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La sécurité, la fondation de l'Etat centrafricain : contribution à la recherche de l'Etat de droit

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Academic year: 2021

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Submitted on 13 Sep 2012

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La sécurité, la fondation de l’Etat centrafricain : contribution à la recherche de l’Etat de droit

Augustin Jérémie Doui Wawaye

To cite this version:

Augustin Jérémie Doui Wawaye. La sécurité, la fondation de l’Etat centrafricain : contribution à la recherche de l’Etat de droit. Droit. Université de Bourgogne, 2012. Français. �NNT : 2012DIJOD001�.

�tel-00732095�

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Ecole Doctorale 491

Langages, Idées, Sociétés, Institutions, Territoires THÈSE

pour obtenir le grade de

Docteur de l’Université de Bourgogne

Discipline : Droit public

par

Augustin Jérémie DOUI WAWAYE

présentée et soutenue publiquement à Dijon le vendredi 9 mars 2012

LA SECURITE, LA FONDATION DE L'ETAT CENTRAFRICAIN : CONTRIBUTION A LA

RECHERCHE DE L'ETAT DE DROIT

Directeur de thèse Philippe ICARD Jury :

M. Jean Claude FRITZ, Professeur émérite, Université de Bourgogne, Président.

M. Albert BOURGI, Professeur émérite, Université de Reims, Rapporteur.

M. Robert CHARVIN, Professeur émérite, Université de Nice Sophia-Antipolis, Rapporteur.

M. Yves PETIT, Professeur à l’Université de Nancy 2, Membre.

M. Raphaël PORTEILLA, Maître de Conférences HDR, Université de Bourgogne, Membre.

M. Philippe ICARD, Maître de Conférences HDR à l’Université de Bourgogne, Membre.

©

(3)
(4)

L'Université de Bourgogne n’entend donner aucune

approbation ni improbation aux opinions émises dans les

thèses. Ces opinions sont considérées comme propres à

leurs auteurs.

(5)
(6)

« Si la sécurité a constitué le fondement de la pensée politique moderne, la tâche de la pratique politique a été de ‘’sécuriser’’ la sécurité »

1

.

1 - DILLON Michael, Politics of Security: Towards a Political Philosophy of Continental Trough, London, New York, Routledge, 1996, p.12.

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(8)

Dédicace

A

TOUTES LES VICTIMES QUI ONT PAYE LE PRIX DE L’INSECURITE EN

REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

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Remerciements

Mes recherches au CREDESPO

1

de l’Université de Bourgogne ont abouti à la réalisation de cette thèse grâce à l’encadrement rigoureux de Monsieur Philippe ICARD et au soutien des uns et des autres.

Que tous ceux et toutes celles qui, de près ou de loin, m’ont accordé leur temps, m’ont aidé aussi bien matériellement que financièrement, ont pensé à moi, m’ont soutenu tant moralement que spirituellement, m’ont donné leur travail et leur affection, ont contribué d’une manière ou d’une autre à la finalisation de cette thèse, trouvent ici l’expression de mes vifs et infinis remerciements.

Je n’ose citer personne nommément de peur d’en oublier.

Profonde gratitude !

1 - CREDESPO : Centre de Recherche et d’Etude en Droit et Science Politique

(11)
(12)

Résumé

Un sentiment que l’humanité toute entière éprouve demeure le leitmotiv « assurer l’ordre et

la sécurité ». C’est pourquoi la place qu’occupe l’insécurité dans le débat public en

République Centrafricaine, Etat situé au Centre de l’Afrique à peu près la même superficie

que la France, rend souhaitable cette thèse. La sécurité signifie que l’on n’est pas sous le

poids de la peur ou de la terreur. Pour que l’ordre et la sécurité soient vraiment assurés en

République centrafricaine, il ne suffit pas que le sang ne coule pas et que soit protégée

l’intégrité physique du citoyen. Il faut aussi que les droits de tous soient respectés et qu’ils en

aient la jouissance tranquille comme celle de tous leurs biens. L’exigence fondamentale

demeure la sécurité juridique qui est étroitement liée à l’Etat de droit entendu comme, son

nom l’indique, un Etat soumis au droit. Cette proximité s’explique bien évidemment par le

lien très fort qui existe entre les notions de sécurité et de droit. Ce lien est mis en exergue par

le juge : si la sécurité demeure l’un des buts qui est assigné au droit, le droit, qui connaît un

principe de prééminence, est un moyen efficace pour garantir la sécurité. Au jour

d’aujourd’hui, une évidence est communément admise entre Etat de droit et démocratie. Si la

démocratie participe au renforcement de l’Etat de droit plus précisément par le principe selon

lequel tous les citoyens doivent pouvoir concourir directement ou par l’intermédiaire de leurs

représentants au vote des lois, l’Etat de droit, s’il veut être effectif, doit instaurer un système

de protection juridictionnelle afin que les lois votées ne reposent pas sur la contrainte.

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(14)

Summary

“Ensuring order and security” is a deep-seated desire shared by the whole of humanity. It is therefore reasonable to devote this thesis to the place occupied by insecurity in public debate in the Central African Republic, a state covering roughly the same surface area as France.

Security implies that the weight of fear or terror is removed. If order and security are to be

genuinely ensured in the Central African Republic, more is required than the absence of

bloodshed and the protection of each citizen’s physical integrity. It is also essential that the

rights of all be respected and that all citizens should be entitled to the protection of their rights

as well as their possessions. Legal security is therefore a fundamental requirement, closely

related to the rule of law, that is to say a state subject to the rule of law. This association is of

course due to the strong bond existing between the notions of security and law, a bond which

is highlighted by a judge: if security remains one of the goals assigned to law, through its pre-

eminence the law is an effective means to guarantee security. Conventional wisdom today

equates the rule of law with democracy. If democracy lies behind the reinforcement of the

rule of law, and in particular through the principle that all citizens should be entitled to

contribute directly or by means of their representatives to the voting of laws, for it to be

effective, the rule of law must establish a legal protection system allowing laws to be passed

free of all constraint.

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Liste des sigles et abréviations - AA : Armée de l’Air

- AAI : Autorités Administratives Indépendantes - AEF: Afrique Équatoriale Française

- AFDI : Annuaire Français de Droit International - AFRI: Annuaire Français de Relations Internationales - AJDA : Actualité Juridique. Droit Administratif - ALPC : Armes Légères et de Petit Calibre

- APAD : Bulletin de l’Association Euro-Africaine pour l’Anthropologie du Changement Social et du Développement

- APD : Aide Publique au Développement - APD : Appel de Préparation à la Défense

- APRD : Armée Populaire pour la Restauration de la République et la Démocratie - art.cit. : Article cité

- BCR : Bureau Central du Recensement - BG : Bataillon du Génie

- BIT1 : Bataillon d’Infanterie Territoriale n°1 - BIT2 : Bataillon d’Infanterie Territoriale n°2 - BIT : Bureau International du Travail

- BMIA : Bataillon Mixte d’Intervention et d’Appui

- BONUCA : Bureau d’appui des Nations Unies pour la Consolidation de la paix en République centrafricaine

- BPSI : Bataillon de Protection et de Sécurité des Institutions (nom officiel de la Garde présidentielle)

-BSP : Bataillon des Sapeurs Pompiers - BSS : Bataillon de Soutien et de Service

- CADHP : Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples - CADHP : Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples - CADTM : Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde - CC : Cour Constitutionnelle (de la République centrafricaine) - CCCE : Commission Consultative du Conseil d’Etat

- CCSDN : Conseil et Comité Supérieurs de la Défense Nationale

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(18)

- CE : Conseil d’Etat

- CEAN : Centre d’Etudes d’Afrique Noire - CEI : Commission Electorale Indépendante

- CERI : Centre d’Etudes et de Recherches Internationales

- CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale - CHEAM : Centre des Hautes Etudes sur l’Afrique et l’Asie Modernes - CSA : Comité de Suivi et d’Arbitrage

- CIJ : Cour Internationale de Justice - CIS : Comité International de Suivi

- CMRN : Comité Militaire de Redressement National

- CNPDR : Commission Nationale de lutte contre la Prolifération des armes légères et de petit calibre pour le Désarmement et la Réinsertion

- CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique - CNS : Compagnie Nationale de Sécurité

- CNT : Conseil National de Transition

- CEEAC : Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale - CFA : Franc de la Communauté Financière Africaine

- CICR : Comité International de la Croix Rouge - coll. : Collection

- CPI : Cour Pénale Internationale

- CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale

- CPJP : Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix - CRISP : Centre de Recherche et d’Information Sociopolitique - CRN : Conférence de Réconciliation Nationale

- CSDN : Conseil Supérieur de la Défense Nationale - CSM : Conseil Supérieur de la Magistrature

- DESC : Droits Economiques, Sociaux et Culturels

- DDR : Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (Réintégration)

- DDRRR : Désarmement, Démobilisation, Rapatriement, Réintégration et Réinstallation - DIDH : Droit International des Droits de l’Homme

- dir. : (sous la direction de)

- DOMP : Département des Opérations de Maintien de la Paix

- DSRP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté

- EAFGA : Enfants Associés aux Forces et Groupes Armés

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(20)

- ECA : Empire Centrafricain

- EDCE : Etudes et Documents du Conseil d’Etat - Ed. : Editions

- etc. : et cætera

- EUD : Editions Universitaires de Dijon - EUFOR : Force de l’Union Européenne - FACA : Forces Armées Centrafricaines - FAS : Fonds d’Affectation Spéciale - FDC : Front Démocratique Centrafricain

- FDPC : Forces Démocratiques pour le Peuple Centrafricain - FDS : Forces de défense et de sécurité

- FEDN : Fondation pour les Etudes de Défense Nationale - FICU : Forces d’Intervention du Corps Urbain

- FIDES : Forum sur les Institutions, le Droit, l’Economie et la Société -FOMUC : Force Multinationale en Centrafrique

- FNUSH : Fonds des Nations Unies pour la Sécurité Humaine - FUC : Front Uni pour le Changement

- GAPLC : Groupe d’Action Patriotique de Libération de Centrafrique

- GERJC : Groupe d’Etudes et de Recherches sur la Justice Constitutionnelle - GIGN : Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale

- GIRCA : Groupe Interuniversitaire de Recherches sur les Conflits en Afrique - GP. Garde Présidentielle

- GR : Garde Républicaine

- HCC : Haut Conseil de la Communication

- HCR : United Nations Higth Commissionner for Refugees (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés),

- HDPTCAR: Humanitarian and Development Partnership Team Central African Republic, - IAES: Institut Africain d’Etudes Stratégiques

- IES : Institut pour les Etudes de Sécurité

- IISA : Institut International des Sciences Administratives - Infra : ci-dessous

- INHES : Institut National des Hautes Etudes de Sécurité

- INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques t

- IUE : Institut de L’UNESCO pour l’Education

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(22)

- LDH : Ligue des Droits de l’Homme

- LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

- LRA : Lord’s resistance Army (Armée de la Résistance du Seigneur) - MDRP : Programme multi-pays de démobilisation et de réintégration - MESAN : Mouvement pour l’Evolution Sociale en Afrique Noire - MINURCA : Mission des Nations Unies en République Centrafricaine

- MINURCAT : Mission des Nations Unies en République Centrafricain et au Tchad - MISAB : Mission de Surveillance des Accords de Bangui

- MLC : Mouvement de Libération du Congo

- MLCJ : Mouvement des Libérateurs Centrafricains pour la Justice - MLPC : Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain

- MPRC : Mouvement Patriotique pour la Restauration de la République Centrafricaine - MPRD : Mouvement pour la Paix, la Reconstruction et le Développement

- OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

- OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires - OMP : Opérations de Maintien de la Paix

- ONG : Organisation Non Gouvernementale - ONU : Organisation des Nations Unies - OUA : Organisation de l’Unité Africaine - op.cit. : opere citato (dans l’ouvrage cité) - p. : Page

- PAP : Protocole d’Accord Politique

- PAS : Programme d’Ajustement Structurel

- PIDCP : Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques

- PIDESC : Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels - PIR : Police d’Intervention Rapide

- PGA : Prime Globale d’Alimentation - PMA : Pays les Moins Avancés

- PMC : Programme Minimum Commun

- PMDR : Programme Multi pays pour la Démobilisation et la Réinsertion

- PNDDR : Programme National de Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion - PNUD: Programme des Nations Unies pour le Développement

- PRAC : Projet de Réinsertion des ex-combattants et d’Appui aux Communautés

- PSI : Paix et Sécurité Internationales

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- PSPD : Projet de Sécurité pour le Développement - PUAM : Presses Universitaires d’Aix-Marseille - PUF : Presses Universitaires de France

- QPC : Question Prioritaire de Constitutionnalité - RA : Revue Administrative

- RADDHO : Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme - RCA: République Centrafricaine

- RCADI : Recueil de Cours à l’Académie de Droit International - RDC : Rassemblement Démocratique Centrafricain

- RDP : Revue de Droit public et de la Science Economique - Rec. : Recueil

- RFDC : Revue Française de Droit Constitutionnel - RFSP : Revue Française de Science Politique

- RGPH: Recensement Général de la Population et de l'Habitat - RJPIC : Revue Juridique Politique Indépendance et Coopération - RSS : Réforme du Système de Sécurité

- RSSG : Représentant Spécial du Secrétaire Général (des Nations Unies) - S. : Sirey

- SDN : Société des Nations

- SGDN : Secrétariat Général de la Défense Nationale - Supra : ci-dessus

- TOM: Territoire Outre Mer - UA : Union Africaine - UE : Union Européenne

- UFR : Union des Forces Républicaines

- UFDR : Union des Forces Démocratiques pour le Rassemblement - UFVN : Union des Forces Vives de la Nation

- UIDH : Union Interafricaine des Droits de l’Homme

- UNFPA : Fonds des Nations Unies pour la Population

- vol. : Volume

(25)
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Plan sommaire Introduction générale

I. La République centrafricaine à la recherche d’un pacte II. La recherche d’un processus de stabilisation

Partie 1 : L’impuissance de l’Etat centrafricain

Titre 1 : L’impuissance de l’Etat en matière d’insécurité

Chapitre 1 : Les crises politiques génératrices d’insécurité Chapitre 2 : La difficile lutte contre l’insécurité

Titre 2 : L’impuissance de l’Etat dans la construction de l’Etat de droit

Chapitre 1 : L’insécurité, obstacle à l’Etat de droit Chapitre 2 : Le dysfonctionnement des appareils d’Etat Partie 2 : La stabilité étatique comme fondement de la sécurité

Titre 1 : Les composantes de la stabilité

Chapitre 1 : La stabilité institutionnelle Chapitre 2 : La stabilité normative

Titre 2 : La place de la sécurité dans l’Etat de droit

Chapitre 1 : L’Etat de droit face à la sécurité

Chapitre 2 : L’Etat de droit garant de la sécurité

Conclusion générale

(27)

(28)

Introduction générale

La vertu première d’une politique de sécurité est d’assurer la stabilité par la lutte contre toutes les formes de menaces qu’elles soient intérieures ou extérieures. Or si la République centrafricaine (RCA)

1

souffre d’insécurité, son histoire explique en partie sa situation actuelle. Il s’agit d’un Etat issu de la décolonisation des années 1960 éprouvant de grandes difficultés à stabiliser son régime politique en raison de conflits permanents de pouvoir, oubliant les aspirations du peuple. Peu de temps après sa fondation, le 1

er

décembre 1958, une insécurité chronique a entraîné un délitement de l’Etat centrafricain émaillé par un profond bouleversement dans le fonctionnement de l’ensemble de la vie juridique, politique, sociale et culturelle. Aussi, le fonctionnement même des institutions en est venu à s’organiser en dehors de toute légalité. Cette illégalité a pu laisser croire, comme on le dit en République centrafricaine, que « le droit, c’est l’arme ; la justice c’est la puissance de feu ». Ainsi, très rapidement cette insécurité entame tout aussi bien l’intégrité physique des personnes et la préservation de leurs biens. Cette forme de danger permanent vient tout à la fois de menaces extérieures que de rébellions intérieures ; d’où le titre de l’ouvrage de P.SAULNIER Le Centrafrique entre mythe et réalité

2

. D’autres, à l’instar de G. FAES et S. SMITH ont pu parler de La solitude et le chaos en République centrafricaine

3

. Ce contexte d’insécurité chronique a influé sur l’évolution de la situation sociopolitique, constitutionnelle et institutionnelle. Dès lors, le but essentiel pour l’Etat centrafricain est de conquérir la sécurité.

Toutefois, cette recherche de sécurité ne doit pas s’identifier à des politiques sécuritaires où les droits de l’homme seraient niés. En d’autres termes, il s’agit d’établir un pacte social permettant l’adhésion de tous et sa mise en œuvre par des institutions démocratiquement élues. Ainsi, l’Etat centrafricain, puisant sa légitimité dans ce pacte, pourrait contribuer à la sécurité des citoyens sans compromettre leurs droits fondamentaux. Toutefois, depuis sa fondation, la République centrafricaine est à la recherche d’un pacte (I) susceptible de contribuer à sa stabilisation (II).

1 - République Centrafricaine en abrégée RCA aussi appelée Centrafrique soit en sango Ködörösêse ti Bêafrîka ou Bêafrica.

2 - SAULNIER Pierre, Le Centrafrique entre mythe et réalité, Paris, Editions L’Harmattan, coll. Etudes africaines, 1998, p.2-33.

3

-

FAES Géraldine et SMITH Stephen, « La solitude et le chaos en République centrafricaine » in Politique internationale, n°88, été, 2000.

(29)

2

I. La République centrafricaine à la recherche d’un pacte

L’histoire politique de la République Centrafricaine se caractérise par l’absence de stabilité. Cet Etat n’a connu qu’une suite de régimes politiques autoritaires dont les responsables procédaient chaque fois à un changement radical des textes constitutionnels en vue de servir leurs intérêts personnels

4

. Ces régimes, depuis plus d’un demi-siècle, associent la personnalisation excessive du pouvoir, le déni des droits fondamentaux de la personne, la prédominance des gouvernants non élus avec aucun engagement vis-à-vis du peuple souverain. Pour retrouver la confiance des citoyens, il est nécessaire de rétablir un régime démocratique conférant à l’Etat la légitimité nécessaire donc la stabilité pour rétablir la sécurité. Pour atteindre cet objectif encore faut-il évaluer les enjeux d’une telle entreprise.

Il convient donc de recenser les raisons historiques et politiques de l’instabilité (A) pour mieux comprendre comment se doter d’un pacte vecteur de sécurité (B).

A. Les raisons historiques et politiques de l’instabilité étatique

L'histoire et le destin de la République Centrafricaine se confondent avec ceux de l'Afrique Équatoriale Française (AEF). En effet, l'arrivée des européens dans la région appelée aujourd'hui République Centrafricaine fut tardive. L'occupation s'était imposée pour relier le Tchad avec les possessions françaises de l'Ouest et le Nord d'Afrique. Pierre SAVORGNAN de BRAZZA, chargé de réaliser la liaison, a exploré la Haute Sangha.

5

. Mais, il s'est heurté à l'occupation allemande au Cameroun. C'est le français Alfred UZAC qui, sous l'impulsion d'Albert DOLISIE, fonda le 26 juin 1899 le poste de Bangui alors que les Belges, de l’autre côté du fleuve Oubangui, venaient de fonder un jour plus tôt, la ville de Zongo en face de

4 - A ce jour, sans prendre en compte les Actes constitutionnels et les révisions subséquentes, on peut citer les constitutions centrafricaines ci-après :

- le 9 février 1959 l’assemblée législative constituante a adopté la première Constitution centrafricaine qui établit un régime parlementaire rationalisé.

- le 4 décembre 1976 une nouvelle Constitution érige la République Centrafricaine en monarchie constitutionnelle.

- le 1er février 1981 une autre Constitution marque le retour à la République mais elle n’a jamais été appliquée.

- le 21 novembre 1986 une nouvelle Constitution établit un régime présidentiel fort (présidentialisme) et la particularité réside dans le fait que le « oui » implique automatiquement l’élection du Général Président André KOLINGBA.

- le 14 janvier 1995 une Constitution instaure un régime parlement rationalisé, mais elle n’a connu que huit ans d’existence puisque par Acte constitutionnel du 16 mars 2002 elle a été suspendue puis abrogée purement et simplement par une nouvelle Constitution le 27 décembre 2004 actuellement en vigueur.

5 - Région du Sud de la R.C.A., aujourd'hui Préfecture de la Sangha Mbaéré ayant pour principale ville Nola.

(30)

Bangui

6

. La RCA, dont la capitale est Bangui, doit son nom à des raisons historiques et à sa position géographique

7

.

Vers 1885, les explorateurs belges vont découvrir le cours inférieur de l'Oubangui, affluant du fleuve Congo. Les territoires situés de part et d'autre du fleuve furent partagés entre la France et la Belgique. La partie française s'appelait alors « Oubangui Chari », un fleuve d’Afrique centrale qui coule de la République centrafricaine vers le lac Tchad. Le territoire fut livré à l'exploitation des sociétés capitalistes qui soumirent les populations indigènes aux travaux forcés ; l’Oubangui Chari connut probablement, en ce temps, l’une des colonisations les plus brutales de son histoire. Le 29 décembre 1903, l'Oubangui Chari devient une colonie française. Le 11 février 1906, un décret du Gouvernement français fait de Bangui la capitale de l'Oubangui Chari. Le 15 janvier 1910, la colonie Oubangui Chari est associée à celles du Congo, du Gabon et du Tchad pour former l'Afrique Équatoriale Française (AEF).

La « mission civilisatrice de la France » a consisté en l'implantation de petits postes administratifs et au tracé de quelques routes principales

8

. Sinon, la France pratique une politique d'assimilation notamment par l’application des lois, des croyances et des traditions et en imposant la langue française. La mise en œuvre de cette politique, à travers l'école, n'a pas véritablement fonctionné en raison d'un manque d'une réelle volonté politique et de moyens adéquats dans l'enseignement public. Le bouleversement causé par la colonisation a mis en contact des peuples d'ethnies différentes nécessitant une langue commune pour la communication quotidienne. Dès son accession à la souveraineté internationale jusqu’à nos jours, la République Centrafricaine a conservé le français comme langue officielle, utilisée dans les documents administratifs, alors que le sango, langue véhiculaire, agit comme unificateur du pays permettant à chacun de se comprendre sans éducation scolaire avancée

9

. L'Oubangui Chari devient officiellement un « Territoire Outre Mer » (TOM) le 16 octobre

6 - Pour de plus amples détails sur la découverte et l’administration de la terre centrafricaine par les colons, voir KALK Pierre, Histoire Centrafricaine des origines à nos jours : des origines à 1966, Paris, 1992, 2ème édition L'harmattan (Texte abrégé d’une thèse de doctorat, 2 vols, Sorbonne, 1970).

7 - VIDAL Pierre, « Bangui préhistorique et le peuplement ancien du site de sa région » in VILLIEN François, Bangui capital d’un pays enclavé d’Afrique centrale, étude historique et géographique, Université de Brazzaville et de Bangui, Collection « Pays enclavés », 4, CRET, Université de Bordeaux III, p.7-17.

8 - Faisant le bilan de l'occupation française, l'historien Pierre KALK dans son, Histoire de la République Centrafricaine des origines à nos jours, Paris, Berger-Levrault, 1974, considérait l'Oubangui Chari comme « la plus délaissée des colonies françaises » parce que, la RCA n’apporte rien à la France, se pose-t-il la question :

« Que rapporte ce pays à la France ? ». Aussi, il estime que la délimitation de la RCA a été vraiment faite par

« hasards de l’exploration ». Pour plus de détails sur cette réalité centrafricaine, voir KALK Pierre, Réalités oubanguiennes, Paris, Editions Berger Levrault, coll. « Mondes d’outre-mer », série : Nations, 1959, p.14-15.

9 - La République centrafricaine, qui comprend plusieurs groupes ethniques, est l'un des rares pays africains qui ait une langue nationale, le sango. – cf. DIKI-KIDRI Marcel, « Le sango dans la formation de la Nation centrafricaine » in Politique Africaine, n°23, 1985, p.83-99.

(31)

4

1946. L’influence exercée par les mouvements de décolonisation amorcée en Afrique dans les années 1950 et la revendication de l'indépendance vont conduire l'Oubangui Chari à devenir d’abord République Centrafricaine le 1

er

décembre 1958, puis un Etat indépendant proclamé le 13 août 1960, et admis aux Nations Unies le 20 septembre de la même année

10

. Située en plein cœur du continent africain

11

, la République Centrafricaine aussi appelée Centrafrique se présente comme un vaste territoire de 623.000 km² bordé par cinq pays

12

: le Soudan à l'Est

13

, le Cameroun à l'Ouest

14

, le Tchad au Nord

15

, la République du Congo (Brazzaville)

16

et la République Démocratique du Congo (ex Zaïre)

17

au Sud.

La position géographique de la RCA, à cheval sur deux grandes zones climatiques, sahélienne au Nord et équatoriale au Sud, fait d'elle un pays aux ressources naturelles variées, propice à des cultures diversifiées, à la pêche et à l'élevage. Traversée par de nombreux cours d'eaux, abritant une forêt dense humide et étendue, favorisée par un sous sol riche en diamant, or et autres minéraux

18

, la RCA ne manque pas d'atouts. Son potentiel devrait être suffisant pour couvrir les besoins de sa population

19

.

Sur le plan politique, constitutionnelle et institutionnelle, l'évolution

20

de la République Centrafricaine depuis 1958 est parsemée par de nombreux événements de nature diverse. Sa vie juridique et politique est inspirée, pour la plus grande part, de celle de la France. Le droit centrafricain puise, en général, ses racines profondes dans la colonisation.

C'est la raison pour laquelle, en RCA, les textes de l'ancienne métropole sont souvent

10 - La RCA a été admise dans l’ONU aux termes de la Résolution 1488 (XV), adoptée par l’Assemblée générale à sa 864ème séance plénière tenue le 20 septembre 1960.

11 - Il suffit de regarder une carte de l’Afrique pour être frappé par la position unique qu’occupe la République Centrafricaine. Déjà, elle s’inscrit au nombre des Etats africains qui sont les plus durement pénalisés par leur enclavement.

12 - Les frontières en Afrique centrale ont fait l'objet de la Convention germano-britannique du 14 août 1893.

13 - La frontière entre le Soudan et la RCA a été fixée par un Accord du 14 juin 1898 passé entre l’Angleterre et l’Egypte. La France l’a accepté le 10 janvier 1924 ; le Soudan et la RCA ont signé le 25 mai 1966 un communiqué conjoint qui accepte cette frontière.

14 - La frontière entre le Cameroun et la RCA a été fixée par Convention du 15 mars 1874 signée entre la France et l’Allemagne.

15 - La frontière entre le Tchad et la RCA a été unilatéralement fixée par la France le 8 avril 1858.

16 - Il n’y a pas d’accord sur la frontière entre la République du Congo (Brazzaville) et la RCA. Toutefois, la France s’en charge.

17 - La frontière entre la République Démocratique du Congo (ex Zaïre) et la RCA a été fixée par la Conférence de Berlin de 1885.

18 - Ces richesses sont exceptionnelles malgré l’enclavement de la République centrafricaine. Pour plus de détails, voir AUZIAS Dominique, La République centrafricaine, Paris, Editions Nouvelle édition de l’université, coll. Le Petit Futé, 2007, p.32 et suivantes.

19 - Le Recensement Général de la Population et de l'Habitat (RGPH) effectué en 2003 a donné un chiffre de 3.895.139 habitants répartis sur onze principales villes: Bangui, Berbérati, Bouar, Bambari, Carnot, Kaga Bandoro, Bossangoa, Bria, Bangassou, Nola et Bimbo – voir Bureau du Recensement général, Rapport 2003.

20 - Pour plus de détail sur la chronologie de cette évolution consulter De GAUDUSSON Jean Du Bois, CONAC Gérard et DESOUCHES Christine, Les constitutions africaines publiées en langue française, Tome 2, Chronologie de la République centrafricaine, Paris, Editions La documentation française, Bruxelles Bruylant, 1998, p. 180-188.

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invoqués soit pour combler les lacunes des textes locaux conformément à l'ordonnance PLANTEY du 6 octobre 1958 qui maintient les textes coloniaux tant que le pouvoir législatif local n'en aura pas disposé autrement, soit pour expliquer leur genèse s'ils existent. En réalité, le droit centrafricain constitue une excroissance du droit français sans réelle autonomie. Cette logique conduit naturellement à se référer à la doctrine et à la jurisprudence françaises, faute, en République centrafricaine, d’une école de pensée clairement établie. Par conséquent, c'est entre le droit français complet, abondant et florissant et le droit centrafricain embryonnaire que doit se mouvoir la réalité du droit centrafricain.

L’année 1959 a, cependant, été une période particulièrement marquante dans l’histoire politique, institutionnelle et juridique de la République Centrafricaine. En effet, le 16 février 1959, cet Etat proclamé République depuis le 1

er

décembre 1958, s’est doté d’une première Constitution. Cet acte solennel, inspiré de la Constitution française de la V

ème

République, a institué un Chef d’Etat qui est en même temps Président du Gouvernement

21

, élu par l’Assemblée législative, il est responsable devant elle. Le régime politique, mis en place, instaure la collaboration des deux pouvoirs. Elle se traduit notamment par le partage de l’initiative des lois et la détermination concertée de l’ordre du jour des travaux parlementaires. Elle admet enfin la délégation du pouvoir législatif à l’exécutif généralement

21 - Le poste de Président du Gouvernement, équivalant à celui du Premier ministre, a été instauré par la France pour gérer la transition car le pays avait choisi l’indépendance après le référendum du 28 septembre 1958. Jean BEDEL BOKASSA inaugure le poste de Premier ministre en 1974 avec Elisabeth DOMITIEN mais celle-ci s’opposa à lui dans son projet de transformer les institutions en monarchie et de devenir Empereur. Elle fut contrainte à la démission et fut envoyée en prison. Elle est la première femme à accéder à ce poste en Centrafrique. Le poste de Premier ministre continue sous Jean BEDEL BOKASSA avec :

- Ange Félix PATASSE du 8 décembre 1976 au 14 juillet 1978 ; -Henri MAÏDOU du 14 juillet 1978 au 26 septembre 1978.

Après le coup d’Etat de 1979 qui marque le retour de David DACKO au poste de Président de la République, le poste de Premier ministre surgit un temps avant de disparaître avec :

- Bernard AYANDHO du 26 septembre 1979 au 22 août 1980 ; - Jean Pierre LEBOUDER du 12 novembre 1980 au 4 avril 1981 ; - Simon Narcisse BOZANGA du 4 avril 1981 au 1er septembre 1981.

A la suite des manifestations, le Président André KOLINGBA est contraint en 1991 de relâcher son étreinte sur le pouvoir exécutif et récrée le poste de Premier ministre ; poste maintenu jusqu’à aujourd’hui avec :

- Edouard FRANK du 15 mars 1991 au 4 décembre 1992 ;

- Timothée MALENDOMA du 4 décembre 1992 au 26 février 1993 ; - Enoch DERANT LAKOUE du 26 février 1993 au 25 octobre 1993 ; - Jean Luc MANDABA du 25 octobre 1993 au 12 avril 1995 ; - Gabriel KOYAMBONOU du 12 avril 1995 au 6 juin 1996 ; - Jean Paul NGOUPANDE du 6 juin 1996 au 30 janvier 1997 ; - Michel GBEZERA-BRIA du 30 janvier 1997 au 1er février 1999 ; - Anicet Georges DOLOGUELE du 1er février 1999 au 1er avril 2001 ; - Martin ZIGUELE du 1er avril 2001 au 15 mars 2003 ;

- Abel GOUMBA du 23 mars 2003 au 12 décembre 2003 ;

- Célestin Le Roy GAOUMBALET du 12 décembre 2003 au 11 juin 2005 ; - Elie DOTE du 13 juin 2005 au 22 janvier 2008 ;

- Faustin Archange TOUADERA en fonction depuis le 22 janvier 2008 – cf.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Premiers_ministres le 19 novembre 2009.

(33)

6

en période d’intersessions parlementaires

22

au cours de laquelle le gouvernement peut prendre sous forme d’ordonnances des mesures législatives. La collaboration des deux pouvoirs résulte également du contrôle gouvernemental par le Parlement

23

. Il s’agit d’un régime parlementaire rationalisé d’après le modèle français. Aux termes de l’article 32 de ladite Constitution, une motion de censure dirigée contre le gouvernement comportant le nom de la personnalité appelée à succéder au Président, peut être déposée par 1/3 au moins des membres composant l’Assemblée nationale.

Dans le même temps, l’armée, partie intégrante de l’Etat naissant, mais toujours pas indépendant, constituait, en raison de son organisation et de sa structuration, une force capable d’assurer la défense de l’intégrité du territoire et le maintien de l’ordre. Constituée d’officiers formés par la métropole, l’armée tirait sa force de la discipline

24

, de sa cohésion et de son image d’apolitisme voire de neutralisme. Elle était considérée comme le creuset de la souveraineté. C’était dans cet esprit que l’armée centrafricaine fut créée : les recrutements excluaient toute considération régionaliste, ethnique et politique. Le soldat était obéissant parce qu’il avait un chef compétent en qui il avait confiance ou encore parce qu’il ne voulait pas se désolidariser du groupe auquel il appartenait. L’image d’Epinal centrafricain parle d’esprit de corps et d’abnégation. Pour donner un gage aux éventuels investisseurs étrangers, des mesures appropriées ont été prises en matière de sécurité. Une équation a été posée : la République centrafricaine était censée devenir la « Suisse africaine ». Le mot « ordre » constitue l’objectif national. L’insécurité forme l’ennemi numéro un du peuple centrafricain.

Sur le plan économique, la République Centrafricaine était considérée comme un

« pays riche »

25

disposant des ressources naturelles telles que le bois, le coton et un sous sol contenant du diamant et de l’or. Dans le secteur privé, plus de 130 sociétés enregistrées étaient actives

26

. L’état des finances demeurait satisfaisant. La stratégie de développement était fondée sur une omnipotence de l’Etat dans l’organisation des activités économiques, laquelle se traduisait par la mise en place d’une planification, de nationalisations et de l’allocation de subventions par l’Etat. Bref, le dirigisme économique avait promis de faire des

22 - Dans le langage parlementaire, on appelle intersession parlementaire la période intermédiaire entre deux sessions du Parlement au cours de laquelle celui-ci ne siège pas. C’est la période des vacances parlementaires. – cf. Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton, [En ligne], URL : http://www.termiumplus.gc.ca/guides/juridi/files/828.html Consulté le 2 novembre 2010.

23 - Le contrôle en question est multiforme : questions posées écrites ou questions orales auxquelles le Gouvernement doit répondre, interpellations, commissions…

24 - La discipline militaire, selon un adage connu, « fait la force des armées », est une formule qui justifie toute une réglementation qui encadre le soldat.

25 - C’est-à-dire, pays regorgeant d’énormes potentialités de ressources.

26 - ZOCTIZOUM Yarisse, Histoire de la Centrafrique, Tome 2, Violence du développement, domination et inégalités, Paris, Editions L’harmattan, 1984, p.307.

(34)

« miracles » en assurant l’autosuffisance alimentaire au peuple centrafricain. Le niveau économique relativement élevé rendait possible une meilleure redistribution des ressources publiques. L’objectif était d’éviter la constitution d’une caste de privilégiés qui monopolisent les leviers de commande économique et politique avec les risques de déstabilisation sociale.

Le niveau relatif du développement économique a favorisé la diminution des conflits sociaux.

Les oppositions de classe s’en trouvent donc atténuées avec un paysage politique pacifié et un meilleur respect des droits et libertés de la personne humaine.

De façon générale, la République Centrafricaine était juridiquement, politiquement

27

voire institutionnellement et économiquement outillée pour assurer la sécurité juridique et matérielle des biens et des personnes. Le fonctionnement de ce nouvel ordre politique offrait beaucoup d’espoir sur le plan aussi bien international, régional que national. Bref, l’« indépendance »

28

nourrissait le rêve. Hélas ! Ce dispositif mis en place n’a été qu’un leurre. Le Président fondateur de la République centrafricaine, Barthélemy BOGANDA, ne pouvait concrétiser cet idéal car le 29 mars 1959, il périt dans un accident d’avion dont les circonstances demeurent encore non élucidées

29

. Dès lors, la République centrafricaine va connaître une évolution politique et constitutionnelle très mouvementée

30

.

A la déclaration de l’indépendance le 13 août 1960, la République Centrafricaine se dote d’un Président de la République, David DACKO

31

. Ce dernier occupait déjà la fonction de Président du Gouvernement. Il se fait élire Président de la République, concentrant ainsi tous les pouvoirs exécutifs

32

. Il est dorénavant Président de la République et Président du Gouvernement. Le 7 novembre 1962, il transforme le MESAN (Mouvement pour l’Evolution Sociale en Afrique Noire), parti unique de fait en parti unique de droit et suspend la

27 - Barthélemy BOGANDA, figure emblématique de l’Etat-Nation naissant fonda le 28 septembre 1958 le Mouvement pour l’Evolution Sociale en Afrique Noire (MESAN) de sorte que l’unité se manifestait par un pays, un parti et une population pour mener à bien le combat contre le sous-développement et pour consolider la Nation. Le multipartisme allait développer le tribalisme et amènerait l’éclatement du pays.

28 - Expression liée aux diverses acceptions du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : « L’un des principaux droits dits fondamentaux des Etats membres de la communauté internationale est le droit à l’indépendance. Ce droit signifie, selon la doctrine et la pratique internationales, que chaque Etat a, à l’égard de tous les autres Etats, droit à la pleine liberté de déployer, selon la propre appréciation de ses besoins et intérêts, son activité en ce qui concerne ses affaires internes et externes, sans être soumis au contrôle, à l’ingérence ou à la direction d’une volonté supérieure quelconque » Extrait de l’exposé du Gouvernement autrichien dans l’affaire du régime douanier entre l’Allemagne et l’Autriche, in CPJI, série C, n°53, p.88.

29 - KALK Pierre, Barthélemy BOGANDA : élu de Dieu et des centrafricains, Saint Maur, Editions Sépia, 1995.

30 - De la République Centrafricaine, l’on projette dorénavant l’image d’un pays exsangue, décrit comme l’un des plus pauvres au monde. Cet Etat est plus connu à l’extérieur pour les frasques de ses dirigeants que pour ses atouts politiques, juridiques, économiques sociaux et culturels.

31 - Décédé le 30 novembre 2003.

32 - Le 12 décembre 1960 une révision constitutionnelle va consacrer un régime présidentiel ; texte reproduit in Les Constitutions des Républiques africaines et malgache d’expression française au 1er avril 1963, Notes et études documentaires, Paris, Editions La Documentation française, n°2994, 27 mai 1963, p.26-31.

(35)

8

Constitution. Confronté à un coup d’Etat dans la nuit du 31 décembre 1965, demeuré dans l’histoire sous le nom de « Coup d’Etat de la Saint Sylvestre », il fut chassé par son cousin, le Lieutenant colonel Jean BEDEL BOKASSA

33

.

Trois phases ont marqué la vie de ce militaire politicien

34

: d’abord chef de la junte de 1966 à 1972, ensuite, il s’est déclaré Président à vie de 1972 à 1976. Au cours de ces années une nouvelle Constitution fut adoptée, transformant la République centrafricaine en Empire Centrafricain (ECA). Enfin, le régime de Jean BEDEL BOKASSA s’est illustré par la brutalité et des violations massives des droits humains ainsi que par un comportement fantasque, par exemple lorsqu’il s’est couronné « Empereur BOKASSA1

er

». Mais, l’Empire Centrafricain ne va pas durer, car le 20 septembre 1979, BOKASSA 1

er

sera évincé lors d’un coup d’Etat : protégé par des parachutistes français, David DACKO renverse le régime impérial et annonce le retour à la République

35

.

La chute du dictateur et la tenue des élections du 15 mars 1981 ramenèrent David DACKO au pouvoir. Mais, le résultat controversé de cette consultation électorale

36

engendre une crise politique sans précédent avec son corollaire l’effusion de sang et des pertes en vies humaines

37

. Un risque de mettre en danger l’équilibre de la Nation va conduire le Général d’armée André KOLINGBA

38

à organiser un autre coup d’Etat le 1

er

septembre 1981. Il a dirigé la République Centrafricaine à la fois comme Chef militaire et de la junte

39

et comme Chef politique dans le cadre de la monocratie présidentielle jusqu’en 1993.

Le vent de la démocratisation au début des années quatre vingt dix balaye le régime du parti unique où toute possibilité de participation effective de la population à l’animation de la vie politique était quasiment absente

40

. Le Général Président André KOLINGBA, pressé

33 - Décédé le 3 novembre 1996.

34 - Pour plus de détails sur la vie et les carrières politiques de Jean BEDEL BOKASSA, voir GERMAIN Emmanuel, La Centrafrique de Bokassa, 1965-1979 : force et déclin d’un pouvoir personnel, Paris, Editions L’harmattan, 2000.

35 - L’opération pour renverser l’Empereur centrafricain BOKASSA 1er fut nommée « Barracuda » - cf. De GAUDUSSON Jean Du Bois, CONAC Gérard et DESOUCHES Christine, Les constitutions africaines publiées en langue française, Tome 2, Chronologie de la République Centrafricaine, Paris, Editions La documentation française, Bruxelles Bruylant, 1998, p.180-188.

36 - Le candidat David DACKO avait été élu au premier tour avec 50,23% devant Ange Félix PATASSE (38,11%) et Henri MAÏDOU (3,23%) - voir. De GAUDUSSON Jean Du Bois, CONAC Gérard et DESOUCHES Christine : op.cit. p.183.

37 - cf. VOYEMAKOA Bernard, L’UDC et le pouvoir en Centrafrique, Mémoire de DEA, Université de Toulouse 1, 1983.

38 - Chef d’Etat major des armées - Décédé le 7 février 2010.

39 - Il a instauré du 1er septembre 1981 au 4 novembre 1986 le Comité Militaire de Redressement National (CMRN).

40 - En créant le Rassemblement Démocratique Centrafricain (R.D.C.) le 4 novembre 1986 le Général Président André KOLINGBA n’avait pas hésité à affirmer que « ce parti est un lieu qui permet à chacun de dépasser les querelles fratricides et de se moudre dans un moule fraternel et harmonieux ». De cette affirmation, l’idéologie de l’unité venait confirmer celle déjà affirmée par le MESAN.

(36)

par les circonstances, notamment les exigences tant intérieures qu’extérieures, accepte le verdict des urnes le 22 août 1993 qui porta au pouvoir au second tour Monsieur Ange Félix PATASSE

41

. Le « démocratiquement élu » a été confronté en quasi permanence à des tentatives de coup d’Etat militaires et à des mutineries de l’armée. L’instabilité économique, la crise sociale, la mauvaise gestion et la corruption sont autant de faiblesses à mettre au passif de la présidence du Président Ange Félix PATASSE. Son ancien Chef d’Etat major, le Général François BOZIZE le renverse le 15 mars 2003 à la suite d’une rébellion. Il est aujourd’hui toujours à la tête de l’Etat. Elu à la suite du scrutin du 11 juin 2005, son mandat devait s’achever le 11 juin 2010. Mais, il y eut deux reports successifs des élections

42

en raison de problèmes de sécurité et de préparation du scrutin. Les élections présidentielles et législatives ont finalement eu lieu le 23 janvier 2011 à l’issue desquelles le mandat du Président sortant, François BOZIZE lui a été renouvelé pour cinq ans.

Ainsi, depuis l’indépendance, ces régimes dictatoriaux successifs et l’instabilité politique sont la cause principale de la pauvreté. Qu’ils soient civils ou militaires, la plupart des régimes s’appuient sur des forces militarisées et sur un parti unique pour accéder puis se maintenir au pouvoir. Même dans les régimes civils, l’armée devient un instrument du pouvoir. Toutefois, elle est également concurrencée par des milices et les gardes présidentielles.

Ces différents régimes se caractérisent par la corruption, le clientélisme, l’improvisation, la confiscation du pouvoir par une minorité, l’arbitraire, l’absence de volonté et de vision politique claires, l’exclusion, l’affairisme et une conception étroite du pouvoir.

Rien qu’au cours de ces quatre dernières décennies, la République Centrafricaine a connu plus d’une dizaine de soulèvements militaires

43

auxquels s’ajoute aujourd’hui un état de rébellion

41 - Décédé le 5 avril 2011.

42 - cf. Décret n°10-041 du 25 février 2010 portant convocation du corps électoral pour le 25 avril 2010 et le 16 mai 2010.

43 - Avec le coup d’Etat du 15 mars 2003, la République Centrafricaine en est à son quinzième soulèvement militaire :

- le premier est le coup d’Etat sanglant de la Saint Sylvestre de 1965 qui a porté au pouvoir BOKASSA ; - le deuxième est la tentative de coup d’Etat contre BOKASSA en 1968 ;

- plus tard le troisième coup d’Etat contre BOKASSA s’est soldé par un échec en 1970 - en 1976 un quatrième coup d’Etat manqué contre BOKASSA a été durement réprimé

- en 1979 BOKASSA est chassé du pouvoir par David DACKO aidé par des parachutistes français

- en 1981, un autre coup d’Etat porte au pouvoir le Général d’armée André KOLINGBA à l’issue de deux ans de perturbations socio - politiques

- le sixième soulèvement militaire est la tentative de coup d’Etat en 1982 dirigée par les généraux BOZIZE et MBAÏKOA qui sera suivie d’une rébellion dans le Nord-Ouest de la République Centrafricaine avec des conséquences dramatiques pour les populations civiles ;

- le septième mouvement militaire est la mutinerie de la garde présidentielle en 1993 contre le Président André KOLINGBA pour réclamer des arriérés de solde ;

(37)

10

quasi permanent non encore éradiqué en dépit de l’organisation incessante de ce qu’il est convenu d’appeler « le dialogue national »

44

. Presque sans exception, chaque Chef d’Etat de la République centrafricaine, arrivé au pouvoir, a toujours fini par être renversé par un coup d’Etat militaire.

Depuis des années, un désordre civil, politique, économique, social et culturel s’est installé. Il s’agit effectivement d’un phénomène brutal sans précédent qui a pris une dimension régionale car les événements ont eu des répercussions sur les Etats avoisinants, plongeant la sous région entière dans une situation de vulnérabilité et d’insécurité mutuelles.

La toile de fond complexe des conditions politiques et la violence armée ont vraiment menacé presque tous les aspects de la sécurité, remettant en question la survie, les moyens d’existence et la dignité de la personne humaine. L’insécurité ressentie se concentre sur les menaces dirigées contre l’Etat

45

, notamment sous forme d’attaques militaires. Ce désordre est le fruit de l’histoire de la République Centrafricaine. Elle a influé sur l’évolution de la situation sociopolitique, constitutionnelle et institutionnelle.

Depuis 1966, un rapide décompte statistique révèle que la plupart des manifestations de violence politique sont d’origine martiale. Cet activisme est fait de mutinerie, de tentatives de coup d’Etat et de prises effectives du pouvoir par l’armée ; lesquels coups d’Etat se sont traduits par une occupation des institutions par les militaires. L’insécurité vécue et ressentie depuis 1966 pèse sur les valeurs de solidarité et de démocratie. Elle contamine toute la sous- région

46

. Cette situation aboutit à un non respect des droits de l’homme et à une impunité des criminels. Ce tour d’horizon montre le délitement de l’Etat centrafricain, et exige de recenser

- la huitième tentative est la mutinerie sanglante des RDOT et RMI en 1993 au cours de laquelle une femme enceinte a trouvé la mort ;

- la neuvième intervention de l’armée est la mutinerie du 18 avril 1996 pour réclamer des arriérés de soldes ; - la dixième est celle du 18 mai 1996 pour exiger l’application des accords d’avril ;

- la onzième intervention a eu lieu en août 1996 pour protester contre la décision de transfert de régiments à Bouar ;

- le douzième soulèvement militaire est la mutinerie du 3 novembre 1996 ;

- le 28 mai 2001 a eu lieu une autre tentative du coup d’Etat opérée par le Général André KOLINGBA ; - le 25 octobre 2002 un coup de force a été orchestré par le Général François BOZIZE ;

- le 15 mars 2003 un coup d’Etat vient renverser les institutions issues de la Constitution du 14 janvier 1995.

44 - Les formules de conférence nationale, de dialogue politique, de dialogue national (période de la transition 2003-2004) et de dialogue politique inclusif (janvier 2009) ont été expérimentées et n’ont guère abouti aux résultats probants. – cf. BOUSSI-BOULAGA Fabien, Les conférences nationales en Afrique noire : une affaire à suivre, Paris, Editions Karthala, 1993.

45 - La sécurité ici se « confond avec la sûreté nationale et l’ordre public » comme l’énonce SALMON Jean (sous la direction de) : op.cit. p.1023.

46 - Lorsque la sécurité des biens et des personnes devient un objectif prioritaire au sein d’une société, on parle de sécuritarisme ou d’esprit sécuritaire. Les mesures de sécurité sont alors des actions destinées à procurer ou à garantir la sécurité. A cet effet, une distinction est généralement faite entre sécurité active et sécurité passive. La sécurité active a pour but de réduire la probabilité des incidences, réduire le nombre d’accidents de la même façon que la prévention primaire réduit le risque de déclaration ou d’incidence de maladie. La sécurité passive a pour but de réduire les conséquences et les suites des maladies, une fois que celles-ci sont déclenchées.

(38)

les enjeux du rétablissement de la sécurité en République centrafricaine. En réalité, l’instabilité étatique reflète les problèmes actuels de l’Etat centrafricain. Or la quête de la stabilité exige la recherche de la cohésion sociale. Pour l’obtenir, il faut construire un pacte social susceptible de prendre en compte la diversité centrafricaine, seule démarche de nature à restaurer l’autorité de l’Etat.

B. La construction d’un pacte social

La stabilité d’un Etat vient d’un accord ou d’un pacte sur les fondamentaux admis par le peuple à l’issue duquel l’Etat se crée sur des bases saines à défaut d’être d’emblée solide. Cet Etat légitimement installé peut ensuite, par sa puissance non contestée car puisé dans le pacte, assurer la sécurité de tous et de chacun. Autrement dit, le pacte scelle le peuple qui confie à l’Etat sa mise en œuvre, d’où une stabilité génératrice de sécurité. Ce pacte signifie en République centrafricaine, l’instauration d’un ordre juridique garantie par le Droit en considérant « tout être humain » comme l’objet référent et en prenant comme base la sécurité

47

.

L’expression « pacte social » est fréquemment utilisée pour désigner les principes fondamentaux voulus par le peuple pour assurer un « ordre durable »

48

. Elle permet de véritablement prendre en considération les intentions réelles des parties lors de la constitution de la société, animus contrahendæ societatis, qui traduit l’existence d’un intérêt commun. Il s’agit de construire un cadre imposé par le « Contrat social »

49

.

Trouver un « quoi faire ensemble » fondé sur la démocratie représentative proche du modèle occidental, protectrice de la personne et de ses biens est, en République centrafricaine, toujours en phase de balbutiement. Selon J.J. ROUSSEAU le « contrat social », est la condition de l’existence d’une population en tant que « peuple et non en tant que simple agrégation »

50

. Il devient le pouvoir politique. C’est sur cette base que se fonde la légitimité des représentants. Comment construire un pacte durable est le problème fondamental que l’histoire de la République centrafricaine n’a pas su trouver.

47 - La République centrafricaine a toujours été animée par le principe de « Zo Kwe Zo » énoncé par le Père fondateur de la République centrafricaine. – cf. Paragraphe 5 du Préambule du décret n°04.392 du 27 décembre 2004 portant promulgation de la Constitution de la République Centrafricaine in Journal officiel de Centrafrique, Édition spéciale, 47ème année, janvier 2005.

48 - CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, 8ème édition Quadrige/P.U.F., Association Henri Capitant, 2007, p. 651.

49 - ROUSSEAU Jean Jacques, Du contrat social, Paris, Editions Flammarion GF, 2001, Chapitre VI, Du pacte social.

50 - idem.

(39)

12

La République centrafricaine hésite sur le type de régime à instaurer et sur le contenu de la république sociale. L’idée d’un pacte social traduit surtout l’intention de tout le monde d’agir « comme un seul homme » même si la pratique en révèle souvent les limites.

En effet, c’est la société qui crée l’Etat afin qu’il protège les intérêts de tous. En ce sens l’Etat démocratique fondé sur l’Etat de droit semble être le régime le « meilleur » de tous

51

. Ce problème est parfaitement énoncé par H. KELSEN lorsqu’il défend l’idée de

« l’ordre étatique le meilleur, l’ordre étatique vraiment juste »

52

. Mais, même sous sa forme démocratique, l’Etat centrafricain se trouve dans l’incapacité de garantir l’ordre, la justice et la paix sociale. Ce qu’il faut rechercher concrètement en République centrafricaine, c’est comment sortir d’un cycle d’instabilité politique pour bâtir un Etat de droit sans basculer dans une démocratie de bavardage et de gesticulation. En un mot, ce qu’il faut exiger de la République centrafricaine, c’est la réforme.

Justement, la réforme de l’Etat a toujours été un thème d’actualité étant à la fois un fait révélateur du succès des politiques conduites ou de leur échec. La réforme par la sécurisation de l’Etat centrafricain est un terrain où se retrouvent les centrafricains. Les citoyens sont désireux de services publics efficaces, les agents publics souhaitent la reconnaissance de leur action et les gouvernants savent que leur légitimité est conditionnée par la réussite de la réforme. En République centrafricaine la réforme, la reconstruction, le nouvel élan, le réaménagement sont les thèmes de tous les discours politiques

53

. Cette reconstruction par le biais de la sécurisation doit éviter des dérives afin de consolider l’Etat de droit consacré

54

. Mais, la situation apparaît plus contrastée. Dans un pays confronté à des problèmes pratiques liés à l’insécurité, la sécurisation impose des restrictions aux règles de l’Etat de droit.

La seule voie étroite, en République centrafricaine, est la mise en œuvre de politiques publiques coordonnées et inventives susceptibles d’extraire la population de l’ornière de la pauvreté. Or, dans cette période d’insécurité, ces politiques doivent s’engager sans nier le rôle essentiel à attribuer à l’armée. Un des enjeux consiste à déterminer la place de

51 - Le principe du « meilleur » synonyme de « préférable » ou de « perfection » joue un rôle central dans la philosophie de LEIBNIZ. Celui-ci se greffe tout naturellement sur une vision du monde optimiste dont les sources remontent à la pensée philosophique des temps les plus reculés. Pour plus de détails, voir LEIBNIZ Gottfried Wilhelm, Metaphysics and Philosophy of Science, éd. par R.S. Woolhouse, Oxford U.P., 1981, p. 77- 88.

52 - KELSEN Hans, La démocratie, sa nature, sa valeur, Paris, Editions Economica, coll. Classiques. Série politique et constitutionnelle, 1988, p.15.

53 - Le thème de réforme, de reconstruction, de nouvel élan, de réaménagement est souvent récurrent dans le discours politique en République centrafricaine se résumant en un seul mot : changer.

54 - KAMTO Maurice, Pouvoir et droit en Afrique Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d’Afrique noirs francophones, Paris, Editions L.G.D.J., 1987, p.27.

(40)

l’armée dans un Etat en crise et surtout comment organiser la défense interne et externe du territoire afin d’assurer la stabilité de l’autorité de l’Etat.

La cohésion de la population centrafricaine est donc subordonnée à la présence d’institutions admises par tous. L’Etat peut imposer sa puissance qu’à la seule condition de rechercher l’intérêt général dont les fondamentaux sont introduits dans le pacte social. Or réussir cette entreprise, suppose de s’émanciper des contraintes négatives qui agissent aujourd’hui sur la République centrafricaine. L’enjeu essentiel réside dans la recherche d’un processus de stabilisation.

II. La recherche d’un processus de stabilisation

La stabilisation d’un Etat suppose un Etat suffisamment fort afin d’assurer la sécurité. Cette autorité doit être largement acceptée donc fondée sur la démocratie, certes proche du modèle occidental, sans en être un décalque. Le processus doit surtout viser à stabiliser le cadre politique. Il contient des engagements vis-à-vis de la population notamment par le respect par les pouvoirs publics des textes consacrant les droits et libertés de la personne humaine. Alors, pour s’inscrire dans la stabilité, l’Etat centrafricain a l’obligation de construire l’Etat de droit en mettant en place les structures pour l’atteindre (A). C’est alors que la sécurité va apparaître comme le socle même de l’édifice des institutions de l’Etat centrafricain (B).

A. Le respect de l’Etat de droit

Rule of law, Etat de droit, Rechstaat sont autant de dénominations différentes pour la formulation d’une même figure juridique

55

qui s’est imposée d’abord dans les Etats occidentaux puis sur l’ensemble de la scène politique internationale

56

. En effet, la notion d’Etat de droit a fait son apparition en Europe précisément chez les juristes allemands gagnant progressivement le monde

57

. L’idée de base consiste à soumettre le pouvoir de l’Etat

55 - Pour un regard croisé entre rule of law anglo-saxone, le Rechtsstaat allemand et l’Etat de droit français, voir HEUSCHLING Luc, Etat de droit, Rechtssaat, rule of law, Paris, Editions Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque, 2002.

56 - cf. CHEVALLIER Jacques, « Etat de droit et relations internationales » in Annuaire Français de Relations Internationales », 2006, volume VII, p.4-17.

57 - Robert VON MOHM dans son, Die Polizei-nach den Grundsä Wissenschaft des Rechtssaates (Science de la police selon les principes de l’Etat de droit), a été l’un des premier à inventer le terme de Rechtssaat ou Etat de droit vers le milieu du XIXe siècle. Sur les origines allemandes de la doctrine de l’Etat de droit, voir BARRET KRIEGEL Blandine, « Etat de droit » in DUHAMEL Olivier, MENY Yves (sous la direction de), Dictionnaire constitutionnel, Paris, Éditions P.U.F., 1992, p. 415-418.

Références

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