en partie financée par la D.G.R.S.T.
Une diode électroluminescente et un
phototransistor
fixés sur un ensemblemobile forment une « barrière
» infrarouge ;
le franchissement de cette barrière par la pousse provoque l’alimentation d’un moteurqui
entraîne ledéplacement
de l’ensemble mobilejusqu’à
ce que la barrière reviennejuste
au-dessus de la pousse. Unpoten-
tiomètrecouplé
à l’ensemblepermet l’enregistrement.
Fonctionnement de la
partie électronique (figure 1)
La diode électroluminescente LED fonctionnant dans
l’infrarouge
est alimentéeen
impulsions
de durée 7 ms et depériode
118 ms par le circuitIci
monté en oscil-lateur
astable ;
le courant dans la LED est fixé à 50 mA par la résistanceR;!.
Le
phototransistor
PH(en
fait unphotodarlington)
a sa sensibilité diminuée par la résistanceR 4
pourempêcher
sonpoint
de reposd’approcher
larégion
desaturation même par fort
rayonnement
solaire. Le condensateurC 2
transmet lesvariations de tension de collecteur du
phototransistor
PH au transistorT 2 qui
a son
point
de repos fixé à 5V.Lorsque
la pousse franchit la barrièreinfrarouge,
la tension de collecteur duphototransistor
PH ne varieplus,
celle du transistorT!
reste donc à5V ;
le conden-sateur
C 6 qui
secharge
à travers la résistanceR 8 peut
atteindre la tension de bascule- ment(4V)
du monostable construit autour du circuitIc 2 .
La sortie du monostable passe alors à l’état bas et alimente le motoréducteur M par l’intermédiaire de la résistanceR 9 (cette
résistance sert à limiter l’échauffement du moteur en cas deblocage mécanique).
Quand
la barrièreinfrarouge
de l’ensemble mobile entraîné par le motoréducteur M arrivejuste
au-dessus de la pousse, lephototransistor reçoit
lesimpulsions infrarouges qu’il
transforme enimpulsions électriques envoyées
sur le transistorT!
via le conden-sateur
C 4 ; chaque
frontnégatif bloque T!
alors quechaque
frontpositif
le satureamenant ainsi le
potentiel
de l’entrée TRIGGER du monostable à une valeur inférieure à 2Vqui permet
son déclenchement : la sortie du monostable passe à l’étathaut ;
le motoréducteur cesse d’êtrealimenté,
le condensateurC 6 qui
étaitdéchargé pendant
l’état bas du monostable
peut
serecharger
à traversR,
sans que toutefois sonpotentiel puisse
atteindre la tension de basculement du monostable(4V) puisque
118 ms
après
le début de lacharge,
une nouvelleimpulsion
surT!
amènerale transistor
T : ,
à saturation etdéchargera C, ; qui
serechargera
ensuite pour unnouveau
cycle.
Le monostable reste ainsi à l’état haut
(motoréducteur
nonatimenté)
tant que la pousse ne coupe pas le faisceauinfrarouge.
Lepotentiomètre
P est directement monté en bout detige
filetée afin d’avoir une meilleureprécision : lorsque
l’ensemblemobile subit une translation de
1,25
mm(pas
de latige filetée)
lepotentiomètre
effectue une rotation. Nous utilisons en effet un modèle à
angle mécanique
infini(3435 BOURNS).
Laplage
morteélectrique
est de10°,
soit une erreur de35 X 10-:) mm
(pour
le pas de latige
filetéeconsidérée)
dans cette zone morte.La linéarité du
potentiomètre
est de0,5
p.100,
cequi correspond
à une erreurde 6 X 10-3 mm.
L’ensemble
mécanique
est réalisé en acierinoxydable
dont le coefficient de dila- tation linéaire avoisine 17 X 10-6 IC-1 : pour une hauteur moyenne de l’ensemble mobile de 200 mm et pour une variation detempérature
de 10 °C l’erreur absolue est donc de 34 X10- 3 ,
cequi
donne 40 X 10-:) mm d’erreur absolue totale dans les conditions d’utilisation courante.3. - Résultats
3.1. Evolution
journalière
et saisonnière de la croissanceLa
figure
2représente
pour lapériode
du I 1 /05 au 20/07/79 l’évolutionjournalière
de la croissance en hauteur. On note un maximum de croissance du 20 au 21juin.
Ledébourrement,
mesuré par la date du stadephénologique b,,, 5 (AussErrnc, 1975)
a eu lieu le7/05/79,
et la date d’arrêt de la croissance le 30/09/79.Des mesures effectuées les années
précédentes indiquent
d’unepart
que le débourre- ment de cetteespèce
a lieu en moyenne à la fin du mois d’avril et que d’autre part l’arrêt de la croissance se situe en moyenne dans la dernièrequinzaine
du moisde
septembre.
Dans les conditions
climatiques
d’Amance(AussENAc
etal., 1981,
tableau1),
le cèdre a une
période
de croissancelongue
et si on la compare à celle dudouglas :
106
jours,
dusapin pectiné :
55jours,
et del’épicéa :
50jours (A USSENAC , 1975).
D’une
façon générale,
la croissance a lieu enphase
nocturne(figure 3) ;
cepen-dant la durée de la croissance
peut
êtreplus
ou moinslongue,
et dans certains caselle
peut
sepoursuivre
sans arrêtpendant
deuxjours
consécutifs. Lesfigures
4 et 5donnent l’évolution de la croissance pour deux types de
journées :
- temps couvert et
pluvieux : figure
4(humidité
relativeforte, rayonnement global faible).
L’arbre apoussé
defaçon continue,
mais sa croissance a étéplus
fortedurant la
nuit ;
- beau temps :
figure
5(humidité
relativefaible, rayonnement global fort).
L’examen de cet
exemple
montre que laplus grande partie
de la croissance de l’arbre s’estproduite
enpériode
nocturne. Les seuils d’humidité relative et de rayonnementglobal correspondant
au début et à l’arrêt de la croissance sont différents :- #
--
! !---! !-=
3.2. Relation entre la croissance et la
température
La
figure
2 montrequ’il
y a une relation entre l’accroissementjournalier
et latempérature
moyennependant
cettepériode
de croissance. Nous avonsreprésenté
sur la
figure
6 la relation entre latempérature
moyennejournalière (de
12 heures à 12heures)
et le coefficient de croissance K défini àpartir
del’équation
deR
OBERTSON
(1908)
de lafaçon
suivante :1 AI
où 1
désigne
lalongueur
de la pousse autemps
t, L lalongueur
atteinte en fin decroissance,
AI
l’accroissementpendant
une duréeOt.
Il est alors
possible
de calculer latempérature
pourlaquelle
K =0 ;
ce seuilest
égal
à6,6
°C. Nous avons aussi étudié la relation entre K et latempérature
moyenne de la
période
où il y a véritablementcroissance,
parexemple
de 18 heures à 6 heures pour lapériode
du 20 au 21juin
1979. On obtient alorsl’équation
K =
0,013 0
- 0.069 avec r =0,76.
Nous considérerons que le seuil de
végétation apparent
du cèdre est de6,6 °C,
pour la
température
moyennejournalière.
3.3. Relation avec le rayonnement
global
et l’humidité relativeL’examen de l’évolution de la croissance chez le cèdre au cours de la saison de
végétation indiquait (voir § 3-1) qu’il
y avaitprobablement
une corrélation entre la durée de la croissance et certainescaractéristiques climatiques : rayonnement global
et humidité de l’air. Une étude de corrélation
multiple
a faitapparaître
la corrélation : T =693,1
-0,19
RG +6,54
HR(R 2 = 0,45)
Il
apparaît
ainsi que la durée de lapériode
de croissance(à
l’échellejournalière)
est corrélée
négativement
avec le rayonnementglobal
etpositivement
avec l’humiditérelative,
cequi indique
que la durée de lapériode
de croissance est d’autantplus longue
que l’étathydrique
del’atmosphère
est élevé.3.4. Etude des sommes de
température
Si l’on effectue la somme de
température (au-dessus
du seuilapparent
de6,6 °C,
endegrés-jour),
nous constatons que pour les trois années de mesure1977, 1978, 1979,
la croissance en hauteur s’est terminée pour des sommes voisines de 1 300degrés-jour.
Il faut remarquer que cette sommecorrespond
en moyenne(à Amance)
aux mois demai, juin, juillet,
août etseptembre,
c’est-à-dire à la totalité de la saison devégétation.
Il semble par ailleurs que chez le
cèdre,
il existeplusieurs poussées
de crois-sance successives sans
qu’il
soitquestion
ici de pousses différentes(comme
les pousses d’août parexemple).
C’est ce que nous pouvons constater sur lafigure
7qui
donne l’évolution de lalongueur
en fonction de la somme detempérature.
4. - Discussion et conclusion
La croissance en hauteur du cèdre se
produit
d’unefaçon générale
enphase
nocturne. Nous avons vu que les seuils de début et d’arrêt de la croissance étaient différents tant pour le
rayonnement global
que pour l’humidité relative.Or,
nousreportons
sur lafigure
8 l’évolutiontypique
dupotentiel hydrique ( * )
de rameauxde cèdres pour une belle
journée
lors d’unepériode
de sécheresse moyenne. Le début de la croissancecorrespond
à unpotentiel
de sève de - 10 bars et l’arrêt à-
2,5
bars environ. On peut alorsinterpréter
lephénomène
de croissance de lafaçon
suivante : -.- dans le courant de la nuit il y a croissance en
hauteur ;
dans le mêmetemps
l’arbre seréhydrate,
cequi
se traduit par uneaugmentation
de la turgescence ;- le
matin,
la croissance ralentit alors que l’arbre est bienréhydraté.
Dansla
journée,
l’arbre voit seséchanges transpiratoires augmenter
cequi
conduit à unedéshydratation,
donc à une rétraction de la pousse.F EELDING ,
1955 etW OORRALL , 1973,
ont pu observer cephénomène
de rétraction chezplusieurs
essences.Le fait que la croissance reprenne alors que l’arbre ne s’est pas entièrement
réhydraté peut
êtreinterprété
comme la résultante de deuxphénomènes
de naturedifférente : d’une
part
il y a rétraction dans le courant de lajournée (par
diminutionde la
turgescence),
et d’autrepart
il y a croissance au sens strict du terme. En fin dejournée
cette croissance arrive à compenser la rétraction.Plusieurs auteurs
(K IENHOLZ ,
1934 pourplusieurs conifères, WoRRnLt,,
1973pour
l’épicéa)
ont aussi montré que la croissancejournalière
était faible parrapport
à la croissance nocturne.Lorsque
la diminution deturgescence
est faible(cas
de lafigure 4),
la croissance estsupérieure
à la rétraction. Dans ce cas, la somme des deuxphénomènes
estpositive
et il y a alors une croissance mesurable. Nous avons schéma- tisé l’évolution des différentescomposantes
de lalongueur
de la pousse sur lafigure
9.Longueur
(
*
) Mesuré par la pression de sève suivant la méthode de la bombe de SCHOLLANDER.
Notre
appareillage
nepermet
de mesurer que des variationspositives
de lalongueur
de laflèche ;
il n’est paspossible
de suivre les rétractions de la poussecomme ont
essayé
de le faire MILNE etal.,
1977. Cette solution a été choisie poursimplifier
ledépouillement
des mesures.Le seuil
apparent
devégétation
trouvé pour le cèdre :6,6
&dquo;C(température
moyenne
journalière)
doit êtrerapproché
de celui trouvé pour d’autresespèces
résineuses : Abies alba :
5,2 °C,
Abies nordmanniana :6,2 °C,
Picea abies :4,1 °C, Pseudotsuga
menzie.rü :5,8
°C(A USSENAC , 1975).
Bien quemontagnard
dans son airenaturelle le cèdre
apparaît
ici commeplus thermophile
que lesespèces
citéesprécé-
demrnent.
La croissance du cèdre peut être relativement
longue
si on la compare à celle d’autresrésineux,
lesapin
parexemple.
Certains auteurs ont admis l’idée que l’arrêtprécoce
de la croissance en hauteur était uneadaptation
pour résister à la sécheresse(BOUVAREL, 1961).
En cequi
concerne le cèdre il ne semble pas que cela soit le caspuisque
lapériode
de croissance peut aller de mai à fin octobre. Il estprobable
que dans lesrégions
à sécheresse estivalemarquée,
lapériode
de croissancepuisse
êtreréduite comme le laissent supposer certaines
expérimentations
en cours. Onpeut également
penser que dans cesrégions
si les conditions d’alimentation en eau sontsatisfaisantes,
la croissancepeut
seprolonger
au-delà des 1 300degrés jours
quenous avons calculés ici. Des mesures de date d’arrêt de
végétation
effectuées dans le midi de la France(P R nunr., 1979)
rendent vraisemblable cetteinterprétation.
Reçu
pourpublicatior
en août 1980.Summary
Study of height growth of
Cedar(Cedrus
atlanticaManetti).
Use
of
an automaticequipment
Height growth
of Cedar has been studiedby
means of an automaticequipment
allowing continuous recording. Its detaileddescription
isgiven
by the authors.The measurements have shown that
height
growth of Cedar in Nancy starts at the end ofApril
and stops at the end ofSeptember.
The
growth generally
occurs atnight,
but in overcastsky
and wet weather conditionsthe
growth
may continue all day long.From these measurements, an apparent
vegetation
threshold (meandaily
temperature) has been calculated : it isequal
to 6.6 &dquo;C. The authors havepointed
out that the length of thedaily growing period
increases withatmospheric humidity
and decreases with global radiation.An
explanation
ofdaily growth phenomenon
is thengiven :
- at night the terminal shoot grows, while the tree
progressively
getsrehydrated bringing
about an increase of its turgescence ;- at sunrise the
growth
decreases as the tree is wellhydrated ;
-
during
theday,
the water deficit of the tree increases. Theshrinkage
of the shootexceeds its
growth ;
- at the end of the day, the shoot
growth
makes up for theshrinkage.
Références
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