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Article p.28 du Vol.30 n°320 (2011)

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©BSIP/CHARLES D.WINTERS

BIOFUTUR 320 • AVRIL 2011

Quand des rats ou des souris ont le choix entre différents aliments, ils consomment de préfé- rence ceux qui contiennent des lipides. Bien que les graisses alimentaires soient très majoritaire- ment composées de triglycérides, ce sont les acides gras à longue chaîne (AGLC, nombre de carbones supérieur à 16) qui sont responsables de cette attirance spontanée (1,2). Les études chez l’homme sont encore peu nombreuses, mais les données psychophysiques récentes de Richard Mattes et de ses collaborateurs de l’uni- versité de Purdue aux États-Unis indiquent que des sujets adultes en bonne santé sont aussi capables de percevoir de façon spécifique des AGLC avec un seuil de détection environ 2 000 fois plus faible que celui des huiles (3). Les AGLC semblent donc être les molécules responsables de la perception orosensorielle des lipides ali- mentaires chez l’homme comme chez le rongeur.

Des récepteurs aux lipides

La perception gustative d’une molécule sapide requiert son interaction avec un récepteur loca- lisé au niveau des cellules chimioréceptrices des bourgeons du goût (figure p. 26). Chez la sou- ris, le récepteur CD36 présente les caractéris- tiques requises pour exercer cette fonction. En effet, dans l’épithélium lingual, l’expression du gène de CD36 est strictement restreinte aux bour- geons du goût, aussi bien chez le rat et la sou- ris que chez l’homme. De plus, sa large poche hydrophobe extracellulaire peut lier jusqu’à trois AGLC avec une très haute affinité. Enfin, il a été montré que son extrémité C-terminale intracel- lulaire peut s’associer avec des protéines impli- quées dans la signalisation cellulaire, les kinases Src, constituant ainsi un ensemble fonctionnel qui permet la transmission d’un message lipi- dique hors de la cellule gustative (4).Du point de vue fonctionnel, les souris dont le gène du récepteur CD36 a été invalidé ne sont plus capables de faire la différence entre une solution enrichie en acide linoléique*et une solution

aqueuse contenant un agent texturant mimant la consistance lipidique. En revanche, leur attirance pour le sucré et leur aversion pour l’amer restent inchangées (5). En absence de CD36, le système gustatif semble donc fonctionner normalement, sauf pour la détection des lipides.

La perception gustative du sucré, de l’amer et de l’umami est médiée par des récepteurs couplés aux protéines G. Il a été récemment montré qu’un membre de cette famille, le GPR120, connu pour être activé par les AGLC, est aussi spécifiquement trouvé dans les cellules gustatives (6). Comme pour le CD36, les souris dépourvues de GPR120 ont une appétence diminuée pour les lipides (7). Il existerait donc au moins deux lipidorécepteurs différents au niveau des cellules gustatives: le CD36 et le GPR120. On ignore actuellement l’intérêt de cette redondance fonctionnelle.

Une sixième modalité gustative ?

La question cruciale est de savoir si le message orosensoriel déclenché par les lipides alimen- taires emprunte bien la voie gustative. Les travaux réalisés chez la souris suggèrent que c’est probablement le cas. En effet, il a été montré que les AGLC induisent une augmentation de la concentration du calcium ionisé intracellulaire dans les cellules gustatives, déclenchant ainsi la sécrétion de neuromédiateurs (8). D’autre part, il apparaît que le message sensoriel lipidique ainsi produit transite bien par les fibres nerveuses gustatives périphériques (corde du tympan et nerf glossopharyngien) et centrales (neurones gustatifs du noyau du tractus solitaire ou NTS) (9).

Comme il est connu que les informations pro- venant du NTS modulent l’activité de centres hypothalamiques impliqués dans le comporte- ment alimentaire, ces caractéristiques fonc- tionnelles pourraient expliquer pourquoi on observe chez les souris dépourvues de lipido- récepteurs linguaux une perte de la préférence spontanée pour les lipides.

Le gras, une affaire de goût ?

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Un lien possible avec l’obésité

Bien que l’homme soit aussi capable de perce- voir la présence d’AGLC dans une matrice alimentaire complexe, il reste à démontrer que ce phénomène a, comme chez le rongeur, une dimension gustative. Le fait que le CD36 ait récemment été identifié dans les papilles gusta- tives humaines va dans ce sens (10). Une telle perspective permettrait d’éclairer d’un jour nouveau certains résultats. Par exemple, le fait que certains sujets obèses aient une préférence accrue pour les aliments gras comparativement à des sujets minces pourrait être la conséquence d’une perception gustative inappropriée des lipides alimentaires (11). En accord avec cette hypothèse, des travaux récents proposent l’exis- tence d’une corrélation inverse entre le seuil de perception orosensoriel des AGLC d’une part, et la préférence pour les aliments gras et l’index de masse corporelle (IMC) d’autre part : les sujets les moins sensibles aux lipides en consomment plus et ont un IMC plus élevé (12). Un résultat qui suggère l’existence d’un lien entre percep- tion orosensorielle des lipides, choix alimentaire et obésité. G

Philippe Besnard

Physiologie de la nutrition UMR U866 INSERM, université de Bourgogne AgroSup Dijon Philippe.Besnard@u-bourgogne.fr

*Acide gras polyinsaturé à 18 carbones, de type oméga-6, trouvé dans des huiles végétales

(1)Tsuruta M et al. (1999) Physiol Behav 66, 285-8 (2)Fukuwatari T et al. (2003) Physiol Behav 78, 579-83 (3)Chale-Rush A et al. (2007) Chem Senses 32, 423-31 (4)Martin C et al. (2011) Physiol Behav,

doi: 10.1016/j.physbeh.2011.02.029

(5)Laugerette F et al. (2005) J Clin Invest 115, 3177-84 (6)Matsumura S et al. (2007) Biomed Res 28, 49-55 (7)Cartoni C et al. (2010) J Neurosci 30, 8376-82 (8)El-Yassimi A et al. (2008) J Biol Chem 283, 12949-59 (9)Gaillard D et al. (2008) Faseb J 22, 1458-68 (10)Simons PJ, Boon L (2010) Acta Histochem, doi: 10.1016/j.acthis.2010.10.004

(11)Drewnowski A et al. (1985) Physiol Behav 35, 617-22 (12)Stewart JE et al. (2010) Br J Nutr 104, 145-52

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