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1188 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 30 mai 2012

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T comme testostérone : en avez-vous assez ?

«S’il vous arrive de regarder du sport à la té- lévision aux Etats-Unis, vous êtes forcément tombé sur une débauche de pubs "mascu- lines", que ce soit pour de la bière ou des médicaments contre les problèmes d’érec- tion, comme le Viagra. Vous avez peut-être même vu l’un des spots de la campagne "Is It Low T ?" (est-ce une baisse de T ?) 1 des laboratoires pharmaceutiques Abbott. Ici, le T est l’initiale de "testostérone", une hormo- ne tellement sacrée qu’il vaut mieux ne pas dire son nom.» C’est là le début d’un article signé Craig Bowron et publié il y a peu sur les sites d’information Slate.com et Slate.fr.

Article éclairant en ce qu’il nous apprend de la société américaine.

Ce spot publicitaire télévisé mettait aupa- ravant en scène un homme d’âge mûr, be- donnant et grisonnant, et qui aurait bien voulu avoir plus de passion et d’énergie pour – dans cet ordre – le golf, le sexe, la famille et les amis. La nouvelle publicité est axée sur le basket et contient cette question bizarre- ment formulée : «Vous n’en pincez plus pour les paniers avec vos potes ?». Le basket est décidément moins distingué que le golf ; ce même golf où excellait Tiger Wood avant quelques déboires associés, dit-on, à une vi- rilité peut-être un peu trop marquée. Qui sait ?

«Dans les deux versions de la publicité, une voix off déconseille d’attribuer ces dé- faillances au vieillissement et recommande de se rendre chez un médecin (ou sur le site d’Abbott) qui propose un questionnaire dé- dié, le "Low T Quiz"», écrit Craig Bowron.

Ce dernier confie à ses lecteurs être à la fois médecin et homme vieillissant. Et c’est fort de ce double bagage qu’il donne une note disqualifiant toute la campagne «Is It Low T ?». Ce à la fois pour des raisons philoso- phiques et cliniques. Et le Dr Bowron de nous livrer sa lecture, fraîche et enrichissan te, de ce qui peut se faire sur l’autre rive de l’Atlantique. L’andropause pourrait bien (es- pérance de vie croissante aidant) devenir le dernier petit Eldorado en date de quelques éléphants de Big Pharma.

Le Dr Bowron estime que l’on ne saurait sans pécher contre le corps et l’esprit vouloir faire du simple vieillissement un état pa- thologique. Selon lui, cette campagne d’in- citation au dosage de la testostéronémie est également affligeante sur un strict plan cli-

nique : «les spots télé exhortent les golfeurs, amants et pères apathiques à ne plus "vivre dans l’ombre", ce qui est assez cocasse quand on considère que notre connaissance des effets de la testostérone sur les hommes âgés est elle aussi pour le moins brumeuse.»

Contrairement à ce qu’un homme non aver ti pourrait penser, le «Low T Quiz» n’a nullement été conçu par le département mar- keting d’Abbott. Au départ, c’est un outil de dépistage élaboré par des gérontologues de la Faculté de médecine de l’Université de Saint Louis. Et l’erreur majeure serait ici d’être aveuglé par la similitude des symp- tômes d’une baisse de testostérone et ceux du vieillissement naturel. Pour sa part, l’En- docrine Society ne recommande pas d’y avoir recours.

Attention. «Vos érections sont-elles moins vi- goureuses?» ; «Votre libido (désir sexuel) est-elle en baisse ?». Si vous avez répondu oui à l’une ou l’autre de ces questions, vous êtes en par- tance pour le continent de l’anormalité avec toutefois la possibilité du sauvetage in extre- mis via la correction médicamenteuse. Or la vérité vraie est que la concentration de l’orga- nisme masculin en testostérone n’a pas grand- chose à voir avec la turgescence pénienne et le flotteur libidinal. Certains tra-

vaux européens honorables lais- seraient mê me pen ser exacte- ment le contraire. Mieux vau- drait voir tout cela sous l’angle cardiovasculaire ou neurologi- que ; à supposer que les érections doivent toujours être vigoureu- ses et la libido (masculine) au zénith. Ce qui, on en convien- dra, est une question d’une am- pleur autrement philosophi que.

On peut bien évidemment (faire) doser la testostérone cir- culante ; la sienne ou celle de ses patients inquiets. Mais en sa- chant que la normalité biologi- que n’est ici (fort heureusement) guère de ce monde. Pour une même concentration, deux hom- mes se situeront aux antipodes qu’il s’agisse de l’humeur, de l’énergie ou des caractéristi ques érectiles. «En quoi est-ce si dé- raisonnable d’accepter l’offre gé- néreuse d’Abbott : passez le test

et faites des analyses sanguines si nécessaire ? Parce que la grande majorité des hommes qui partiront à la chasse au "Low T" vont se retrouver devant le gros D de la déception, prévient le Dr Bowron. Le test étant si mé- diocrement discriminant, promouvoir son utilisation donnera de faux espoirs à de nom breux hommes ("J’ai une maladie qui se soigne ! Voilà pourquoi je pique du nez après manger !"). Et ils se rueront vers les labora- toires d’analyses médicales. Et la grande majorité d’entre eux en sortira avec des ré- point de vue

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 30 mai 2012 1189 sultats tout à fait normaux, sans pouvoir at-

tribuer le flétrissement de leur swing à leurs testicules.»

Et en cas de chiffres bas, faudra-t-il com- pléter ? Là encore on est dans le brouillard ; les essais cliniques menés chez les hommes âgés sont rares et les lacunes méthodologi- ques nombreuses (insuffisance des échantil- lons, absence de données longitudinales ou de contrôle placebo). Pour le Dr Bowron, on ne dispose toujours d’aucune étude suffi- samment solide ou définitive pour tirer des conclusions. En 2009, le «T Trial» a été lancé : une étude de grande ampleur multicentri- que sur les traitements de la baisse de tes- tostérone chez les sujets âgés. Elle devrait s’achever en 2015.

«Il est intéressant de noter que Solvay Pharmaceuticals, une filiale d’Abbott Labo- ratories, est l’un des sponsors de cet essai clinique ; ils fournissent le gel de testostérone étudié, poursuit notre confrère d’outre-Atlan- tique. En attendant les résultats du "T Trial", la campagne publicitaire d’Abbott semble vouloir demander aux hommes d’aller bra- vement défricher des territoires inconnus ou presque. Pourquoi voyons-nous des pu- blicités pour un traitement dont les béné- fices ne sont pas prouvés et dont les risques sanitaires sont réels ? Tout cela a commencé par la large approbation de la FDA, accor- dée au substitutif hormonal d’Abbott, An- drogel.»

Les autorités sanitaires américaines ont autorisé Abbott à vendre son produit com me traitement de l’hypogonadisme masculin (le fameux «Low T») sans spécifier en quoi con- sistait cette maladie chez l’homme âgé. (Ceci

reste à la discrétion des médecins). Si la FDA n’avait pas approuvé cet usage du médi- cament, cette campagne publicitaire serait quand même acceptable puisqu’elle ne fait pas directement la promotion du traitement.

Ces publicités sont considérées par la FDA comme promouvant la «recherche d’assis- tance» : elles décrivent une maladie ou un trouble, sans recommander l’usage d’un mé- dicament spécifique…

«Si Abbott cherche réellement à assister ceux qui en ont besoin – ces hommes âgés tapis dans l’ombre – la firme devrait plutôt acheter du temps d’antenne pour encoura- ger ceux qui n’en pincent plus pour les pa- niers avec leurs potes à participer au "T Trial", conclut le Dr Bowron. Ce qui nous permet- tra de savoir si, chez les hommes âgés, la thérapie hormonale tient de la bonne méde- cine ou tout simplement de la pensée ma- gique.» Sans aucun doute. Sauf à imaginer que la pensée magique puisse (parfois) avoir ses vertus thérapeutiques que la raison, par définition, ignore.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Il faut le voir pour commencer à y croire www.isitlowt.com/

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