• Aucun résultat trouvé

Genève n'existe pas. Pas encore ? Essai sociologique sur les rapports entre l'organisation urbaine, les liens sociaux et l'identité de la ville de Genève

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Genève n'existe pas. Pas encore ? Essai sociologique sur les rapports entre l'organisation urbaine, les liens sociaux et l'identité de la ville de Genève"

Copied!
9
0
0

Texte intégral

(1)

Book Chapter

Reference

Genève n'existe pas. Pas encore ? Essai sociologique sur les rapports entre l'organisation urbaine, les liens sociaux et l'identité de

la ville de Genève

CATTACIN, Sandro, KETTENACKER, Florian

Abstract

Genève existe-t-elle? Cette question, bien sûr provocatrice, n'est pas l'interrogation gratuitement sarcastique d'un ennemi de la ville mais le réel questionnement un peu soucieux de sociologues de la ville. Ce questionnement est apparu au fil de plusieurs années de travail sociologique de terrain – ou plutôt de « terrains » – mené à Genève, à titre personnel ou non, qui toujours ont débouché sur le même sentiment et progressivement le même constat : là où dans d'autres villes l'urbain, en tant que contexte, en tant que ressource, est un facteur fortement présent et très visible, presque palpable, dans les réalités sociales qui y prennent forme, à Genève, il finit par être synonyme d'insignifiance, parfois presque de vide. Genève existe bien – personne ne saurait le contester – en tant que zone géographique, en tant qu'espace bâti, en tant qu'unité politique et administrative, en tant qu'élément historique, en tant que pôle économique ou en tant que rassemblement d'individus, mais pas, ou alors pas de manière assez significative, en tant qu'ensemble identifiable et [...]

CATTACIN, Sandro, KETTENACKER, Florian. Genève n'existe pas. Pas encore ? Essai

sociologique sur les rapports entre l'organisation urbaine, les liens sociaux et l'identité de la ville de Genève. In: Gaillard, David. Genève à l'épreuve de la durabilité. Genève : Fondation Braillard, 2011. p. 29-36

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:40306

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

GENEVE N’EXISTE PAS. PAS ENCORE ? ESSAI SOCIOLOGIQUE SUR LES RAPPORTS ENTRE

L’ORGANISATION URBAINE, LES LIENS SOCIAUX ET L’IDENTITE DE LA VILLE DE GENEVE

Sandro CATTACIN, Florian KETTENACKER

Département de sociologie, université de Genève

Genève existe-t-elle ? Cette question, bien sûr provocatrice, n’est pas l’interrogation gratuitement sarcastique d’un ennemi de la ville mais le réel questionnement – un peu soucieux – de sociologues de la ville. Ce questionnement est apparu au fil de plusieurs années de travail sociologique de terrain – ou plutôt de « terrains » – mené à Genève, à titre personnel ou non, qui toujours ont débouché sur le même sentiment et progressivement le même constat : là où dans d’autres villes l’urbain, en tant que contexte, en tant que ressource, est un facteur fortement présent et très visible, presque palpable, dans les réalités sociales qui y prennent forme, à Genève, il finit par être synonyme d’insignifiance, parfois presque de vide. Genève existe bien – personne ne saurait le contester – en tant que zone géographique, en tant qu’espace bâti, en tant qu’unité politique et administrative, en tant qu’élément historique, en tant que pôle économique ou en tant que rassemblement d’individus, mais pas, ou alors pas de manière assez significative, en tant qu’ensemble identifiable et investissable pour ses habitants. Pourtant, Genève a une multitude de particularités, de qualités, qui créent incontestablement une certaine image ; elle peine cependant visiblement à avoir et proposer une vraie identité, « une âme » disent certains. Non pas que Genève manque de symboles, de coutumes locales, de « Zapfenstreich », de

« Knabenschiessen » ou de « Sächsilüte » – c’est d’un projet commun, d’un engagement, d’une confiance, d’une vitalité des liens sociaux dont il est ici question. Comment s’explique ce vide ? Comment y remédier ? Comment faire exister Genève ou plutôt comment faire exister Genève dans le quotidien de ses habitants ? Ce sont toutes ces questions qui seront débattues dans cet essai (merci à Erik Verkooyen pour ses remarques à ce texte, toujours utiles).

L’IMAGE DE GENEVE ET LES REALITES GENEVOISES

Genève « la plus petite métropole du monde », « cosmopolite »,

« multiculturelle », « capitale de la paix » – c’est l’image que la promotion touristique aime à donner de « la ville de Calvin ». Les réalités qui y sont vécues tous les jours sont évidemment beaucoup plus complexes que ce que ces labellisations uniformes laissent supposer. Que peut-on dire de leur particularité ?

La sociologie s’est très peu intéressée jusqu’ici à comprendre Genève, en tant qu’ensemble. Quand elle l’a fait, c’était par les lunettes de la problématisation des liens sociaux y existant. A l’exception peut-être du travail, un peu

(3)

romantique, de Louis Necker (Necker, 1995). On peut ainsi trouver des analyses sur le mouvement des squats, sur la prostitution, sur la migration, sur les problèmes liés aux abus de drogue, sur l’organisation sociale et sanitaire et sur les dynamiques urbaines. Sans entrer dans le détail de tous ces travaux, nous pouvons néanmoins citer certaines des grandes tendances de la structure sociale de Genève qu’ils permettent de visualiser. Nous pouvons tout d’abord remarquer une forte mobilité migratoire avec près de 50'000 personnes qui partent ou s’établissent chaque année dans le canton ; niveau de mobilité qui n’est comparable qu’aux deux autres grandes villes suisses que sont Zurich et Bâle. Du point de vue de la composition de la population, le canton de Genève est un cas quasiment unique avec son taux de 40% de personnes étrangères, qui peut même atteindre les 60% si on comptabilise également les personnes naturalisées durant leur vie ou de parents étrangers. Genève est aussi une ville qui connaît de grandes différences socio-économiques de quartier en quartier, de commune en commune, qui sont frappantes quand on compare Cologny, véritable ghetto des « riches », et la Jonction, quartier « pauvre », « populaire », théâtre d’un important passage de personnes en ascension ou en descente sociale. Le canton de Genève accueille sur son territoire la moitié de la population de l’agglomération, 400'000 habitants, dont une partie seulement vote et peut décider de son avenir ; l’autre moitié habite en France ou dans le canton de Vaud tout en s’orientant économiquement et socialement sur Genève. Sur le plan de l’organisation spatiale enfin, Genève est quasiment une enclave, avec un passage réduit vers la Suisse et une concentration, du coup, de toutes les communications dans un centre qui est plus un couloir du trafic qu’un lieu de vie.

Genève, et c’est ce qui sort au final de l’ensemble de ces constats, est une ville éclatée dans sa population, concentrée dans ses voies de communication routières et ferroviaires. Cet éclatement social et cette concentration en tant que lieu de passage, loin de représenter un simple environnement, un décor social, sont le modèle sur lequel se constituent aujourd’hui les liens sociaux à Genève. Et probablement aussi le point de départ pour comprendre ses difficultés à faire société.

En effet, Genève, en tant que canton, détient le taux d’engagement bénévole total le plus bas de toute la Suisse. 29,1 % des habitants de Genève s’engagent dans une activité bénévole formelle, soit dans une association ou encore des projets concrets, ou informelle – que ce soit l’aide de voisinage ou la participation spontanée à des évènements quelconques. A titre d’exemple, le canton le plus engagé, Nidwald, l’est à 47,8 % (ce qui en termes absolus de nombre de personnes est cependant moins élevé), le canton de Berne à 45,5 %, celui de Zürich à 40,4 %, celui de Bâle (-Ville) à 38,2 % et le canton de Vaud à 34 % (Stadelmann-Steffen et al., 2007).

La vie associative est plutôt bien développée à Genève, du moins aussi bien quand dans le reste de la Suisse. Seulement, les quelques enquêtes qui

(4)

existent sur le sujet relèvent ce que pourraient être les visages de Janus de ce monde associatif. D’un côté, il s’oriente fortement vers l’Etat, qui lui donne des subsides et, en contrepartie, lui dicte ses conduites ; de l’autre côté, il se compose d’organisations isolées, orientées vers elles-mêmes, créatrices de petits nuages de bien-être, sans réellement être insérées dans une réalité urbaine concrète. Associations instrumentalisées par l’Etat et associations refermées sur elles-mêmes – c’est le type de société civile qui distingue Genève des autres villes suisses où les relations de partenariat en autonomie et l’ouverture sont la règle.

L’image ne s’améliore pas non plus si l’on regarde la participation politique et notamment les scores de formidable abstention, qui nous font nous demander s’il y a véritablement une préoccupation à ce que Genève soit bien gouvernée. Ainsi, Cynthia Gani tirait des conclusions sobres, lors de la campagne électorale genevoise en 2005 : « Pour les politiciens qui, chaque jour, battent le pavé à la recherche d'électeurs, le constat est rude: une grande majorité de la population ne s'intéresse pas à la composition de son parlement » (Gani, 2005). Constat emblématique : le premier mai, la gauche ne rassemble que quelques centaines de manifestants et le premier août, le parc des Bastions, lieu de la fête, ne se remplit pas.

Mais pourquoi alors à Zurich ou à Bâle, villes ayant des taux tout aussi importants de migration et de mobilité, l’engagement social et politique est-il nettement supérieur qu’à Genève ? La réponse est ambivalente.

Nous l’avons vu, il y a à Genève un Etat fort, présent dans la vie de tous les jours des gens. Un Etat fort conduit-il proportionnellement à une forte participation? Probablement non. Ce faible taux d’engagement, semble refléter une certaine logique, que l’on peut observer au même titre dans tous les services d’aide aux personnes démunies, à savoir que plus l’Etat soutient directement les situations de détresse, moins se mobilise la société civile, le

« ost-west Gefälle der Staatlichkeit », comme l’expriment Höfplinger et Wyss (Höpflinger, Wyss, 1994). Si cette relation n’est pas sans limites – pas d’Etat ne peut pas systématiquement être compensé par la société civile, comme l’a montré le cas de l’Angleterre durant les années Thatcher (Pierson, 1994) – il y a probablement un effet de déresponsabilisation qui pourrait devenir problématique si les finances publiques continuent à être soumises à une politique de l’épargne. D’une certaine manière, nous pouvons dire qu’à Genève s’est créé un apprentissage, dont il est difficile de se défaire – une

« path dependency » (Merrien, 1990) – montrant que c’est en première instance l’Etat qui s’occupe des difficultés de la population, des gens.

CAPITAL SOCIAL, FAMILIARITE, INDIFFERENCE

Adam Smith, dans son livre sur les sentiments moraux (Smith, 2000 [1759]), qui précède sa théorie économique, démontre le lien entre confiance, gouvernement et marché rationnel. Son hypothèse ouvre la réflexion sur le capital social comme base d’une construction d’une société complexe. L’idée

(5)

est qu’il peut y avoir un gouvernement rationnel et une économie de concurrence seulement s’il y a, dans la société, une base de confiance interpersonnelle. La clé d’un bon gouvernement et d’une économie morale réside donc dans une société où les gens possèdent une orientation commune vers des liens sociaux respectueux. Les analyses modernes sur le capital social confirment cette hypothèse en montrant qu’une « good governance » est possible quand le capital social – qui s’exprime en tant que monde associatif vivant et confiance interpersonnelle développée – est ample. Robert Putnam, dans ses travaux sur le capital social, déplore la fin du modèle tocquevillien des Etats-Unis, en mesurant la diminution constante de la vie associative et de la participation politique (Putnam, 2000). Il avait d’ailleurs réussi à démontrer, dans ses travaux précédents, comment une riche vie associative et politique était le garant du bien-être et du bon gouvernement (Putnam et al., 1993). Qu’est-ce qu’il dirait de Genève ? Probablement que c’est normal que la ville se présente sans âme, que la politique se fait par des jeux opaques. Une partie de la population, en effet, s’en moque de savoir comment Genève est gouvernée. Les gens sont prêts, de temps en temps, à montrer au monde politique leur manque de considération pour lui, en votant pour un parti populiste comme « Vigilance » dans les années 1980 ou, plus récemment, un parti sans personnel politique – donc hors du circuit social – comme le « Mouvement patriotique genevois ».

Cette indifférence a peu d’urbain. Même si Simmel en fait la caractéristique principale de la ville, parce que l’indifférence est un signe de vie libérée et les communautés de migrants dans la ville un signe de manque d’émancipation (Simmel, 2001 [1900]), nous nous permettons de le contredire, disons plus modestement, de creuser un peu son idée. Il a en effet raison de penser que la libération des mœurs que l’urbain permet est une caractéristique qui distingue la ville de la campagne dans sa capacité d’innovation et dans sa tolérance, pour ne pas dire son respect, des styles de vie qui se déploient en milieu urbain. Mais cette innovation ne peut se faire que par la rencontre de ces personnes indépendantes dans des endroits où le contact est facile, des endroits qui permettent la mise en relation de ces différences, avec une base de communication authentique. Cette communication authentique est, elle, basée sur la confiance. L’indifférence simmelienne, si on la réinterprète, ne serait alors rien d’autre que la liberté d’interagir dans un « ambiente » urbain structuré en lieux de confiance. C’est à partir de ce constat qu’interviennent les études sur la familiarité, sur la routinisation de l’urbain et sur la promesse d’une organisation sociale commune d’un espace d’innovation. La familiarité ne signifie en rien un contrôle social, mais la reconnaissance de lieux de respect mutuel, de l’interagir prévisible et imprévisible, sous la condition d’une indifférence morale (Blokland, 2003).

Simmel a certainement eu raison de s’attaquer aux communautés, mais à ce sujet également la sociologie a formulé un bémol. D’abord, « liquid modernity » oblige (Bauman, 2000), les communautarisations ont des effets

(6)

de stabilisation identitaire qui, s’ils ne parviennent pas à être produits, créent de la désorientation, de l’incertitude, du flou existentiel, de l’anomie. Plus le monde se différencie, plus ces communautés prennent un rôle fondamental comme constructeur du soi, comme espace de reconnaissance primaire d’une existence dans le vide des valeurs communes caractéristiques de la modernité. Ce sont des ressources existentielles immatérielles. Ces communautés, qu’il s’agisse d’un groupe ethnique ou d’une boulangerie où l’on s’habitue à prendre le petit déjeuner, informent, expliquent, orientent. Ces lieux permettent la création de routines et la création de relations ; ils aident les nouveaux arrivants à se familiariser, à prendre possession d’un territoire inconnu, à sortir de l’anonymat. Enfin, ces communautés propres à notre temps, quelque part anarchiques, arrivent à faire se rencontrer, à relier les différences : elles sont des espaces où se côtoient jeunes et vieux, habitués ou gens de passage, Suisses, migrants de tous horizons ou du même pays d’origine catholiques ou musulmans, supporters d’un club de foot ou travailleurs saisonniers. Ce sont elles les éléments promoteurs de la construction d’une réalité urbaine du respect de la différence (Cattacin, 2006).

Pourtant les communautés peuvent aussi être néfastes quand elles créent de l’enfermement, quand elles forment des sectes, quand elles coupent la communication externe. C’est ce que Simmel voyait en pensant aux communautés comme lieux du contrôle social, frein du sujet libre et donc entrave à l’innovation et au respect urbain de la différence. C’est ce que Woolcock appelle le « bonding social capital » (Woolcock, 2001), des liens forts qui excluent du reste de la société. Nos analyses en cours sur la vie associative des migrants à Genève montrent cette tendance à l’exclusion par la communautarisation. En effet, la moitié des associations de migrants à Genève (que nous estimons à 300 environ), n’a pas de contact avec d’autres organisations ou institutions. Celles qui ont néanmoins des contacts, les ont avec le pays d’origine (20 % environ) ou avec d’autres communautés de la même origine (10 %). Ne restent que ces 30 % qui représentent les quelques associations de migrants en lien avec d’autres types d’associations. Ce chiffre est certes important, mais bien plus bas que ce que l’on peut trouver dans d’autres villes, dans d’autres contextes en Suisse (Baglioni, 2005).

Ces communautés ne doivent pas rester renfermées sur elles-mêmes. Si la ville crée de l’indifférence sans pouvoir garantir une certaine morale, avec une agglomération d’individus isolés d’un côté et des communautés fermées de l’autre, elle disparaîtra. Triste exemple parmi d’autres : Beyrouth, splendide ville, objet de beaucoup d’espoir de transformation du Moyen-Orient, se dissout aujourd’hui en clans et groupes religieux, en quartiers cloisonnés, sans communication autre que la violence. C’est à travers ce genre d’images, de situations extrêmes que nous pouvons imaginer l’importance d’un projet commun de ville, de l’importance de la création d’une idée de ville, reflétant tant les chances d’ascension sociale que le destin commun des citoyennes et citoyens (Häußermann, 2005).

(7)

UNE GENEVE A CONSTRUIRE

Revenons à Bâle et à Zurich, qui investissent dans la familiarité et dans l’ouverture des communautés, notamment celles de migrants. Ces villes veulent être des « bijoux », des pôles attractifs pour la « classe créative » (Florida, 2004), pour cette population qui cherche le bien-être et l’innovation, cette population qui sait, peut et veut choisir son lieu de résidence, notamment en évaluant l’offre culturelle, traditionnelle et alternative, la qualité de l’air ou la disponibilité et le prix des beaux appartements. Genève gagnerait à prendre exemple sur ces villes. Elle doit de nouveau pouvoir rêver d’être une ville comme les autres, vivante. C’est une question d’urbanisation, une question de sociabilité, une question d’identification. Le projet peut sembler vaste et abstrait, mais pourtant une multitude de moyens, simples et concrets existeraient pour y remédier. Citons quelques exemples et de grands axes sur lesquels une intervention serait possible.

Premièrement, il faudrait savoir repenser la ville comme un tout, certainement plus vaste, dans lequel on pourrait recréer des zones pour les Genevois, des centres de rencontre. Comme le propose l’enquête sur la Suisse urbaine réalisée par le bureau du polytechnique de Bâle autour de Herzog et de Meuron (Meili et al., 2006), Genève pourrait commencer, aussi anecdotique que cela puisse paraître, par identifier (Google Maps le permet) quel est le centre de la ville – très probablement ce centre ne sera pas là où se trouve le jet d’eau, mais plutôt quelque part dans la campagne, entre Annemasse et la rade. L’idée d’un parc métropolitain, formulée dans l’analyse des Bâlois, est un point de départ pour recréer un projet rassembleur. L’urbain demande aussi une organisation en réseau, une vitesse de communication entre les parties qui composent la ville – une logique de communication horizontale entre ces parties pour sortir de la logique radiale, typique de Genève, qui crée chaque jour une image de ceux qui sont dedans (les habitants du centre) et ceux qui sont dehors (les habitants des agglomérations et les frontaliers).

Genève devrait aussi, c’est le deuxième axe, avoir comme objectif de faire de ses quartiers des lieux de vie. La fête du voisinage organisée par la ville devrait s’émanciper de l’appel étatique et devenir un projet autonome des rues, des quartiers, des habitations. Créer la familiarité signifie donner aux gens des espaces de vie et d’identification où l’engagement est le résultat de la confiance et d’une vie associative vigoureuse. Ce n’est pas l’Etat qui pourra la créer, mais il pourra donner, par une politique plus respectueuse de cette vie associative, un cadre non directement instrumental de son soutien à l’agir civique. Se mettre donc à l’écoute de ces formes associatives, leurs demander ce qu’ils pensent de la politique, du quartier, de la qualité de l’habitat seraient les étapes obligatoires du passage d’une logique instrumentale à une logique participative. En soi, cela signifie moins d’Etat interventionniste et plus d’Etat modérateur, à l’écoute.

(8)

Enfin, troisième point, donnons aux gens une image de Genève plus réaliste.

S’identifier avec les stéréotypes de Genève n’est pour la majorité des habitants pas possible. Ville de Calvin, ville internationale – ces images véhiculées par la promotion genevoise ne touchent pas sa population.

L’international n’appartient pas au local. Mais il pourrait se transformer, de façon pertinente et crédible, dans un agir pour la Genève des différences, la Genève du respect, la Genève des cultures. Une modeste initiative d’un bureau d’intégration n’est probablement pas suffisante pour répondre à un besoin d’identification. Par contre, savoir mieux combiner les politiques à l’égard des nouveaux arrivants avec les politiques de développement urbain (du logement, de la qualité de vie), de même qu’à un marketing de la ville, pourrait devenir, à l’image d’autres grandes villes, une voie à parcourir, avec patience, pour que la population de Genève croie à nouveau en sa ville, puisse se l’approprier, puisse la faire véritablement vivre et exister.

!

BIBLIOGRAPHIE

Baglioni S. (2005) « Immigrati e cittadini di fatto? Fiducia nelle istituzioni, associazionismo e partecipazione politica degli immigrati », Svizzera, Forum Numéro spécial (10 ans SFM), pp. 98 -107.

Bauman Z. (2000) Liquid Modernity, Polity Press, Cambridge.

Blokland T. (2003) Urban Bonds, Polity Press, Cambridge.

Cattacin S. (2006) « Why not “ghettos”? The governance of migration in the splintering city », Willy Brandt Series of Working Papers in International Migration, Migration and Ethnic Relations, Malmö University, Malmö, IMER. 6(2).

Florida R. (2004) The Rise of the Creative Class: And How It's Transforming Work, Leisure, Community and Everyday Life, Basic Books, New York.

Gani C. (2005) Le message des abstentionnistes aux futurs élus genevois, Le Temps (06.10.2005).

Häußermann H. (2005) The End of the European City?, European Review 13(2), pp.

237-249.

Höpflinger F., Wyss K. (1994) Am Rande des Sozialstaates. Formen und Funktionen öffentlicher Sozialhilfe im Vergleich, Haupt, Bern.

Meili M. et al. (2006) Switzerland – an urban portrait, Birkhäuser, Basel.

Merrien F.-X. (1990) « Etat et politiques sociales : contribution à une théorie "néo- institutionnaliste" », Sociologie du Travail, 1990(3), pp. 267-294.

Necker L. (1995) La Mosaïque genevoise : modèle de pluriculturalisme?, Zoé, Genève.

Pierson P. (1994) Dismantling the Welfare State? Reagan, Thatcher and the Politics of Retrenchment, Cambridge University Press, Cambridge.

(9)

Putnam R. D. (2000) Bowling alone the collapse and revival of American community, Simon & Schuster, New York.

Putnam R., Leonardi R., Nanetti R. Y. (1993) Making democracy work : civic traditions in modern Italy, Princeton University Press, Princeton N.J.

Simmel G. (2001 [1900]) Philosophie des Geldes, Suhrkamp, Frankfurt.

Smith A. (2000 [1759]) The theory of moral sentiments, Prometheus Books, Amherst N Y.

Stadelmann-Steffen I., Freitag M., Bühlmann M. (2007). Freiwilligen-Monitor Schweiz 2007, Seismo, Zürich.

Woolcock M. (2001) « The place of social capital in understanding social and economic outcomes », Isuma: Canadian Journal of Policy Research, 2(1), pp. 1-17.

Références

Documents relatifs

Pendant soixante ans, pour leur programme de psychologie généti- que, Piaget, Inhelder, leurs collaborateurs et collaboratrices inventent de très nombreuses épreuves sur la base

1 / 1.. Jusqu'à présent, à quelques exceptions près, la seule mesure disponible concernant l'énergie solaire dans le bassin lÉmanique consistait en un relevé par

Présentation de l'histoire de la Section des sciences de l'éducation de l'Université de Genève.

Une bonne connaissance du rayonnement solaire et de ses variations dans le temps et dans l'espace permet non seulement la détermination quantitative de 1'énergie solaire dont on

Parallèlement aux mesures nous étudions les modèles de conversion permettant de recalculer tous les paramètres mesurés à partir des seules mesures de rayonnement global et direct

La rencontre de deux consciences, l'at- traction profonde de deux sensibilités ne s'opèrent pas dans le vague ; elles se réalisent sur le terrain solide des

Le laboratoire: matrice des sciences de l'éducation - l'exemple de Genève.. HOFSTETTER, Rita,

directeur du Musée, et Michel Ruffieux directeur des constructions et de l'aménagement de la Ville de Genève qui voulait Nouvel pour Genève, puis Patrice Mugny,