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Géographie Économie Société: Article pp.31-52 of Vol.12 n°1 (2010)

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Géographie, Économie, Société 12 (2010) 31-52

doi:10.3166/ges.12.31-52 © 2010 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ

L’organisation en réseau dans le champ gérontologique : à la recherche d’un nouveau mode de gouvernance ?

The organization in network in the gerontological field: in search of a new mode of governance?

Hélène Trouvé

*1

, Yves Couturier

2

, Olivier Saint-Jean

3

, Dominique Somme

3

1 Chercheur associé au Centre d’Économie de la Sorbonne - Equipe MATISSE Université Paris Panthéon Sorbonne,

Fondation Nationale de Gérontologie, 49, rue Mirabeau, 75016 Paris

2 Centre de recherche sur le vieillissement du Centre de la Santé et des Services Sociaux Institut Universitaire de Gériatrie de Sherbrooke

Université de Sherbrooke, 1036, rue Belvédère Sud, Sherbrooke, Québec, Canada J1H 4C4

3 Assistance Publique Hôpitaux de Paris (AP-PH) , Pôle Urgences Réseaux, 8e A, 20, rue Leblanc, 75908 Paris Cedex 15

Résumé

Le dispositif français de maintien de l’autonomie à domicile des personnes âgées est caractérisé par des fragmentations et cloisonnements institutionnels, organisationnels et cliniques. Cette situation impacte négativement la qualité et l’équité des prestations offertes aux personnes âgées. Depuis une

1 Les auteurs remercient les membres de l’équipe recherche F.Etheridge, D. Gagnon et S. Carrier et de l’équipe projet (C. Périsset, L. Leneveut et S. Lemonnier, pilote local). Est également remerciée l’Unité de recherche clinique Ouest de l’AP-HP pour son appui, ses efforts dans la gestion des données et son expertise.

L’étude PRISMA France est financée par le ministère de la Santé et des Solidarités (Direction générale de la santé), par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ainsi que par le Régime social des indépendants

*Adresse email : helene.trouve@malix.univ-paris1.fr

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vingtaine d’années, différentes formes de réseaux d’acteurs et de ressources à visées de coordination ont été développées selon des configurations territoriales différenciées. À la lumière des dispositifs institutionnalisés (réseaux de santé et centres locaux d’information et de coordination), et du proces- sus d’institutionnalisation en cours des réseaux intégrés, une approche interactionniste des modes de gouvernance à l’œuvre est proposée. Le focal porte sur la nature des arrangements à l’œuvre.

© 2010 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Summary

The French system for maintaining the autonomy of the elderly at home is characterized by Institutional, organizational and clinical subdivisions fragmentations and subdivisions. This frag- mentation has a negative impact on the quality and equity of the different services offered to the elderly. Over the last 20 years, various types of networks of actors and resources with aims of coordination were developed, depending on different territorial configurations. In the view of insti- tutionalized programs (networks of health and local centres of information and coordination), and the ongoing process of the institutionalization of integrated networks, an interactive approach of the types of governance is being proposed. The focus of which is on the nature of the arrangements.

© 2010 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : réseaux, gérontologie, coordination, gouvernance Keywords: networks, gerontology, coordination, governance

1. Introduction

Le développement en France des services à domicile aux personnes âgées en perte d’au- tonomie, majoritairement portés par des organisations de statut Association Loi 1901, a suivi depuis les années 1960 une structuration sectorielle (santé, santé publique et action sociale) et fonctionnelle (autour de la prévention, de l’intervention légale et de l’intervention extralé- gale). L’absence d’une structuration populationnelle2 du champ gérontologique engendre des phénomènes de cloisonnements des services offerts aux personnes âgées. Ceux-ci se déploient à partir d’au moins quatre lignes de force : 1) entre les champs sanitaires, sociaux et médico- sociaux, 2) entre les professionnels de « Ville » et ceux de l’« Hôpital », 3) entre les lieux de vie « domicile » et « institution », 4) ainsi qu’entre les organisations « publiques », « privées lucratives » et « privées non lucratives ». Sachant qu’en moyenne, les personnes âgées à domi- cile reçoivent des soins ou des aides de la part de trois intervenants, et que pour les 25 % des plus dépendants d’entre eux ce sont six intervenants ou plus qui interviennent à domicile (Bressé, 2004), les situations de soutien à domicile sont souvent complexes à organiser.

La réponse organisationnelle travaillée depuis une vingtaine d’années, tant dans les milieux professionnels qu’institutionnels et universitaires, a trait à la mise en réseau d’ac- teurs et de ressources. L’hypothèse générale sur laquelle repose les réseaux gérontolo- giques est celle d’une collaboration inter-professionnelle et inter-organisationnelle, qui permettrait d’assurer une prise en charge pluridimensionnelle des personnes âgées.

2 Au sens de réponse à une demande sociale de prise en charge de la dépendance des personnes âgées à domi- cile versus un ensemble de dispositifs non spécifiquement conçus autour de cette problématique (Frinault, 2005).

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Il est de coutume de dater la problématique de la coordination gérontologique avec la circulaire « Franceschi » de la seconde moitié des années 1980, qui créée les « instances locales en gérontologie » et les « coordinateurs départementaux ». Aujourd’hui, les réseaux de coordination gérontologiques s’inscrivent techniquement dans une logique réticulaire et statutairement majoritairement dans le cadre des organisations d’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Dans cet article, ces réseaux sont appréhendés en tant que structures réticu- laires reposant sur différentes « techniques » du réticulé (Musso, 2003). Comparativement à l’approche des réseaux sociaux, l’approche proposée s’intéresse davantage aux techniques et technologies déployées pour analyser le multiple et le complexe et ainsi « cristalliser le changement social par et dans la technique » (Musso, 2003 : 20). Dans cette perspective nous nous proposons d’adopter la typologies des techniques de la coordination gérontolo- gique établie par Walter Leutz [1999] : les techniques du réticulé par « liaison », celles par

« co-ordination » et les techniques par « pleine intégration »3.

En France, pour définir ces modes d’organisation en réseau, l’ancrage a été recherché dans une approche territoriale d’envergure locale. Il en résulte une diversité d’échelles territoriales (régionales, intrarégionales, départementales, intradépartementales, commu- nales et intracommunales). Cette diversité nous amènera à étudier différentes configura- tions de « territoire révélé » appréhendé comme un « enchevêtrement de proximités géo- graphique, organisationnelle et institutionnelle » (Richez-Battesti, Gianfaldoni, 2008).

Cet article s’appuie sur les résultats d’une étude de cas multiples portant sur les modu- lateurs d’implantation d’un projet pilote de réseaux gérontologiques par la technique du réticulé via la « co-ordination »4. Trois sites contrastés en matière de densité population- nelle et d’offres de services ont fait l’objet d’une enquête de terrain. Les données empi- riques exploitées dans cet article ont été collectées de juin 2006 à mars 2009. Il s’agit de :

• un large corpus d’entretiens semi-directifs auprès des acteurs participants au niveau de responsabilité nationale (n=10), régionale et départementale (n=33), et locale (n=34). Ces entretiens individuels ont été menés en profondeur à par- tir d’une grille d’entretien visant l’identification des facteurs modulateurs de la construction de la coordination gérontologique. Ces entretiens ont fait l’objet d’une analyse thématique informatisée (Logiciel NVivo 7) principalement émer- gente. Nous avons sélectionnés ici les thèmes qui permettent de caractériser les configurations actuelles des réseaux gérontologiques5.

• Des observations directes des réunions de concertation aux niveaux nationaux (n=3), régionaux et départementaux (n=30) et locaux (n=26),

• Une analyse documentaire politico-instititionnelle (plans, programmes et conven- tionnements) permettant l’approfondissement des contextes.

3 Ce troisième niveau ne sera pas développé outre mesure dans le sens où il n’appelle pas la mise en réseau via la coopération inter-organisationnelle : une structure unique a la responsabilité de fournir aux personnes âgées d’un territoire donné l’ensemble du continuum de soins et de services. Au besoin, cette organisation cen- trale contracte avec certains prestataires extérieurs pour compléter son offre de services. Ce type de modèle est illustré aux États-Unis par le modèle On-lok et au Québec dans le cadre du SIPA. D’autres modèles de réseaux s’en rapprochent en Italie et au Royaume Uni.

4 Selon la méthodologie PRISMA (Projet et Recherches pour le Maintien de l’Autonomie) modélisée, éva- luée et développée au Québec (Hébert et al., 2003).

5 Dans les citations fournies à titre illustratif le niveau de responsabilité nationale, régionale, départementale et locale du locuteur est précisé.

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L’importante émergence de la thématique de la gouvernance des dispositifs gérontologiques comme facteur explicatif des configurations des réseaux géron- tologiques amène à commencer par une caractérisation du champ gérontologique.

En s’appuyant sur les travaux récents portant sur le dispositif français d’aide aux personnes âgées, nous avons notamment cherché à documenter ces caractéristiques dans la construction des réseaux de coordination gérontologique. À partir d’une approche institutionnaliste historique, il s’agira de souligner le processus interactif d’organisation des réseaux de coordination gérontologique en prenant en considéra- tion l’importance du cadre institutionnel dans lequel ils s’inscrivent. C’est ainsi une approche en terme de gouvernance qui est proposée. Elle s’inscrit dans la lignée des travaux de Jane Kooiman considérant que la gouvernance renvoie aux « arrange- ments interactifs auxquels des acteurs publics, aussi bien que privés, participent;

qui sont destinés à la résolution de problèmes sociaux ou la création d’occasions sociales, en prenant en considération les institutions dans lesquelles ces activités de gouvernance ont lieu  » (Kooiman, 20036). Le focal portera sur la nature des arrangements à l’œuvre (acteurs impliqués, instruments usités, normes d’action déployées, etc.), et sur les tensions dominantes.

Dans un premier temps nous présenterons le cadre institutionnel gérontologique permettant d’analyser la structuration systémique et les enjeux à partir desquels se construisent les réseaux de coordination gérontologique. Dans un second temps, nous étudierons les arrangements organisationnels développés par ces réseaux.

Nous analyserons successivement les réseaux assis sur les techniques du réticulé par «  liaison  », réseaux aujourd’hui institutionnalisés en tant que dispositifs de politiques publiques. Puis, ce sont les réseaux par « co-ordination », dont le proces- sus d’élaboration semble témoigner d’apprentissages amenant à envisager un autre mode de gouvernance, qui seront analysés.

2. Analyse de la structuration institutionnelle du champ gérontologique

Le projet sociétal porté par la politique du soutien à domicile des personnes âgées a été énoncé dans le célèbre rapport Laroque en ces termes : «  le problème de la vieillesse est dominé par la nécessité de concilier d’une part l’adaptation du milieu et des conditions d’existence à l’état physique et psychique des personnes âgées, d’autre part, leur maintien dans la société, en excluant toute ségrégation  » (Haut Comité Consultatif de la population et de la famille, 1962 : 5). Par le développement qualitatif et quantitatif mais aussi diversifié de services d’aides et de soins à domicile, les pouvoirs publics vont porter cette orientation à partir de différents modes de régu- lation (tutélaire, d’insertion et quasi-marchande) largement étudiés (Enjolras, 1995, 2008 ; Enjolras et Laville, 2001 ; Clergeau et al., 2002). Ces mouvements dominants de mode de régulation se sont plutôt accumulés les uns aux autres, aboutissant à

« une complexification des procédures qui nuit autant à l’action des offreurs qu’à la lisibilité de l’offre par les demandeurs » (Enjolras, Laville, 2001 : 43). Différentes considérations structurent cette matrice générale.

6 Traduction libre de la 4e de couverture.

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Les instances publiques compétentes en matière gérontologique (services étatiques cen- tralisés7 et décentralisés, Cnsa8, caisses d’assurance maladie9 et d’assurance vieillesse10, collectivités territoriales11) sont nombreuses et leurs rôles respectifs sont peu lisibles (notamment Ennuyer, 2006, Couturier et al., 2009). Plus encore, force est de constater un cloisonnement des dispositifs, issu d’une superposition d’interventions législatives et régle- mentaires reconnaissant, institutionnalisant et régulant des pratiques, souvent associatives.

Certains dispositifs sont ainsi associés exclusivement au champ de l’action sociale et sont de la responsabilité de la Direction Générale de l’Action Sociale (DGAS), tandis que d’autres sont affiliés au champ de la santé publique (relevant de la Direction Générale de la Santé - DGS, voire de la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins - DHOS) et que d’autres encore relèvent du Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité dans le cadre du développement des emplois à la personne redynamisé par la loi de pro- grammation pour la cohésion sociale de janvier 2005. La fragmentation de l’action publique se déploie ainsi à travers l’accumulation des dispositifs organisés fonctionnellement et ver- ticalement autour de prérogatives disjointes, parfois contradictoires.

2.1. Approche historique : un sentier fondateur et deux sentiers réformateurs dans le champ gérontologique en France

Nous proposons de nous intéresser au cadre d’analyse du « sentier de dépendance » - path dependency (Pierson, 1993, 2000) - pour appréhender les arrangements institutionnels

7 De la responsabilité de quatre directions :

1. La Direction Générale de la Santé (DGS) élabore la politique de santé publique et contribue à sa mise en œuvre. Elle a notamment pour mission l’amélioration de l’état de santé des personnes dépendantes.

2. La Direction Générale de l’Action Sociale (DGAS) est chargée des missions relatives aux politiques d’interventions sociales, médico-sociales et de solidarité. Elle a entre autres des compétences relatives à la définition, à l’animation et à la coordination de la politique de prise en charge à domicile des personnes âgées.

Aujourd’hui, elle est incluse dans la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) qui officiellement vu le jour le 26 janvier 2010.

3. La Direction de la Sécurité Sociale (DSS), quant à elle, a les compétences relatives aux organismes de la sécurité sociale et participe à la surveillance des organismes de protection complémentaire. À ce titre, elle élabore et met en œuvre les politiques relatives notamment à la couverture des risques vieillesse.

4. Par ailleurs, la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins (DHOS) a pour responsabilité d’organiser l’offre de services en liaison avec les directions précédentes. Son champ d’action s’étend au finan- cement des activités spécifiques de soins aux personnes âgées, en établissement ou à domicile.

Outre les instances étatiques décentralisées (DRASS, DDASS), précisions que 26 Agences Régionales de l’Hospitalisation (ARH) ont compétence sur la régulation de l’offre hospitalière et 22 Unions Régionales des Caisses d’Assurance Maladie (URCAM) sur la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et la prévention.

8 La Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) a pour missions de financer les aides en fa- veur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, de garantir l’égalité de traitement sur tout le territoire et de développer une expertise en matière de qualité des services.

9 La Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) définit pour sa part les orientations stratégiques en matière de paiement des prestations de soins et pilote un réseau de 132 caisses primaires.

10 La Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), qui finance les retraites du régime général, soit celles de 60† % de la population, a également en charge l’aide financière au soutien à domicile des personnes âgées.

11 La constitution française prévoit que «†les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon†» (article 72). Les 26 régions, 100 départements et 36 873 communes exercent des compétences en matière gérontologique.

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à l’œuvre dans le champ de la dépendance des personnes âgées. La théorie du sentier sup- pose que les organisations et les acteurs sont inscrits dans des institutions qui structurent et canalisent les politiques publiques dans des sentiers établis La notion de « dépendance par rapport au chemin emprunté » souligne la dynamique selon laquelle une fois qu’un chemin est pris, il est difficile d’en changer car les processus politiques s’institutionnalisent et se renforcent avec le temps, malgré leur caractère sous optimal,OHQUpVXOWHFHUWDLQHVIRUPHV HWQLYHDX[ d’inerties institutionnelles. Ainsi, tandis que Bruno Palier soutient la thèse selon laquelle « l’histoire de l’extension du système français de protection sociale est l’histoire de sa fragmentation » (Palier, 2005 : 134) et s’intéresse aux mutations de l’État-Providence, Thomas Frinault adopte une approche méso dans le champ des dispositifs de compensation de la dépendance des personnes âgées (1996, 2005). Dans le champ de la dépendance des personnes âgées, ces inerties institutionnelles semblent s’illustrer par le débat, long d’une trentaine d’années, entre la création d’un 5e risque de la protection sociale d’un côté et de l’autre, le pilotage territorialisé d’une prestation dépendance12. Si, le processus incrémental a fini par consacrer l’institutionnalisation d’une gestion départementale au détriment des organismes de sécurité sociale, son analyse, et le fait que la création de ce 5e risque de la protection sociale soit toujours en discussion, témoignent de la juxtaposition des pouvoirs publics à responsabilités dans le champ gérontologique.

L’institutionnalisation de la protection sociale française dans les années 1945-1970 a produit un compromis historique dit « néo-corporatiste » entre les deux principales tra- ditions en matière de protection sociale : réaliser le principe d’universalité de Beveridge avec les moyens assurantiels de Bismarck (Palier, 2005). Plus précisément, il s’agit d’ho- norer les droits acquis par le travail (prestations contributives et proportionnelles, orga- nisées par risque) découlant du mode bismarckien (par secteur d’activité productive, les droits sont définis par négociation tripartite - État, représentants du patronat, représen- tants des salariés), tout en assurant une couverture universelle des services par une série de mécanismes compensatoires des pertes de revenus pour toutes catégories de popula- tions. En réalité, ce compromis induit, dès son origine, les prémisses d’une fragmentation fondamentale du système français.

Ce sentier fondateur du système de protection sociale assujetti aux contributions du travail va connaître dans les décennies 1980, 1990 et 2000 d’importantes évolutions (Palier, 2005 ; Palier, Bonoli, 1999,1995). Les pressions budgétaires issues de la crise du plein emploi des années 1980 se traduisent par une longue série de plans de redres- sement. Au milieu des années 1990, l’État instaure une loi de financement de la sécurité sociale et la création de nouvelles prestations sociales financées par l’impôt. Cela conduit à renforcer le pôle assistanciel de la protection sociale, tout en l’autonomisant du pôle assurantiel (Palier, 2005). Ainsi peut être identifié un sentier premier réformateur dans les années 1990 : celui de la rencontre avec le modèle universaliste beveridgien. Ce sentier réformateur se caractérise fondamentalement par l’introduction d’une fiscalisation par- tielle des prestations (la « Contribution Sociale Généralisée » par exemple) et par la créa-

12 Selon Claude Martin, il a donné lieu à un processus de réforme « lent, chaotique et mal assuré » (Martin, 2002 : 9), comme en témoigne la succession des étapes suivantes : processus de « non-décision » (1979-1994),

« expérimentation législative » (1994-1996), loi Prestation Spécifique Dépendance (PSD) explicitement « tran- sitoire » (1997-2001), loi Allocation personnalisée d’autonomie comportant une « clause de revoyure » (2002),

« ajouts » législatifs et réglementaires (2003-2004).

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tion de prestations d’assistance (en particulier la « Couverture Maladie Universelle »).

Simultanément se développe un autre sentier réformateur d’ordre concurrentiel, inspiré de la « Nouvelle Gouvernance Publique » (Merrien, 1999 ; Hassenteufel, Hennion-Moreau, 2003 ; Contandriopoulos, 2008), qui vise le développement de prestations plus ciblées sur des populations fragiles. La régulation de ces évolutions se traduit par la mise en œuvre, par les services étatiques, d’instruments contractuels déployés à travers une gamme de conventions d’objectifs de gestion avec les caisses d’assurance sociale.

Ainsi selon l’analyse historique proposée dans le cadre théorique du sentier de dépen- dance, le système de protection sociale français peut-être caractérisé comme le produit de la rencontre d’un sentier fondateur (principalement bismarkien, bien qu’ambigu) avec deux sentiers réformateurs (beverigien et de nouvelle gouvernance publique). Cette caractérisation en fait un système « pluri-sentier ».

2.2. Décentralisation et gouvernance pluraliste, multi-niveaux et multi-instruments L’application dans le champ gérontologique des lois de décentralisation, inspirées aussi de la Nouvelle Gouvernance Publique, renforce le déploiement de toute une gamme d’instruments contractuels. Pour ce domaine d’intervention, les modalités générales des politiques sont formulées sur le plan national, tandis que leur mise en oeuvre est renvoyée à des dispositifs territoriaux négociés à des échelons régionaux, départementaux et muni- cipaux. Ces dispositifs « s’ajoutent aux dispositifs nationaux les concurrençant parfois directement [et] les démultiplient » (Gaudin, 2004 : 43). Avec les lois de décentralisation, le législateur semble avoir institutionnalisé une gouvernance pluraliste, multi-niveaux et multi-instruments.

Les données politico-institutionnelles étudiées permettent de saisir la façon dont les lois de décentralisation se traduisent par un ensemble de contrats de transferts de com- pétences et d’enveloppes budgétaires (Schémas Gérontologiques de compétence dépar- tementale, Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire de compétence régionale, etc.).

Ces contrats sont dits multi-niveaux dans le sens où ils se déploient :

• à l’intérieur de chaque collectivité territoriale (région, département et commune),

• entre les collectivités territoriales elles-mêmes (les régions ayant essentiellement compétences sur les services de santé et des infrastructures sanitaires, les départe- ments sur les services sociaux et des infrastructures médico-sociales, et les com- munes dans l’aide sociale facultative dépendante de décisions politiques d’échelle communales),

• entre les collectivités territoriales et les services étatiques décentralisés (les Directions Régionales et Départementales de l’Action Sanitaire et Sociale en particulier),

• entre les collectivités territoriales et les caisses maladie et vieillesse de protection sociale.

Ces procédures contractuelles, souvent juxtaposées les unes aux autres, ne sont pas unifiées par des textes cadres ou des énoncés constitutionnels généraux (Gaudin, 2004) et relèvent en outre de différents codes légaux (code de l’action sociale et des familles, de la santé publique, territoriales, de la sécurité sociale, de la mutualité, de la fonction publique, administratif, général des collectivités, code pénal).

Par ailleurs, ces instruments contractuels se matérialisent à travers une diversité de logiques d’intervention, à visée de régulation, déployées par les pouvoirs publics natio-

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naux et territoriaux. Ces instruments reposent sur des mécanismes concurrentiels (pro- cédures d’appels d’offres) et non concurrentiels (autorisation), de nature coercitive (accréditation, tarification, etc.) et incitative (procédures d’appels à projet, labellisation et certification en particulier). Il en découle un caractère multi-instruments (Lascoumes, Le Gallès, 2007) de la régulation des services gérontologiques. Les choix d’instruments d’intervention sont effectués « dispositif par dispositif », selon une approche de nature sectorielle et non d’une approche populationnelle. Sur l’un des sites étudiés, la régula- tion des services offerts aux personnes âgées à domicile est ainsi l’objet de quatre outils de programmation : un schéma gérontologique départemental couvrant la période 2006- 2011, un PRogramme Interdépartemental d’ACcompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC 2008-2012), un Schéma Régional d’Organisation Sanitaire (SROS 2006-2010), un Plan Régional de Santé Publique (PRSP 2006-2008). Constatons également la diversité des échelles temporelles.

2.3. Les impacts d’un système pluri-sentier décentralisé

La diversité des formes et procédures contractuelles à visée de régulation débouche sur une diversité de normes et règles d’action, ainsi que sur de potentielles divergences d’orientation. Ces divergences, illustrées ci-après, rendent comptent de la complexité de la construction de règles collectives d’élaboration et de mise en œuvre de politiques publiques gérontologiques.

Les services concourant au soutien à domicile des personnes âgées en perte d’auto- nomie apparaissent être fondamentalement inscrits dans deux systèmes institutionnels : celui de l’assurance sociale d’une part et, d’autre part, celui de l’intervention territoriale combinant les logiques d’assistance et de protection universelle. Les éléments structuraux qui suivent permettent d’en saisir les divergences :

• Le système d’assurance sociale fournit des prestations contributives et uni- verselles [Acteur régional  : « l’aide à domicile naturellement pour toutes les personnes retraitées du régime général […] qui prend en compte la nécessité de faire face à tous les droits acquis  »  ]. Alors que l’intervention territoriale cherche à adapter les dispositifs aux caractéristiques socio-démographiques des territoires et les financent via le système fiscal national [Acteur départemental :

« Le schéma s’est positionné pour le maintien du dispositif plus favorable [aux personnes âgées dans une dimension financière] de l’Allocation Personnalisée pour l’Autonomie dans notre département »].

• Le système d’assurance sociale privilégie l’approche sectorielle et catégorielle [Acteur régional : « les assistantes sociales de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse, elles font de la personne âgée. Personnes âgées qui, si elles sont très malades, sont aussi la cible des assistantes sociales de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie parce que elles, elles font personnes malades, donc âgées ou pas âgées »]. Tandis que les politiques gérontologiques territoriales poursuivent une démarche transversale et globale [Acteur départemental : « On balaie le logement, les questions d’isolement, de vie sociale, et c’est ça qui nous intéresse [dans la] démarche de territorialisation, d’être vraiment au plus près de la personne âgée et de ce qu’elle a besoin au niveau de sa qualité de vie »].

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• Le système d’assurance sociale est organisé de façon pyramidale et centralisée [Acteur régional : « la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse a une spécificité, c’est qu’elle est à la fois Caisse Nationale avec une responsabilité hiérarchique et fonctionnelle sur les seize Caisses Régionales de France et Caisse Régionale pour la région pari- sienne »]. Les politiques gérontologiques territoriales sont quant à elles multi niveaux et s’inscrivent dans des territoires spécifiques [Acteur départemental : « Le souci de répondre dans la proximité aux personnes, en instaurant les assistantes sociales en charge des personnes de plus de 60 ans, sur les territoires à l’échelle d’un canton. On avait déjà cette idée que l’action de proximité était pertinente pour la population »].

• Le système d’assurance sociale est une « administration de gestion » [Acteur régional :

« Moi il faut que je mette en œuvre la politique d’Action Sociale et entre autre, les objec- tifs qu’on a dans la convention d’objectifs et de gestion »]. Tandis qu’il est admis que les politiques gérontologiques territoriales doivent être mises en œuvre par des « administra- tion de mission » et faire l’objet d’évaluations [Acteur régional : « Présentez-nous un pro- jet sur un endroit qui vous paraît prioritaire, démontrez-nous, pourquoi il est prioritaire, demandez-nous de l’argent pour ce que vous allez faire, on va vous donner de l’argent »].

De ce contexte de juxtaposition de deux systèmes institutionnels, il résulte le caractère relativement indéfinissable en France d’une instance publique « pivot » de la politique géron- tologique. Aucune instance ne détient de prérogative stricte quand à la définition, la régulation de la mise en œuvre d’une politique du soutien à domicile des personnes âgées [Acteur dépar- temental : « Cela fait une pyramide inversée avec un seul prestataire et plein de donneurs d’ordre. […]. Les textes ont tendance à renforcer, à tenir un discours qui dit ‘il faut décloi- sonner’, et de l’autre côté il y a des textes qui ne facilitent pas la vie […]. L’institution fait de la complexité, les dispositifs sont complexes, ils ne sont pas fluides, on passe son temps à compenser ces complexités, vis-à-vis du public, vis-à-vis des professionnels »].

Il ressort de cette caractérisation du champ gérontologique une structuration sectorielle et fonctionnelle qui engendre des phénomènes de cloisonnements des services offerts aux personnes âgées. Ces cloisonnements seraient en contradiction avec les besoins multidimen- sionnels - médico-psycho-sociaux - des personnes âgées appelant une inter-sectorialité de l’intervention à domicile. Cette inter-sectorialité clinique passe par la coordination des inter- venants à domicile. Au regard de la structuration institutionnelle des services offerts aux per- sonnes âgées à domicile esquissée ici, il apparaît que l’atteinte de l’objectif de coordination gérontologique passe par le développement et/ou le renforcement des trois composantes de la

« proximité » que sont la proximité géographique, la proximité organisationnelle et la proxi- mité institutionnelle. Nous allons maintenant nous attacher à ces dimensions.

3. Réponses offertes par les réseaux de coordination gérontologique

Dans le champ gérontologique, pour animer les interdépendances entre les institutions, les organisations et les cliniciens, la réponse travaillée depuis les années 1980 est organi- sationnelle. Elle a trait à la mise en réseau d’acteurs et de ressources. L’hypothèse géné- rale sur laquelle repose ces réseaux est celle d’une collaboration inter-professionnelle, inter-organisationnelle et inter-sectorielle, laquelle permettrait d’augmenter la qualité de la prise en charge pluridimensionnelle des personnes âgées. Ces nouveaux modes d’orga- nisation ont été définis à partir d’un principe large de territorialisation visant la proximité

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et la transversalité de l’intervention. L’analyse de cette territorialisation peut-être appré- hendée dans le cadre d’analyse développé par Patrick Gianfaldoni et Nadine Richez- Battesti (2008) à partir des travaux de Bernard Pecqueur et Jean-Benoît Zimmermann (2004). L’ancrage est celui d’une proximité géographique définie comme la distance géo- graphique qui sépare différentes parties prenantes, en tenant compte des moyens de trans- port et de la représentation des acteurs de la nature de la distance. Dans cette approche, la proximité géographique favorise les deux autres formes de proximité, que sont la proxi- mité organisationnelle et la proximité institutionnelle  : « en raccourcissant les temps de transaction et de production, en augmentant la fréquence relationnelle, en facilitant indirectement les processus d’apprentissage et d’innovation, en créant les conditions de communautés de pratiques et de valeurs culturelles » (Richez-Battesti, Gianfaldoni, 2008 : 26). L’objet des réseaux de coordination gérontologique serait alors d’atteindre un degré élevé de proximité institutionnelle, définie par Nadine Richez-Battesti et Patrick Gianfaldoni comme « les principes et les valeurs qui fondent l’adhésion des parties prenantes à un projet commun et contribuent à définir les orientations stratégiques de l’organisation et qui se traduit généralement par le développement de communautés pro- fessionnelles, communautés de pratiques et autres réseaux sociaux et se caractérise le renforcement d’une confiance collective » (Richez-Battesti, Gianfaldoni, 2008 : 27)

Nous allons appliquer cette grille d’analyse aux techniques du réticulé identifiées dans le champ de la coordination gérontologique (Leutz, 1999). Tout d’abord, nous étudierons les techniques du réticulé par «  liaison  » correspondant à la configuration des centres Locaux d’information et de coordination (CLIC) et des réseaux de santé, ensuite celles par « co-ordination » correspondant aux projets pilotes de réseaux dits intégrés.

3.1. Réseaux gérontologiques et techniques du réticulé par « liaison »

Dans la coordination gérontologique, via les techniques de « liaison », il s’agit, pour un groupe d’organisations offrant des services aux personnes âgées présentant des carac- téristiques socio-sanitaires similaires, de développer des protocoles de transferts systéma- tiques d’information, de distribuer les compétences entre les acteurs potentiels, et d’éta- blir des protocoles de collaboration. Toutes les organisations parties prenantes de cette entente de collaboration demeurent indépendantes administrativement.

Initialement élaborés à partir d’initiatives locales de la société civile à caractère informel et reposant sur le leadership de quelques acteurs, ces réseaux de coordination gérontolo- gique ont été institutionnalisés en France à travers les dispositifs CLIC et réseaux de santé.

Ces deux dispositifs partagent certains traits communs : ils sont composés d’une grande variété d’acteurs volontaires (médecins, paramédicaux, travailleurs sociaux, etc.) et reposent sur une connaissance aussi complète que possible des acteurs, des services et des structures oeuvrant dans le périmètre couvert par la coordination, et ce, grâce à des rencontres régulières.

Au cours de ces rencontres les organisations ainsi que les équipes de cliniciens expliquent, mutuellement, leurs actions et les limites de celles-ci. Cette dynamique vise à permettre à cha- cun à défaut de partager, au moins de comprendre la logique des uns et des autres, dépendant de leur formation, de la structure à laquelle ils appartiennent et de la tutelle et du mode de financement de cette dernière (Ennuyer, 2007 : 167-171). C’est ainsi par la proximité géogra- phique que les proximités organisationnelle et institutionnelle sont supposées se développer.

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3.1.1. Processus et arrangements organisationnels

Le modèle des CLIC, tel qu’officialisé, est celui d’une action gérontologique en réseau qui vise une gestion coordonnée de la vie quotidienne des personnes âgées en perte d’au- tonomie. L’objectif est de réduire le handicap dans les actes de la vie courante (Colvez et al. 2002). Dans cette visée, les CLIC se proposent de rassembler les informations, de coordonner les moyens et de mobiliser les ressources pour aider les personnes âgées et leur entourage. Les CLIC sont institutionnellement de la responsabilité de la Dgas qui a élaboré un cahier des charges spécifiant a minima les fonctions et l’organisation des CLIC : au niveau d’un territoire, les CLIC ont pour objectif de favoriser les collaborations entre les professionnels des secteurs sanitaires (spécialisés et généralistes, de ville et de l’hôpital) et sociaux (publics, associatifs et mutualistes en particulier) pour organiser les réponses multi-professionnelles pour la prise en charge des personnes âgées vivant à leur domicile. En 2007, 533 CLIC13 couvrent le territoire national, dont 54 % sont gérés par des associations14. Ils sont administrativement de compétence départementale, dans le sens où les Conseils généraux se sont vus attribués la mission de mettre en place et de réguler les procédures de labellisation des CLIC, notamment dans leurs objectifs de déve- loppement inscrits dans les schémas gérontologiques des départements.

Quand aux réseaux de santé, selon l’article L. 6321-1 du Code de Santé Publique

« ils ont pour objet de favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité et l’in- terdisciplinarité des prises en charges sanitaires, notamment celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires ». Les 700 réseaux de santé existants15 aujourd’hui sont placés sous compétence régionale assurée conjointement par l’Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie (URCAM) et l’Agence Régionale de l’Hospitalisation (ARH) et s’inscrivent dans les priorités régionales de santé définies dans les Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire (SROS – mécanisme de planifi- cation placé sous la responsabilité conjointe de la DGS et de la DHOS). Les formes juridiques relèvent soit de groupements de coopération sanitaire (GCS), de groupements d’intérêt économique (GIE), de groupements d’intérêt public (GIP) ou d’associations Loi 1901. Les différents rapports émanant de ces institutions publiques, ainsi que ceux de l’Inspection Générale de l’Action Sociale (IGAS, 2006b) soulignent les importantes dis- parités des procédures d’instruction et de pilotage et d’évaluation régionales des réseaux de santé exercées dans le cadre des commission d’attribution du Fonds d’Intervention pour la Qualité et la Coordination des Soins (FIQCS).

L’élaboration et la mise en œuvre de ces deux dispositifs visent fondamentalement à accroître la continuité des services fournis aux personnes âgées en perte d’autono- mie en réduisant, par une mise en réseaux, d’une part le cloisonnement des interve- nants et, d’autre part, la fragmentation des interventions. C’est dans cette perspec-

13 L’objectif initial de maillage du territoire français correspondait à la création de 1000 CLIC (Circulaire DAS-RV 2 n°2000-310 du 6 juin 2000 relative aux centres locaux d'information et de coordination (CLIC).

Expérimentation en 2000 et programmation pluriannuelle 2001-2005).

14 15 % sont gérés par des CCAS, 10 % par des établissements publics hospitaliers, 8 % par le conseil gé- néral, 7 % par des groupements de communes, le reste se répartissant entre des communes, des organismes de protection sociale et des maisons de retraite. Source : http://clic-info.personnes-agees.gouv.fr /clic/statistiques/

construireStatistiques.doc

15 http://www.unrsante.fr/documentation.html

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tive qu’est recherchée la mutualisation des compétences (mise en œuvre d’équipes pluridisciplinaires), des pratiques professionnelles (à travers des outils d’évaluation et de suivi pluridimensionnels et des procédures de communication inter-services et inter-organisations communs) et des informations entre les secteurs sanitaire, social et médico-social.

Dans les sites de l’enquête de terrain menée, les CLIC participent notamment au décloisonnement entre les acteurs « publics » et « privés » - en particulier associatifs - en réunissant dans leurs procédures de communication des acteurs sociaux des ins- tances publiques décentralisées et des collectivités territoriales ainsi que d’associa- tions prestataires de services (type ADMR, UNA, Casip-Cosajor, etc.). Les réseaux de santé participent quant à eux au décloisonnement entre les acteurs médicaux de la « Ville » et ceux de l’« Hôpital » dans la mesure où les porteurs de réseaux sont souvent des praticiens hospitaliers, mais aussi par le simple fait que nombre de leurs activités de prévention et de santé publique s’adressent à toutes catégories de profes- sionnels médicaux et paramédicaux.

De la sorte, il est possible de voir que l’assise sur la proximité géographique de ces réseaux aboutit à un certain degré de proximité organisationnelle. Elle entend un mode de gouvernance interne autonome, dans le sens d’une construction de règles autonomes qui organisent les pratiques et les représentations entre parties prenantes réunies autour d’un projet commun (Richez-Battesti, Gianfaldoni, 2008 : 27). Ce projet commun s’articule autour de l’accès aux droits dans le cas des CLIC, et d’application des protocoles médi- caux de « bonnes pratiques » dans le cas des réseaux de santé.

3.1.2. Persistance de la fragmentation sectorielle

Les techniques du réticulé par « liaison » développées dans les CLIC et les réseaux de santé, apparaissent certes propices au développement de la proximité organisationnelle dans la mesure où ils s’accompagnent de l’intensification des échanges, des expériences et des apprentissages interindividuels et collectifs. Toutefois les domaines d’action de ces deux configurations de réseaux restent fragmentés16 : principalement social pour les premiers [Acteur local : « Faire de la coordination avec les équipes médico-sociales, on sait faire, on a toujours de la difficulté à coordonner avec le sanitaire »] et sanitaire pour les seconds [Acteur local  : « Faites d’abord du sanitaire et après on verra le psychosocial »]. Cette organisation fonctionnelle semble auto-entretenir la stratifica- tion des dispositifs, voire les mises en concurrence de ces deux dispositifs dédiés à la coordination des intervenants à domicile. Les deux directions ont de la sorte reproduite une organisation de dispositifs de politique publique autour d’une fonction [Acteur national : « Quand la DGAS fait un projet sur les CLIC ça reste dans le domaine social,

16 En outre, l’Inspection générale des Affaires Sanitaires (IGAS) publie en 2006a un rapport sur les réseaux de santé dans lequel elle estime que les résultats des réseaux de santé sont « plus que décevants » notamment au regard du peu d’innovation dans l’organisation de l’offre (en particulier l’application stricto sensu d’outils d’évaluation et de suivi purement médicaux) et surtout d’une coordination avec les services médico-sociaux rarement avérée (IGAS 2006b). Parallèlement, les CLIC ne sont pas parvenus à créer des équipes pluridisci- plinaires (globalement les équipes comportent peu de professionnels du champ paramédical) et éprouvent des difficultés à impliquer dans leurs réseaux les professionnels de santé (les médecins libéraux en particulier, mais également paramédicaux et surtout les personnels hospitaliers).

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quand la DHOS fait un projet sur les réseaux ça reste dans le domaine de l’hôpital et du sanitaire»] peu propice à la transversalité de l’intervention clinique17.

En outre, le principe de territorialisation sur lequel repose ces réseaux, s’il se veut être le garant des principes de la proximité et de la transversalité de l’accompagnement des per- sonnes âgées, souffre d’un défaut de définition. Alors que les réseaux sont de compétence régionale, les régions s’étant vues attribuer par les lois de décentralisation les compétences et prérogatives sur le champ sanitaire ; les CLIC sont de compétence départementale, lesquels départements ont compétences et prérogatives dans le champ social. Aussi apparaît-il que la problématique de la définition du périmètre propice au décloisonnement à la fois entre social et sanitaire et entre intervention administrative et intervention clinique demeure ouverte.

Ces dispositifs de réseaux de coordination gérontologique entrent de plus en concur- rence avec des dispositifs informels de petite envergure développés spontanément.

En effet, force est de constater l’existence d’une myriade de mécanismes, de procédures et d’acteurs de liaison à visée de coordination des interventions au domicile. Ainsi, dans les trois sites de l’enquête de terrain réalisée, CLIC et réseaux de santé coexistent en propre, mais aussi avec des pratiques informelles, et souvent peu formalisées, de coordination intra- organisations (en particulier entre des structures prestataires de services type Services de Soins Infirmiers à Domicile -SSIAD- comprenant des Services d’Aide à Domicile - SAD) et inter-administration (notamment au sein des différents services cloisonnés des conseils généraux : équipes médico-sociales de l’allocation personnalisée pour l’autonomie, service social départemental polyvalent, etc.). Il y a donc un défaut de lisibilité et de visibilité des acteurs dédiés à la coordination gérontologique. Celui-ci peut être davantage illustré encore par le fait que, sur l’un des sites, quatre structures ont inscrit dans leur statut une mission explicite de coordination des interventions au domicile des personnes âgées et ont fléché des postes de professionnels dédiés à cette mission. Sur ce site, il en résulte par exemple le déploiement de trois catégories d’outils de communication entre professionnels intervenant au domicile, non reconnus mutuellement et donc non mutualisés.

Notre analyse des réseaux de coordination gérontologique par les techniques de la liaison nous amène à souligner que l’organisation fonctionnelle apparaît difficilement compatible avec la transversalité des besoins des personnes âgées d’une part. D’autre part, elle semble diffici- lement propice au développement d’une proximité institutionnelle telle que définie précédem- ment. C’est dans ce contexte que la constitution de réseaux dits intégrés, inscrits dans les tech- niques du réticulé par la « co-ordination », trouve sa raison d’être et ses principes fondateurs.

3.2. Réseaux gérontologiques et techniques du réticulé par « co-ordination » Selon la typologie de Walter Leutz (1999), les techniques du réticulé par la « co-ordi- nation » renvoient à des mécanismes où les différentes parties prenantes de l’offre locale de services mettent en place des mécanismes systématiques de collaboration clinique et

17 Le souhait de rapprochement et d’harmonisation des deux dispositifs a été inscrit a posteriori en 2002 dans la Circulaire DHOS/DSS/CNAMTS n°610 du 19 décembre 2002 relative aux Centres locaux d’information et de coordination (Clic) et aux réseaux de santé gérontologiques, et réitéré en 2004 dans la Lettre Circulaire n°

DGAS/DHOS/2C/03/2004/452 du 16 septembre 2004 relative aux Centres locaux d’information et de coordina- tion (Clic) et aux réseaux de santé gérontologiques. [Acteur national : « Il faut la lire c’est un modèle du genre, qui fait 7 pages pour dire qu’il faut essayer de travailler ensemble »].

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organisationnelle pour prévenir ou trouver des solutions aux problèmes de discontinuité des interventions. Dans cette perspective, elles mutualisent certaines de leurs ressources, com- pétences et prérogatives respectives, déplaçant de la sorte leurs frontières institutionnelles.

Cette construction repose sur des techniques du réticulé par co-ordination définies comme

« un ensemble de techniques et de modèles d’organisation conçus pour la transmission d’information, la coordination et la collaboration à l’intérieur et entre les prestataires de services et de soins et les secteurs administratifs ou financeurs » (Kodner, Kyriacou, 2000).

Dans cette configuration de réseaux dits intégrés, le postulat est que l’engagement à mutualiser les responsabilités, aux différents niveaux cliniques, organisationnels et insti- tutionnels, est producteur d’intervention coordonnée auprès des personnes âgées (Hébert et al. 2003  ; Somme et al., 2008a). Autrement dit, ce dispositif vise l’intégration des services aux personnes âgées en perte d’autonomie, en tant que mode organisationnel qui se réalise localement - proximité géographique - et dont le succès dépend non seulement de la volonté des acteurs locaux de collaborer - proximité organisationnelle - mais aussi de décisions structurantes prises aux différents échelons18 de responsabilités législatives, administratives et financières - proximité institutionnelle (Demers, 2005).

3.2.1. Réseaux intégrés, objectif et moyens commun

Cette approche des réseaux intégrés gérontologiques implique la construction de méta- réseaux (Bruyère, 2008), incluant :

• à l’échelon clinique les professionnels intervenant auprès des personnes âgées (médi- caux, paramédicaux et sociaux),

• à l’échelon organisationnel les directeurs gestionnaires de services (publics et privés non lucratifs et lucratifs),

• à l’échelon dit stratégique les organisations à responsabilités en termes de planifi- cation, d’administration et de financement (administrations étatiques décentralisées, caisse d’assurance maladie et d’assurance vieillesse, mais aussi collectivités territo- riales c’est-à-dire conseils régionaux, conseils généraux et mairies).

Il en résulte une co-construction inter-sectorielle (secteur sanitaire et secteur social) et inter-organisationnelle (organisations des sphères de la « ville », de l’ « hôpital » et de l’ « hébergement ») des techniques du réticulé par la « co-ordination ». Ces techniques recouvrent cinq dimensions (Hébert et al., 2003; Couturier et al. 2009,) :

1. Un dispositif de gestion de cas incarné par un professionnel dédié à l’évaluation des besoins, à la coordination et à la planification des services sur une longue durée.

2. La mise en place d’une porte d’entrée unique aux services dans l’objectif de mettre en place une évaluation standardisée des besoins.

3. Un outil valide d’évaluation des besoins, reconnu par l’ensemble des partenaires du continuum de services.

4. Un outil de planification des services standardisé et partagé par les différents parte- naires cliniques.

5. Un dossier clinique partageable qui vise la circulation efficiente des informations cliniques nécessaires à la bonne intégration des services.

18 Aux échelons régionaux et centraux au Québec ; aux échelons nationaux ainsi que départementaux et régionaux en France.

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Statutairement, les acteurs qui construisent et constituent les réseaux intégrés de services aux personnes âgées en perte d’autonomie sont donc nombreux et diversifiés. Ils proviennent majoritairement19 des secteurs public (champs étatiques, organismes de protection sociale et collectivités territoriales) et privé non lucratif. Le secteur de l’ESS représente ainsi, à l’échelon dit organisationnel, en charge de définir les techniques de la co-ordination, des associations prestataires de services, des associations porteuses de réseaux de coordination via les tech- niques de la liaison (CLIC et réseaux de santé), ainsi que des associations représentatives des usagers et des professionnels médicaux et paramédicaux. À l’échelon dit stratégique, en charge de valider légalement les techniques définies, les organisations d’ESS sont représen- tées notamment par les unions et fédérations représentatives des structures associatives. Cet agencement sphérique des échelles territoriales, des compétences et des responsabilités allie étroitement les perspectives horizontale et verticale de la configuration en réseau.

En contexte institutionnel complexe et incertain, la construction de ces méta-réseaux ou réseaux « complets » est considérée comme indispensable. Elle se base sur une repré- sentation commune de l’impossibilité de remplir une fonction de coordination de façon autonome à partir des outils actuellement dédiés [Acteur départemental : « L’amélioration du fonctionnement des services dont on a la responsabilité par des voies qui rendent intelligents et donc pas par des textes réglementaires qui tombent du ciel »].

Sur l’assise de cette représentation commune, les réseaux intégrés s’appuient sur une norme partagée qui consiste à se sentir collectivement responsable (Somme et al., 2008b) des ser- vices offerts aux personnes âgées, et ce, à tous les niveaux de responsabilités institutionnelle, organisationnelle et clinique [Acteur départemental : « elle [l’expérimentation de construction de réseaux intégrés] entraîne des responsabilités et elle entraîne des interpénétrations institu- tionnelles qui ne sont pas habituelles. D’habitude c’est des « co » de côte à côte »].

La réalisation de cette « co-responsabilisation »20 est conceptualisée comme la résul- tante d’une méthode de construction horizontale et verticale des techniques du réticulé.

Il s’agit de construire à la fois un réseau horizontal (sur chaque site, ensemble des orga- nisations intervenant à un même échelon de responsabilités réunies dans deux comités de concertation stratégique et tactique) et vertical (sur chaque site, ensemble des organisations à tous les échelons de responsabilités par des aller-retours entre les deux comités de concer- tation stratégique et tactique) [Acteur national : « La concertation on l’a dans le réseau local, sauf que ça ne remonte pas au niveau stratégique. Après on retrouve la concertation stratégique au niveau d’un conseil qui réunit le Conseil Général, la DDASS et l’assurance maladie et qui fait de la concertation […] mais ça ne redescend pas au niveau local. Enfin, les bouts sont partout, et là l’intérêt du modèle est qu’il regroupe tout »].

Le pouvoir de décision est collectif et procédural ; il suit une règle majoritaire [Acteur local : « On décide tous ensemble de certaines règles du jeu que l’on va s’appliquer les uns les autres dans l’intérêt de la prise en charge et de l’accompagnement des personnes »]. Ce

19 Les acteurs privés à but lucratif sont minoritaires, il s’agit principalement des professionnels de santé libéraux.

20 Ces principes ont été libellés dans le protocole d’entente des parties-prenantes à la première expérimen- tation des réseaux intégrés basés sur un modèle de co-ordination, PRISMA, dans la région des Bois-Francs du Québec, de la façon suivante : « Plutôt que de protéger la mission de leur établissement respectif, les directeurs généraux s’entendent sur un projet d’entente de partenariat sous-régional, qui subordonne la défense des intérêts des parties à ceux des usagers et des contribuables du territoire » (Table de concertation, 10 avril 1995, relaté par Demers, Turgeon, 2008 : 74-76)

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mécanisme de coordination interne aux réseaux intégrés est, dans la majorité des cas, d’ordre informel [Acteur départemental : « L’importance des tables de concertation aux différents niveaux national, départemental et local, où les gens se parlent et échangent »]. Lorsqu’il a été formalisé, c’est dans le cadre de la constitution de groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) [Acteur départemental : «  À partir du moment où vous avez des structures différentes avec des financeurs différents, vous avez des vitesses différentes, vous avez des modes de fonctionnement différents, c’est ça la problématique. Et l’avantage de ce groupement, c’est qu’il est structurant d’une manière claire pour tout le monde »].

Les principales incitations à participer à la construction de réseaux intégrés sont de nature axiologique. La raison d’être de celle-ci est de mieux servir la population du territoire avec les ressources disponibles [Acteur départemental  : « mettre en place un système simple de prise en charge des personnes âgées intégrant l’ensemble des prestations et des outils pour leur faciliter la vie  »]. Il est possible de constater des incitations d’ordre symbolique. Ces dernières renvoient au caractère novateur en France et contemporain en Europe et Outre-atlantique, de la constitution de dispositifs d’inté- gration des services aux personnes âgées en perte d’autonomie [Acteur départemental :

« J’étais aussi allé au Canada […]. Donc si vous voulez, j’avais une sensibilité assez forte pour ce qui était innovant »]. Il s’agit d’être précurseur d’un changement anticipé [Acteur local : « C’était une nécessité, l’objectif c’est d’arriver à le faire. Ça c’était pour moi le challenge. Donc je pense que le fait que ce soit un projet nouveau, y a quelque chose qui s’est passé »].

3.2.2. Difficultés de construction d’une gouvernance partenariale

Cette configuration, actuellement non institutionnalisée, se veut théoriquement relever d’un mode de gouvernance de type partenarial. Comme exposé ci-dessus, elle vise des arrangements institutionnels pluralistes (aux différents échelons, recherche d’exhaustivité de la participation des organisations à compétences et prérogatives).

Ces arrangements s’inscrivent dans des cadres formels (comités locaux et départe- mentaux/régionaux en tant qu’instances habilitées pour la gouvernance, la gestion, et la production des services). Ce mode de gouvernance vise à favoriser la circulation de l’information et le partage des normes d’action. Pourtant, il apparaît qu’une telle catégorisation est sujette à caution. En effet, s’il apparaît que le mode de gouver- nance de type partenarial est congruent aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie (Demers, 2008), il semble également improbable eu égard aux principes structurels du champ gérontologique en termes de cloisonnements institutionnels et cliniques, mais aussi en raison du climat de rationalisation voire de compressions budgétaires source de tensions et concurrences institutionnelles et organisationnelles.

[Acteur départemental : « Ce que vous êtes en train de mettre en évidence à travers ce travail, c’est d’essayer de contourner des complexités d’ordres politique, culturel et institutionnel par des moyens techniques. Ça vaut la peine d’essayer, mais… »].

La diversité des plans et programmes d’orientation de politiques publiques (natio- nales, régionales, départementales, intercommunales et communales) précédemment esquissée engendre un certain degré de divergence voire de concurrence des objectifs et moyens des politiques gérontologiques.

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Comparativement à d’autres contextes nationaux (le Québec notamment21) une caractéristique du contexte français se situe dans le fait qu’une politique publique natio- nale peut entrer en contradiction avec des politiques territoriales (régionales, départe- mentales et municipales) elles-mêmes divergentes. Les acteurs des échelons organisa- tionnel et clinique lisent aisément les concurrences des différentes instances tutélaires et de financement à compétences en matière gérontologique [Acteur local : « On vit dans un paradoxe institutionnel, qui est que les institutions créent de la complexité et après essaient de trouver des solutions pour la diminuer »]. Ils s’appuient dessus pour développer des stratégies d’adaptation des mesures, mais également de contournement, de détournement, voire de résistance. Dans l’enquête de terrain menée, les stratégies adoptées portent en particulier sur l’implication de décideurs appartenant au champ politique, davantage que sur celle du champ administratif. Or, l’engagement des acteurs politiques n’est jamais définitivement acquis, notamment en raison de la difficulté de l’ajustement entre différents agendas, en particulier électoraux. Ces stratégies se maté- rialisent de différentes façons : inactivité en raison d’incertitudes quant aux résultats électoraux (orientations des pouvoirs publics dépendantes des idéologies des équipes dirigeantes mises en place par les politiques); attention portée à la couleur politique des porteurs des différents plans ou programmes (dans une stratégie de justification du rejet ou de l’appropriation); inaction du fait de conflits d’agendas, etc. La prise en considéra- tion des agendas politiques constitue un facteur explicatif de la dynamique de construc- tion des réseaux de coordination gérontologiques. Sur l’un des sites de l’enquête de terrain, une dynamique vertueuse entre les sphères politiques et administratives a ainsi été identifiée. La lecture d’une implication au niveau stratégique national des instances de tutelle et de financement a permis un engagement plus facile des décideurs politiques régionaux et départementaux. S’ensuit le relais de cette priorité au niveau technique, c’est-à-dire au sein des administrations en charge de définir l’opérationnalisation et la mise en œuvre [Acteur départemental  : « Il y a une adhésion politique, ça c’est sûr. Du côté du président du conseil général, on est soutenu. Ce qui est aussi très important, c’est au niveau de l’administration et de son nouveau directeur général des services, qui apporte véritablement son soutien à cette opération »]. En somme, ces éléments appellent à prendre en compte la façon dont l’intégration des services gérontologiques est inscrite à « l’agenda politique » et à l’« agenda gouvernemental » (à toutes les échelles nationale, régionale, départementale et communale de gouver- nement). Or, l’inscription à l’agenda, au sens de la sociologie de l’action publique de Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès [2007] se fait au profit de fenêtres d’opportunités ce qui interroge, selon les acteurs participants, la profondeur de l’objectif d’intégration des services dans le champ gérontologique.

D’autres catégories d’incertitudes et de tensions sont lisibles dans cette phase d’élaboration d’un dispositif public d’intégration des services aux personnes âgées en perte d’autonomie.

La concertation n’empêche pas les conflits qui peuvent survenir à la fois de contacts non souhaités, de problèmes de compréhension, de conflits d’intérêts concernant les moyens ou

21 Où les programmes gérontologiques sont sous tutelle du Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et mis en œuvre par l’Agence de développement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (ADRLSSS).

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les finalités du groupe, voire de résistance au changement. Ainsi, des dynamiques concurren- tielles entre les légitimités professionnelles du champ médical (assises sur un rapport étroit à la science et aux données probantes) et les légitimités professionnelles du champ associatif (assises sur l’expérience et la connaissance de besoins des populations et organisations locales) sont perceptibles et entravent la dynamique de concertation. Ces tensions sont plus ou moins prégnantes selon les contextes locaux (diversité ou non de l’offre, hétérogénéité professionnelle et statutaire des partenaires, résultats positifs ou négatifs des expériences passées et présentes de partenariats, etc.). Par exemples, sur l’un des sites étudiés, l’hégémonie (au moins sym- bolique) d’une organisation d’ESS, sur un autre site, le monopole de l’offre gérontologique territoriale par une association, ralentissent le travail de construction des outils et techniques de coordination. Plusieurs facteurs explicatifs ont été identifiés : l’inexpérience du partenariat, la suspicion d’instrumentalisation du partenaire dominant, le fatalisme concernant une appro- priation des produits du partenariat, le manque de modes de légitimation déployables par les autres partenaires, pour ne citer que ces dimensions particulièrement prégnantes. Dans les deux cas, il semble qu’une phase d’apprentissage de la coopération soit nécessaire. Cet apprentis- sage appelle « la confiance » dans la mesure où il est question de construire les dispositions à coopérer. Dans la lignée des travaux de Xabier Itçaina (voir contribution à ce numéro), la construction de la confiance, nécessaire à la coopération, repose sur un équilibre subtil, et en mouvement, entre « dispositions héritées » et « stratégies contemporaines ». Dans la construc- tion des réseaux dits intégrés, les stratégies contemporaines renvoient aux apprentissages col- lectifs déployés à travers le mécanisme de co-construction verticale [Acteur départemental :

« L’intégration c’est le fait que, on considère que c’est une méthode qu’on va partager, c’est des moyens qu’on va partager, c’est des équipes qu’on va partager et qui ont assez confiance les uns les autres pour ne pas multiplier les contrôles »] et horizontale [Acteur départemental :

« L’intégration c’est quand même la levée d’une certaine, c’est une grande confiance, la levée d’une grande méfiance et une capacité à se profiler assez longtemps dans le temps » ].

Force est de constater que l’objectif de proximité institutionnelle visé par les réseaux gérontologiques via les techniques de la « co-ordination » se heurte à un ensemble de conflit d’agendas « gouvernementaux » et « politiques », ainsi qu’à des facteurs d’ordre historique.

4. Conclusion

Notre analyse des réseaux de coordination gérontologique met en évidence une gou- vernance d’action publique assise sur le principe de territorialisation, cherchant de la sorte à consacrer les objectifs de la proximité et de la transversalité.

À partir d’un cadre législatif minimal et flexible, la construction de ces réseaux relève de dynamiques d’acteurs, de procédures et d’outils spécifiques à chaque territoire et rapports de pouvoirs.

En termes de rapports de pouvoirs, les acteurs associatifs occupent une place privilégiée dans ces réseaux. Ils sont appréciés des pouvoirs publics territoriaux du fait, en particulier, d’une flexibilité d’action expliquée d’une part, par leur proximité avec les bénéficiaires et, d’autre part, par leur proximité avec les centres décisionnaires internes. La première catégorie de proximité est supposée assurer pertinence de la réponse apportée en raison d’une connaissance fine des besoins des bénéficiaires et des moyens des professionnels.

La seconde proximité est jugée propice à la réactivité et l’adaptabilité des réponses dans

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