J.-P. BARLET,
M.-J.DAVICCO,
V. COXAM
INRA Laboratoire Croissance
et Métabolismes des Herbivores Theix 63122 Saint Genès
Champanelle
Croissance osseuse au cours des
périodes foetale et
néonatale : rôle du
peptide apparenté
à l’hormone
parathyroïdienne
La croissance
osseusefoetale et néonatale conditionne
engrande partie
le format adulte et, ainsi, les potentialités ultérieures d’un animal. Sa
régulation pose
encorede nombreux problèmes,
enparticulier chez les
ruminants domestiques. Quels sont les facteurs endocriniens contrôlant les transferts placentaires de calcium et de phosphore ?
Comment est régulée l’absorption intestinale des minéraux du lait chez le nouveau-né ? La découverte récente (1988) du peptide apparenté à l’hormone parathyroïdienne, responsable de
l’hypercalcémie associée à certaines formes de cancers, et la mise
enévidence de certains de
sesrôles physiologiques permettent de répondre à bon nombre de
cesquestions.
Chez les
mammifères,
larégulation
endo-crinienne des métabolismes
phospho-calcique
et osseux est essentiellement assurée par les hormones
calciotropes.
Le1,25-dihydroxycho-
lécalciférol
(1,25-(OH)2 D3),
métabolite actif de la vitamineD3,
stimulel’absorption
intes-tinale du calcium et du
phosphore,
et la miné-ralisation osseuse. La calcitonine
(CT),
pep- tide sécrété par les cellulesparafolliculaires thyroïdiennes,
inhibe larésorption
osseuse et module les transfertscalciques placentaires,
évitant ainsi une déminéralisation excessive du
squelette
de la femellegestante
et/ou allaitante. L’inhibition de larésorption
osseuse induite par la CT résulte de l’induc- tion de la rétraction et de la
quiescence
ostéo-clastiques (Weryha
et Leclère1995).
L’hor-mone
parathyroïdienne (PTH), antagoniste
de la CT au niveau osseux,
agit
ensynergie
avec celle-ci au niveau rénal : l’une et l’autre induisent une
phosphaturie
en diminuant laréabsorption
tubulaire desphosphates.
Si la1,25 -(OH)2
D3peut
stimuler les transfertscalciques placentaires (Ross
et al1980)
et lasécrétion mammaire de calcium
(Roux
et al1979),
les hormonespeptidiques (PTH
etCT)
ne semblent pas
jouer
un rôleimportant
auniveau mammaire où l’une et l’autre s’avè- rent
incapables
de modifier lacomposition
minérale du lait(Munson 1955,
Barlet1974).
Chez
l’animal,
laparathyroïdectomie
entraîne une baisse de la calcémie et une élé- vation de la
phosphatémie.
Cette dernière résulte des effets rénaux del’hormone, l’hypo-
calcémie
provenant
d’un ralentissement de l’activitéostéoclastique (Parsons 1976).
Résumé
-Le peptide apparenté à l’hormone
parathyroïdienne
(PTHrP) joue un rôle impor-tant dans la régulation de la croissance osseuse foetale et néonatale. Chez la femelle gestante et/ou allaitante, l’hormone sécrétée par les parathyroïdes foetales, les membranes placentaires et/ou la
glande
mammaire en lactation, sti-mule les transferts calciques placentaires, module la tonicité utérine en fonction de la taille du (ou des) foetus, contrôle le débit artériel mammaire et la teneur du lait en calcium et en
phosphore.
Chez le nouveau-né, le PTHrP apporté par le laitpourrait intervenir dans la régulation de la motricité intestinale et de
l’absorp-
tion intestinale du calcium et du phosphore.
Un
syndrome particulier, désigné
sous lenom
d’hypercalcémie
humoralemaligne,
estassociée à certains cancers humains ou
canins. Chez les
patients
humains ou ani-maux, les
paramètres biochimiques sanguins évoquent
unehyperparathyroïdie : hypercal- cémie, hypophosphatémie, augmentation
dela
résorption
osseuse et de l’excrétion uri- naire d’AMPcyclique (AMPc). Néanmoins,
chez ces
individus,
les concentrationsplasma- tiques
dePTH,
évaluées pardosage
radioim-munologique
sont faibles et l’étudecytophy- siologique
desparathyroïdes
d’animauxatteints révèle leur inactivité
(Rosol
etCapen
1988). Ceci
indique qu’un
facteurd’origine extraparathyroïdienne,
maisayant
des effetsbiologiques analogues
à ceux dePTH,
dont il diffère dupoint
de vueimmunologique,
estprésent
chez cespatients.
Un
peptide ayant
les mêmes effets biolo-giques
que PTH a effectivement été isolé deces tumeurs
(Moseley
et al1987,
Broadus etal
1988).
Il a étéappelé
« PTH-relatedPep-
tide
» (PTHrP).
1 / Biochimie du peptide apparenté à l’hormone parathyroïdienne
Le
gène responsable
de lasynthèse
duPTHrP a été isolé et cloné. Chez
l’homme,
ilest localisé sur le bras court du chromosome 11. Plusieurs formes d’ARNm résultant
d’épissages
alternatifs ont été décrites et codent pour troisséquences
de PTHrP diffé- rant par leur extrémité C-terminale : PTHrP(1-139),
PTHrP(1-141),
et PTHrP (1-173)(figure 1),
laséquence
(1-139) étant la même dans les trois formes.Actuellement,
seulesles
séquences
aminées du PTHrP de l’Hom-me, de la
souris,
du rat et dupoulet
sontconnues.
Huit des treize
premiers
acides aminés N- terminaux du PTHrP sontidentiques
à ceuxde la même
séquence
de la PTH. Cette simili- tudeexplique
lacapacité
de ces deux molé-cules à
réagir
avec le mêmerécepteur
dont legène
a été cloné et la structure déterminée(Jüppner
et al 1991). Lesséquences synthé- tiques
humaines(1-34), (1-141)
et(1-173)
pos- sèdent la même activitébiologique
que laséquence (1-34)
de la PTH humaine dans lesdosages biologiques
in vitro(activation
del’adényl-cyclase
des cellulesrénales)
ou in vivo(hypercalcémie induite)
(Burtis1992).
Cependant,
les formes circulantes sontencore
inconnues,
chez l’homme comme chez l’animal. Dans les conditionsphysiologiques normales,
les concentrationsplasmatiques
sont très faibles et difficilement mesurables par
dosage radioimmunologique (RIA).
Chezla brebis
gestante,
elles sontgénéralement plus
élevées dans leplasma
foetal que dans leplasma
maternel(Ratcliffe
etal 1993).
Le
peptide joue
un rôle fondamental dans larégulation
du métabolismecalcique
de lafemelle
gestante
et/ou allaitante et dans celle de la croissance foetale et néonatale.2 / PTHrP et croissance foetale
Bien que l’existence du PTHrP ait pu être démontrée seulement
grâce
ausyndrome d’hypercalcémie
humoralemaligne,
legène
codant pour ce
peptide s’exprime
normale-ment au niveau d’un
grand
nombre de tissus tels que la peau(kératinocytes),
la moelleosseuse, le
foie,
la muqueusegastrique,
lescellules musculaires lisses
gastro-intesti- nales,
utérines et vasculaires. Cegène
s’ex-prime également
au niveau desparathyroïdes foetales,
et PTHrPpourrait
être une véritable« PTH foetale » intervenant en
particulier
dans la
régulation
des transfertscalciques
placentaires.
2.i / PTHrP et transferts
calciques placentaires
Les
ruminants,
et enparticulier
labrebis,
constituent un modèle très intéressant pour l’étude des transferts
placentaires
de calcium.En
effet,
chez ceux-ciqui possèdent
unpla-
centa
mésochorial,
les transfertscalciques placentaires peuvent
être considérés commeunidirectionnels dans le sens
mère-foetus,
laquantité
de calcium revenant dans le sens foetus-mèrereprésentant
moins de 1 % de celle transférée dans l’autre sens(Braithwaite
et al1970).
Chez les
ruminants,
comme chez les autresmammifères,
il existe ungradient calcique
materno-foetal
positif.
Bien que très activespendant
lagestation,
lesparathyroïdes
maternelles ne sont pas
responsables
de cegradient puisqu’il
n’est pas modifié par leur ablation. Parcontre,
ildisparaît après
para-thyroïdectomie
foetale. Il nepeut
être que trèspartiellement
restauré parinjection
de1,25-dihydroxycalciférol
et/ou de PTH aufoetus,
mais il l’est totalementaprès
adminis-tration à celui-ci d’un extrait de ses
parathy-
roïdes. Les concentrations
plasmatiques
foetales de PTH sont
pratiquement
indétec- tables parRIA,
alorsqu’elles
sontsupé-
rieures aux concentrations maternelles lors-
qu’elles
sont évaluées pardosage biologique (cf
revues de Garel1987,
Care1991,
Silve1991).
L’ensemble de ces résultatsindique qu’un
facteurayant
des effetsbiologiques analogues
à ceux dePTH,
dont il diffère dupoint
de vueimmunologique,
estprésent
dans les
parathyroïdes
foetales.Les
parathyroïdes
du foetus ovin sécrètentun
peptide ayant
une activitébiologique
ana-logue
à celle dePTH,
mais despropriétés immunologiques
différentes(Rodda
et al1988).
Dans lesparathyroïdes
foetales ovineset
bovines,
comme dans les membranespla-
centaires
ovines, bovines, porcines
ethumaines,
ledosage
RIA a confirmé lapré-
sence d’une molécule
immunologiquement identique
au PTHrP extrait des cellules tumorales(Abbas
et al1990).
Selon Care et al
(1990)
lapartie
médianede PTHrP serait
responsable
de la stimula- tion du transfertcalcique placentaire,
mesurépar
perfusion
in situ duplacenta
ovinaprès
enlèvement du foetuspréalablement parathy-
roïdectomisé. Par ordre
croissant,
lesfrag-
ments
(75-84), (75-86)
et(67-86)
dupeptide synthétique
humain seraient lesplus
actifs.Ils
agiraient
sur unrécepteur placentaire particulier,
différent durécepteur
PTH/PTHrP dont le
gène s’exprime pourtant
au niveau
placentaire (Urena
et al1993).
Nous avons
cependant
démontré(Barlet
et al1990)
que lefragment synthétique (1-34)
de l’hormone humainepouvait
stimuler directe-ment et/ou indirectement
(par
stimulation de lasynthèse
de1,25-dihydroxycholécalciférol)
les transferts
calciques placentaires
chez labrebis
gestante (tableau 1).
Cet effetpeut
même s’observer avec de très faibles dosesd’hormone,
ne modifiant ni la calcémie ni laphosphatémie
foetale(Barlet
et al1992b).
Lesdifférences entre nos résultats et ceux de Care et al
(1990) s’expliquent,
au moins par-tiellement,
par la dissemblance desprotocoles expérimentaux : perfusion pendant quelques
heures du
placenta in
situ pour cedernier, injection
d’hormone trois fois parjour
pen- dant 10jours
au foetus cathétériséchronique-
ment in utero en ce
qui
nous concerne.L’effet du PTHrP sur les transferts de cal- cium ne semble d’ailleurs pas se limiter au
placenta :
chez lepoulet,
legène
de cepeptide s’exprime
au niveau des membranesvitelline, amniotique
etallantoïdienne, impliquées
dans les
transports
de minéraux vers l’em-bryon (Schermer
et al1991). L’importance
durôle de cette hormone dans la
régulation
deces transferts
calciques placentaires
a étérécemment mise en évidence par
Kronenberg (1993) qui,
en inactivant legène
codant pour PTHrP chezl’embryon
desouris,
provoque la mort de tous lesnouveau-nés,
mort occasion-née par des difficultés
respiratoires
résultantdes déformations
thoraciques
ainsi induites.Nous n’avons pas réussi à mettre en évi- dence un effet du
peptide
sur les transfertsplacentaires
dephosphate
chez la brebis(Barlet
et al1994).
Mais le rôle de PTHrP dans larégulation
de la croissance foetale ne se limite pas à ses effets au niveau dupla-
centa : PTHrP
agit également
au niveau de lamusculature utérine.
2.
2 / PTHrP et tonicité utérine
Comme PTH
(Pang
et al1981),
PTHrPinhibe les contractions utérines induites
expérimentalement
in vitro(Shew
et al1991,
Dalle et al
1992).
Les ARNms du PTHrP sontprésents
dans les cellules musculaires lisses utérines de la rattegestante,
où leurquantité
en fin de
gestation
estproportionnelle
à lataille de la
portée (Thiede
et al1990).
La ten-sion induite au niveau du
myomètre
par laprésence
des foetus sembleréguler l’expres-
sion des
ARNms, puisque
l’introduction d’un ballonnetplus
ou moinsgonflé
dans la corneutérine d’une ratte
gestante
chezlaquelle
lesfoetus sont seulement
présents
dans l’autrecorne, induit
l’apparition
des ARNms dans lapremière, proportionnellement
à lapression
de
gonflage.
Il en est de même si le ballonnet estplacé
dans l’utérus d’une femellevierge (Daifotis
et al1992).
L’ovariectomie de la ratte réduit considérablementl’expression
desARNms utérins du
PTHrP, l’injection
d’oestra-diol (4 à 400
mg/kg
depoids vif)
lesmultiplie
par un facteur de 6 à
8,
deux heuresaprès
traitement
(Paspaliaris
et al 1992). Dans l’es-pèce humaine,
les ARNms du PTHrP ontéga-
lement été identifiés dans lemyomètre,
lepla- centa,
le chorion et l’amnios. Les concentrations dupeptide
mesurées dans leliquide amniotique (21
± 6pM
à 16 semaines et 41 ± 9pM
à 38semaines)
sontsupérieures
à celles mesurées chez les
patients
souffrantd’hypercalcémie
humoralemaligne.
Elles s’ef- fondrent àl’accouchement,
au moment de larupture
desenveloppes,
mettant ainsi en évi-dence un rôle
probable
dupeptide
dans lemaintien de la
quiescence
utérine au cours dela grossesse et dans
l’expulsion
du foetus aucours du travail
(Ferguson
etal 1992).
Ces effets du PTHrP aux niveaux
placen-
taire et utérin se retrouvent au niveau de la
glande coquillère
et des cellules utérines au cours ducycle
de formation de l’oeuf chez lapoule (Thiede
etal 1991).
Ainsi,
la distension utérineproduite
par la croissance du(ou des)
foetusaugmenterait
laproduction
de PTHrPqui agirait
localement(par
voieautocrine/paracrine)
pour induireun relâchement de la musculature utérine
permettant
au foetus de sedévelopper
norma-lement.
2.
3 / PTHrP et débit sanguin
ombilical
La tension des cellules musculaires lisses des
parois
artérielles varie en fonction deschangements
depression intravasculaire,
de telle sorte que le flux artériel reste relative- ment constantmalgré
les modifications locales depression.
Ces mécanismes d’auto-régulation
font intervenir laréponse
contrac-tile de la cellule musculaire lisse à l’étire- ment. Celui-ci provoque la
dépolarisation cellulaire,
induisant l’activation des canauxcalciques voltage-dépendants.
L’influx cal-cique
déclenché par ces derniers provoqueune
augmentation
de la concentration intra- cellulaire des ionsCa2’, qui
se fixent sur unesous-unité
protéique,
lacalmoduline, qui
faitpartie
d’unsystème enzymatique plus
com-plexe,
la MLCK(Myosin Light
ChainKinase).
Cesystème enzymatique,
activé parles ions
Ca!, permet
laphosphorylation
de lamyosine qui,
enprésence d’actine,
d’ionsMgz’
et
d’ATP,
est alorscapable
de se fixer sur l’ac-tine et
d’hydrolyser
l’ATP. Cettehydrolyse
fournit
l’énergie
nécessaire à la déformation des filaments demyosine. Lorsque
la concen-tration intracellulaire des ions Ca2+ est infé- rieure à
10-’M,
la MLCK devient inactive etun autre
système enzymatique,
la MLCP(Myosin Light
ChainPhosphatase), indépen-
dant de Ca2+ et
toujours actif, supprime
lesgroupements phosphates
des chaîneslégères
de
myosine.
Enprésence
d’ATP la tête demyosine
se détache des filaments d’actine. Lecycle
excitation-contractions’interrompt
etprovoque le relâchement musculaire
(figure 2) (Fréminet
et al1993).
Il a été démontré
depuis longtemps
que PTH était dotée depropriétés hypotensives (Charbon
et al1968), indépendantes
de soneffet
hypercalcémiant (Pang
et al1980).
L’ARNm de PTHrP
s’exprime
dans les cel-lules musculaires lisses des vaisseaux san-
guins (Thiede
et al1992),
et cetteexpression
est
potentialisée
par tout étirement subi par lacellule,
ou par les vasoconstricteurs tels quel’angiotensine
(Pirola et al1993).
PTHrPexerce
également
un effet vasorelaxant auniveau des artères rénales
(Winquist
et al1987),
en stimulant lasynthèse
demonoxyde
d’azote à
partir
del’arginine (Simeoni
et al1994).
Lepeptide
estproduit
par les cellules endothéliales des veines ombilicales humaines au niveaudesquelles
nes’exprime
pas l’ARNm du
récepteur
PTH/PTHrPqui,
enrevanche,
estprésent
au niveau des cellules musculaires lisses de ces vaisseaux. Le PTHrPsynthétisé
par les cellules vasculaires ombilicalespeut
donc ainsi favoriser la crois-sance du
système
vasculairefoeto-placentaire (Rian
et al1994).
Ilpeut également
contrôlerle débit
sanguin
ombilical en modulant les effets vasoconstricteurs de l’endothéline auniveau des artères et des veines ombilicales
(Ferguson
et al1994).
La résultante de ceseffets va donc être une
augmentation
dudébit
sanguin irriguant
l’unitéfoeto-placen-
taire.
Ainsi,
enrégulant
les transfertscalciques placentaires,
la tonicité du muscle lisse uté- rin et le débitsanguin ombilical,
PTHrPsemble
jouer
un rôle trèsimportant
dans larégulation
de la croissance foetale. Mais les effets du PTHrP « facteur de croissance » ne se limitent pas à lapériode
foetale. Ils s’éten- dentégalement
à lapériode néonatale,
car cepeptide
intervient aussi dans larégulation
dufonctionnement de la
glande
mammaire dont laproduction laitière,
dans les conditionsphysiologiques naturelles,
conditionne la croissance du nouveau-né.3 / PTHrP et croissance néonatale
Les effets vasorelaxants du PTHrP ont été démontrés au niveau
pulmonaire (Crass
etScarpace 1993),
rénal(Simeoni
et al1994)
et ombilical(Ferguson
et al1994).
Ils ne sontpas restreints à ces trois territoires et se
manifestent
également
au niveau des artèresmammaires.
3.i / Production de PTHrP par la
glande mammaire
Thiede et Rodan
(1988)
ont démontré que l’ARNm du PTHrPs’exprime
au niveau de laglande
mammaire de la ratte en lactation. Latétée,
en induisant une élévation de laprolac- tinémie, augmente
les ARNms tissulaires du PTHrP. Eneffet,
uneinjection
deprolactine
àla ratte en lactation
produit
les mêmes effetsque la
tétée,
effets inhibés par labromocrip-
tine
(Thiede
1989). Les cellulesépithéliales
mammaires humaines
(Sebag
et al1994)
etbovines
(Rosol
et al1994)
cultivées in vitroproduisent
du PTHrP IGF-1 et EGF(Epider-
mal Growth
Factor)
stimulent cetteproduc- tion, qui
est freinée par la cortisone ou le1,25-dihydroxycholécalciférol.
Budayr
et al(1989)
et Thurston et al(1990)
furent les
premiers
à mettre en évidence lesconcentrations élevées en PTHrP dans le lait
(nanomolaires)
parrapport
à celles(picomo- laires)
dans leplasma sanguin,
aussi biendans
l’espèce
humaine que chez le porc, le rat et chez divers ruminants(vache, chèvre,
buf-flonne).
Ceci démontrequ’une partie impor-
tante du PTHrP
produit
par laglande
mam-maire passe dans le
lait, grâce auquel
ilpeut
arriverjusqu’au
nouveau-né(Goff et
al1991,
Ratcliffe et al
1993).
Néanmoins,
chez la chèvre(Ratcliffe
et al1992)
comme chez la vache(Barlet
et al1993),
au moment de la traite ou de latétée,
les concentrations de PTHrP dans les veines mammairesaugmentent considérablement,
ainsi que le
gradient
hormonal entre veineset artères
mammaires,
démontrant ainsiqu’une partie
du PTHrPproduit
par laglande
mammaire passe dans le sang et pourra alorsagir
par voiesystémique.
Deplus,
PTHrP stimule laproduction
d’AMPcpar les cellules
myoépithéliales
mammaires(Sebag
et al1994) :
ilpourrait
doncparticiper
au contrôle du
stockage
et del’éjection
du lait(Ferrari
et al1993).
3.
2 / PTHrP et débit artériel mammaire
L’ARNm du PTHrP
s’exprime
au niveau dela
paroi
de l’artèreinguinale
de la ratte enlactation,
et cetteexpression
est stimulée par latétée,
ou parl’injection
deprolactine
chezla femelle non lactante
(Thiede
et al1992).
Chez la brebis et chez la
chèvre, l’injection
de PTHrP dans une artère mammaire en
augmente
le débit(Davicco
et al1993, Thompson 1993,
Prosser et al1994).
L’endo- théline humaine diminuecelui-ci,
mais cette diminutionpeut
êtrecomplètement
inhibéepar le PTHrP
(Davicco
et al1993, figure 3).
Ilpourrait
nes’agir
que d’un effetpharmacolo- gique puisque
les doses de PTHrP nécessaires pour l’observer chez la chèvrecorrespondent
à des concentrations artérielles de 40
pmol/1,
alors que celles mesurées 7
jours après partu-
rition dans une veine mammaire nedépas-
sent pas
1,2 pmol/1. Cependant,
les concentra-tions du lait en
PTHrP,
de l’ordre de 8 x 10-9 Mchez cet
animal,
sont suffisantes pour exercer un effet vasodilatateur(Thompson 1993).
Cet effet vasodilatateur du PTHrP au
niveau des artères mammaires
pourrait
d’ailleursexpliquer partiellement
l’influence de cepeptide
sur la teneur du lait en miné-raux.
3.
3 / PTHrP et minéraux du lait
PTHrP est
impliqué
à deux niveaux dans la teneur du lait en calcium et enphosphore.
D’une
part
il contrôle larésorption
osseuseobservée chez la femelle en lactation. D’autre
part,
il stimule l’excrétion de ces minéraux auniveau de la mamelle.
a / PTHrP et
résorption
osseuse chezla
femelle
en lactationPendant la
lactation,
chez les ruminantsdomestiques
comme chez laratte, l’augmen-
tation de
l’absorption calcique
intestinale estinsuffisante pour fournir la totalité du cal- cium excrété au niveau de la
glande
mam-maire : une fraction
plus
ou moinsimpor-
tante de celui-ci
provient
alors dusquelette (cf
revue Garel 1987). Cetterésorption
osseuse associée à la lactation
(Braithwaite
et al1970), qui
survientégalement
chez l’ani- malparathyroïdectomisé (Garner
et al1990,
Hodnett et al
1992)
nedépend
pas de PTH.Brommage
et De Luca(1985)
avaient émisl’hypothèse
selonlaquelle
lepeptide produit
au cours de
l’hypercalcémie
humoralemaligne pourrait
être normalementproduit
par la
glande mammaire,
et serait alors res-ponsable
de cetterésorption
accrue. Lesmécanismes d’action du PTHrP au niveau
squelettique
ont été décrits(cf
revue de Rouf- fet et Barlet1995).
Bien que
l’injection
s. c.d’anticorps
anti-PTHrP humain à des souris allaitantes n’ait
eu d’influence ni sur la teneur de leur lait en
minéraux ni sur la
régulation
de leur métabo- lismephospho-calcique (Melton
et al1990),
chez la
ratte,
les concentrationsplasmatiques
de PTHrP s’élèvent au moment du déclenche- ment de la lactation
(Miller
et al1991), lorsque
larésorption
osseuse est maximale(Miller
1991). ).Ainsi,
les minérauxprovenant
de larésorp-
tion osseuse
accélérée,
et del’absorption intestinale,
sont véhiculés au niveau de lamamelle,
où PTHrP intervientégalement
pour moduler leur excrétion.
b / PTHrP et teneur du lait en
calcium et en
phosphore
Les études réalisées ont montré
qu’il
exis-tait chez les bovins une corrélation
positive
entre les teneurs du lait en calcium et en
PTHrP.
Ainsi,
le lait des vachesJersiaises, plus
riche en calcium que celui desHolstein, présente également
une teneursupérieure
enPTHrP
(Law
et al 1991). Cette corrélation nese retrouve toutefois pas chez la ratte
(Yama-
moto et al
1992),
chezqui
la teneur du lait enPTHrP
augmente
au cours de la lactation alors que celle du calcium reste constante(Rakopoulos
et al 1992). ).PTHrP stimulant les transferts de calcium
au niveau du
placenta (Barlet
et al1990),
nous avons étudié son éventuel effet sur ces
transferts au niveau de la mamelle : les
frag-
ments
synthétiques (1-34)
et(1-86)
du PTHrPhumain, perfusés
par voie intraveineuse à la chèvre en début delactation, augmentent
lateneur du lait en calcium et en
phosphore (Barlet
et al 1992a).Stimulant les transferts de calcium succes-
sivement au niveau
placentaire
et mam-maire,
le PTHrPpourrait
donc favoriser la nutrition minérale dunouveau-né,
comme il le fait pour celle du foetus.Mais,
pour vérita- blementoptimiser
la nutritionphospho-cal- cique
dunouveau-né,
celui-ci doit être enoutre
capable
d’utiliser convenablement les minérauxqui
lui sontapportés.
Le PTHrPfourni par le lait
pourrait
doncégalement
exercer un contrôle sur la motricité
gastro-
intestinale et surl’absorption
du calcium et duphosphore.
3.
4 / PTHrp
et tractusdigestif du
nouveau-né
a / Motricité
digestive
Les effets du PTHrP concernant la cellule musculaire lisse s’exercent non seulement au
niveau de la
paroi
des vaisseauxsanguins
oude
l’utérus,
maiségalement
au niveau descellules de la
paroi gastro-intestinale.
PTHrP provoque le relâchement des
parois
gastriques
et intestinales du porc et du rat(Mok
et al1989).
Alors que lesfragments (1-16)
ou(7-34)
du PTHrPsynthétique
humain sont
dépourvus d’effet,
lefragment (1-34)
inhibe les contractions induites par lacholécystokinine
sur des cellules isolées de l’intestin decobaye.
Cette inhibition ne semanifeste pas sur des cellules
prétraitées
soitpar un inhibiteur
compétitif spécifique
durécepteur
PTH/PTHrP ou durécepteur
dupeptide
intestinal vasoactif(VIP),
soit par la somatostatine ou laN-éthylmaléimide (inhi-
bant
l’adényl-cyclase),
soit par le(R)-p-AMPc (antagoniste
de l’AMPc au niveau de la pro- téine kinaseA).
Ceci démontre que le PTHrP provoque le relâchement observé par un effet direct au niveau de la cellulelisse,
faisantintervenir le
récepteur
duVIP, l’adényl- cyclase
et laprotéine
kinase A(Botella
et al1994).
Mais,
outre le contrôle de la motricitég as- tro-intestinale,
le PTHrPpourrait également
intervenir sur
l’absorption
intestinale des minéraux.b /
Absorption calcique
PTHrP induit
l’apparition
d’une transcalta- chie(stimulation rapide
et transitoire de l’ab-sorption calcique intestinale)
sur une anseligaturée
d’intestin depoulet.
Cet effetpeut
êtrebloqué
par lanifédipine (inhibiteur
descanaux
calciques) (Zhou
et al1992).
Chez lemouton
adulte,
PTHrP stimulel’absorption
de calcium et de
phosphore
au niveau del’épithélium
ruminal(Dua
et al1994). L’injec-
tion d’un sérum anti-PTHrP humain à des souriceaux nouveau-nés ne modifie cepen- dant pas les
paramètres
de leur métabolismephospho-calcique (Kukreja
et al1991).
Demême,
chez desporcelets
de 2jours,
la sup-plémentation
en PTHrP de leur aliment d’al- laitement à base de lait desoja (donc
totale-ment
dépourvu
dePTHrP),
destiné auxnouveau-nés
humains,
ne fait pas variersignificativement l’absorption calcique
intes-tinale
(Hillman
et al1994).
Ces deux
expérimentations
nepermettent pourtant
pas d’éliminer un éventuel rôle dupeptide
sur ce dernierparamètre.
Eneffet,
dansl’expérience
conduite chez les souri- ceaux,l’anticorps
étaitdirigé
contre l’hor-mone humaine. De
plus,
uneinjection
intra-veineuse de cet
anticorps,
même actif contre l’hormonemurine,
n’inhiberait pas les effetsautocrines/paracrines
dupeptide apporté
par le lait. Dans la deuxièmeexpérience,
l’ali-ment distribué aux
porcelets
avait une com-position analogue
à celle du laithumain ;
ilétait
beaucoup
moins riche en calcium(0,3
us2,2 g/l)
et enphosphore (0,16
us1,55 g/l)
que le lait de truie. Deplus,
chez le veau nou-veau-né de un
jour,
l’addition de PTHrP(1-34) synthétique
humain à un lait desoja (Inmole
depeptide
parlitre)
accélère la vitesse de passage dans le sang duxylose (marqueur
del’absorption intestinale) ajouté
à ce
lait,
larapprochant
de celle duxylose ajouté
au colostrum(figure 4).
Si la bonne utilisation du calcium alimen- taire est une condition nécessaire à la crois-
sance
néonatale,
celle-ci estrégulée
par lessomatomédines,
et enparticulier
par l’IGF-1(Chevenne 1991).
3.
5 / PTHrP
etsynthèse d’IGF-1
par l’os et le foie
Les IGFs
régulent
le métabolisme et la pro- lifération des ostéoblastes(McCarthy
et al1989a).
PTH stimule lasynthèse
ostéoblas-tique d’IGF-1,
cequi explique
l’effet anaboli- sant de cette hormone au niveau osseux(McCarthy
et al1989b).
Les effets de PTHrPau niveau
ostéoblastique
sontanalogues
àceux de PTH : il stimule la
synthèse
de colla-gène
et d’IGF-1(Canalis
et al1990).
Chez le
jeune
veaupréruminant,
nousavons démontré
qu’une perfusion
de PTHrPdans la veine
porte
stimulait laproduction
d’IGF-1 par le tissu
hépatique (Coxam
et al1992),
au niveauduquel s’exprime
l’ARNmdu
récepteur
PTH/PTHrP(Urena et al 1993).
PTHrP
peut
donc stimuler la croissanceosseuse néonatale selon un double processus
autocrine/paracrine
etendocrine,
augmen- tant laproduction
d’IGF-1respectivement
auniveau osseux et au niveau
hépatique.
Conclusion
Le PTHrP
joue
un rôle trèsimportant
dansla
régulation
du métabolismecalcique
aucours de la
gestation
et de lalactation,
et dans celle de la croissance osseuse chez le foetus et le nouveau-né(tableau 2).
Chez la femellegestante,
lepeptide
élaboré par lesparathyroïdes
foetales et les membranespla-
centaires stimule les transferts
calciques
dela mère vers le
foetus,
et favorise ainsi la croissance dusquelette
de ce dernier. Cette croissance s’effectue dans des conditionsopti-
males
grâce
à l’effet relaxant exercé par lepeptide
au niveau de la musculature utérine.Chez la femelle
allaitante,
le PTHrPsécrété par la
glande
mammaire stimule larésorption
osseuseindispensable
à la fourni- ture du calcium et duphosphore exportés
par la mamelle. Ilparticipe également
à larégu-
lation de la teneur du lait en ces
minéraux, peut-être
en modulant l’effet vasoconstricteur de l’endothéline au niveau des artères mam-maires. Chez le
nouveau-né,
outre un éven-tuel effet indirect sur la croissance osseuse
faisant intervenir un contrôle de la motricité
gastro-intestinale
et del’absorption calcique intestinale,
il intervient aussi directementsur cette croissance en stimulant la
synthèse
d’IGF-1 au niveau du foie et de l’os.
Le PTHrP
apparaît
doncaujourd’hui
comme un
régulateur
du métabolismephos- pho-calcique
au cours de lagestation
et de lalactation. Ce rôle
pourrait
êtreparticulière-
ment
important
chez la femelle des rumi- nantsdomestiques,
souvent simultanémentgestante
et allaitante. Il l’est tout autant en cequi
concerne la croissance osseuse foetale et néonatale.Références bibliographiques
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