COMME ON VOUS ÉGARE-
L’ambition est l’écueil des mortels
,
Par un chemin de fleurs elle conduit au crime.
Odeau ducetOrléans,
Lorsqu’un
des premiershommes
d’entre nos contemporains,celui qui, peut-être, alepluset le
mieux
pensépour
larégénérationdelàmonar-
chie, et que nousappelleronsïhoîiimepar excel- lence de la constitution
, lorsque
M.
l’abbé Sieyes, disoit dans la tribune de l’Assemblée Nationale, en parlant des François: ils veiiUnt être Vibres-, et ils ne savent pa^ être justes.Cet
homme
annonçoit, à cetteépoque
, une grande véritéquel’expériencen’amalheureusementque
trop consacrée, etdonton
trouve dans sa per*'sonne
un
bien déplorable exemple.Nous
entendons d’ici lesmurmures
del’envie, qui déjà nous reproche cethommage
décerné àl’homme
dont elle s’étoit ftattée d’obscurcir la gloire,ou
de s’approprier le succès.A
( = ')
Mais,
certes, celui qui, longtems avant là révolution de 1789 , exerçoit sa penséeaux
combinaisons d’une nouvelle organisation so*^ciiîe; celui quidanslesilenceetlereçueillemeot
du
cabinet méditoit l’arrangement detoutesles parties de cenouvelordre de choses qu’il créaitdans son imagination; celui-là, dis-je, mérite bien ic
nom d'homme
de La constitution, lors-
que
la plupart des idées qu’il avoit ainsi con- çues à l’avance, etque
l’on eûtpu
prendre alorspour un beau
rêve philantropique , sont devenues les bases et lesmoyens
de la constbniüon
françoise.Cependant
, et il faut le dire, qu’eût été pour la France, que pouvoir être
pour
larévo- lution l’abbé Sieyes seul?Ce
n’étoit pas assez d’avoirformé
des conceptions vastesethardiesjd’avoir construit
une
monarchie par la seule‘ force des abstrat^ons; il falioit, pour réaliser
ce nouvel ordre de choses, anéantir celui qui existoit et
que
tant de préjugés diverssem-
bloient rendre indestructible ; ilfalioit terrasser l’aristocratie et foudroyer le despotisme; pro- clamer les droitsdu
peuple et le provoquer à les recouvrer; il falioit, enfin,donner aux
es-pritsune grandeimpulsionetaux
âmes un
grandressort.
( 3 )
Un homme,
en France, pouvoit élever la nation à ce degré d’énergie, et lui parler di-gnement
de sa dignité: lecomte
deMirabeau,
dont la vie entière avoit étéconsumée
à lut- tercontre touslesgenresde despotisme; luidont
le courage indomptable avoit défié toutes les
oppressions et bravé toutes les résistances
; lui
dont
laplume
toujours libre chez un peuple alors esclave, avoit .tracédès longtemslecode pénal des tyranset recueilli les griefsdes peuples; lui quideux
ans avant l’Ère de notre liberté avoitprononce
publiquement lemot
de régi, nération; cet
homme
devoir être l’apôtre et le chef de la révolution: il l’a été.Mais
par quellefatalitél’Assemblée Nationale de France s est-elledonc
rendue coupabled’une décourageanteingratitude enversce,sdeux hom- mes
,quellesemble renvoyerà lapostéritépour
lui faire acquitternotre propre' reconnoissance?
Comment
se peut-il que cesdeux hommes
, à
qui -l’Assemblée Nationale .doit son existence et ses succès, n’aient reçu d’elle encore aucune
marque
de bienveillance et d’affection? (j )
( I ) Pendantqne. ceci étoità l’impression,M. l’abbs Sieyes a enfin été élu président de l’assemblée natio- nale. Oublions en ce moment que l’abbé Sieyes ava
A
a(
4
)Comment
sur-toutrassembléenationalen’a-t-ellepas senti
que
si elle trouvait dansl’abbé Sieyes l’hommede la constitution ,\tcomte
deMirabeau
vinpt-quatre de ses collègues occuper, avantlui , le fauteuil; que quatre fois on a tenté vainement de l'j placer, et quec’estautroisième scrutin seulementqu’il a cette fois obtenu la majorité. Oublions qü’afin de l’éloigner plus sûrement dela présidence , une nom- breuse section de députés patriotes lui a constamment opposé pour concurrent dans les «ois scrutins , up
homme
que dans le langage delarévolution on^peutnommer
à peine un nouveau converti, et qui n’étant nullement prononcé dansl’assemblée,paroissoiten effet devoir être préféré par la section aristocratique à unhomme
tel que l’abbé Sieyes. Oublionsenfin ,qut U
honte decettesection du partipatriote, le succès de
,'électiondeM.l’abbé Sieyeiestdûàceux-là
même
qui,'
forcésdel’estimer etde l’apprécier, malgréla diversité
'deleursopinions, n’ontpàscrodevoir balancer entreson
«oncurreiw et lui lorsqu’il s’agissoit d’être justes.
—
•Q^u’im.porte aujourd’hui tout çela ? l’abbé Sieyes^eit élu, etl’assemblée nationale sèraprésidée , le
^17 juin r790,lejour anniversaire de sacréation, parl’homme qui,le-17juin i789> apP'’’*:àiachambredescommunes, dont il étoit membre, qu’elle avdit droit de se dire assembléenationale, et osa lui pr(^dire lagi'andeur et la force que ce
nom
lui donneroit. \Cette circonstance singulière justtfieroit rassemble®
nationale du reproche d’ingratitude liqui lui a été fait
a
( 5 )
étoit vraiment
thommt
de la révolution , etqu’essentiels l’un à l’autre, il falloitles accou-, pler
pour
obtenir d’eux ce que la chose publi-que
avoit droit d’en attendre.L’un, dontlavie entière a été ensevelie dans la méditation, penseur profond et par cela
même,
souvent abstrait, semble avoir troppensé pour lui seul.
L’àutre , penseur fécond,/ètsur-tout remar- quable par rétendue de son esprit , politique habile , orateur
véhément, abandonne
, et ce- pendant logicien sûr et méthodique , conçoit,
explique et
démontre
en mêrne tems ; exercéaux
combinaisons pratiques , parune longue
expérience des choses et parune
étude parti-).depuis long-tems à l’égard de M. l’abbé Sieyes.^ Si en
effeton pouvoitse persuaderqu’elle n’a diféréjusquà présentdelui témoigner sonestimequ'afin de ménager cet à-propos véritablement remarquable, ^uoiqu^l en soit,puisque l’assembléecommenceà semontrerjuste, et qu’en choisissantainsi l’époquedesareconnoissance elle fait presquoublier qu’elle fut long-tems injuste,
il faut espérer qu’ayant voulu être présidée le 17 juin' parlefondateur de l’assemblée nationale, die voudra
l’êtrele 14juilletparl’auteurdel’adresse pourlerenvoi des troupes , par le fondateur des milices naûonales.
(
6
)culière des
hommes
et desgouvernemens
tels qu’ilssont ,il sait ceque
la sévérité delathéorie doit ceder à l’invincible nécessité des conve*nances et la
même
idée qui dans le premierde ceshommes
eût semblé à plusieurs une abs- traction philosophique, devient bientôt dans
1autre
une
vérité sensible à tous et d’une exécu- tion facile.Ainsi destinés parla nature 'de leur génieet par la diversité de leurs
moyens
, à faireun
homme-politique complet; que ne devoit-on pas attendredu
concours de cesdeux hommes,
etcomment
n’a-t-onpassentiqueleurréunionétoitindispensablementnécessaire
pour
tracer etpour
dirigerutilementleplan d’uneconstitution vrab
ment
nationale, qui,
devenue
leproduit sage-ment combiné
de leurs-systèmes respectifs, au-
roit
du moins
présentéun
grand ensemblecom-
posé de parties uniformes et parfaitement co-;hérentes f
Et voilà ceux que l’on a affecté d’isoler dans
le travail de cette constitution
, que l’on a ré-
duits à
y
coopérer séparément 5 l’un dansun
comité ,où
son influence n’a peut - être pas été assez fortement décidée. Et l’autreau milieu de l’assemblée nationale s où les
premiers périls une fois passés , l’ostracisme
/
Cr)
'^es opinions a trouvé si souvent le
moyen
de lui refuser la parole lorsqu’on a voulu ,
-GU
lui ravirdes succès,ou
l’empêcher decom-
battre ce qu’on eût désespéré de soutenir con- tradictoirement avec lui.
Mais
puisquel’assemblée nationale a cru de-.voir se priver des 'grands avantages qu’elle pouvoit retirerde la réunion de ceS'
deux hom- mes
, pourquoi,du
moins, ne leur tient-elle au- jourd’hui aucuncompte
desimmenses
servicesque
cependant chacun d’eux a rendus séparé-ment
à la chose publique ? pourquoi serable- 't-elle au contraire accuser leur patriotisme ,,et jalouser tour-à-tourou
déprécier leurs taJens ?pourquoi ?... Ils
savmt
pas être,justes^Eh
bien!nousdirons aujourd’huià cesmêmes
François
, à qui l’abbé Sieyes serabloit, il
y
a quelques mois, prophétiserleur ingratitude en- vers lui
, nous leur dirons,,que si la justiceest la première dette des
gouvernemens
, elle est aussi la première vertu d’un peuple libre; etque
s’écarterdece principeconstitutionnel, c’es^prouver qu’une nation n’est pas encore propre à la liberté, puisqu’elle ne se montre pas
mûre
a la raison.
Cependant
nous devons faire peser cette injustice moins sur la tête deceux
qui n en sont que les pa.sifs instru.iiens, que sur
•
A4
( s )
certainsambitieux qui , se couvrant
du masque
de la popularité , naffectent de flatter lamul-
titude que
pour mieux
legarer, et ne trompentainsi le peuple
que pour mieux
asseoir leur grandeur sur sa ruine.Ce n
est point par desmensbnges
files avecsrt , par des
complimens
insidieusement pré- parés et prodigués demême
? par des idées de libertéet d’égalitétoujours exagérées ( i) qu’on arriveaux
principes d’un meilleur ordre de choses.On
enivre le peuple de louangesèt de promesses'; dans son délire il suit aveuglément l’impression des séducteurs qui le dirigent, ilcouronne
ceux qui le trompent, et frappe de proscriptionceux
qui s’opposent à sa perte.Mais
qu’arrive-t- il? lemensonge
s’éclipse(I) Dans un souper'patriotiqueque M. deL. . .
donna aux dames du troisième ordre delahalle, a la veille du décret sur ledroit delapaixet de la guerre,
il appritàces vénérables mères, que depuislanouvelle constitution, iln’existoit plus aucune différence entre une Poissarde et la Reine des Franqois.Nous appren- dronsàceuxquiçonnoissent M. de L. . • ., qui pourroientignorer cette petiteanecdotecivique, que le
peupleluidonnalelendemainune marquedqfpconnois- sance en l’accompagnant dans sonpalais aumilieu des hravo.
( 9 1
au grand jour de lavérité ; les louangess’évafS
porent à mesure quei’illusion cesse; lepeuple s’apperçoh enfin, qu’en suivantcette pente, il
ne feroitque changer d’esclavage9 il abjureson erreur;
l’homme
de la patrie est honoré, et les ambitieux ,quand
ils ne sont point les victimesdu
réveildu
nouvelEpiménide
, sont forcésd’allercacher leur honte etde vivre éter- nellement avec les remords. ,Il faut
donc
des loix, et de bonnes îoix, àun
peuplequi, apres quatorze siècles de tyran- nie et d’oppression, veut se régénérer à la li- berté : elles doiventmoins
flatter scs passions qu’assurer la durée de son bonheur.Malheur
au législateur qui s’écarte de ce principe fon- damental ; il prostitue sa mission, trahit ses devoirs et devient le malfaiteur etle tyrandu
peuple qui i’avoitcommis pour
travailler àla sûreté et à la félicitépubliques.
Voilà des vérités qu’on ne sauroit trop ré- péterauxpeuples qui se laissent égarer parleurs adulateurs , et malheureusement ces vérités imprimeront des taches à la révolution qui s’opère en France.
Qiie dira notre siècle, et que penseront les générationsfutures,lorsquel’histoireconsacrera, à côté des plus grands élans
du
patriotisme( 10 )
fraftçoîsj toutes les injustices , toutes les ïior^
reurs auxquelles
on
a entraîné le peuplepour
servir la gloire
©u
les intérêts de quelquesam-
bitieux? Ils excuseront , sans doute , en plai- gnant noserreurs, le massacre de quelquesvic- times qu’un premier
mouvement
de fureur aimmolées
à la vengeance publique ; ils regar- deront peut-être,comme
ayant ete necessaireàla renaissance de nospremiersdroits, lepillage et l’incendie de quelqifes châteauxj mais
que
diront nosneveux,
etque
devons-nous direnous-même
en voyantla libertéprofanéejusque surles saintspavés de son temple(i),envoyant
, (i)M.lecomtede Mirabeauavoitsoutenul’avant-veille
du fameuxdécret du droit deguerre et de paix,que
lesdeux pouvoirsconstitutionnels dévoient concourira l’exercicedecedroit, etqu’ilcroyoitdenécessité absolue, pourlesintérêtsdupeupleetlebien del’Etat,que sonopi- nionfûtadoptée, sauflesamandemensquel’assembléeju- geroit convenables.
MM.
Barnave,Lameth,Duport, etc.s’opposèrentfortement à cetavis. Lepremiersengagea pour le lendemain-à une réfutation qu’il appela sans réplique' , et qui prouva séulement que M. Barnave avoit trop présumé de ses forces. Cependant on eut très-grand soin de semer le soir
même
dans le Palais- Royal, et de faire circuler danstousles fauxbo-urgstic Paris, que M. de Mirabeau étoicum
lâche deserteur de\
îm
de ses apôtres les plus zélés,
l’iiofflffle qui >' sous la verge
du
despotisme', n’a jamais cessé de harceler les despotes
, d’attaquerleurs prin- cipes, de fronder leurs
maximes
pernicieuses , dedévoilerleur politique criminelle;.envoyant
,
dis-je
, le tribun
du
peuple ,ü
comte deMi-
rabeau
, frappé de toute la malédiction
popu-
laire
, et sa tête livrée à la proscription ,
au moment même où
, par la force de son élo- quence
, la profondeur de sa raison
, la vérité de ses principes , il entraînoit tous les esprits etconcilioittous les suffrages, dans
une
opinion de laquelle dépendoit sans retour lebonheur
de la nation et le salut de l’empire François..
Tout
Paris sait, et la France entière
labonnecause;qu’ilvenoitdetrahirlapatrieenvendant
sa conscience et son, ministère au gouvernement.
On
répandit une foule de libelles atroces, oùle véritable défenseur du peuple fut déchiré de la manière la plus indécente et la plus cruelle
: dans les rueS , à
la porte du congrès national, jusque dans latribune de la liberté , le peuple furieux, parce qu’on venoit de l’égarer
, portoit par ses cris, aux oreilles de ce nouveau Démosthène
,l’inique arrêt desa proscription.
Malneureuxpeuple
! quand cesserez-vousd’êtreladupe - desvilsintrigans qui sefont un jeu criminel de votre
^ crédulité?..,
'
f la
apprendra bientôt
que
cettemême
opinion ; qui devoir, vingt-quatreheures plustard,rendre lecalme à la capitale et porter lebonheur
dansles provinces , fut dénoncée par quelques ,
hommes
turbulens, qui se disent les amisdu
peuple,comme
le signaldu
massacre et de laguerrecivile ; que sonauteurfutdésigne
comme
devant être la première victime de la nouvelle insurrection , lorsqu’il est constant et de toute vérité
que
si son opinionn’eût pas prévalu,de
tout côté le massacre et la guerre civileétoientinévitables. ^
^ .
Tel
est pourtant l'abîmeoù nous
entrainoitle fanatisme et l’ambition de quelques jeunes gens , jaloux des succès
que
le mériterem-
porte sur la brigue.Vainement
ils ont cru en imposer à la multitude en se faisant allouerpubliquement
les palmesciviques que lecomte de Mirabeau
venoit seul de conquérir aupéril de-sa vie.
Le
tems, juge incorruptible,marque
à chacun la place qui lui convient , et le faux triomphateur de la veille se trouve souvent enchaîné le lendemain au char de celuidont
il avoit usurpé le triomphe.
Nous
ne nous permettrons aucune apphea- tion ; nous allons laisser à nos lecteurs la li- berté de juger siM.
lecomte
deMirabeau
( 13 )
-Jîaéntoit la
couronne ou
la proscription; en mettant sous leursyeux
ce qu’ont dit de cegrand
citoyenetde son opinion,lesjournalistes les plusrecommandables
de la capitale. Puisse le peupley
reconnoître ses erreurs, er lesam-
bitieux leur crime îE X T R A IT
divers papiers^ publics
, dans lesquels ôn a rendu compte de
V
opinion deM.
de Mirabeau sur la questiondu
droit de la paix et deU
guerre,
JOURNAL GÉNÉRAL
DE Commerce et de Politiq^ue.
Du
samedi 22Mai.
( 14 )
droit de paix
&
de guerre ; il adonc
penséqu’il seroitsage de faire concourirles
deux
puis*sances à l’exercice de ce droit.
Le
discours deM.
lecomte
deMirabeau
aété étendu ; les principes de l’orateur bien dé- veloppés; le style! ... dire qu’il étoitdigne de
M.
deMirabeau
, c’estenavoir fait l’éloge....
Cet homme
, que j’apelle iciU
père de notre constitution de cette modestie insépa- rabledu
vrai talent, et toujours prêt à rendre justiceautalent, aéloquemipent reprochéàM.
J’abbé Sieyes , qu’il a justement appelé
U
pire de notre gouvernement représentatif, le silence qu’il“a gardé dans cette importante question....
Jamais éloge ne fut entendu avec plus d’intérêt
que
celui qu’a faitM.
deMirabeau
deM.
Tabbé
Sieyes ,et pourquoi ? C’estque
jamais éloge ne fut aussi bien mérité.L’orateur a terminé son discours en présen- tant
un
projet de décret divisé en plusieursarticles.
J
O U RN A L D E PARIS.
Du
21Mai.
Séance' du zo.
M.
lecomte
deMirabeau
, après une dis^( 15 )
ciïssion étendue, dans laquelle il a balancé les avantages etles inconvéniens des
deux
partis^ estparvenu
a un résultat qui est lui -même
en quelque sorte
une
balance; il a voulu qu’ily
eût dans Texercicedu
droit de guerre et depaixun
concours desdeux
puissances qui^ constituent la souveraineté représentative , lé corps législatif et lepouvoir exécutif: il a mar-
qué
les points dans lesquels devroit s’opérer le concoursNous
remarquerons ici cette preuve d’excel- lent esprit qu’adonnée M.
deMirabeau,
lors- qu’àla fin d’une discussion très-étendue, il a confessé avec naïveté qu’il n’avoit eu ni le tems , ni Ja force de méditer cette questiondifficile avec assez de profondeur
pour
être lui-même
content de sontravail; c’estencorel’écla- tante justice qu’il a rendue à
M.
l’abbé Sieyes,
lorsqu’il s’est plaint de ce qu’on n’entendoit point , dansune question d’unesi haute impor- tance,
l’homme
qui avoLtlepremier bienconnu
et bien fait connoître les principes des consti- tutions représentatives;
On
est sûr d’être applaudi, et
on
apeut-être besoin del’êtrel’orsqu’on a parléàvec cette can- deur desoi-même
etdes autres, et cette fin
du
( i6 )
discours
de M.
deMirabeau
a reçu de vifsapplaudissements.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
lav. Séance dans la capitale. Suite des nouvelles
^ de Paris.
N®.
305-6-7
et 8-Des
îi , 22 et 23Mai.
Séances des
20
, 21 etzz
Mai.Ou
a enteijduM.
lecomte
deMirabeau
>qui a proposé
un
décret mixte qui n’a pas etedu
goût de tout lemonde
.même
de plusieurspersonnes de son parti: quoiqu’il
en soit,1 a
traité cette question, la plus importante san doute de toutes celles qui ont été soumises a la décision de l’assemblée , avec
une
proon
deur
etdesdéveloppemens
superbes, dont tousles autres orateurs ont été bien loin jusqua présent.
M.
lecomte
deMirabeau
,dont nousavons donné
hier l’opinion,q-
f
concurremment
aveclecorpslegislatif,le dro t
defairelapaixetlaguerre
apres enavoa
fl?)
VouJroif , pour,assurer
k
liberté françoisè»
^ue
1arnbitioii ciun
ruonarcjuc Victorieux pour**roitpeut-être attaquer ,
que
les gardes nation riales fussent annexeset prêtes a s’opposer à ses desseins, dans lecas
où
il en auroitdeperfides.Plusieurs orateurs
, qui ont parlé après
M.
de IMirabéaü,et
notamment M, Barnave^
Ont re-^garde cette précaution
comme un moyen
in- faillible d’allumer la guerre civile et d^opérêrla dissolution de fempire : aü surplus,
M.
deMirabeau'regarde
conimè
chimériquelacrainte qu’un toi veuille jamais tourner ses armes Victorieuses co^ntre sa nation, jetter* son sceptre de toi
pour
sarmer du fer des tyrans, échanger son trône contre un khafaud. Si tels sont les malheurs qui nousmenacent
; secrie- t-il , ébranlons les colonnes de ce temple, et
rnouions libres
, puisque nous devons être es- claves
demain
Nous
ne parlerons pas des chicanes qui ont été"faites à
M.
deMirabeau,
et particulièrement par sonfrère, etpar?*!. d’Eprémenii,sursesder- nîeres expressions, relativement auroi que nous venons de citer en italique
, nous aimons
mieux
laisser a noslecteurs
k
satisfaction de réfléchir sûr le sens qu’ony
doit donner.Nous
ne p.arkrons pas d’uns attaque peut être -irréaéchia
B
( IS )
de
M.
Biauzat , contre la délicatesse deM.
de
Mirabeau
, que nous nouscontentons d’ad- mirer, sans prendre parti ni pour, ni contre.Nous
remarquerons seulement que la réfuta- tion victorieuse queM.
de Biauzat promettoit de l’opinion deM,
deMirabeau
, na paru,telle à personne ; etsil’on en excepte quelques phrases patriotiques contre la perfidie ministé-
rielle ,
M.
de Biauzat n’a rien dit a quoil’on eût faitattentionM.
deMirabeau
arépliquéaudiscoursdeM.
Barnave
, après avoir fait une légèreremarque
sur le triomphe méritéou
imméritédu
jeune orateur; etmoi
aussion
vouloitme
porter en triomphe dansles rues ,et ce matinon
crie con-tre
moi
à la trahison. Je n’avois pas besoin de cetexemple pour
apprendre qu’il n’y aqu un
pas
du
Capitole à la roche tarpéiene , etque
celui qui veut établirsa réputation et sa gloire
,
nedoitles attendre que
du
tems, quifaitjustice à tous.Qu’on
m’interroge sur toutesles parties demon
décret, je répondrai à tout,mon
in-tention est que cette journée ne laisse aucun louchesur nos loyautésrespectives.
M.
Barnavea pris
mon
décret pour l’objet de sa réfutation;car ilaété l’objet unique de sa discussion.
Vous
( >9 )
tdites continue
M.
deMirabeau
en s’adres- sant à son adversaire , que nous avons établideux
pouvoirs; Tun pour la volonté
, l’autre
pourl’action. Cette observation n’est pas exac- tementjuste.
Vous
avez établideux
pouvoirs, qui ne peuvent agir et vouloir, sans la con-
currence respective de leur volonté oule ve,to
que
vous avez accordé au roi seroit absolu-ment
sans effet. Votre roineseroitplusun
roi,il ne seroit tout simplement qu’un général d’ar-
mee
, qui seroitaux
ordres ,non
pas de la nation,maisdu
corpslégislatif.Dans
notre cons- titution, Messieurs , la volonté générale
ne
resuite pas de la simple déclaration
du
corps législatif; elle ne peut être exprimée quef par
le consentement réuni des représentans de la nation et par celui
du
représentanthéréditairedu
pouvoir exécutif.On
vous a cité Périclès,
et
mon
disert adversaires’estcomplu
dans cette citation.Mais qu
étoit Féricles sinon l’orateur de l’assemblée nationale d’Athènes, etsachant bien fixer l’opinigndu
peuple et le distraire deses véritables intérêts
, par les largesses qu’il savoit répandre a propos et avec profusion ? Cette réminiscence historique ^ applicable
ou non
aux circonstances présentes , a été sentie et appliquée par ceux qui sontou
qui croientB
^être instruits sur les intrigues sourdes qui agis- sent incessamment dans ces tems orageux et convulsifs.
M.
deMirabeau
arépondu
au re-proche
que
luiavoit faitson adversaire,, d’avoirvoulu
mettreune
force trop etendue
dans les mainsdu
pouvoir exécutif , en 1interpellant d’indiquerun
ordre de choses qui ne renferme pas cet inconvénient; maisque
sil nen étoit pas d’imaginableauquel ilne fût attache,on
ne pouvoit pas lui en faireune
objection particu-lière,
M.
deMirabeau
, avantque M.
leCha-
pelier annonçâtson opinion , étoit
convenu que
sonprojet de décret étoit susceptible de n^or dification ; il en avoir effacé l’article des gardes nationales qu’il n’avoit proposé que d’après l’avis deM.
le Chapelierlui-même , maisqu’ilsavoient reconnu l’un et 1autre , renfermer des inconvéniens dangereux.
M.
deMirabeau
,obligé de donner son avis surune
questionque
dans les premières dis- cussions il navoir pas eu le tems d’examiner avec assez de réflexion , étoitconvenu
de l’im- perfection de son décret , qui cependant étoitle seul qui fût dans les principes de la constitu-
tion. Les observations de
M.
le Chapelier luiavoient paru sages , illes avoit adoptées.
Que
pouvoit
-on
exiger de lui , il avoit ouvert laseule i(]ee qui pût sauver Ja monarchie des horreurs qui la menaçoient
, vouloit-on
que
divmité sur la terre ,il trouvât le point unique
delà
perfection. Frivoles Adiéniens calom- nierez-vous etflatercz-vous toujours sans
me-
sure. . . . , .
* i-
• •
Nous
ne parcourrons pas tousles autres
amendemensqui
ontétéfaitsauprojetdedéereti ds sont tous de
peu
d’importance. G’estM.
le apelier, dont la discussion a étéun
trait dé lumière, qui a frappé l’a.ssembléc, qui a fait
sentir
que
le système deM.
deMirabeau,
placé entredeux
opinionsextrêmes
, étoit le seul qui reiuermâtlavérité
; ila seulement observé
que
a rédactionne.luienparoissoit pasassezclaire• et nous .aussi s'est-il
éeric , en faisant allusion
aux
opinionsde
certaines personnes qui ont peut-être des opinionsun peu
trop républi- cainespour
l’espèce degouvernement
quenous
avons adopté, et nous aussi nous aimons la-
liberté, et nous avons le droit d'attendrequ’on nous écouté avec attention
; j’ai presque dit
Apres
avoir rapporté le décret rendu le ?»VOICI
comme
le Sr.Baulieu s’exprime : tel estîè
B3
( a* )
superbe décret qui a été rendu définitivement à six heurs
du
soir, et qui a été accueilli e toute la capitale , avec des applaudissemens inexprimables.Un
peuple inombrable souvroitles' tbuilleries et portoit en triomphe S«‘
néreux députés qui ont concouru
k
plus enca-cément
à sa rédaction..Un
seul , et c’est celuidont
l’avis a prévalu , étoit déchiré par des calomnies atroces.Un
libelle affreux dénoni^oit à la fureur de la populace , celui qui Vv.noit rétablir le roi sur son trône , et rendre ouïsXVI
aux François , celui qui venoit de pré-venir
une
guerre civile,qui eût étéimmanqua-
ble si les idées républicaines de certaines pei- sonnes eussent prévalu.Nous
croyonsen avoirune
certitude entière. C’estlamotion
deM.
deMirabeau
, si cruellement déchire parune
en vieuse cabale , qui a obtenu la priorité, et quia
fixé le sort des François. C’est lu. dont1in- fluence adonné
des gardes nationales auroyaume
, quiconséquemment
acréé saliberté,
qu’on calomnie d’une manière aussi odieuse.
C’est lui qu’onaccuse d’être
vendu
; lui quina jamais variéun
seul instant dans ses principesqui a été pendant toute sa vie le martyr d
I
.». 1».»
: plu. oppressif ait
pn
loii«pos"
( 23 )
ïioiis garderons bien d’examiner qwclle est Ja moraJjte particulière de IVI. de JVIirabeau,
Un
pareilleexamen
nous paroîtroit une infa-nue
5 et fut-ilun
monstre en moraley celui qui se croirait permis de relever sa conduite pri-vée , ne seroit pas moins infâme que lui ; mais ce nest point de cette conduite dont il sagit Les talens de
M.
deMirabeau
ont sauvé lachose publique
,et laFrance ne lui doit que de
la reconnaissance.
LE patriote FRANÇOIS.
N.
288.Séance du 2z Mai,
Avant
de rendrecompte
de cette séance^ nous devons résumer rapidement les opinions qui partageoientl’assemblée.Dans
l’une,on
attribuoit au roi le droit de faire la guerre ron
ne l’astreignoit qu’à rendie compte. Les aristocrates se peignent ici»Dans
l’autre,on
vouloitun
concoursem-
brouillé de
deux
pouvoirs, maison
donnoitau
roi la faculté provisoire d’agir. C’étoit l’idée,de
M.
de Mirabeau,Une
troisième opinion îaissoit au roi la pro- position de la guerre , et au pouvoir légisktii(
24
)ledroit derefus. C’étoitceüede
M.
Pëthion (i)'Une
quatrième,et c’étoît celledeM.
Baruave»©toit au roi toute espèce d’intervention.
îî
y
avoît une sorte de schisme dansle parti populaire, parceque
les uns vouîoient donnerl’initiative au roi , les autres la rejetoient.
Le
premierparti a heureusement triomphé., Il con-cilie tout, la nature des choses et l’intérêt
du
peuple,doublement
préservé contre la guerre.,
par la nécessité de réunir le consentement des
deux
pouvoirs avant de lacommencer.
JOURNAL DE LA. LIBERTÉ,, Par les Auteurs de l’UnîoN'.
N^.
lo.Du dimanche
23Mak
Sèanu
du 22.Le
tems ne nous permettantpasde rapporter aujourd’’hui les opinions de tous ceux qui ont (i) Il paroit que le rédacteurde cet article ne cou- knoissoit pas par lui-même les projets de decrets deMM.
de Mirabeau et Pélhion; car apres avoir ditque M. de Mirabeau propose un concours eni^bromile des deux pouvoirs , il donne,comme
étant 1opinion de M. P-éthioR, ce qui est réellement le devei-oppement donnéparM. de Mirabeau lui-même, du concours quil avoitproposé—
Ausurplus» lesystème deM. ion 5quoiqu’il nefûtpas précisément celui que on indique
ici , estsans doutsun
d»
plus raisonnables qui aienttà, p.résentés^.
( 25 )
' traite cette questionintéressante, nous lesréser- vons pour leN°. prochain.
Quant
à présent, nous donnerons seulement' une légère esquisse de l’opinion deM.
lecomte
de Mirabeau.Cet orateur célèbre, trop éclairé
pour
ne pas appercevoir quelssont les droitsdu pouvoirlégislatif
, quels sont ceux
du
pouvoirexécutif,
a
commencé
son discours parune
apostrophe au peuple sur la mobilité de son opinion. . . ,Il a
répondu
ensuiteaux
objections deM.
Barnave.
... M.
deMirabeau
ayant déve- loppé les principes qui servoient de base à^on projet
, l’assembléenationale lui a accordé
laprioritée‘t a rendule décret suivant, etc., etc.
COURIER DE FRANCE
Et de b r a
ba
n*Siançc
du
2.1,La
propositiondu comte
deMirabeau
(quiîecroira)avoir soulevé contre lui des
membres
ae 1assemblée nationale, aussi connus par leur patriotisme queparleurslumières ; mais croira- t-on que tout Paris ait retenti des cris de
h
trahison imputée au
comte
de Mirabea?j,!Cât
( 26 )
homme
quia poussé jusqu’au civisme l’abnéga*^tionde naissance, desonrang,deson
nom
,pour prouver à l’Europequ’il ne connoissoit devéri- tablegouvernement
, que celui qui tendoit
au bonheur
de tous ;cethomme
vientd’êtredévoué
àl’infamie, àlahaine detous,comme uh
traitrcenvers la nation payé par des ministres pour avancer
une
opinion à laquelle l’assemblee na- tionale vient d’accorderlapriorité 1et c’est ainsique
des auteurs mercenaires trafiquent de la réputation des députés etprofitentde la sottiseet de la crédulité
du
public.JO ÜRNAL GÉNÉRAL
De commerce et de politiq^ue^
N®.
123.Du dimanche
23Mal
Séance
du
22.Ilest enfinrendu ce décret important, apres lequel soupiroient tousles amisdela révolution française ! et c’est à toi que nous le,
devons
homme
immortel que la calomnie na cessé, ne cessera de poursuivre, mais qu’elle n’atteindra jamais. Sans doute il appartenoit à celuiqui la( 27 )
premier avoitétabli lès
fondemens
delaconsti- tution , deposerla dernièrepierre decetimpor- tant édifice.Je n’analyseraipasles différentes opinions qui ont été manifestées aujourd hui; il
me
suffirade dire que
MM.
Destourmel, Cazalés, Bar-nàve, leChapelier,
Duport
, etc. ontsuccessi-vement
été entendus.L’envie et lamauvaise foi ont insidieusement attaqué
M.
lecomte
deMirabeau
;le projetde décret ^qu’il avoit présenté hier a souvent eteimprouvé
, presque jamais défendu (i )•
Les
ennemis de ce grandhomme,
queje necesserai jamais d’appeler le père de notre constitution ,(I ) Le rédacteur de cet article ne nous saura sans doute pas mauvais gré d’observerici que l’opinion de M.lecomte de Mirabeau a été vivement défenduepar
MM.
Duquesnoy^ le ChapelieretlaFayette danscettemême
séance. Cetteremarque nous paroît d’autant plus essentielle à l’égard de M. leChapelîier, quese trou- vant confondu, deux lignesplushaut, avecMM.
Des-tournel, Cazalès, Barnave et Duport, on po.nrroiten induire qu’il a partagé l’avis de ces derniers. Le soin que nous prenons dela réputatioijde M. le Chapelier nous prescrit donc de ne pasabandonner à une inter- prétationdéfavorable pour luice que ce passage paroit avoir d’obscur.
I