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Analyse didactique et communicationnelle de l'éducation aux médias : éléments d'une grammaire de l'incertitude

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Academic year: 2021

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(1)Analyse didactique et communicationnelle de l’éducation aux médias : éléments d’une grammaire de l’incertitude Jacques Kerneis. To cite this version: Jacques Kerneis. Analyse didactique et communicationnelle de l’éducation aux médias : éléments d’une grammaire de l’incertitude. Education. Université Rennes 2; Université européenne de Bretagne, 2009. Français. �tel-00451046v2�. HAL Id: tel-00451046 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00451046v2 Submitted on 30 Oct 2012. HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés..

(2) SOUS LE SCEAU DE L‟UNIVERSITÉ EUROPÉENNE DE BRETAGNE UNIVERSITÉ DE RENNES 2 École doctorale de Sciences humaines et sociales (n°507) CREAD (ÉA n°3875) Centre de Recherche Enseignement Apprentissage Didactique. Analyse didactique et communicationnelle de l‟éducation aux médias : éléments d‟une grammaire de l‟incertitude Thèse de Doctorat Disciplines : Sciences de l’Éducation (70ème Section) et Sciences de l’Information et de la Communication (71ème Section).. Volume 1 (Parties I, II, III, IV et V) Présentée par Jacques KERNEIS Directeur de thèse : Gérard SENSEVY Soutenue publiquement 13 novembre 2009. Jury : Francia LEUTENEGGER, Professeur, Sciences de l‟Éducation, Faculté de Genève (Rapporteur) Éric DELAMOTTE, Professeur, Sciences de l‟information et de la Communication, Université de Lille III (Rapporteur) Thierry DE SMEDT, Professeur, Sciences de l‟information et de la Communication, Université de Louvain-La-Neuve Gérard SENSEVY, Professeur, Sciences de l‟Éducation, Université européenne de Bretagne, IUFM de Bretagne, École interne de L‟université de Bretagne occidentale (Directeur de thèse).

(3) 2.

(4) Analyse didactique et communicationnelle de l‟éducation aux médias : éléments d‟une grammaire de l‟incertitude Thèse de Doctorat Disciplines : Sciences de l’Éducation (70ème Section) et Sciences de l’Information et de la Communication (71ème Section).. Volume 1 (Parties I, II, III, IV et V) Présentée par Jacques KERNEIS Directeur de thèse : Gérard SENSEVY. 3.

(5) 4.

(6) 1. 2. Titre-Album de Dan ar Braz (2003) Cette posture renvoie à la notion d’estrangement, discutée, entre autre, par Ginzburg dans son ouvrage A distance. 5.

(7) 6.

(8) Remerciements Mes premiers remerciements vont aux professeurs qui m’ont accueillis dans leur classe et qui m’ont fait confiance. Une mention particulière à Jessie qui a été la cible principale de mes investigations. Nous avons chacun appris l’un de l’autre. Mes plus grands remerciements vont à Monsieur Gérard Sensevy pour sa patience, sa critique positive et son calme olympien. Mes remerciements respectueux vont à Jacques Gonnet et Geneviève Delaunay-Jacquinot pour les premiers repères qu’ils m’ont fournis et le travail qu’ils ont réalisé en faveur de l’éducation aux médias en France et dans le monde. Mes remerciements les plus chaleureux vont à Isabelle Nedelec-Trohel et Serge Boivin pour leur soutien, leur aide active et leurs conseils avisés. Je remercie Francia Leutenegger pour avoir accepté d’être l’un de mes rapporteur et avec elle toute l’équipe genevoise impliquée dans la didactique comparée. Merci aussi à Marie Théry pour m’avoir fait connaître très tôt l’article princeps « construction d’une clinique pour le didactique ». Je remercie Eric Delamotte pour son accueil chaleureux dans la communauté scientifique de l'information-documentation ainsi que pour avoir accepté d'être rapporteur de mon travail. Je remercie également Thierry De Smedt pour m’avoir donné quelques conseils judicieux à l’occasion de nos rencontres à Paris, Clermont-Ferrand ou Lille. Je remercie également les neuf jeunes docteurs de l’action conjointe en didactique pour leur soutien et l’accès facilité à leurs travaux. Ils ont été des guides précieux dans cette aventure au sens fort du terme ! Je remercie également L’IUFM de Bretagne de m’avoir accordé des conditions favorables à la poursuite de ce travail et en particulier Catherine Archieri et Claire Doquet-Lacoste. Je remercie également ma famille, tous mes amis et collègues du site de Brest, du séminaire « théorie de l’action », du séminaire ergonomie cognitive, du CREAD, du GRCDI, du CERSIC, du Clemi, des professeurs-documentalistes pour leur soutien discret et leur patience.. 7.

(9) 8.

(10) VOLUME 1 : PARTIES I, II, III, IV ET V INTRODUCTION........................................................................................................... 13 PARTIE I :. ÉLÉMENTS DE PROBLÉMATIQUE ....................................................... 17. Chapitre 1. Qu'est ce que l'éducation aux médias ? ........................................................................................... 17 1. Le projet « classes-presse » ........................................................................................................................... 17 2. Un mouvement qui vient de loin ................................................................................................................... 20 3. Un domaine de recherche constitué et reconnu ............................................................................................. 28 4. Recomposition dû à l‟Internet ....................................................................................................................... 29 5. Nouveaux textes et rapports .......................................................................................................................... 30 6. Différents acteurs et domaines ...................................................................................................................... 31 Chapitre 2. Pertinence d‟une approche didactique ............................................................................................ 38 1. Les enseignants et les médias ........................................................................................................................ 38 2. Le vieux mur qui sépare l‟École de la vie quotidienne… ............................................................................. 38 3. La conscience d‟un manque .......................................................................................................................... 40 Chapitre 3.. Une approche communicationnelle .................................................................................................. 41. PARTIE II :. DES OUTILS THÉORIQUES À MOBILISER ...................................... 43. Chapitre 1. Notions utilisées en recherche en éducation aux médias ................................................................ 43 1. Concepts organisateurs .................................................................................................................................. 43 2. Didactisation en liaison avec les champs voisins .......................................................................................... 48 3. Les questions vives à l‟école et dans les médias : changements épistémologiques ? .................................... 58 4. L‟évolution des médias et ses critiques ......................................................................................................... 60 Chapitre 2. L‟approche didactique ...................................................................................................................... 63 1. Les jeux épistémiques et les jeux d'apprentissages ....................................................................................... 64 2. Le couple contrat et milieu des jeux d'apprentissage : .................................................................................. 65 3. Le triplet des fonctions de l'action conjointe : ............................................................................................... 66 4. Le quadruplet des actions du professeur sur le jeu de l'élève : ...................................................................... 67 Chapitre 3. Vers une pragmatique de l‟éducation aux médias .......................................................................... 68 1. Imprévus, incertitudes, certitudes, doutes et savoirs ..................................................................................... 68 2. Incertitudes et construction de la certitude en didactique.............................................................................. 81 3. Le choix des mots ......................................................................................................................................... 83 4. La sémiose didactique ................................................................................................................................... 84 5. La dialectique des médias et des milieux ...................................................................................................... 89 6. Une place plus grande pour les aspects transactionnels ................................................................................ 91 7. D‟autres modèles de description de l‟action ................................................................................................. 94 8. Une énonciation didactique ? ........................................................................................................................ 97. PARTIE III :. MÉTHODOLOGIE.............................................................................. 113. Chapitre 1. L‟indiciaire, le clinique et l‟expérimental ...................................................................................... 114 1. Un « algorithme » évolutif .......................................................................................................................... 118 2. Le comparatisme en didactique ................................................................................................................... 120. 9.

(11) 3.. Utilisation de la vidéo ................................................................................................................................. 122. Chapitre 2. Le corpus .......................................................................................................................................... 126 1. Aspects temporels ....................................................................................................................................... 126 2. Le corpus central ......................................................................................................................................... 130 3. Le corpus périphérique ................................................................................................................................ 132 Chapitre 3. Ingénierie didactique coopérative .................................................................................................. 132 1. Posture et responsabilité particulières du chercheur ................................................................................... 133 2. Un dispositif qui reste à inventer ................................................................................................................. 134. PARTIE IV : Chapitre 1.. ANALYSE DE LA SÉANCE INAUGURALE ..................................... 137. La classe elle-même ......................................................................................................................... 137. Chapitre 2. Intrigue et synopsis de la séance ..................................................................................................... 137 1. L‟intrigue didactique ................................................................................................................................... 138 2. Le synopsis large ......................................................................................................................................... 138 3. Le synopsis réduit ....................................................................................................................................... 144 Chapitre 3.. Épistémologie pratique du professeur : ......................................................................................... 146. Chapitre 4. Épisodes signifiants : ....................................................................................................................... 150 1. Épisode 1 : L'affaire Émile Louis, un démarrage laborieux ........................................................................ 150 2. Épisode 2 : l‟IVG et la multiplicité des contrats ......................................................................................... 164 3. Épisode 3 : L'OM, agenda légitime ? .......................................................................................................... 181 4. Épisode 4 : Valentin et le fait divers local : le vrai démarrage .................................................................... 187 5. Épisode 4‟ : La dernière page ? ................................................................................................................... 191 6. Épisode 5 : Amorce de débat : « Riri et Fifi font du journalisme » ............................................................. 193 7. Épisode 6 ante et 6 : tentative de synthèse / habitudes de lecture et renversement de posture .................... 201 8. Épisode 7 : distance / à la question posée et participation........................................................................... 212 9. Épisode 8 : énumération et ordre chronologique : invariants ? ................................................................... 215 Chapitre 5.. Système caractéristique de la séance .............................................................................................. 221. Chapitre 6.. Synthèse analytique : ....................................................................................................................... 224. Chapitre 7.. Cartographie locale ......................................................................................................................... 226. Chapitre 8. Propos conclusifs.............................................................................................................................. 227 1. A propos des résultats : ............................................................................................................................... 228 2. Sur la méthodologie .................................................................................................................................... 228. PARTIE V :. INGÉNIERIE DIDACTIQUE COOPÉRATIVE .................................... 233. Chapitre 1. La séance n°1 selon trois générations ............................................................................................. 233 1. Ingénierie didactique de la séance n°1 ........................................................................................................ 234 2. La matrice d‟analyse des séances adaptées ................................................................................................. 243 3. La séance n°1 d‟Eddy (ingénierie didactique n°1) ...................................................................................... 247 4. La séance n°1 de Soazic (ingénierie didactique n°1) .................................................................................. 279 5. La séance n°1 de Sylviane et Jean-Luc (ingénierie didactique n°2) ............................................................ 290 6. La séance n°1 de Marie et Vincent (ingénierie n°2).................................................................................... 324. 10.

(12) 7.. Synthèse de ce chapitre : comparaisons et évolutions ................................................................................. 335. Chapitre 2. La séance n°2 dans 5 classes différentes (JT/journal) : ................................................................ 347 1. Ingénierie didactique de la séance n°2 ........................................................................................................ 347 2. La séance n°2 de Marie et Sébastien ........................................................................................................... 358 3. Séance de Jessie .......................................................................................................................................... 381 4. La séance de Myriam .................................................................................................................................. 392 5. La séance 2 de Soazic ................................................................................................................................. 398 6. La séance 2 d‟Eddy ..................................................................................................................................... 415 7. Synthèse comparative et perspectives ......................................................................................................... 430. PARTIE VI :. ANALYSE MULTISCALAIRE D’UNE SÉQUENCE........................... 459. Chapitre 1. Utilité potentielle des analyses comparatives de niveau macroscopiques et multiscalaires....... 459 1. Apports attendus des observations au niveau macro à propos de l‟incertitude ........................................... 459 2. Comment trouver le bon grain ? .................................................................................................................. 462 Chapitre 2. Les infographies dans cette séquence ordinaire d‟éducation aux médias ................................... 471 1. Points de vue sur la séquence ...................................................................................................................... 472 2. Analyse épistémique multiscalaire de la séquence ...................................................................................... 480 3. Un schéma systémique d‟analyse ................................................................................................................ 553 4. Analyses de 3 infographies isolées .............................................................................................................. 558 5. Raisons de l‟impasse didactique ................................................................................................................. 583 6. Analyse ascendante ..................................................................................................................................... 586. PARTIE VII :. SYNTHÈSE ET DISCUSSION ........................................................... 649. Chapitre 1. L‟incertitude grammaticale ............................................................................................................ 652 1. La question imprévue .................................................................................................................................. 653 2. L‟avancée épistémique : contrats et milieux différentiels ........................................................................... 663 3. Schématisation grammaticale ...................................................................................................................... 672 Chapitre 2. Influence de cette représentation sur les autres aspects de la recherche .................................... 679 1. Des clés pour une action plus efficace ........................................................................................................ 679 2. Ingénierie didactique coopérative ............................................................................................................... 681 3. La posture du chercheur .............................................................................................................................. 683 4. Statut de la documentation pour l‟enseignant : construction du jeu ............................................................ 684 5. La culture de l‟enquête, l‟EAM et la formation .......................................................................................... 685 Chapitre 3. Limites et perspectives ........................................................................................................................ 687 1. Articulation réalisée entre didactique et sciences de l‟information et de la communication ....................... 687 2. Les limites du travail ................................................................................................................................... 688 3. Autres perspectives ..................................................................................................................................... 689. TABLE DES FIGURES ............................................................................................... 691 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...................................................................... 697 TABLE DES ANNEXES ............................................................................................. 713. 11.

(13) 12.

(14) Introduction Introduction La présente thèse est à la fois exploratoire et descriptive. Elle se situe dans le cadre général de la communication humaine spécifiée à la communication en milieu didactique. La focalisation sur l‟incertitude intrinsèque de ces situations pour le professeur et les élèves va nous amener à considérer et à caractériser les transactions didactiques. Celles-ci mettent en jeu des relations complexes qui tissent ensemble des pratiques langagières et des communications médiatiques. Ces relations s‟articulent autour d‟enjeux de savoir. Dans cette perspective transactionnelle, le dialogue constitue une stratégie langagière de coopération qui assure la reconnaissance mutuelle des interlocuteurs comme personnes en même temps que comme agents d‟action, communes ou conjointes, sur un monde qu‟ils construisent et transforment ensemble. (Vernant, 1997, p. 97). Le travail didactique consiste pour nous à décrire de manière rigoureuse, la façon dont le savoir structure les transactions, c‟est dire identifier « à quoi jouent le professeur et les élèves » et en quoi ce jeu s'actualise dans les discours, aussi bien que dans les systèmes sémiotiques. Cette approche est également celle que suggère Olivesi en Sciences de l‟Information et de la Communication (SIC) en s‟appuyant sur le discours : L‟enjeu pour l‟analyse est dès lors de mettre aux jours ces déterminations – contraintes de toutes natures qui s‟exercent sur le discours – et d‟en rendre ainsi possible une connaissance à la fois positive et critique. L‟idée, peut-être la plus féconde pour les SIC, consiste à ne pas dissocier les discours des domaines de pratiques dont ils s‟avèrent solidaires, car les discours ne sont pas des objets de contemplation pour chercheur (2007, p. 215).. C‟est dans le cadre de l‟éducation aux médias qu‟est menée cette recherche. Celle-ci est présente dans le Socle commun de connaissances et de compétences (2006) du système éducatif français sous cette forme principalement : Les élèves devront être capables de jugement et d‟esprit critique, ce qui suppose : • savoir évaluer la part de subjectivité ou de partialité d‟un discours, d‟un récit, d‟un reportage ; • savoir distinguer un argument rationnel d‟un argument d‟autorité ; • apprendre à identifier, classer, hiérarchiser, soumettre à critique et mettre à distance l‟information ; • savoir distinguer virtuel et réel ; • être éduqué aux médias et avoir conscience de leur place et de leur influence dans la société ; • savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question, la nuancer (par la prise de conscience de la part d‟affectivité, de l‟influence de préjugés, de stéréotypes).. L‟éducation aux médias ne représente pourtant pas une discipline constituée puisque les compétences qu‟elle cherche à développer sont intégrées dans la plupart des principales disciplines scolaires. Une approche didactique, n‟est donc pas naturelle et ce choix mérite quelques explications. Nous en donnerons quelques éléments majeurs ici et nous développerons ces propos dans notre Partie I. L‟éducation aux médias est présente partout dans le monde sous des formes différentes grâce à des militants et à l‟instigation de l‟Unesco et du Conseil de l‟Europe.. 13.

(15) Introduction Un domaine de recherche spécifique s‟est constitué, à l‟échelle planétaire depuis de nombreuses années. De nombreuses recherches ont porté sur l‟analyse et l‟évaluation des programmes d‟éducation aux médias mais rares sont celles qui se penchent sur l‟action effective dans la classe. C‟est la raison essentielle pour laquelle nous avons choisi cette approche. Dès lors, il pouvait sembler plus cohérent de choisir le cadre de la didactique curriculaire qui regroupe plusieurs « éducations à » dont l‟éducation à la santé et l‟éducation à l‟environnement et au développement durable. Nous nous en inspirerons mais le cadre central de notre recherche sera celui de la théorie de l‟action conjointe en didactique. Son approche comparatiste et actionnelle nous semble plus adéquate pour aborder de façon structurée une approche didactique de l‟éducation aux médias. Afin de disposer d‟une pluralité de questionnements susceptibles d‟éclairer au mieux la complexité de la réalité observée, nous empruntons nos outils théoriques à deux domaines de recherche qui pourraient s‟avérer complémentaires : les approches comparatistes en didactique et l‟analyse des discours perçu d‟un point de vue communicationnel. Cela nous conduit à donner raison à Jacquinot qui situe ce courant de recherche au carrefour de deux disciplines : Quand on travaille dans le champ des médias, et des technologies pour l'éducation et la formation, on n'échappe pas à, au moins, deux secteurs disciplinaires, eux-mêmes interdisciplinaires, que sont les sciences de l'éducation et les sciences de l'information » (2001, p.77). Nous ajouterons à cette déclaration qu‟un objet de recherche de ce type doit se construire en cohérence avec les positionnements épistémologiques des deux disciplines. Le fait de questionner les pratiques d‟enseignement-apprentissage en éducation aux médias de différents points de vue nous permet d‟adopter une posture qui favorise une prise de distance2 et, ainsi, de mieux apprécier des pratiques qui nous sont familières. Notre recherche s‟appuie sur un questionnement qui articule le spécifique avec le générique, tout en reconnaissant comme objet d‟étude premier le système didactique tripolaire, composé des trois sous-systèmes interdépendants que sont le professeur, le savoir et les élèves. Ces sous-systèmes seront, ici, spécifiés à l‟éducation aux médias. Cette thèse est née d‟un ensemble d‟interrogations personnelles concernant de telles pratiques. Quelles raisons amènent les enseignants à s‟investir dans des projets ce type ? Qu‟en retirent réellement les élèves ? Les questions que l‟on se pose ne manquent pas. En temps qu‟instituteur puis professeur-documentaliste, nous avons participé pendant plus de vingt ans à de nombreuses actions dans ce domaine. Nous avons également mené une recherche comparative sur les journaux scolaires en nous interrogeant sur les objectifs qui étaient poursuivis dans la réalisation de tels projets. Le travail que nous présentons ici en constitue à la fois une suite et un approfondissement. Nous avons tout d‟abord abordé l‟ensemble de ces questions avant de nous fixer définitivement sur la problématique des incertitudes dans les situations didactique en éducation aux médias.. 2. Cette posture renvoie à la notion d’estrangement, discutée, entre autre, par Ginzburg dans son ouvrage A distance (2001).. 14.

(16) Introduction Quelles sont les sources de ces incertitudes et comment le professeur et les élèves en assurent la gestion ? Si l‟affinage de la problématique a pris un temps certain, nous avons rapidement eu la certitude de tenir dans l‟opération « classes-presse » un terrain d‟exploration particulièrement riche. Ce programme, proposé aux enseignants de collège est souvent présenté comme un programme d‟éducation aux médias exemplaire et beaucoup d‟autres régions ou pays l‟envient. Il mêle en effet sur un temps long la découverte de la presse quotidienne régionale et l‟écriture en ligne. Nous connaissons bien ce programme pour l‟avoir vu naître, pour avoir été associé constamment à son pilotage et pour y avoir participé concrètement pendant plusieurs années avec des élèves. Notre connaissance de ce projet nous a été très utile. Elle produit aussi des inconvénients qui nous ont amené à adopter une posture particulière. Il n‟était pas question de nous priver de nos intuitions, ni de nos expériences. Il fallait au contraire les expliciter et ensuite, reconnaître leur subjectivité et les tenir à distance. Cette recherche a un aspect pratique au sens de Van Der Maren 3. L‟ingénierie didactique, qui a vu la participation sur trois années de plus d‟une dizaine d‟enseignants de diverses disciplines, a d‟abord une dimension expérimentale. Elle a aussi constitué un laboratoire pour mettre en évidence les gestes professionnels qui seraient nécessaires aux enseignants pour mener à bien, avec un niveau de maîtrise suffisant, une éducation aux médias structurée. Dans ce sens, cette ingénierie a été utile aux enseignants ainsi qu‟au groupe de pilotage des « classes-presse » et pourrait l‟être à des concepteurs de programmes similaires. Le cadre théorique est constitué d‟un ensemble que l‟on peut qualifier de pragmatique didactique (Sensevy, 2007). Des séances de classe ont été conçues et réalisées et les apprentissages nouveaux (sauts didactiques) et les évènements imprévus ont été observés finement. Ces derniers étant particulièrement nombreux dans un domaine où l‟enseignant ne peut prétendre tout maîtriser : les techniques de fabrication du journal, les sujets traités dans l‟actualité… Dans la première partie, la problématique de la recherche est exposée ainsi que la posture adoptée. Nous commençons par présenter le projet « classes-presse » et ensuite, nous dressons l‟état des lieux des recherches en éducation aux médias. La deuxième partie aborde les perspectives théoriques utiles à notre travail en didactique, en sciences de l‟information et de la communication et en éducation aux médias. En revenant ensuite sur le cheminement qui nous a conduit à cette problématique, nous éclairons dans la partie III, notre posture de chercheur et les dimensions méthodologiques de cette recherche. Suivent trois parties empiriques (IV, V et VI) qui ont des fonctions bien distinctes et complémentaires : - la partie IV présente une analyse inaugurale qui permet de repérer des traits caractéristiques de l‟éducation aux médias. Elle a donc essentiellement une fonction clinique. - la partie V rend compte de l‟analyse d‟une ingénierie didactique coopérative qui se développe sur plusieurs générations (plusieurs séances réalisées, puis analysées et modifiées). L‟attention est portée sur le degré d‟incertitude et permet d‟affiner des leviers repérés en partie IV. Cette partie est donc principalement expérimentale.. 3. Cet auteur souhaite que la recherche prenne en compte les conditions réelles du travail en classe et soit compréhensible et utile aux enseignants.. 15.

(17) Introduction - la partie VI est une approche multiscalaire qui à la fois pousse plus loin l‟analyse épistémique et élargit l‟empan en reprenant la séance inaugurale ordinaire d‟un autre point de vue (à partir de la vidéo). Elle l‟intègre dans la séquence complète et se focalise sur son objet central : le traitement de l‟infographie. La partie VII met en perspective les apports précédents et les problématise d‟une autre manière en défendant l‟idée d‟une grammaire de l‟incertitude. Celle-ci n‟étant pas spécifique à l‟éducation aux médias, mais mise en lumière par elle.. 16.

(18) PARTIE I : Éléments de problématique PARTIE I : Éléments de problématique Cette première partie a pour but de planter le décor luxuriant dans lequel s‟est déroulée notre recherche. Nous tenterons de faire en sorte que cette partie s‟adapte aux lecteurs venant d‟horizons disciplinaires différents qui seront amenés à lire ce travail. Il s‟agira le plus souvent de situer les objets sans aborder les théories qui les sous-tendent. Cet aspect sera en effet abordé dans la Partie II. Cette partie débute par une présentation de l‟éducation aux médias dans ses diverses dimensions. Nous poursuivrons par un rapide argumentaire concernant la pertinence de la double approche de l‟éducation aux médias que nous avons construite. La nécessité d‟une approche didactique sera tout d‟abord explicitée dans le chapitre 2, puis nous préciserons de plusieurs points de vue, l‟apport d‟une approche communicationnelle.. Chapitre 1. Qu'est ce que l'éducation aux médias ? Ce premier chapitre a pour but de permettre de mieux cerner le terrain sur lequel se place cette recherche et notre implication dans ce domaine. Nous présentons tout d‟abord « classes-presse », le programme d‟éducation aux médias qui a servi de support à notre travail. Ensuite, nous faisons un état des lieux de cet objet qu‟est l‟éducation aux médias et des recherches qui s‟y rapportent. Pour finir, nous justifions l‟idée selon laquelle l‟éducation aux médias a intérêt à tenir compte de la didactique pour mieux comprendre ce qui se passe réellement dans les classes expérimentant de tels programmes. Il nous semble pertinent de commencer par présenter ce programme car il a très vite été présent dans notre réflexion. Le terrain d‟observation était trouvé, dans toute sa richesse. La difficulté consistait à construire un objet de recherche à partir de toutes les questions qui découlaient de ces situations de communication et d‟apprentissages, en tenant compte de notre implication sur le terrain, de la difficulté classique du « jeune » chercheur et d‟une prédisposition à multiplier les questions. Gonnet faisait d‟ailleurs remarquer lors d‟un séminaire doctoral (2003) que l‟éducation aux médias a cette particularité de susciter ou de révéler des interrogations sur l‟élève, l‟enseignant, le système éducatif ou le système médiatique : « on tire un fil, et toute la bobine se déroule ! » disait-il.. 1. Le projet « classes-presse » Nous présentons donc tout d‟abord le dispositif lui-même, en essayant de le voir de plusieurs points de vue, y compris le nôtre au moment de sa création, puis nous le contextualisons comme nous y invite Veyne (1971) pour mieux en prendre la mesure. Nous voyons également dans quelle mesure il s‟agit d‟une innovation pédagogique. 1.1-. Le programme lui-même. Chaque élève participant reçoit tous les jours en classe le journal du partenaire principal pendant 7 semaines. Ensuite, pendant trois semaines, 15 exemplaires de chaque titre sont remis à la classe pour un travail de comparaison. Chaque classe est parrainée par un journaliste, qui intervient au moins deux fois devant les élèves. Un challenge d‟écriture est organisé dans les quatre départements bretons. Depuis 2002, près mille articles sont publiés chaque année par les élèves 17.

(19) PARTIE I : Éléments de problématique sur une plateforme informatique qui est massivement consultée : (son adresse est : http://phares.ac-rennes.fr/classespresse_2009). Les classes visitent aussi en général les sites d‟impression des entreprises de presse partenaires. J‟ai assisté, en tant que formateur Clemi, à la naissance de ce projet et nous y avons participé pendant plusieurs années avec une équipe d'enseignants. Il s'est développé depuis sur une quinzaine de départements de l‟arc atlantique sous des formes variables4. Si les journaux sont évidemment intéressés par le développement d'un lectorat jeune, la volonté de promouvoir l'exercice de la démocratie, partagée par tous les partenaires, est toujours la plus forte dans ce cadre. Ce projet permet aux élèves qui y participent de lire quotidiennement le journal sur une longue période et les amène à mieux connaître ces journaux. La présence (plus ou moins importante) d‟un journaliste qui suit le projet de chaque classe constitue aussi une particularité. Il présente aussi l‟intérêt de marier « écriture papier » et « écriture en ligne ». Ce projet est dans chaque département piloté par l‟Éducation nationale (Clemi : Centre de liaison de l‟enseignement et des médias d‟information), les Conseils généraux et les journaux : Ouest-France et Le Télégramme. Dans le Finistère, l‟hebdomadaire Le progrès de Cornouaille y participe également. 1.2-. Son environnement. Ce programme a, dans un premier temps été à l‟initiative d‟un journal : le Télégramme. Ce fait est assez rare pour être souligné. Il a proposé en 2002 le projet « presse au collège » avec le soutien financier du Conseil général du Finistère. C‟était une situation inhabituelle en Europe, où les projets d‟éducation aux médias naissent la plupart du temps d‟une demande du secteur de l‟éducation. Une expérience similaire du point de vue pédagogique avait cependant déjà été menée en Alsace, et avait servi de « modèle ». Le Clemi a aussitôt été associé à ce projet. 12 classes du Finistère y ont participé cette année là. Dès l‟année suivante (2003), Ouest-France a rejoint le projet et celui-ci s‟est étendu rapidement aux quatre départements bretons. En 2009, il concerne tout le grand Ouest et de nombreux hebdomadaires y participent également. Les Conseils généraux, sensibles à l‟objectif citoyen et au pluralisme affiché, financent depuis cinq ans les journaux diffusés et le supplément encarté dans le journal qui rassemble, en juin, au moins un article de chaque classe participante ainsi que ceux qui sont primés. Il nous semble utile de préciser le caractère particulier dans lequel s‟est déroulée cette expérimentation. Le paysage de la presse bretonne est original. D‟une part, il existe sur la pointe occidentale deux quotidiens, le Télégramme et Ouest-France qui se livrent une concurrence bien réelle5 et se sont dotés assez tôt de services « presse-école » très actifs. D‟autre part, la région bénéficie d‟un taux de lecture de presse quotidienne nettement plus élevée que la moyenne nationale6. Une telle situation pourrait être considérée comme « paradisiaque ». Ces 4. Les quatre départements bretons sont les seuls à utiliser une plateforme informatique permettant de publier tous les articles produits. Dans les autres départements ne sont publiés dans un supplément qu‟une sélection d‟articles. Cela représente à nos yeux une différence notable. La plateforme était considérée les premières années comme un lieu de « dépôt » de tous les articles. Elle est devenue, au fil des années un lieu de publication sur laquelle les articles (6 000 environ) sont encore consultés longtemps après leur mise en ligne. 5 Après l‟arrivée, il y a quelques années d‟exemplaires gratuits des journaux dans les universités, les lycées sont maintenant sollicités. 6 Tout comme en Alsace, d‟ailleurs, où un projet assez similaire avait déjà vu le jour.. 18.

(20) PARTIE I : Éléments de problématique particularités ne nous dispenseront nullement de mener une réflexion sur le concept de partenariat. C‟est ce que nous allons faire maintenant en faisant état, du fait de notre implication dans ce projet, de notre vision de cet aspect des choses. 1.3-. Ma vision au moment du démarrage du projet :. Pour mieux marquer la différence de posture, je passe ici du nous du chercheur au je de l‟acteur observateur au moment du lancement de ce projet. Au moment du lancement du projet, j‟étais coordinateur Clemi dans le département du Finistère. Exactement au même moment, un séminaire national organisé par le Clemi, a eu lieu à Paris sur le thème des médias, partenaires de l’école. J‟y avais participé et cela m‟avait apporté des éléments de réflexion bien utiles. Le projet « Classes-presse » est propice à une réflexion féconde sur l‟articulation Média-Éducation. C‟est un programme qui a été lancé dans un premier temps par un seul journal en collaboration avec le Conseil général du Finistère. Je précise que le projet venait de la direction du journal et du service marketing et n‟était pas une initiative du service presse-école. Des partenaires publics et privés (Clemi, Inspections académiques, Conseil Général et autres journaux), se sont ensuite associés au projet. Même si bien sûr, le journal n‟est pas une marchandise comme une autre, nous sommes en présence d‟entreprises. Par expérience (vingt ans sur un secteur géographique dynamique de l‟éducation aux médias), je sais que c‟est logiquement au moment de la médiatisation des actions d‟éducation aux médias que se focalisent les tensions. Les partenaires y trouvent intérêt en termes d‟image (Collectivités, Clemi, journaux, institutions éducatives et établissements scolaires). Les enseignants ne sont pas toujours aussi enclins à montrer ce qu‟ils font, par principe ou par simple modestie, persuadés qu‟il n‟y a rien de particulièrement original dans leur action. Ils peuvent aussi être, à juste titre, attentifs aux « dérapages » (élèves montrant un journal ou pire encore, portant une casquette publicitaire du journal…). C‟est aussi le moment où l‟enseignant est confronté concrètement à une logique quasiment opposée à celle de l‟école. Il est d‟autant plus dubitatif qu‟il est bien conscient de ses responsabilités, dans la mesure où il implique directement les élèves dont il a la charge. Autant dire qu‟à cette époque, j‟étais partagé entre la satisfaction de la création d‟un programme très intéressant pour les enseignants ainsi que pour les élèves et l‟agacement face à une initiative, qui avait certes un caractère expérimental séduisant, mais qui avait du mal à masquer son aspect de vitrine commerciale. Il s‟agissait aussi d‟être à l‟initiative, d‟être le premier dans la logique ordinaire d‟une entreprise de presse. 1.4-. De quel type d‟innovation s‟agit-il ?. Le dispositif « classes-presse » n‟est pas présenté officiellement comme une innovation. Il a d‟abord été une expérimentation puis s‟est installé durablement dans le paysage et s‟est développé dans de nombreux départements. Il n‟est pas interdit, cependant, de penser que « classe-presse » en représente une. Même si cette hypothèse ne va pas vraiment dans le sens des conclusions de Barthélémy (1998, p.423) qui écrit à la fin de sa thèse que le plus souvent : « l‟utilisation des médias n‟est pas vécue comme une opportunité de changement pédagogique ». Il faut donc tout d‟abord s‟entendre sur le sens du mot innovation. Beillerot, (1997, p.17) en donne une définition assez critique : « l‟innovation en éducation se présente assez souvent comme une réponse à court terme pour gens pressés ». Hatchuel précise, quant à elle, qu‟une même innovation menée sur plusieurs sites peut être perçue de façon très différente par des 19.

(21) PARTIE I : Éléments de problématique élèves de groupes différents. En s‟appuyant sur l‟importante littérature existant sur l‟innovation, elle rappelle que « l‟innovateur a souvent tendance à se croire tout puissant7, (il réinvente tout), à ne pas relier le nouveau à l‟ancien et donc à ne pas innover réellement. » (2000, p.151) Nous considérerons cependant que nous étions (en 2002 tout au moins) en présence d‟une innovation au point de vue technique8 dans la mesure où l‟on met un nombre important d‟élèves et d‟enseignants, a priori sans compétences particulières en informatique, en situation d‟écriture sur une plate forme de publication à distance. Depuis, le phénomène des messageries instantanées (MSN …) et des blogs a considérablement changé la donne. Nous verrons d‟ailleurs ce que ce changement de contexte a apporté au projet. Pour ce qui est de l‟aspect pédagogique, nous ne pouvons pas, pour le moment, être aussi affirmatif. Nous pouvons seulement mettre l‟accent sur la diversité des pratiques rencontrées dans ce projet. D‟autre part, il est clair que, dans l‟état actuel des choses, ce programme a pour vocation de rester expérimental. Ceci pour deux raisons essentielles : - il a un coût élevé et chaque Conseil général ne peut s‟y engager que pour vingt classes. - c‟est un projet lourd qui mobilise élèves et enseignants pendant de longs mois. Nous pouvons aussi signaler ici que le programme n‟est qu‟un cadre, et l‟enseignant doit se l‟approprier pour lui donner une cohérence en phase avec la réalité qu‟il vit avec ses élèves. Si cette diversité existe bien à l‟intérieur des classes-presse, elle est également présente dans les actions d‟éducation aux médias de manière générale. Nous allons maintenant essayer de cerner les limites de ce domaine assez vaste.. 2. Un mouvement qui vient de loin L‟éducation aux médias est une pratique qui peut constituer un terrain d‟aventure passionnant pour l‟enseignant (découverte des différents médias traditionnels ou de ceux qui sont plus liés aux nouvelles technologies, appui sur l‟expression des jeunes…) et pour le chercheur (inventaires, typologies, questionnements, contradictions…). Mais dans ce domaine, il reste beaucoup à faire. Nous ne citerons qu‟un seul exemple : des recherches historiques, pour savoir, par exemple, où et quand a-t-on commencé à vouloir utiliser le journal professionnel dans les classes ? Quel a été le poids respectif des recommandations officielles (Ministère de l‟éducation nationale, programmes de l‟Unesco…) et celui des pédagogues de l‟école nouvelle ? Comment s‟est faite cette « diffusion » sur l‟ensemble de la planète et avec quelles spécificités selon les pays ? Qu‟elles étaient les ambitions de chacun ? Pourquoi existe-t-il des militants actifs de l‟éducation aux médias et des réfractaires, souvent silencieux ?9 Corroy (2005) et Gonnet (1978, 1999, 2001 et 2003) nous apportent déjà beaucoup d‟éléments de réponses à ce sujet. Ce dernier auteur a joué un rôle central dans le développement de l‟éducation aux médias en France professeur en sciences de l‟information et de la. 7. Nous pouvons relier cette remarque à ce que Brousseau nomme effet Deniès. Comme nous le dit Jacquinot (2002, 391), la modernité technologique ne garantit rien, surtout pas l‟innovation pédagogique. 9 Nous pouvons citer cette phrase extraite de l‟Éclaireur de Nice à l‟époque de Freinet (Gonnet, 1988) : « les élèves délaisseront les programmes, les horaires, le travail et ne cultiveront plus que la petite plante de vanité et c‟est vous, M. Freinet qui l‟aurez semée ! ». 8. 20.

(22) PARTIE I : Éléments de problématique communication, il a été le directeur du Clemi (à l‟époque, centre de liaison de l‟enseignement et des moyens10 d‟information) depuis sa création en 1983 et jusqu‟à 2005. Pour la clarté de l‟analyse, nous tenterons de séparer les deux aspects que représentent d‟une part la pratique de l‟éducation aux médias et d‟autre part les recherches qui sont menées sur cet objet. 2.1-. Un objet constitué mais ouvert à des multiples influences. Au lieu de plonger immédiatement dans des définitions complexes et nombreuses, nous préférons tout d‟abord prendre un exemple concret qui met en évidence le manque de repères. Il est extrait d‟un dossier constitué par la revue en ligne le café pédagogique sur les Itinéraires de découverte. Dans le projet présenté, les élèves doivent réaliser une page web pour le site du collège11, en anglais, dans laquelle ils se présentent. Nous pouvons poser la question suivante : s‟agit-il ici d‟éducation aux médias ? Nous voyons tout de suite que les frontières de l‟éducation aux médias sont floues et que cette question concrète ne peut trouver de réponse tranchée. Dans la mesure où les élèves ont appris à respecter les droits de publication, à utiliser une certaine forme d‟écriture journalistique…on peut tout à fait considérer que ce projet relève de l‟éducation aux médias. Il est probable cependant, que les enseignants réalisent et présentent leur projet sans avoir conscience de travailler dans ce domaine. Les entretiens que nous avons pu mener confirment nettement notre intuition. Les enseignants n‟utilisent pas spontanément cette expression. Cela ne les empêche cependant pas de réaliser concrètement, avec leurs élèves, des activités qui s‟y rapportent. Il est intéressant de chercher une explication à ce phénomène12. Faut-il, dès lors, choisir un autre terme si celui-ci n‟est pas utilisé sur le terrain ? La notion de « presse à l‟école », est mieux connue des enseignants et on peut être tenté de la préférer à celle « d‟éducation aux médias ». Cependant, elle n‟est pas forcément plus claire. En tout cas, elle permet de mettre en lumière les confusions souvent commises entre média / presse / information / image. Quand on parle d‟éducation aux médias, on pense souvent implicitement à la TV, avec une intention « vaccinatoire »13 plus ou moins marquée. Les travaux de Sarmiento (1999) nous permettront de mieux comprendre cela. Quoiqu‟il en soit, il s‟agit d‟une expression maintenant consacrée à travers le monde, et il nous semble plus pertinent de l‟utiliser en ayant conscience des ambiguïtés qu‟elle véhicule. Nous essayerons également de situer cette notion par rapport à d‟autres domaines proches. Nous explorerons cette voie à la fin de ce chapitre, quand nous aurons mieux défini l‟objet en luimême.. 10. Depuis plusieurs années le terme « moyens » a été remplacé par « médias ». Ce terme ouvrant des perspectives plus larges. 11 L‟Internet étant considéré comme un media qui a la particularité d‟intégrer ou de tenter d‟intégrer tous les médias traditionnels (presse écrite, radio, TV, cinéma …). 12 Nous pouvons déjà émettre l‟idée que les enseignants utilisent l‟objet média, bien plus qu‟ils n‟interrogent le rapport au média (le leur et celui de leurs élèves). La presse écrite (sur papier ou sur écran) semble occuper, dans leur esprit, une place à part. Ils sont nombreux à avoir conscience de la difficulté à faire en sorte que les jeunes deviennent, une fois adultes, des lecteurs de presse réguliers, et ne se « contentent » pas de la radio, de la TV ou de quelques brèves non sourcées, glanées sur Internet. 13 Expression employée par Masterman, chercheur en éducation aux médias au Royaume Uni .. 21.

(23) PARTIE I : Éléments de problématique Nous avons identifié, en explorant la littérature sur le sujet douze dimensions constitutives de l‟éducation aux médias qui sont plus ou moins présentes dans chaque projet particulier. - le développement de l‟esprit critique - les représentations sur le monde - la connaissance du système médiatique et des spécificités de chaque média - la prise en compte de l‟aspect émotionnel du média - la prise en compte de son aspect didactique - les analyses comparatives - la production de messages médiatiques - l‟analyse et réception de messages médiatiques variés - la démarche de projet - le travail sur l‟image - le travail sur l‟actualité On voit bien que ce domaine est transversal et qu‟il n‟est pas facile de définir précisément ces pratiques qui sont diverses et existent partout dans le monde. Gonnet fait état des tentatives qui ont été menées dans ce sens : A chaque fois, l'idée est de mieux décrire, de mieux cerner l'objet "éducation aux médias". L'intention est louable. Le résultat n'est guère convaincant. Peut-être peut-on, dès lors, faire l'hypothèse que s'il est si difficile de circonscrire cette idée, c'est parce que l'on cherche à conjuguer des niveaux différents. D'un côté, on affirme que l'école doit prendre acte de l'émergence des médias dans la société, qu'elle doit se situer, notamment dans son rôle fondamental par rapport au savoir. Et sur ce point, tout le monde est d'accord. Mais, en revanche, les solutions proposées ne sont en aucun cas consensuelles. Bien au contraire, elles révèlent les clivages, les imaginaires, les paris sur l'avenir qui nous renvoient à des débats classiques, notamment d'ordre politique….Bref, "éduquer aux médias" n'est pas un concept facile à comprendre. Accusateur des médias pour les uns, incitateur pour les autres à les utiliser sans retenue pour vivre un nouvel âge de la communication, son emploi si universel vient d'abord d'un imaginaire qui autorise chacun à l'investir dans le sens qu'il souhaite ». (2002, p. 9-11).. Gonnet précise qu‟il « semblerait qu‟une caractéristique de la "posture" éducation aux médias puisse se définir par une conscience de la nécessité de conjuguer trois logiques toujours à l‟œuvre, du moins dans le monde occidental14 » (1997). Nous tentons ici de représenter de manière synthétique ces niveaux différents tels que les présentent Gonnet. Il met bien en évidence l‟importance de la prise en compte du politique.. 14. Cette dernière précision est importante. Effectivement, le témoignage d‟un universitaire indien (Keval. J Kumar, 1992) montre un autre visage de l‟éducation aux médias dans son pays. Son objectif est le développement et la libération de la communauté, plutôt que la promotion d‟individus autonomes et la protection des individus contre le pouvoir de manipulation des médias.. 22.

(24) PARTIE I : Éléments de problématique Logique philosophique : le doute, la pensée, la science (sémiologie…) Politique. Logique éducative : Statut de l‟élève, du maître, rapport au savoir, à la création École nouvelle. Logique sociologique : Effets des médias, représentions du monde, nécessité de savoir les lire… les images en particulier. Éducation. Communication. Nous soulignons que dès cette étape déjà ancienne (1997), la notion de doute est présente et de façon centrale dans sa réflexion. Il y a aussi d‟autres raisons qui expliquent cette difficulté à situer l‟éducation aux médias. La plus massive provient des bouleversements entraînés par l‟essor d‟Internet qui modifie profondément le paysage médiatique et les catégories qui peuvent s‟y rapporter. Nous y consacrerons une section spécifique. Pour le moment, nous évoquerons une autre raison tout aussi évidente. L‟éducation aux médias se trouve au carrefour des disciplines, et les traversent sans en respecter les frontières. Or, cellesci sont fort prégnantes, dans le système éducatif français. Le recours à l‟histoire peut aussi nous apporter plusieurs explications sur l‟état actuel de l‟éducation aux médias en France et dans le monde. C‟est l‟aspect que nous allons aborder maintenant. 2.2-. Quelques repères historiques :. Pour cette partie, nous nous référerons beaucoup au travail de Sarmiento (1999), dont la thèse nous a été très utile. Cet auteur a en effet réalisé un état des lieux très complet de l‟éducation aux médias en France et à travers le monde à la fin du XXème siècle. Nous n‟allons bien sûr pas reprendre ce travail ici, mais seulement l‟actualiser et nous appuyer sur certaines de ses conclusions qui vont nous permettre à la fois de mieux saisir cette notion et d‟apporter des éléments de réponses aux questions soulevées précédemment. Nous avons eu la chance de participer à la rencontre internationale de l‟Unesco à Paris en juin 2007. Cela nous a permis, grâce à l‟état des lieux présenté par plus de 40 pays, d‟avoir une vision synthétique de l‟éducation aux médias dans le monde, aujourd‟hui. Nous développerons de façon importante cette section car cela permettra de produire un bilan actualisé des grandes tendances actuelles qui n‟existe pas, à notre connaissance, dans la littérature francophone.. 23.

(25) PARTIE I : Éléments de problématique Cela nous sera également très utile pour saisir les évolutions et les mouvements de fond et préciser dans quelle manière notre recherche peut apporter des éléments de réponse aux problématiques actuelles. Tout d‟abord, Sarmiento établit clairement, en s‟appuyant sur les travaux de Gonnet principalement, le rôle prépondérant de l‟Unesco dans la création (dans les années soixante) et la diffusion de cette expression à travers le monde. Gonnet précise d‟ailleurs que cet organisme a contribué, en raison d‟objectifs multiples à maintenir le flou entre éducation aux médias (objet d‟étude) et éducation par les médias (support au service des autres disciplines et des apprentissages qui en relèvent). Il est vrai que l‟expression « media education » a été traduite littéralement. Cet état de fait entraîné des ambiguïtés dont nous cernerons la portée. Il nous semble cependant utile d‟ajouter que ce sont quelques militants, précurseurs des échanges internationaux qui ont porté avec conviction cette problématique auprès de l‟Unesco. Evelyne Bevort l‟exprime fort bien ici : Voilà probablement une des rares problématiques éducatives qui ait, dès son origine, été à ce point internationalisée. On pourrait dire sans grandiloquence exagérée que les pionniers qui ont porté cette question de l‟éducation aux médias, il y a 40 ans, étaient d‟une certaine façon visionnaires. Ils avaient déjà relativement bien anticipé l‟évolution rapide de nos sociétés vers ce qu‟on appelle aujourd‟hui la société de l‟information (Bevort, 2006).. Identifier l‟origine de l‟expression est une chose. La question de l‟émergence des pratiques est plus complexe. Pour essayer d‟y voir plus clair, nous allons choisir plusieurs points de vue différents sur l‟éducation aux médias. (1) Émergence d‟un domaine spécifique : Dans leur dictionnaire, Corroy et Gonnet (2008, p. 98) évoquent le cas du directeur des écoles publiques de Salem, dans le Missouri aux États-Unis en 1880 qui se faisait l‟avocat de l‟utilisation des journaux en classe. « Abonné à soixante quotidiens qu‟il distribuait chaque vendredi matin à ses élèves, il proposait des lectures comparées et argumentait sur la nécessité d‟une information rigoureuse pour une démocratie active ». Ils ajoutent qu‟ « à la même époque, de nombreux écrits témoignent des dangers de la presse d‟une éducation stricte pour s‟en défendre ». A chaque époque, cette dualité se retrouve. Dans les années 1920, au moment du développement de l‟éducation nouvelle, ces mêmes auteurs rapportent que l‟abbé Bethléem consacre à ce sujet un livre qui a un certain retentissement et dont la pensée est résumée ainsi, en caractère gras dans l‟introduction : « la presse est toxique pour l‟homme. Or, l‟homme n‟est pas éclairé et il s‟empoisonne. Il faut faire son éducation » (Bethléem, 1928, p. 26). Gonnet analyse la situation grâce à son expérience : « L‟Unesco a, dès sa création, tout fait pour promouvoir l‟éducation aux médias … mais les essais de définition de l‟objet de cette éducation varient en fonction de filtres, de priorités qui changent en permanence » (Gonnet, 2002, p. 9). Il distingue deux phases dans ce processus : Dans une première phase en effet, vers le milieu du XXème siècle, les experts se sont interrogés sur les moyens d'utiliser la communication de masse, notamment la télévision, à des fins éducatives. Leur problématique pourrait se résumer en les termes suivants : pourquoi ne pas profiter des médias pour alphabétiser à grande échelle des populations privées de structures d'enseignement ? ». 24.

(26) PARTIE I : Éléments de problématique A cette éducation, fondée sur l'utilisation des médias (on fait alors de l'éducation par les médias ou avec les médias qui illustrent des disciplines traditionnelles, les rendent plus attrayantes), se substituera, dans les années 1970, une autre définition d'une visée différente, élaborée par le Conseil international du cinéma et de la télévision : « Par éducation aux médias, il convient d'entendre l'étude, l'enseignement et l'apprentissage des moyens modernes de communication et d'expression considérés comme faisant partie d'un domaine spécifique et autonome de connaissances parmi d'autres domaines de connaissances tels que les mathématiques, la science et la géographie» (Gonnet, Ibid.). Sarmiento et sa directrice de thèse, Jacquinot, sont d‟accord pour dire qu‟il ne peut pas exister une seule et unique définition d‟éducation aux médias et qu‟il faut la penser en fonction de la spécificité politique et culturelle dans laquelle on l‟introduit. Ce qui relativise, selon eux, la portée d‟une charte internationale concernant l‟éducation aux médias. Jacquinot l‟explique clairement : Il faut insister sur le fait que les objectifs dits de "formation du citoyen" ou de "formation à la démocratie" n'auront pas le même sens dans un pays "à tradition démocratique" comme on le dit de la France par exemple, et dans un continent ou une région qui doit encore lutter pour obtenir "la liberté de pensée et d'expression" (Jacquinot, 1995, p 21).. Ce discours est d‟ailleurs confirmé par celui de Fuenzalida, chercheur chilien, cité par Sarmiento (Ibid, p.44). « En Amérique Latine.., les considérations théoriques (théorie de la communication et de l‟influence des médias) sont très fréquemment mêlées de motivations politiques et culturelles et les centres d‟intérêt des initiatives varient selon ceux qui les appuient ». Cette déclaration se révèle également être une constante dans de nombreux pays. Sarmiento connaît bien l‟éducation aux médias dans plusieurs régions du monde. Cela lui permet de bien distinguer les diverses situations et d‟en proposer un panorama contrasté. Il fait référence à un colloque organisé par l‟Unesco, le Clemi et le British Film Institut qui a eu lieu à Toulouse en 1990. Il réunissait deux cents chercheurs provenant de 44 pays. Il est intéressant de noter que la formation de l'esprit critique et la formation des citoyens apparaissaient pour la première fois dans les conclusions des travaux réalisés par les différentes commissions de spécialistes. Même si on peut douter de son efficacité immédiate, la déclaration de Grunwald sur l‟éducation aux médias a cependant été adoptée en 1982 par l‟Unesco et a fixé un cadre pour l‟avenir. Nous en produisons le texte en Annexe 1. La rencontre de Paris15, que nous avons déjà évoquée, et qui avait pour mission de faire le point, 25 ans après, a montré que cette déclaration restait très actuelle. Elle nous permettra de mettre en évidence, par rapport aux éléments fournis par Sarmiento, les principaux changements que nous avons perçus. En France, on peut discerner deux voies qui sont à l‟origine des pratiques d‟éducation aux médias. L‟une se situe hors de l‟école à travers les cinés-clubs et l‟autre, à l‟intérieur de cette institution, sous l‟impulsion des enseignants militants convaincus très tôt de son intérêt. « Le Ministre Haby, a autorisé en 1976, l‟entrée de la presse dans les établissements scolaires. Des 15. Cette rencontre était intitulée : « l‟éducation aux médias : avancées, obstacles, orientations nouvelles depuis Grünwald : Vers un changement d‟échelle ? ». 25.

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