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Géographie Économie Société : Article pp.67-68 du Vol.6 n°1 (2004)

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© 2004 Lavoisier SAS. Tous droits réservés.

Lavoisier

Géographie, Économie, Société 6 (2004) 67–68

Hommage

Philippe Besnard (1942-2003)

L’un des plus grands sociologues français, Philippe Besnard, vient de nous quitter. Il est parti discrètement, comme il a vécu : sans tambour, ni trompette, sur la pointe des pieds.

Si son nom reste peu connu par le grand public, malgré ses travaux remarquables, c’est en grande partie, car c’était un véritable chercheur qui ne se mêlait d’aucune bataille idéolo- gique ayant traversé le champ de la théorie sociale, dès la seconde partie du vingtième siè- cle. Bien que peu soient enclins à l’admettre, chacun sait que sans une appartenance

« forte » ou un réseau « efficace », on a guère de chance d’avoir l’oreille des médias. Phi- lippe ne possédait ni l’un, ni l’autre. Je ne dirais pas qu’il était un chercheur solitaire car il avait de nombreux amis, mais comme lui, ils ne faisaient pas partie du courant

« politiquement correct » qui a sévi en France durant les trois dernières décennies.

Il a fait son « entrée » en sociologie par la collection « U » d’Henri Mendras et son livre, Protestantisme et capitalisme, (1970) a vite conquis tous les sociologues sérieux, même si, ce genre d’ouvrage n’était pas à la mode dans les années 70, en plein bouleversement et mutation sociale. Son Anomie, Ses usages et ses foncions dans la discipline sociologique depuis Durkheim (1987, PUF) restera un chef-d’œuvre et un livre indispensable pour les générations de sociologues à venir. Même après avoir écrit, avec Guy Desplanques, Un prénom pour toujours. La cote des prénoms, qui deviendra un grand succès de librairie, il restera fidèle à la sociologie « classique ».

Au début des années 90, Ph. Besnard a pris la direction de la Revue Française de Socio- logie qu’il pilotera jusqu’à sa disparition avec le plus grand sérieux.

Je n’ai jamais travaillé avec lui, je n’étais ni son collègue proche, ni son étudiante et nous n’avions pas le même âge, autant dire que notre relation était strictement profession- nelle. C’est après la sortie de mon ouvrage, Sociologie de la communication de masse, publié également dans la collection « U » où les femmes étaient quasiment absentes, que j’ai fait sa connaissance. Il m’a très chaleureusement félicitée et cette générosité naturelle et sincère dépourvue de toute intrigue, de tout calcul nous a rapproché et nous sommes vite devenus amis. Philippe était un grand expert de la sociologie anglo-saxonne et lorsque je lui ai demandé la lecture d’un papier que j’avais terminé sur la thèse de la structuration d’A.

Giddens, il l’a fait gentiment, avec une très grande précision et une érudition surprenante.

Ma position de « hors-statut » et mes nombreuses publications le mettaient mal à l’aise, avec gentillesse, il me répétait d’être prudente dans un monde où tout est calculé, négocié

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et dans lequel le franc-parler n’a pas beaucoup de place. S’il reste un détail qu’on pourrait lui reprocher, ce serait son respect envers les « coutumes » et son peu de combativité : Phi- lippe Besnard était aimable au sens propre du terme et n’aimait ni les conflits, ni les bagarres ; comme s’il avait une fois absolue en la raison et en l’équité dont tous nous devrions jouir. Il jugeait les productions des gens mais jamais les personnes et leur appar- tenance politique, ethnique ou sociale. Ce n’était pas un homme de pouvoir, c’était un véri- table homme de science, appartenant à une espèce rare en voie de disparition. Il nous a quit- tés trop jeune, trop tôt, mais outre ses excellents travaux, il nous a laissé la sensation indescriptible qu’une partie de notre véritable et généreuse humanité naturelle s’évanouit avec lui, qu’un être précieux, respectueux de tous et amoureux des idées et de la science venait de partir pour toujours à petits pas…

Nous héritons aujourd’hui d’un exemple à suivre tant dans la modestie et nos conduites de vie que dans une véritable richesse à acquérir au-delà des petitesses qui séduisent les hommes et notamment les hommes de sciences. Nous héritons aussi de ses ouvrages qui montrent son approche de la sociologie, ses méthodes et ses idées, et en filigrane tous les travaux qu’il aurait souhaité poursuivre et pour lesquels le temps aurait été trop court.

Philippe Besnard nous manquera ; il laisse un vide dans nos cœurs d’amis et de socio- logues.

Judith Lazar

Quelques références de Philippe Besnard :

Besnard, Ph., Jodelet, D, Viet, J., 1970. La psychologie sociale, une discipline en mouvement, Paris/La Haye, Mouton, 470 p.

Besnard, Ph,. 1970. Protestantisme et capitalisme, Paris, Armand Colin, 426 p.

Besnard, Ph,. 1976. Anti- ou anté-durkheiminisme ? Contribution au débat sur les statistiques officielles du suicide, Revue française de sociologie, XVII, 2, pp. 313-341.

Besnard, Ph., et al., 1976. À propos de Durkheim, Paris, CNRS, 375 p.

Besnard, Ph., 1979. Pour une étude empirique du phénomène de mode dans la consommation des biens symboliques : le cas des prénoms, Archives européennes de sociologie, XX, 2, pp. 343-351.

Besnard, Ph., et al., 1981. Sociologies françaises au tournant du siècle : les concurrents du groupe durkheimien, Paris Éditions du CNRS, n° spécial de : Revue française de sociologie, juillet-septembre 1981, XXII-3.

pp. 309-480.

Besnard, Ph., et al., 1983. The sociological domain, Cambridge, Cambridge University Press, 296 p.

Besnard, Ph., 1987. L’anomie : Ses usages et ses fonctions dans la discipline sociologique depuis Durkheim, Paris, PUF, 424 p.

Besnard, Ph., 1989. Moeurs et humeurs des Français au fil des saisons, Paris, Balland, 282 p.

Besnard, Ph., et al., 1994. Division du travail et lien social : Durkheim un siècle après, Paris, PUF, 329 p.

Besnard, Ph., et al., 2002. Un ethnologue dans les tranchées, août 1914-avril 1915 : Lettres de Robert Hertz à sa femme Alice, Paris CNRS Éditions, 265 p.

Besnard, Ph., Desplanques, G., 2003. Un prénom pour toujours, La cote des prénoms, Paris, Balland, 365 p. (Div.

éd. depuis 1984).

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