Chapitre 1
Introduction
1.1 Le contrˆ ole actif du bruit
Il est un fait bien ´etabli dans nos soci´et´es industrialis´ees, que le bruit est consid´er´e comme un polluant environnemental. Un changement des attitudes se per¸coit aussi bien au niveau de la population tol´erant de moins en moins le bruit ´emis par la circulation automobile, les trains et les avions, qu’au niveau du l´egislateur
´evoluant vers le contrˆole et la r`eglementation des ´emissions sonores. Dans beau- coup d’applications industrielles, le bruit rayonn´e par les machines est ´egalement un probl`eme persistant. Les m´ethodes d’isolation passive consistant `a intercaler une barri`ere physique constitu´ee d’un mat´eriaux absorbant dans le chemin de propagation acoustique sont efficaces aux moyennes et hautes fr´equences, mais pas aux basses fr´equences lorsque la longueur de l’onde sonore devient relati- vement grande par rapport `a l’´epaisseur du mat´eriaux isolant (on sugg`ere une
´epaisseur minimum correspondant `a 1/4 de longueur d’onde) [1, 2]. L’utilisation d’isolants sp´ecifiques ou de mat´eriaux massifs peut constituer un r´eel obstacle pour certaines applications comme l’a´eronautique par exemple. Le contrˆole actif du bruit, dont l’id´ee est apparue un peu avant le milieu du XX`eme si`ecle, mais qui n’a vu son essor que relativement r´ecemment, peut apporter une solution `a certains probl`emes d’isolation acoustique. Mais qu’en est-il exactement ?
La premi`ere publication exposant l’id´ee originale du contrˆole actif du bruit est at-
tribu´ee `a Lueg en 1936, dans laquelle le principe de superposition de deux ondes
en opposition de phase est expos´e. Il faudra cependant attendre le d´ebut des
ann´ees 70 et le d´eveloppement des microprocesseurs pour envisager de mani`ere
s´erieuse les premi`eres applications exp´erimentales de ce principe. On distingue
deux grands principes de contrˆole actif du bruit. Le premier est bas´e sur l’usage
2 1. Introduction
Fig. 1.1 – R´eduction ∆L (dB) de l’amplitude de l’onde de pression primaire en fonction des diff´erences de phase et d’amplitude entre les ondes de pression primaires et secondaires (d’apr`es [6, 7])
de sources acoustiques secondaires dans le but de cr´eer des interf´erences destruc- tives avec le champ acoustique primaire (Active Noise Control), c’est le principe du brevet de Lueg. La Fig.1.1 illustre combien la diff´erence de phase (φ p − φ s ) et d’amplitude |p |p
p|
s
| entre deux ondes qui interf`erent influence l’att´enuation ob- tenue aux points d’interf´erence. Par exemple, pour obtenir une r´eduction de 10 dB (∆L = −10), l’amplitude de l’onde secondaire doit correspondre `a ±2.5dB `a celle de l’onde primaire, et la diff´erence de phase doit ˆetre inf´erieure `a ±20 ◦ . Ces crit`eres peuvent ˆetre assez facilement respect´es de mani`ere locale mais rarement de mani`ere globale dans un champ acoustique en trois dimensions. Le second principe de contrˆole actif du bruit consiste `a agir directement sur la structure rayonnante `a l’aide de forces ext´erieures de telle mani`ere `a modifier son profil de vibration dans le but de diminuer le bruit qu’elle rayonne (Active Structural Acoustical Control). L’int´erˆet suscit´e par les nombreuses applications potentielles du contrˆole actif du bruit a ´et´e le moteur, depuis plus de 20 ans, de nombreux travaux de recherches dans ce domaine [3, 4, 5].
Une des applications importantes du contrˆole actif du bruit, est le contrˆole du
bruit rayonn´e par des parois minces (plaque et coques) soumises `a une excita-
tion m´ecanique, acoustique ou a´erodynamique. Ce type de structure constitue en
g´en´eral des ´el´ements de structures plus complexes que l’on trouve en construc-
tion a´eronautique (´el´ements de fuselages), a´erospatiale (coiffes de charge utile) ou
1 Le contrˆ ole actif du bruit 3
tout simplement dans les construction civiles (parois, vitrages). Dans le secteur a´eronautique et d`es les ann´ees 80, un grand nombre de recherches ont ´et´e men´ees dans le but de r´eduire le bruit g´en´er´e par les turbulences a´erodynamiques et par les moteurs `a l’int´erieur de la cabine [8, 9, 10]. L’am´elioration de l’isolation acoustique des fuselages par adjonction de mat´eriaux isolants serait extrˆemement p´enalisante pour l’exploitation de ces appareils, en raison du poids suppl´ementaire, et de la consommation accrue de carburant. Dans le domaine a´erospatial, les ´etudes ac- tuelles visent notamment `a r´eduire la pression acoustique sollicitant la charge utile lors du lancement [11]. Dans le secteur du batiment, les vitrages constituent souvent le point faible de l’isolation acoustique, et bien que les doubles vitrages apportent une isolation substantiellement plus ´elev´ee qu’un vitrage simple, ceux- ci pr´esentent encore une faiblesse d’isolation en basses fr´equences, en raison (no- tamment) d’un ph´enom`ene de r´esonance entre les deux vitres et la lame d’air constituant le vitrage. A la Fig.1.2 on peut voir la courbe d’isolation aux bruits a´eriens d’un simple vitrage d’une ´epaisseur de 8 mm compar´ee `a celle d’un double vitrage constitu´e de deux panneaux de 4 mm s´epar´es par une cavit´e de 12 mm.
L’indice d’isolation R (en ordonn´ee) repr´esente le rapport entre le bruit incident et le bruit transmis par le vitrage (voir section 2.3). A un indice R faible cor- respond une isolation acoustique faible. Le double vitrage sym´etrique consid´er´e ici illustre clairement la faiblesse d’isolation centr´ee sur 250 Hz ; le ph´enom`ene est moins marqu´e dans le cas d’un double vitrage assym´etrique. Les recherches appliqu´ees `a ce probl`eme particulier du vitrage sont plus r´ecentes mais le contrˆole actif du rayonnement acoustique de ce type de structures a d´ej`a ´et´e ´etudi´e d`es les ann´ees 90 [12, 13, 14].
Le contrˆole actif du bruit reste `a l’heure actuelle un probl`eme complexe. Seules quelques applications industrielles existent et leur succ`es est dˆ u en grande par- tie au choix judicieux de l’application en elle mˆeme. On peut citer le silencieux actif [15, 16] destin´e `a ˆetre ins´er´e dans un circuit de ventilation, et dont le but est de remplacer avantageusement les syt`emes passifs en diminuant le bruit aux basses fr´equences se propageant dans les tuyaux, tout en r´eduisant les pertes de charges a´erauliques. Le principe de l’interf´erence destructive fonctionne parfaite- ment ´etant donn´e qu’il s’agit d’un probl`eme assimil´e `a la propagation d’une onde plane dans un guide d’onde [17].
Une deuxi`eme application tr`es similaire au silencieux actif est le casque de pro-
tection actif destin´e `a combler la faiblesse d’isolation aux basses fr´equences des
casques passif [18, 19]. Ici, la g´en´eration d’une onde acoustique secondaire `a
l’entr´ee du conduit auditif peut ´egalement ˆetre assimil´ee `a un probl`eme de pro-
pagation d’onde plane dans celui-ci.
4 1. Introduction
Fig. 1.2 – Indice d’affaiblissement acoustique (R) exprim´e en tiers d’octave d’un simple et d’un double vitrage de mˆeme ´epaisseur de verre (Saint-Gobain)
En a´eronautique, des syst`emes commerciaux pour la r´eduction du bruit en ca- bine d’avions `a h´elices (Saab 200, ATR42-500, DASH-8, Bombardier Q400) ont
´et´e mis au point [20, 21]. Dans ce cas-ci, c’est la dominante harmonique du bruit
`a ´eliminer qui rend possible l’application `a l’aide de sources acoustiques ou vi- bratoires secondaires afin de cr´eer des zones locales d’att´enuation dans la cabine.
De nos jours, la recherche en contrˆole actif du bruit est loin d’ˆetre termin´ee bien qu’une certaine prise de conscience se soit op´er´ee `a propos des limites r´eelles de la technologie. A intervalles r´eguliers, des articles de synth`ese sur les progr`es r´ealis´es en contrˆole actif du bruit sont publi´es [3, 4, 5]. Les domaines de recherche commencent `a se diversifier notamment dans le d´eveloppement de structures in- telligentes int´egrant capteurs et transducteurs dans le but de r´eduire les coˆ uts et l’encombrement des syst`emes.
1.2 Le contrˆ ole vibroacoustique des structures
A la section 1.1, nous avons vu que le contrˆole actif du bruit peut ˆetre r´ealis´e
de deux mani`eres diff´erentes (i) `a l’aide de sources acoustiques en g´en´erant un
champ acoustique secondaire (on agit sur le son pendant sa propagation) (ii) ou
en agissant sur la structure ´emettant le bruit `a l’aide de forces ext´erieures (in-
tervention directe sur la structure au niveau du rayonnement acoustique). Cette
1 Le contrˆ ole vibroacoustique des structures 5
seconde m´ethode (appel´ee contrˆole vibroacoustique des structures) est souvent coupl´ee `a des capteurs structuraux. L’absence de capteurs dans le champ lointain permet de concevoir un syst`eme dont tous les composants se trouvent int´egr´es
`a la structure et qui ne souffre pas des d´elais de propagation de l’onde acoustique.
Le contrˆole vibroacoustique des structures est un champ de recherche assez vaste et complexe. Sa complexit´e provient des m´ecanismes d’´emission du son par une structure en vibration (Chap.2). La majorit´e des recherches publi´ees dans ce do- maine visent `a exploiter au mieux les m´ecanismes de radiation entrant en jeux, dans le but de minimiser l’effort de contrˆole pour un objectif de r´eduction acous- tique donn´e.
Sur les autres points, le contrˆole vibroacoustique pose les mˆemes probl`emes que le contrˆole vibratoire ; la technologie des actionneurs, les m´ethodes d’optimisations et les lois de contrˆole sont similaires. Ce qui en fait sa particularit´e est le choix de la grandeur de contrˆole, le choix des capteurs et leur int´egration dans la loi de contrˆole. Cet aspect sera abord´e en d´etail au Chap.4. Pour ce qui est des actionneurs utilis´es en contrˆole vibroacoustique, nous pr´esentons ci-apr`es un bref rappel des technologies, et nous terminons ce chapitre par quelques r´eflexions sur les lois de contrˆole.
Les actionneurs
Les actionneurs les plus largement utilis´es en contrˆole vibroacoustique (et vi- bratoire) se divisent en deux cat´egories ; les actionneurs ´electromagn´etiques et les actionneurs piezo´electriques. Les premiers peuvent fournir des forces et des d´eplacements importants mais sont relativement encombrants et n´ecessitent une structure de r´eaction pour leur fixation. Pour s’affranchir de cette derni`ere cont- rainte, l’utilisation d’un actionneur `a masse mobile ou inertiel peut ˆetre envi- sag´ee. Les c´eramiques piezo´electriques peuvent ˆetre, quant `a elles, directement coll´ees sur la structure mais leur action est limit´ee au niveau puissance et elles sont susceptibles de g´en´erer nettement plus de spillover 1 que les actionneurs de force ponctuels [22], ´etant donn´e que la couplage avec la structure se fait par d´eformations (strain actuator). Elles pr´esentent ´egalement le d´esavantage d’avoir peu d’autorit´e sur les modes basse fr´equence quand leur taille est petite par rap- port aux dimensions caract´eristiques de la structure. Leur efficacit´e a cependant
´et´e prouv´ee aussi bien pour le contrˆole vibratoire [23] que pour le contrˆole vi- broacoustique [24].
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