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Géographie Économie Société: Article pp.203-219 of Vol.6 n°2 (2004)

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Texte intégral

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Futurité et toposité :

situlogie des perspectives de l’action Futurity and Toposity:

situlogy of the perspectives of the action

Jean-Jacques Gislain

CRISES et Département des relations industrielles Université Laval

« Ce monde commande à notre façon d’être, et par là nous écrase. » (Khatib 1958, 13)

Résumé

Au regard des études géographiques dans leur ensemble, peu de place est occupée par la problé- matique de la théorie de l’action in situ. L’objet de cet article est d’explorer certaines lignes de réflexion sur la possibilité de construire une telle théorie : une situlogie des perspectives de l’action.

Et ceci en nous aidant des deux concepts de futurité et de toposité, et après avoir positionné cette situ- logie dans le champ des études qui la bordent.

© 2004 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Abstract

In the field of geographic studies, little place is given to the theory of the action in situ. The pur- pose of this article is to study this issue and to elaborate certain lines of reflection on the possibility

Adresse e-mail : jean-jacques.gislain@rlt.ulaval.ca

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of building such a theory: a situlogy of action perspectives. This reflexion will be supported by two concepts: futurity and toposity. Previously, this situlogy will be placed into its field of studies.

© 2004 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : Théorie de l’action ; Action située ; Pragmatisme ; Situlogie ; Futurité ; Toposité ; Transaction ; J R.

Commons.

Keywords: Theory of the action; Situated action; Pragmatism; Situlogy; Futurity; Toposity; Transaction; J. R.

Commons.

Dans un article récent de cette revue, Peter Gould et Ulf Strohmayer (2003) dressaient un tableau de l’évolution des études géographiques pendant le dernier siècle. Ce qui est frappant à la lecture de cet article, par ailleurs remarquable, c’est le peu de place qu’occupe dans les études géographiques la problématique de la théorie de l’action in situ. Certes, dans certaines de ces études, cette problématique est présente mais elle ne se fonde pas sur une véritable théorie de l’action au sens classiquement adopté dans les sciences sociales.

Dans un ouvrage récent et au titre évocateur, Les acteurs, ces oubliés du territoire (Gumuchian, Grasset, Lajarge, Roux, 2003), les auteurs se proposent de produire les fon- dements d’une théorie de l’action en géographie à partir des théories de l’action disponi- bles en sciences sociales. Toutefois, leurs contributions respectives, bien que présentées comme un ensemble relevant d’une problématique homogène, introduisent un doute, pour ne pas dire une confusion certaine, chez le lecteur : de quel acteur s’agit-il ? De l’acteur social du territoire, c’est-à-dire de l’acteur plus ou moins collectivement organisé et pro- duisant socialement/politiquement/administrativement/etc. le territoire, ou de l’acteur/

sujet individuel « situé » dans le territoire tel qu’il se présente à lui comme construction sociale ? Ces deux types d’« acteurs », l’un acteur « social » du territoire l’autre acteur

« socialisé » dans le territoire, ne peuvent être confondus dans une même théorie de l’action dite « territorialisée ».

Bien que ces deux problématiques et les théories de l’action (territorialisante, territoria- lisée) qui pourraient respectivement en découler puissent (doivent) être articulées l’une à l’autre pour rendre compte de la totalité de la dialectique (de la construction sociale par les groupes sociaux agissants) du territoire (socialement construit pour les sujets agissant), il est nécessaire de les dissocier analytiquement. Nous nous intéresserons ici uniquement au second type de théorie de l’action, celle de l’acteur dans le territoire socialement construit et participant de sa construction sociale comme sujet pensant et agissant in situ.

L’objet du présent article est ainsi d’explorer certaines lignes de réflexion quant à la possibilité de construire une théorie de l’action in situ, ce que nous pourrions appeler une situlogie des perspectives de l’action. Et ceci en nous aidant des deux concepts pragma- tistes de futurité et de toposité (§.2), et après avoir positionné cette situlogie dans le champ des études géographiques, et plus généralement en sciences sociales, qui la bor- dent (§.1).

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1. Entre, d’une part, la construction sociale du territoire et l’expérience spatiale existentielle, d’autre part,

l’action collective territorialisée et l’action individuelle située

L’objet de cet exercice de positionnement d’une possible situlogie des perspectives de l’action n’est pas de passer en revue, de façon exhaustive, la totalité des approches qui s’intéressent de près ou de loin à l’action in situ. Il s’agit beaucoup plus modestement de donner quelques repères qui pourront nous permettre d’ouvrir l’espace de construction théorique d’une telle situlogie. Pour ce faire, nous aborderons ce positionnement, d’une part, à partir des analyses « géographiques », d’autre part, à partir des analyses

« sociologiques ». Dans le premier cas, les analyses ayant pour origine ou résidence le champ disciplinaire géographique oscillent entre une problématique de la construction sociale du territoire et celle d’une appréhension subjective de la spatialité (1.1). Dans le second cas, les analyses à vocation disciplinaire sociologique se disposent entre les deux pôles que sont l’action collective territorialisée et l’action individuelle située (1.2).

1.1. Entre la construction sociale du territoire et l’expérience spatiale existentielle Dans le domaine de la géographie humaine, comme en toute science de la société, on retrouve avec plus ou moins d’emphase le clivage épistémologique entre holisme et indi- vidualisme méthodologiques. À propos de l’objet « territoire », ce clivage s’enracine dans le point de vue adopté : celui des « acteurs sociaux » ou celui des « individus ».

Lorsque l’optique en termes de construction du territoire par les acteurs sociaux est adoptée, l’action in situ est analysée comme un ensemble de pratiques sociales dont les déterminations relèvent du mode d’inscription sociale de l’acteur. En régime normalisé de socialisation territorialisée, les acteurs sont agis et agissent par/dans le territoire sociale- ment construit comme ils le sont, en général, par les rapports sociaux de classe/de sexe/de communauté/etc. Quand l’acteur in situ est rétif à cette normalisation et au caractère

« hégémonique » de la structuration sociale de l’espace, son action déviante/marginale/

subversive/etc. est alors analysée en termes de luttes et de résistances plus ou moins orga- nisées et comprises dans des collectifs de (tentatives) de (re)construction sociale (alterna- tive, identitaire) du territoire (Klein, Fontan, Tremblay, 2001 ; Robinson, 2001). En somme, l’acteur in situ déploie son activité soit de façon intégrée, selon sa « place », à l’ordre social (de classe, de genre, de communauté, etc.) du territoire (de travail, d’habitat, de circulation, de consommation, de cérémonies, etc.), soit en écart à cet ordre et selon des stratégies collectives de recherche d’autonomie/identité/alternative. Cette thématique peut alors être déclinée selon les diverses théories générales de référence quant à la socialisation par les « rapports sociaux ». Parmi ces approches géographiques, souvent qualifiées de

« radicales », il existe une variété de conceptions (néo-post)marxistes (Harvey, 1973, 1982 ; Lefebvre, 1981), féministes (Massey, 1984 ; Rose, 1993), culturalistes (Claval, 1995, 2003 ; Jackson, 1989) et leurs hybridations plus ou moins postmodernes (Harvey 1989, Shields 1991, Benko, Strohmeyer, 1997).

Malgré ces indéniables qualités, la difficulté avec ce type d’approche, en ce qui concerne spécifiquement la problématique de l’action in situ, c’est le caractère « impersonnel » de l’acteur. Ce dernier n’est pas vraiment un sujet acteur. Il est, en tant que représentant typique d’un groupe social spécifique, un élément d’un même ensemble humain spatialisé. Ce der-

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nier se comporte, et est analysé, comme le véritable « acteur social » de la construction du

« territoire ». En somme, l’acteur est, dans son action territorialisée, exemplaire de son groupe social, de genre, de communauté, d’urbanité, de proximité, de terroir, etc., d’appar- tenance. Il n’est donc pas dans/par le territoire un sujet pensant et agissant selon des déter- minations particulières. Il opère et est opéré sur/dans le territoire selon la médiation des acteurs sociaux, dont il est une sorte « d’agent représentatif ». Dès lors, il est, et analysé comme, un acteur socialement construit en conformité avec son groupe d’appartenance et partageant avec ce dernier un habitus, des oppressions et des pouvoirs, des souffrances et des résistances, etc. ; en somme, des « espaces » ou « champs territoriaux » de vie régis par son mode de socialisation. Ainsi, la « personnalité » singulière de l’acteur in situ est évacuée et cette vacance offre un espace d’analyse vierge au second point de vue.

En effet, lorsque l’objet territoire est appréhendé du point de vue spécifique des indivi- dus singuliers, l’action in situ est comprise comme une expérience particulière et existen- tielle de la spatialité. Chaque acteur agit « selon » ses modes d’être personnels dans ses mondes (matériel, symbolique, imaginaire, etc.) de la contingence, de l’utilité, de l’errance, de l’esthétique, etc., topologiques. L’acteur in situ entretient dès lors un rapport privilégié et souvent exclusif avec ses propres territoires comme autant de perspectives d’action sin- gulière. La pluralité des acteurs et de leurs mondes et modes respectifs présente alors une cartographie bigarrée de l’action territorialisée où il y a autant de couleurs et de teintes que d’acteurs et de registres d’action singuliers. Certes, certaines contraintes sociales territoria- lisées existent, mais elles ne sont que des obstacles ou des moyens qui freinent ou véhicu- lent l’action singulière in situ. Cette thématique peut alors être déclinée selon les diverses théories de référence quant à « la présence au monde » spatialisé. Parmi ces approches, souvent qualifiées d’« humanistes » (Buttimer, 1971 ; Tuan, 1977 ; Bailly, Scariati, 1990 ; Cloke et al., 1991), il existe aussi une variété de conceptions géographiques existentielle (Dardel, 1952), phénoménologique (Seamon 1979 ; Sanguin, 1981), des espaces vécus et des paysages (Frémont et al., 1982 ; Berque, 1995, 2000 ; Di Méo, 1996), elles aussi subis- sant l’hybridation plus ou moins postmoderne (Entrikin, 1991 ; Bédard, 2000).

Cet angle de vue présente aussi des qualités intéressantes, mais ici la difficulté quant à la problématique spécifique de l’action in situ réside dans l’extériorisation du territoire sociale- ment construit dans lequel baigne l’acteur « seul dans son monde » et dans un espace plein d’autrui… gênant ou séduisant. Dans ces conditions de nomadisme singulier dans un monde surpeuplé, les déterminations « sociales » de l’action in situ sont réduites à de simples varia- bles environnementales ou culturelles. Cette exogénéisation du territoire socialisé, ce dernier étant réduit au simple statut, pour l’acteur et pour l’analyse, d’obstacle ou de ressource, fra- gilise ce type d’approche de la singularité de l’action in situ. Cette dernière présente alors un vacuum de compréhension qui rend d’autant plus pertinent le premier point de vue. Même le

« touriste », l’acteur censé par excellence laisser libre cours à son action de découverte, porte un regard on ne peut plus socialement construit et structuré sur le monde (Urry, 1990).

Ainsi, entre les approches de la construction sociale du territoire et celles de l’expé- rience spatiale existentielle, se situe un espace de théorisation de l’action in situ qui intègre la construction sociale de l’acteur territorialisé et l’expérience existentielle de ce même acteur. En somme, il s’agit d’échapper au dualisme épistémologique holisme/individua- lisme en proposant une approche situlogique de l’acteur ayant une personnalité instituée dans/par le territoire.

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1.2. Entre l’action collective territorialisée et l’action individuelle située

Dans le domaine des études en sciences sociales autres que la géographie qui abordent la question spatiale, on retrouve le même dualisme méthodologique. Soit l’analyse de l’action in situ se décline à partir de l’« action collective », soit à partir de celle de l’« indi- vidu situé ».

Les approches en termes d’action collective, au sens de l’action d’un groupe social agis- sant comme un tout, présentent le territoire comme un « champ » de déploiement des rap- ports sociaux (de classe, de genre, d’identité communautaire, etc.). Ce champ est alors structuré selon les rapports de force, de domination, de résistance, d’alternative qui ani- ment les acteurs sociaux et leurs pouvoirs organisationnels, représentatifs, politiques, etc.

Dans ces conditions, l’action in situ est l’un des registres de l’action collective au même titre que celui de l’action au travail, dans la cité, dans la famille, etc. Ces approches rejoi- gnent rapidement celles ci-dessus qualifiées de « construction sociale du territoire », et il est bien souvent difficile de les discerner si ce n’est par leur lieu de résidence disciplinaire : géographie ou sociologie (économie, politique, ou autre science sociale).

Pour celles issues d’un champ disciplinaire autre que celui de la géographie, il existe donc aussi une variété d’approches (néo-post)marxistes, culturalistes, féministes, commu- nautaristes, etc. (postmodernes ou non). Ces approches analysent les mouvements sociaux territorialisés, c’est-à-dire dont l’action collective se fixe sur la problématique du territoire (transport, services publics de proximité, aménagement urbain, protection du terroir, déve- loppement local, environnement écologique, etc.).

La difficulté avec ce type d’approche, concernant l’analyse de l’action in situ, est du même type que pour les approches géographiques de la construction sociale du territoire.

La spécificité de la personnalité du sujet acteur in situ est subsumée dans la catégorisation (classiste, communautariste, de genre, culturelle, identitaire, etc.) du groupe social d’appartenance. Les acteurs sont dans la dimension spatiale ce qu’ils sont en général dans la société, des acteurs sociaux… territorialisés. Territoire et société sont en quelque sorte isomorphes. Dis-moi qui tu es comme être socialisé et je te dirai où tu habites, quel est ton mode « territorialisé » de socialité !

Seules, peut-être, certaines approches s’inscrivant dans le cadre des travaux de l’Inter- nationale Situationniste ont tenté de personnaliser les acteurs socialement territorialisés en rapport avec leurs expériences existentielles de « dérive » dans la ville ou autres espaces socialisés ou non. Toutefois, ces approches situationnistes ne parviennent pas à opérer le lien analytique entre les déterminations de l’acteur situé dans/en dehors de la société du spectacle, avec ce que cela signifie comme mode d’inscription sociale dans/contre le terri- toire marchandisé, et l’expérience personnalisée de l’action du sujet in situ, si ce n’est comme praxis politique de création de « situation » en rupture radicale avec le territoire de la marchandise. En somme, on retrouve dans l’approche situationniste la même carence que dans son cadre théorique marxien référentiel : l’absence d’une théorie de l’action indi- viduelle instituée. Ce vacuum offre alors un espace aux approches de l’« individu situé ».

En effet, ce qu’il est maintenant convenu d’appeler les théories de l’« action située » prennent en considération dans leurs analyses la dimension spatiale de l’action indivi- duelle. Dans leur effort de compréhension de cette dernière, ces théories prêtent une atten- tion particulière à l’étude du « contexte » et de « l’arrière-plan » de l’action « en situation »

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(Fornel, Quéré, 1999), et donc du mode d’inscription de l’acteur dans l’espace. On trouve deux orientations théoriques principales dans ce type d’approche : cognitiviste et interac- tionniste.

La première, de type cognitiviste (Suchman, 1987 ; Hutchins, 1995), analyse la dimen- sion spatiale de l’action individuelle à partir des représentations mentales personnelles ou partagées/distribuées de l’acteur (son apprentissage et sa connaissance de l’« espace ») et des contraintes (ressources/obstacles spatiaux) que l’acteur rencontre dans ses intentions d’agir. Dans cette optique, le « contexte » spatial de l’action individuelle, l’« écologie » de son activité située, est donc interne (mental) et externe (objectif) à l’acteur ainsi « situé » pour (ne pas)agir. Dès lors, cet acteur situé entretient avec son espace un rapport instru- mental de moyens (cognitifs, matériels) pour les fins de son action. En somme, cet acteur individuel « gère », plus ou moins rationnellement, son espace comme un ensemble de contingences (positives ou négatives) de ses actions (Kirsh, 1999).

Ce type d’approche cognitiviste de l’action située dans l’espace présente des difficultés qui sont liées à son a priori mentaliste individualiste (Descombes, 1995). Dans sa forme la plus pure, la théorie de l’action in situ devient une déclinaison de la théorie générale de l’action rationnelle individuelle (substantielle/procédurale, optimisatrice/limitée, etc.) pri- vilégiant simplement la « variable » espace dans l’analyse. Toutes les critiques qui ont pu être faites à ce type d’approche rationaliste/mentaliste/individualiste s’appliquent donc à cette théorie de l’action située. En particulier, le « site » de l’action est réduit à la plus stricte expression d’« espace » topologique d’action. Le « plan » de l’action individuelle s’inscrit dans un espace d’arrière-plan ayant la seule dimension de métrique individuelle de l’action.

Une seconde orientation théorique de l’action située s’enracine dans la tradition de l’interactionnisme symbolique, en particulier dans la lignée des travaux de Erving Goff- man (1991). L’acteur individuel est alors appréhendé dans une réalité symbolisée faite de

« situations » de « trans-actions » entre individus, entre l’individu et son contexte spatial et en triangulation soi/autrui/arrière-plan spatial commun. Dans cette perspective, l’action située relève donc d’une construction sociale/symbolisée spatialisée interindividuelle. En ce qui concerne spécifiquement l’action in situ, c’est l’« expérience » interactionnelle sin- gulière qui produit pour chacun individuellement un « site » d’action personnelle et pour les individus en interaction, une « place » (Eyles, 1985).

Ce type d’approche interactionniste symbolique de l’action située comporte aussi des difficultés. Le fait de se présenter comme une microsociologie des « mondes », « cadres »,

« places », « sites », « drames », etc. des actions individuelles in situ conduit à ignorer (le plus souvent sans les nier, mais en y portant peu d’intérêt) les déterminations sociales (ber- ger, Luckman, 1966) et le « contrôle social » (Gibbs, 1989) qui façonnent les « lieux » et

« territoires » de l’action (inter)individuelle. Tout se passe comme si ces constructions sociales structurantes de l’action située étaient incorporées dans les acteurs individuels et étaient « (re)découvertes » (dévoilées) à l’occasion de leur « mise en situation » interindi- viduelle hors action collective organisée. De plus, l’inexistence d’une véritable théorie de l’action au fondement de l’interactionnisme symbolique, malgré certaines de ses racines pragmatistes, rend pour le moins assez vague ce qu’il faut entendre par « individu » : acteur stratégique (au sens de l’interactionnisme stratégique et ses fondements individua- listes de type rationalité limitée) ou acteur transactionnel (au sens de l’interactionnisme

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social et ses fondements pragmatistes) ? Les concepts de « site », « place », « monde », etc., souffrent alors de ce vacuum quant à la théorie de l’action.

Ainsi, avec ces approches de l’action située, la catégorie sociale de « territoire » dispa- raît au profit de celle (inter)individualiste de « site ». N’existerait-il pas une conception qui lierait les contenus de ces deux catégories, de même qu’elle lierait les deux approches de la construction sociale de l’acteur territorialisé et de l’expérience existentielle de la spatialité ? C’est ce type de conception que nous nous proposons d’explorer maintenant.

2. Situlogie des perspectives de l’action

Le point de départ pour une telle conception peut être recherché dans les fondements de la philosophie pragmatiste (C. S. Peirce, 1931-1958 ; W. James, 1907 ; J. Dewey, 1967- 1990 ; G. H. Mead, 1932, 1934, 1936, 1938). Cette conception peut aussi se construire de façon homologue à celle qui a été produite à propos d’un autre objet d’étude concernant l’action, le temps, par l’approche institutionnaliste en économie (J. R. Commons, 1934).

Cette conception peut être qualifiée de situlogie des perspectives de l’action et son concept central est celui de toposité, l’homologue conceptuel pour la spatialité de l’action de celui de futurité pour la temporalité de l’action. L’appellation de situlogie (déjà proposée par A.

Jorn 1960) pour une caractérisation générale de l’approche peut être retenue dès lors que le champ d’étude dont il est question se réfère à l’étude des « situations » d’action dans un contexte spatialisé. Si ce contexte est appréhendé d’un point de vue trans-actionnel, c’est- à-dire si les acteurs sont socialement construits — institués — dans/par l’action collective (au sens de J. R. Commons, 1934) située, alors le concept de perspective, tel que le propose G. H. Mead (1932), peut être retenu pour qualifier ce qu’il y a d’« individuel » dans l’action in situ et le concept de toposité significative commune peut nous aider à appréhen- der ce qu’il y a de collectivement institué dans l’action in situ.

Pour présenter et développer ce cadre conceptuel, il peut être intéressant de rappeler les fondements de la philosophie pragmatiste et l’application qui en a été faite à la temporalité de l’action instituée (1.2). Ensuite, la situlogie des perspectives de l’action et le concept de toposité significative commune pourront être présentés (2.2).

2.1. Philosophie pragmatiste de l’action et futurité

L’un des points d’ancrage fondamentaux de la philosophie pragmatiste, appréhendée ici plus comme une approche épistémologique que comme un ensemble de « théories » cons- tituées et cohérentes entre elles (Deledalle, 1954 ; Giggins, 1994), est de rompre avec le dualisme cartésien de l’âme et du corps, de l’esprit et de la matière, de la raison suffisante (interne/subjective, introspective/mentale, autonome/rationnelle en soi) réfléchissant le monde (externe/objectif, environnemental/matériel, hétéronome/rationnel hors de soi) pour en découvrir (dévoiler) les vérités et les lois universelles. Le point de vue adopté par le pragmatisme est celui de la continuité instrumentale et symbolisée entre l’activité humaine et son monde. Ce dernier ne recèle pas de vérité en dehors de ce que produit la condition humaine pour ses propres fins d’existence (significations et actions). L’activité humaine produit son monde d’existence par/pour/dans son activité. Cette centralité de l’activité (pragma) conduit alors à appréhender comme indissociables, d’une part, sur le

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plan gnoséologique, la connaissance et l’action, d’autre part, au niveau praxéologique, l’action et les trans-actions avec l’altérité (autrui, contingence environnementale). En somme, toute activité humaine, tout savoir penser/faire, est appréhendé « en situation » et comme une « expérience » (routinière ou novatrice) de cette dernière.

Lorsque la situation (le monde tel qu’il se représente à l’acteur comme sphère trans- actionnelle) contrôle (oriente, guide, régule, etc. ; contraint, libère, étend, etc.) l’expé- rience (le modus vivendi, operendi, procedendi, etc.) de l’acteur, c’est-à-dire lorsque l’action individuelle est sous contrôle de l’action collective (règles de conduite admises, permises, contraignantes, etc., dans les trans-actions) ; alors l’action est instituée, elle est ce que socialement il est attendu de l’acteur par autrui.

En revanche, lorsque la situation n’exerce pas un plein contrôle sur l’expérience, c’est- à-dire lorsque l’action individuelle n’est pas totalement sous contrôle de l’action collective, l’acteur est convoqué à être « intelligent », à procéder à l’enquête (sur le mode de l’abduction : processus réflexif expérimental non finalisé de rétroaction circulaire déduc- tion/induction construisant l’intelligibilité de la situation) quant à la façon la plus adéquate (problem solving, efficience conforme à la compréhension de la situation) de penser/faire étant donné ce que la situation attend de lui (autrui, la contingence environnementale) et de ce qu’il attend de la situation. Et, comme les situations ne contrôlent que rarement défi- nitivement et totalement les expériences (conflit, interprétation, nouveauté, etc.), le proces- sus de l’action individuelle plus ou moins sous contrôle de l’action collective est évolution- naire. Le monde socialement construit des trans-actions est ambulatoire, il possède une plasticité qui ne relève pas d’un quelconque relativisme mais plutôt d’une adaptation con- tinuelle à ce que requiert la réalité des trans-actions ici et maintenant (hic et nunc).

L’adhésion à ces fondements pragmatistes dans le domaine des sciences sociales a donné lieu à deux orientations théoriques de plus en plus divergentes depuis un demi-siè- cle. Il s’agit, d’une part, de l’interactionnisme symbolique et ses approches dérivées en microsociologie, d’autre part, de l’institutionnalisme en économie. Si certains liens exis- tent entre ces deux orientations, en particulier quant à leur commune position épistémolo- gique alternative à l’orthodoxie individualiste mentaliste/rationaliste/physicaliste en scien- ces sociales (Harvey, Katovich, 1992) ; en revanche, elles divergent significativement concernant leurs interprétations épistémologiques et leurs usages méthodologiques respec- tifs des fondements pragmatistes. Il ne s’agit pas ici d’entrer dans la discussion sur le con- tenu détaillé de cette divergence, en particulier quant à l’interprétation de l’interactionniste social de G. H. Mead (McPhail, Rexroat, 1979, 1980 ; Blumer, 1980). Il suffit de souligner que l’interactionnisme symbolique et ses dérivés ou assimilés (de Herbert Blumer à Erving Goffman en passant par Anselm Strauss et l’ethnométhodologie) mettent l’accent sur l’analyse microsociologique des expériences des individus « singuliers » en situation d’interaction localisée dans un « arrière-plan », « cadre », « place », « site », « contexte »,

« monde », etc., dont on prend comme données exogènes les déterminations sociales. En revanche, l’institutionnalisme (dans les traditions de T. Veblen et J. R. Commons) aborde plutôt l’analyse de l’action des individus « institués » en situation de trans-actions sociale- ment construites. Ces deux orientations, l’une plutôt « inter-individuelle » et l’autre plutôt

« trans-individuelle », présentent certes certaines complémentarités et convergences qu’il s’agirait peut-être d’élaborer mais nous ferons plutôt ici le choix de nous intéresser unique- ment à l’approche institutionnaliste pour les raisons déjà évoquées ci-dessus. Plus précisé-

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ment, nous nous intéresserons à l’institutionnalisme commonsien du fait de l’homologie qui peut être construite entre sa conceptualisation pragmatiste de la (trans)action tempora- lisée (futurité) et la conceptualisation pragmatiste de la (trans)action spatialisée (toposité) [l’institutionnalisme veblenien méritait aussi notre intérêt mais pour d’autres raisons que nous ne pouvons pas aborder dans le cadre restreint de cet article].

L’approche institutionnaliste proposée par J. R. Commons (1934 ; Ramstad, 1990 ; Bazzoli, 2000) appréhende les acteurs dans un monde de situations économiques gouver- nées par des institutions, c’est-à-dire où les actions individuelles sont sous contrôle de l’action collective régissant les trans-actions économiques. Les acteurs individuels sont donc socialement construits, ce sont des personnalités instituées pour agir selon des règles opérantes de conduite (working rules) de l’action collective (ensemble des actions indivi- duelles instituées dans un collectif). Ce sont des citoyens d’un certain nombre de

« sociétés » (concern, groupement humain) en devenir (going concern), et leurs actions sont « sous contrôle » de l’action collective spécifique à chacune de ces sociétés en devenir (Atkinson, Reed, 1992). Dans ces mondes institués, les conduites des sujets pensants et agissants sont socialement construites selon les attentes de leurs trans-acteurs, selon réci- proquement leur statut d’acteur, leurs (non)droits et (non)devoirs, leurs pouvoirs et res- ponsabilités, leurs immunités et incapacités, leurs sécurités et conformités, leurs vulnéra- bilités et libertés plus ou moins définis et autorisés dans les diverses formules de transaction ; en somme, selon autant de caractéristiques de « situations » et de « positions » d’acteur dont Commons nous offre une conceptualisation élaborée. Ainsi, cette approche trans-actionniste commonsienne s’inscrit dans la lignée de John Dewey et G-H. Mead (Albert, Ramstad, 1997, 1998) et plus généralement dans celle de la philosophie pragma- tiste (Ramstad, 1986 ; Mirowski, 1987 ; Renault, 1999, 2000). Cette approche adhère à une conception de la construction sociale de la réalité de l’activité humaine selon laquelle les acteurs « en situation » construisent leurs rôles, leur conduite, leur personnalité institués dans/par leurs « positions » dans leurs transactions avec l’altérité (autrui, contingence environnementale).

Cette approche institutionnaliste est particulièrement pertinente parce qu’elle intègre dans l’analyse une dimension importante de l’activité, celle de l’inscription dans une futu- rité (futurity) socialement construite, dans un à-venir qui est structuré collectivement, un devenir en commun plus ou moins sécurisé pour chacun et qui possède une épaisseur sociale et individuelle plus riche que la simple prise en considération du temps chronolo- gique. Nous avons présenté ailleurs (Gislain, 2002, 2003) cette analyse commonsienne de la temporalité (timeless) institutionnelle des conduites économiques, d’une futurité plus ou moins structurée par les institutions et au service ou contrôlant l’activité individuelle, et nous en avons proposé comme concept central celui de futurité significative commune. Il nous paraît intéressant de rappeler les principaux éléments de cette analyse avant de pré- senter une conception commensienne homologue en ce qui a trait plus spécifiquement à la spatialité de l’activité, celle de la toposité significative commune comme cadre théorique d’une situlogie des perspectives de l’action.

La conception pragmatiste de la conduite humaine, reprise par J. R. Commons (1934), considère que le sujet pensant et agissant ne vit pas dans un monde atemporel ou simple- ment chronologique. L’esprit et le comportement humains ont pour caractéristique l’apti- tude à se projeter dans l’avenir. Le sujet humain est un être ayant une volonté de penser et

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d’agir inscrite dans un devenir. Dans cette optique, il n’appréhende donc comme vérité et réalité que ce à quoi il est raisonnablement possible de s’attendre. Ce sont ses croyances, dans le domaine de la pensée, et ses habitudes, dans celui de l’agir, qui lui permettent de contrôler son monde et son avenir dans ce dernier. La célèbre formule de C. S. Peirce, reprise par Commons, condense cette conception dans le domaine de la connaissance :

« Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l’objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception complète de l’objet » (Peirce, 1878, 297 ; Commons, 1934, 152). Appliquée à l’agir humain, cette for- mule conduit au « principe de futurité [selon lequel] les hommes vivent dans le futur mais agissent dans le présent » (Commons, 1934, 1984). Ainsi, selon ce principe, le « Pragma- tisme est Futurité » (Commons, 1934, 152).

Lorsqu’il est en situation, l’acteur déploie sa volonté de devenir selon ses croyances avérées sur la réalité présente et à venir et selon ses habitudes comportementales valables et durables, et ce, aussi longtemps que ces croyances et habitudes ne sont pas infirmées par l’expérience. L’acteur se comporte ainsi en fonction de ce qu’il peut raisonnablement attendre des diverses situations que lui présente son monde, en fonction des « sens » de sa pensée/signification et de son action/orientation que convoquent chez lui les transactions avec l’altérité (autrui, contingence environnementale). Dès lors, concernant la temporalité, sa conduite est régie par un principe de causalité dont le sens temporel est « inverse » de celui classiquement attribué au monde physique. Alors que dans ce dernier la causalité des événements est orientée du passé vers le présent, dans le monde de l’agir humain le prin- cipe de causalité est orienté de la futurité/cause vers le présent/effet. Chaque acteur indivi- duel possède une futurité qui détermine ses conduites présentes, une sorte de perspective temporelle non simplement et unidimensionnellement chronologique, mais pluridimen- sionnelle et habitée de multiples « sens » pour penser (significations) et pour agir (orienta- tions) le/dans le futur. Cette spécificité « pragmatique » de la condition humaine modifie donc significativement le sens habituel (naturaliste) de la temporalité. Cette dernière, pour l’agir humain, devient un fait humain sui generis, la futurité (différent du simple futur chro- nologique) ayant son propre principe d’intelligibilité (causalité de la futurité vers le présent de l’action). Du point de vue pragmatiste, ce fait humain constitue l’un des instruments (au sens de l’instrumentalisme de J. Dewey) essentiels à la condition humaine et, en particulier, à l’agir humain. Plus un acteur possède une futurité envisageable et pleine de sens (signi- fications, orientations), plus sont sécurisées ses perspectives d’avenir, plus il est apte à (se)projeter sa volonté dans l’à-venir, à être un sujet en devenir.

Cette temporalité proprement humaine concerne toutes les situations de trans-action dans lesquelles s’inscrivent les expériences humaines et, de fait humain elle devient fait social lorsque, et c’est le plus fréquent, ces situations de trans-action concernent (préoccupent aussi : concern) autrui. C’est à ce niveau que Commons développe ses analyses du rôle de la futurité dans les trans-actions économiques et montre comment elle participe de l’institu- tion de l’acteur économique individuel. En effet, dès lors que cet acteur est appréhendé en situation de trans-action avec autrui, la/sa futurité ne peut plus être réduite à un fait humain purement individuel et singulier. La vie en société est une vie commune faite d’attentes par- tagées quant à ce qui est plus ou moins « correct » de penser et de faire en société de destins partagés (going concern). La futurité de chacun s’inscrit dans une futurité significative com- mune, c’est-à-dire dans un devenir en commun ayant des sens (significations, orientations)

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partagés, dans un champ de la socialité fait de projets « en société ». Dans cette dernière, le lien social est ainsi construit sur le fondement d’un avenir (à-venir) en commun, il relève d’institutions, au sens précis du concept d’institution proposé par Commons dans la lignée de la philosophie pragmatiste, c’est-à-dire d’un contrôle social du vivre ensemble, de l’action collective contrôlant l’action individuelle, de l’ensemble des significations et des règles opérantes de conduite qui offre à chacun, et/car de concert avec autrui, un avenir envi- sageable. Ces institutions qui expriment socialement ce qu’est la futurité significative com- mune, ce que chacun (ne)doit(pas), (ne)peut(pas), pourrait trans-agir avec autrui, « dépas- sent » l’individualité singulière de chacun (le côté individuellement inquiétant du « contrôle social »), mais offrent aussi à chacun une futurité plus ou moins sécurisée (le côté collecti- vement bénéfique du « contrôle social »). Ces institutions du sens de l’action (Descombes, 1996) ne sont pas des constructions rationnelles au sens où elles seraient des constructions a priori de la raison suffisante ; elles sont le résultat historique du processus évolutionnaire (causal, cumulatif, irréversible, aveugle et opaque à la seule raison suffisante introspective) de la « vie en société » (les multiples situations de trans-action) d’où émergent (dans l’expé- rience commune) ces « sens » (significations, orientations) de la futurité significative com- mune. À chaque époque historique et selon les lieux, ces institutions contiennent une nor- mativité (des sens « valables », des valeurs de significations et d’orientations) qui reflète l’état des rapports sociaux (conflits, compromis temporaires, etc.) et dont l’une des expres- sions les plus prégnantes réside dans ce qu’est pour chacun la futurité significative com- mune, c’est-à-dire ce à quoi il peut s’attendre (contraintes/libertés, coercitions/pouvoirs, devoirs/droits, etc.) de la « société » (de ces diverses sociétés/going concerns d’apparte- nance) dans l’avenir et qui détermine donc pour une bonne part, comme autant de futuribles (actions possibles dans l’avenir) envisageables, sa conduite présente.

Cette conception du rôle fondamental de cette temporalité spécifiquement humaine (futurité) et sociale (futurité significative commune) dans la détermination (compréhen- sion) de l’agir, Commons (1934) l’applique à l’analyse institutionnaliste des trans-actions économiques (marchandage, direction, répartition), en particulier dans le domaine des rela- tions industrielles (Gislain, 2003). Il l’applique aussi à la compréhension des catégories économiques comme institutions, telles que la propriété (le droit légal sur l’usage futur), la monnaie (l’unité de mesure et de quantification des dettes de paiement/livraison), le capital intangible/financier (droit sur les gains putatifs de l’activité à venir), etc. La fonction fon- damentale de ces institutions est ainsi d’assurer le contrôle (selon l’état des rapports sociaux) de l’activité économique, c’est-à-dire comment tout un chacun (ne)doit/peut/

pourrait(pas) envisager son avenir économique. En somme, l’économie est instituée comme autant de situations de transaction contrôlant l’expérience que font les acteurs éco- nomiques de leur futurité.

Cette approche commonsienne de la temporalité de l’activité économique comme futu- rité significative, comme temporalité instituée de l’économie, pourrait-elle être développée selon une logique homologue pour tout ce qui concerne la spatialité de l’action ?

2.2. Perspectives de l’action située et toposité significative commune

Pour répondre positivement à cette question, la catégorie de perspective de l’action telle que proposée par la philosophie pragmatiste, en particulier par G. H. Mead (1932), peut nous être utile. En effet, dans cette optique, la perspective de l’action peut être comprise

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comme le mode de projection (représentation du projet d’action) par lequel l’acteur envi- sage le temps et l’espace à-venir. En ce qui concerne la vie en société, nous venons de voir que la temporalité de cette perspective de l’acteur doit être appréhendée en termes de futu- rité significative commune. Qu’en est-il de la spatialité de cette perspective ? Peut-elle être appréhendée en termes de toposité significative commune ? C’est ce que nous allons tenter de montrer.

En effet, de même que la temporalité de l’action ne peut être réduite à l’unique dimen- sion chronologique du temps (les « anticipations » selon la conception naturaliste de l’agir humain), la spatialité de l’action ne peut être réduite à l’unique dimension de l’espace topo- logique métrique. La spatialité de l’action humaine nécessite d’être appréhendée comme toposité, c’est-à-dire comme un ensemble de topos dont chacun correspond, pour l’acteur, à une situation localisée d’expérience de trans-action (avec l’altérité : autrui et l’environ- nement contingent) située. Développons cette approche en partant de la problématique de l’action individuelle in situ pour parvenir à celle de l’acteur institué in situ, cette dernière englobant la première.

La causalité de l’activité spatiale dans le monde physique est comprise comme générant soit un état de stabilité, c’est-à-dire une position fixe résultant d’un parallélogramme de forces internes ou externes équilibrées, soit un mouvement, un « écoulement » spatial, c’est-à-dire un déplacement dans l’espace à partir d’un point A et orienté, car mû (poussé ou attiré par des forces internes ou externes dominantes), vers un point B d’arrivée non voulu intentionnellement par l’objet de l’activité. Le principe de cette causalité physique de l’activité spatiale réside donc dans un jeu d’interactions de « forces » physiques qui détermine la stabilité ou le mouvement. La causalité de l’activité humaine spatiale, comme fait humain sui generis, relève d’un principe très différent. L’intention, c’est-à-dire là où se fixe la volonté de sens (signification, orientation) pour l’acteur, y joue un rôle crucial.

L’acteur (ne)veut(pas) être là ou ailleurs dans les limites, certes contraignantes mais pas insurmontables, de sa soumission au principe de causalité physique de l’activité spatiale.

Comme dans le cas de la futurité par rapport à l’unidimensionnalité du temps chronologi- que, cette intentionnalité donne à la toposité une multidimensionnalité qui dépasse la sim- ple métrique topologique. L’intention produit chez l’acteur une toposité faite d’un ensem- ble de topos (lieu, site, place, position, adresse, occupation, habitat, gîte, etc.) qui mobilise l’action spatialisée comme autant de points focaux présentant une perspective d’action. Cet ensemble de topos constitue le territoire de l’acteur et chacun de ces topos est un lieu d’activité possible, un ensemble de topossibles, c’est-à-dire d’actions envisageables in situ.

Ainsi, à la différence de la causalité physique spatiale, la causalité de l’activité humaine spatiale réside dans une sorte de kinesthésie où l’intention jouerait le rôle initiateur des organes sensoriels ou moteurs. L’acteur réside ou se transporte dans un topos selon l’inten- tion de ce qu’il a à y faire. Sa stabilité ou son mouvement ne relève donc pas essentielle- ment d’un parallélogramme de forces physiques mais de ce que convoque chez lui, selon son intention (sa volonté fixée sur un sens comme signification et/ou orientation), la pers- pective d’action offerte par un topos.

Cependant, cet acteur n’est pas seul au monde, il vit « en société » et cette circonstance a une importance cruciale sur sa toposité, sur l’ensemble des topos qui constitue son terri- toire. En effet, ces topos sont socialement construits comme autant de champs d’expérience de situations de trans-action (avec l’altérité : autrui, l’environnement contingent). Ou, pour

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l’exprimer en termes commonsiens, l’action individuelle in situ est sous contrôle de l’action collective in situ, c’est-à-dire sous contrôle de l’ensemble des règles opérantes de conduite qui régule l’action individuelle in situ. Dès lors, la toposité ne peut plus être appréhendée comme une catégorie de l’action individuelle singulière, elle doit être com- prise comme appartenant à une toposité significative commune.

Comme dans le cas de la futurité significative commune, ce sont les institutions qui structurent la toposité significative commune. Les institutions, c’est-à-dire ce que tout un chacun attend d’autrui, offrent à l’acteur individuel une toposité qui dépend de l’état des rapports sociaux et qui, in situ, se traduit pour lui par un ensemble de topos possibles ou impossibles. Dans les topos envisageables par l’acteur, un ensemble de topossibles, c’est- à-dire de règles (organisées/formelles ou inorganisées/informelles) de conduite située [(ne) doit/peut/pourrait (pas) agir ici], régulent sa conduite dans les trans-actions in situ. L’acteur ainsi institué in situ fait donc l’« expérience » dans les trans-actions d’un statut maintenant situé. Ce statut est constitué de (non)droits et (non)devoirs, de pouvoirs et de responsabili- tés, d’immunités et d’incapacités, de sécurités et de conformités, de vulnérabilités et de libertés. Ces caractéristiques de l’action in situ, plus ou moins formellement définies dans chaque formule de transaction située ou, pour l’énoncer différemment, ces diverses carac- téristiques de « situations » et de « positions » d’acteur situé dans une trans-action située, définissent une topique (ou sphère) d’action composée des topossibles afférents (affairant) à un statut d’acteur situé. Dans ces conditions, le territoire de chaque acteur (l’ensemble de ses topos ou son champ de toposité) est institué et il possède une topographie sociale (un mode de socialisation dans l’espace) qui relève non des intentions particulières de l’acteur, mais seulement de celles (les intentions « validées », « valables », ayant une

« valeur », « justesse », etc., instituées) qui s’inscrivent dans la toposité significative com- mune.

Certes, il demeure toujours une plus ou moins grande marge de manœuvre à l’acteur ins- titué in situ, mais, comme pour le cas de l’acteur régi/institué par/dans la futurité significa- tive commune, ses degrés de « liberté » sont relativement restreints. Ou, pour l’exprimer dans d’autres conceptualisations, la « construction sociale » du « territoire » (local, urbain, communautaire, terroir, etc.) et des « places » (de vie privée et familiale, de travail, de citoyenneté, etc.) laisse peu de place à l’expérimentation (innovation, déviance, résistance, etc.) de l’« action individuelle située » dans les « mondes », « cadres », « places »,

« sites » d’interaction symbolique. Le maillage institutionnel des territoires de l’action est tissé relativement serré et les intentions de chaque acteur quant aux possibles ouvertures de sa toposité instituée sont souvent sérieusement bridées. La dimension « spectaculaire » du « territoire marchandisé », pour reprendre la terminologie situationniste, le contrôle de l’« expérience » individuelle située par la « situation » instituée, c’est-à-dire le contrôle social de l’« institution » de territoires d’action, pour conserver la conceptualisation insti- tutionnaliste dans une optique pragmatiste, exercent une prégnance sur l’action in situ qu’il est difficile de contourner, et laissent donc peu de place à l’initiative « libre » de l’action in situ. Ces faibles degrés de liberté laissés à l’action instituée in situ peuvent être le terrain d’initiatives (déviances, innovations, etc.) pour l’action individuelle in situ convoquant (ou non) les actions instituées situées à évoluer (ou non). Le processus de cette évolution, de l’action individuelle située « libre » à l’action collective située instituée, a les mêmes caractéristiques que celui de l’évolution de la futurité significative commune (Gislain,

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2003). Il relève de modalités sociales d’autorisation (conflit, négociation, arbitrage, com- promis, etc.) qui sélectionnent les nouvelles actions individuelles/situées/autorisées/insti- tuées.

Cependant, de façon plus générale et à un moment donné, l’institution des diverses for- mes de la toposité significative commune et leurs concrétisations dans les territoires de l’action in situ reflètent l’état historique des rapports sociaux (conflit, résistance, pouvoir, compromis, etc.). Et plus ces rapports sont dominés par le pouvoir abusif, la coercition, la subordination, la discrimination, etc., plus les statuts d’acteur in situ sont institués comme incertains et précaires, plus ils sont une souffrance « sur place », un « enfermement » dans des « situations » pénibles. En quelque sorte, il existe une certaine isomorphie entre la car- tographie des institutions contrôlant l’action in situ et celle des rapports sociaux. D’un point de vue institutionnaliste évolutionnaire, les contenus de la toposité significative com- mune évoluent et se concrétisent dans l’action in situ de tout un chacun (dans la topogra- phie de son territoire d’actions situées institué par une toposité faite de topos comme ensemble de topossibles) selon les évolutions des rapports/mouvements/conflits/compro- mis/etc. sociaux. L’approche institutionnaliste a l’avantage, par rapport à celle plus holiste en termes de « rapports sociaux », et a fortiori par rapport à celle individualiste en termes d’action individuelle située (rationnelle, cognitive, stratégique, existentielle, etc.), de relier analytiquement des déterminations sociales de l’action in situ et la réalité pour l’acteur individuel d’une toposité sous contrôle de l’action collective, de ce que tout un chacun attend (exige, autorise, permet, etc.) d’autrui dans tel ou tel « lieu » de vie sociale.

Toutefois, bien que l’examen de la réalité historique permette de dresser un tableau assez sombre de l’institution de l’action in situ pour la plus grande partie de la société, il ne faudrait pas imaginer que la toposité de l’action individuelle puisse être désinstituée.

Comme nous avons tenté de le montrer, l’institution de l’action in situ est un fait humain et/car social sui generis. La toposité significative commune est ce qui permet de vivre ensemble, c’est-à-dire pour chaque acteur individuel de s’inscrire dans un lien/lieu social (des « situations » de « trans-action » avec autrui) qui l’institue, dans l’espace du vivre en commun, comme une personnalité instituée (avec des intentions ayant un sens : significa- tion, orientation) ; ce que ne permettrait pas (si tant est que ce soit possible) un registre d’action purement individuelle dans un « espace seul au monde » (l’« autisme » reproché à juste titre à la science sociale individualiste naturaliste). En somme, le principe même de la socialisation requiert l’existence d’une toposité significative commune pour que les trans-actions aient un sens in situ. Ainsi, seule est en cause, en fonction du point de vue normatif adopté, la qualité (justice, équité, etc.) des formes historiques spécifiques à une époque et un lieu donnés de l’institution de l’action in situ.

*

* *

L’articulation des deux problématiques et cadres conceptuels de la futurité significative commune et de la toposité significative commune, appréhendant les deux formes spécifi- ques de la réalité sociale de l’action s’inscrivant dans la temporalité et la spatialité, peut offrir une base analytique à une situlogie des perspectives de l’action. En effet, comme nous avons tenté de le montrer, l’action comme fait humain et/car social sui generis se

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« situe » dans le temps et dans l’espace selon une double logique individuelle et collective indissociable. Selon une logique « individuelle », l’acteur n’agit que parce qu’il a des intentions (des fixations de sa volonté sur des sens : significations, orientations) de se pro- jeter (de devenir) dans le temps et l’espace. La futurité et la toposité, avec leurs principes de causalités spécifiques, sont les catégories qui correspondent à ces exigences de tempo- ralité et de spatialité des perspectives (projection dans le temps et l’espace) de l’agir humain. La « vie en société », constitutive de la personnalité humaine comme acteur insti- tué « en société de devenir commun » (going concern), comme trans-acteur sous contrôle des institutions et faisant l’expérience de ces situations comme autant d’exigences de con- formité à ce que tout un chacun attend d’autrui, est un processus de socialisation des futu- rités et toposités de chacun en futurité et toposité significatives communes : l’action collec- tive (les institutions) contrôle l’action individuelle dans son rapport au temps et à l’espace.

L’acteur pense et agit dans le temps et l’espace « selon » un monde bidimensionnel com- mun et partagé avec autrui. Le temps et l’espace de l’agir humain sont des processus de construction sociale trans-individuelle qui se concrétisent, notamment selon l’état des rap- ports sociaux, par l’institution supra-individuelle des futurité et toposité significatives communes « offrant » (contrôle : contrainte, libération, expansion) une temporalité et une spatialité spécifiquement humaines à l’action in situ (in tempo/topo).

Les théories de la « pragmatique » de l’action ont connu ces dernières années un impor- tant développement, en particulier du fait de la prégnance du « tournant linguistique » sur la compréhension de l’action comme indissociable de l’interprétation du « contexte » (dis- cursif, communicationnel, langagier, acte de parole, non-dit, etc.) du « (dis) cours de l’action ». Certes si, de façon générale, cet accent sur le contenu « symbolique » et

« interprétatif » (sémantique, syntaxe, pragmatique ; contextualité, lexicographie, indexicaux ; sémiologie, sémiotique, etc.) de la logique de l’action (performative), pré- sente un grand intérêt pour la compréhension de l’action, il serait peut-être aussi intéressant d’opérer un autre tournant, « situlogique » cette fois quant au temps et à l’espace, pour pro- duire une « pragmatique » complète de l’action. Les concepts pragmatistes/institutionna- listes de futurité (significative commune) et de toposité (significative commune) pour- raient peut-être nous y aider.

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