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Intégration de la soutenabilité dans l'analyse coûts-bénéfices

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02598651

https://hal.inrae.fr/hal-02598651

Submitted on 16 May 2020

Lynda Aissani, M. Baudry, M.E. Mollaret

To cite this version:

Lynda Aissani, M. Baudry, M.E. Mollaret. Intégration de la soutenabilité dans l’analyse

coûts-bénéfices. [Rapport de recherche] irstea. 2013, pp.42. �hal-02598651�

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SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE MINISTERE DE L’INDUSTRIE, DE L’ENERGIE ET DE L’ECONOMIE NUMERIQUE

INTEGRATION DE LA NOTION DE SOUTENABILITE

DANS L’ANALYSE COÛTS-BENEFICES

Livrable 2 du projet Susbiowaste

JUIN 2013

Aissani Lynda ; Baudry Marc et Mollaret Marie-Emilie

(par ordre alphabétique)

Coordinateur Technique : Philippe Bajeat

Ademe Direction Déchets et Sols

20 avenue du Grésillé

BP90406

49000 Angers cedex 1

Pour mieux affirmer ses missions, le Cemagref devient Irstea

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L’ADEME en bref

L'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) est un établissement

public sous la tutelle conjointe du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du

Développement durable et de la Mer et du ministère de l’Enseignement Supérieur et de

la Recherche. Elle participe à la mise en œuvre des politiques publiques dans les

domaines de l'environnement, de l'énergie et du développement durable. L'agence met

ses capacités d'expertise et de conseil à disposition des entreprises, des collectivités

locales, des pouvoirs publics et du grand public et les aide à financer des projets dans

cinq domaines (la gestion des déchets, la préservation des sols, l'efficacité

énergétique et les énergies renouvelables, la qualité de l'air et la lutte contre le bruit) et

à progresser dans leurs démarches de développement durable.

www.ademe.fr

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toutefois, du respect des dispositions des articles L 122-10 à L 122-12 du même Code,

relatives à la reproduction par reprographie.

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Table des matières

Liste des sigles ... 7

Introduction ... 11

1 Soutenabilité forte versus faible de la croissance ... 13

1.1 La soutenabilité forte ... 13

1.2 La soutenabilité faible ... 14

2 La soutenabilité concept de choix social ... 15

2.1 Un bref aperçu historique de la littérature ... 15

2.2 Générations imbriquées et choix social ... 18

3 Soutenabilité et principe de compensation dans l’analyse des projets ... 23

3.1 La logique de compensation physique dans les projets ... 23

3.2 La logique de compensation monétaire dans les projets ... 25

4 Equité intergénérationnelle et ACB ... 27

4.1 Fondements théoriques de l’ACB ... 27

4.2 Prise en compte d’effets redistributifs dans un cadre intergénérationnel... 30

5 Synthèse... 35

Annexe A ... 36

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Liste des sigles

ACB = Analyse Coûts-Bénéfices

CAP = Consentement A Payer

CAR = Consentement A Recevoir

IDH = Indice de Développement Humain

NPV = Net Present Value (terme anglais pour VAN)

PNUD = Programme des nations Unies pour le Développement

PIB = Produit Intérieur Brut

PINae = Produit Intérieur Net ajusté de l’environnement

VAN = Valeur Actualisée Nette

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Résumé du projet

Tout nouveau projet de traitement de déchets municipaux se heurte à de nombreuses oppositions. Pourtant la France souhaite « se donner les moyens de diminuer au maximum ce gaspillage de ressources potentielles, en faisant de ses déchets une ressource » (MEEDM, 2009). Un doublement des capacités de valorisation biologique de la fraction organique des ordures ménagères est attendu d’ici 2015. Pour ce faire, l’amélioration de l’acceptabilité des décisions des collectivités doit passer notamment par une meilleure prise en compte de la valeur de l’environnement. Bien non marchand, celui-ci ne peut être monétarisé que par des méthodes économiques indirectes fondées sur les préférences révélées ou les préférences déclarées. Dès lors, nous nous proposons de traiter les questions suivantes :

- Comment donner une valeur monétaire aux impacts environnementaux des traitements biologiques ?

- Comment prendre en compte dans l’aide à la décision le critère de soutenabilité/durabilité lié aux bénéfices environnementaux retirés des traitements biologiques au regard de l’épuisement des ressources ?

La méthodologie employée se décline en deux étapes :

- Etat de l’art des méthodes existantes et employées pour la monétarisation des impacts environnementaux des procédés de traitement biologique des déchets ;

- Etat de l'art des moyens d’intégrer cette notion de durabilité dans un contexte d’aide à la décision de l’Analyse Coûts-Bénéfices (ACB).

L’état de l’art des méthodes de monétarisation pour les externalités liées aux déchets a montré une pluralité de méthodes existantes. L’hétérogénéité des méthodes, intra et surtout inter impacts soulève un problème de cohérence dès lors qu’un projet doit être évalué dans sa globalité. L’Etat de l’art des moyens d’intégrer la notion de durabilité en ACB a conduit à distinguer la durabilité forte et la durabilité faible. L’intégration de la durabilité forte passe par la prise en compte des coûts de compensation. L’intégration de la durabilité faible privilégie quant à elle une modification des taux d’actualisation mais il est mis en évidence qu’une prise en compte par modification des prix peut être au moins aussi pertinente.

Project abstract

Any new treatment project of municipal waste runs up against much opposition. But France would "provide the means to minimize the waste of potential resources, making waste into a resource" (MEEDM, 2009). Doubling capacity of the organic fraction of household waste biological recovery is expected by 2015. To do this, improving the acceptability of decisions involve a better recognition of the value of the environment. The environment is a non-market good and can be monetized by indirect economic methods based on revealed preferences or stated preferences. Therefore, we propose to address the following questions:

- How to give a monetary value to environmental impacts of waste biological treatment?

- How to take into account in the decision support the sustainability criterion related environmental benefits of waste biological treatments in terms of resource depletion?

The methodology is divided into two stages:

- State of the art of existing methods used for the monetization of environmental impacts of waste biological treatment;

- State of the art of how to integrate the concept of sustainability in the context of decision support for the Cost Benefit Analysis (CBA).

The state of the art methods for monetizing externalities associated with waste showed a plurality of existing methods. The heterogeneity of methods, intra and especially inter impacts raises an issue of consistency when a project must be assessed in its entirety. The state of the art of how to integrate the concept of sustainability in CBA led to distinguish strong sustainability and weak sustainability. The integration of strong sustainability involves taking into account costs of compensation. The integration of weak sustainability focuses on changing discount rates but it is evident that a consideration of price changes may be at least as relevant.

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Introduction

Le concept de développement soutenable est parfois dévoyé car considéré comme trop vague ou trop général. Ainsi en trouve-t-on aussi bien des approches éco-centrées, qui privilégient comme objectif le maintien des écosystèmes et des grands équilibres naturels quitte à ce que cela se fasse au détriment de l’Homme, que des approches anthropocentriques, qui mettent en avant un objectif de maintien du bien-être de l’espèce humaine. L’analyse économique dominante s’inscrit clairement dans la seconde approche et prend comme point de départ la définition donnée au concept par le rapport Bundtland de 1987 rédigé pour la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement de l’Organisation des Nations Unies : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre

la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». L’accent est donc clairement mis sur les

questions d’équité intergénérationnelle. La voie explorée par la plupart des économistes a alors été d’introduire ces questions d’équité intergénérationnelles dans l’analyse macroéconomique de la croissance. La littérature économique sur le sujet offre ainsi une certaine homogénéité qui tranche avec la vision polymorphe qui prévaut en dehors de la discipline économique. Chemin faisant, force est de reconnaître que les économistes ont rétréci, pour ne pas dire appauvri, le concept de développement soutenable. Tout d’abord, l’ancrage dans l’analyse macroéconomique usuelle de la croissance les a conduit à parler plus de croissance que de développement. La notion de croissance se réfère en effet au taux de croissance d’un indicateur de la richesse créée dans une économie, généralement le Produit Intérieur Brut (PIB). Même quand cet indicateur est étendu pour tenir compte des pressions exercées sur l’environnement et les ressources naturelles (comme le fait le Produit Intérieur Net ajusté de l’environnement, connu sous l’acronyme PINae), il ne prend pas en compte d’autres dimensions que la richesse créée. A l’inverse la notion de développement est multidimensionnelle et intègre, par exemple, la santé ou l’éducation. C’est dans cet esprit que le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) a créé en 1990 l’Indicateur de Développement Humain (IDH) dont la croissance telle que mesurée par le PIB n’est qu’une composante. Ensuite, l’accent mis sur l’équité intergénérationnelle a conduit les économistes à centrer leur analyse sur la dimension temporelle. L’analyse des inégalités intra-générationnelles est considérée comme un autre champ de l’analyse économique que celui de l’économie de l’environnement et des ressources naturelles qui traite de la question du développement soutenable. En ce sens, les économistes traitent plus de durabilité, concept exclusivement temporel, que de soutenabilité, concept plus multidimensionnel abordant autant les aspects intra-générationnels qu’intergénérationnels. Enfin, l’analyse de la croissance durable, terme à préférer à celui de développement soutenable pour présenter ce qu’en disent dans leur grande majorité les économistes, est intrinsèquement macroéconomique. Or, c’est bien souvent d’abord à une échelle microéconomique, celle des territoires ou des projets locaux, que l’on cherche à mettre en œuvre des politiques de croissance durable. Cet écart n’est pas sans poser problème pour évaluer les politiques publiques menées en la matière.

Les économistes à l’origine des recherches macroéconomiques sur la croissance durable ont longtemps considéré que l’introduction de cette dernière passait par deux canaux complémentaires. Le premier canal est celui de la prise en compte explicite d’un « capital naturel » mobilisé et souvent détruit de manière irréversible par l’acte de production. Le second canal est celui de l’application d’un taux de préférence pour le présent réduit, marquant ainsi une plus grande attention portée aux effets de long terme, donc aux générations futures. Il est tentant de penser que la transcription à une échelle microéconomique, notamment en Analyse Coûts-Bénéfices (ACB) des projets publics à l’échelle locale, consiste juste à estimer une valeur monétaire mais non marchande des biens environnementaux constitutifs du « capital naturel » et actualiser cette valeur à travers le temps à l’aide d’un taux volontairement bas. Or, les méthodes de monétarisation sont nombreuses et ne reposent pas toujours sur les mêmes hypothèses ou bien ne se réfèrent pas toujours au même concept de valeur non marchande (voir à ce sujet le premier livrable). De même la question du choix du taux d’actualisation adéquat semble bien souvent relever de l’arbitraire. S’il existe un certain nombre de travaux sur le choix de ce taux, ceux-ci peuvent paraître parfois contradictoires. De manière moins évidente mais tout aussi cruciale, un point fondamental est omis lors du passage d’une approche

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macroéconomique à une approche microéconomique. En effet, ce que démontrent les modèles macroéconomiques quels qu’ils soient, c’est que la prise en compte d’un critère de durabilité dans la trajectoire de croissance d’une économie de marché conduit inéluctablement à une modification de la trajectoire des prix des biens marchands et de la valeur implicite des biens non marchands. L’ACB d’un projet local doit-elle alors prendre en compte les prix et valeurs implicites supposés prévaloir en l’absence de politique de croissance durable à l’échelle macroéconomique ou bien les prix et valeurs implicites qui prévaudraient en présence d’une telle politique ? Ce choix a-t-il une incidence sur la règle d’actualisation pertinente ? C’est ce à quoi cherche à répondre ce travail.

Une première partie est consacrée à la discussion d’une distinction importante, au sein même de l’analyse économique, entre soutenabilité forte versus soutenabilité faible. Le lien est particulièrement fait avec le degré de complémentarité entre capital « construit » et capital « naturel ». Le terme de soutenabilité, généralement retenu dans la littérature, est conservé dans la suite de ce document même si, comme il a déjà été dit, celui de durabilité serait sans doute plus approprié. Une seconde partie s’intéresse plus en détail à l’analyse macroéconomique de la soutenabilité faible. Elle met en évidence que, à l’issue de plusieurs décennies de recherche, la littérature tend aujourd’hui à présenter la question de la soutenabilité de la croissance comme une question de choix social. Une incidence majeure soulignée dans cette partie est que la mise en œuvre de politiques de développement durable passe par la reconnaissance de droits des générations futures sur le capital naturel d’aujourd’hui ce qui, à son tour, modifie l’équilibre inter-temporel de l’économie. Les prix des différents biens s’en trouvent notamment modifiés sans que soit remise en cause l’efficience (mais seulement la nature équitable) de l’économie de marché. La troisième partie montre comment le lien de complémentarité entre capital « construit » et capital « naturel » qui sous-tend la distinction entre soutenabilité forte versus faible induit en analyse des projets à une échelle microéconomique une distinction entre compensation physique et compensation monétaire. La quatrième partie va plus loin dans la transcription des considérations macroéconomique aux projets microéconomiques. Après avoir rappelé les fondements théoriques microéconomiques de l’ACB, elle propose une discussion originale de la prise en compte des effets redistributifs dans un cadre intergénérationnel. Enfin, la cinquième et dernière partie dresse une synthèse et discute notamment de la nécessité ou non de modifier les prix des biens marchands de référence en ACB pour intégrer un critère de soutenabilité.

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1 Soutenabilité forte versus faible de la croissance

1.1 La soutenabilité forte

La déclinaison forte du concept de soutenabilité repose sur l’idée que le capital naturel est trop complexe et repose sur trop d’interdépendances identifiées ou insoupçonnées pour qu’il soit envisageable de lui substituer d’autres moyens de fournir les services éco-systémiques qu’il génère. Dès lors, tout en se plaçant dans une perspective anthropocentrique du développement durable, il ne s’avère possible de maintenir le bien être des générations futures qu’à condition de maintenir le niveau et la qualité actuels du capital naturel. La mesure de la soutenabilité forte s’appuie donc sur un ou plusieurs indicateurs de l’état physique du capital naturel. A supposer qu’un indicateur synthétique de l’état physique du capital naturel ait pu être correctement défini, son maintien est une condition nécessaire mais non suffisante pour parvenir à une croissance durable. En effet, à côté du capital naturel, un capital construit, artificiel, est également nécessaire à la satisfaction des besoins des différentes générations. La différence intrinsèque dans la dynamique des deux stocks de capital, combinée à leur parfaite complémentarité, sous-tend une vision de la croissance économique qu’il est relativement simple d’illustrer.

Figure 1 : Soutenabilité forte et parfaite complémentarité entre capital construit et capital naturel

Les tenants de la conception forte de la soutenabilité insistent également sur la nature irréversible de la destruction de capital naturel. Quitte à forcer le trait, on peut schématiser en postulant qu’il existe un état originel

S

max du capital naturel que l’homme peut au mieux préserver et qu’il détériore le plus souvent par son activité. L’irréversibilité empêche en revanche toute amélioration. La dynamique du stock de capital naturel obéit donc à une logique de dé-accumulation. A l’inverse, le capital construit peut par définition être accumulé grâce à l’activité humaine, éventuellement au prix d’une détérioration du capital naturel résultant de l’exploitation des ressources naturelles et de la pollution. La tension entre la logique de dé-accumulation de capital naturel et d’accumulation de capital construit n’est pas exclusive d’une phase de croissance de l’économie comme l’illustre la Figure 1. La parfaite complémentarité entre les deux types de capital implique qu’il existe un rapport d’utilisation efficiente entre la quantité

K

de capital construit et la quantité

S

de capital naturel. Les combinaisons de capital construit et capital naturel correspondant à ce rapport

(15)

d’utilisation efficient

θ

correspondent au rayon en pointillé. La faiblesse du niveau initial

K

0 de capital construit implique que la quantité

S

max de capital naturel est inutilement élevée et qu’elle peut être réduite sans affecter le niveau de production de la période courante. C’est ce qu’illustre la branche verticale de la courbe d’iso-production (isoquante) en trait fin. Exploiter le capital naturel en l’abaissant au niveau

θ

K

0 pour accroître le stock de capital construit est toutefois contreproductif. En effet, le niveau de production serait alors contingenté par le stock de capital naturel et ne pourrait pas augmenter. C’est ce qu’illustre la branche horizontale de l’isoquante en trait fin. Une croissance économique est faisable temporairement en cumulant du capital construit au prix d’une destruction partielle et mesurée de capital naturel. Cette phase de croissance s’achève lorsque le rapport d’utilisation efficiente est atteint. Au-delà de cette phase, le maintien du niveau de production et par suite de bien être ne peut se faire qu’en préservant le stock de capital naturel et en stoppant l’accumulation de capital construit. Cette situation, correspondant aux niveaux respectifs

S

LT et

K

LT pour le capital naturel et le capital construit, n’est pas sans rappeler l’état stationnaire de long terme de Ricardo dans son analyse de la rente différentielle. Elle repose, comme dans l’analyse de Ricardo, sur l’existence d’un facteur de production naturel essentiel (la terre chez Ricardo, le capital naturel ici) et d’un facteur de production parfaitement complémentaire (le travail chez Ricardo, le capital construit ici). En ce sens, la déclinaison forte de la soutenabilité est souvent perçue comme une lecture classique, plus spécifiquement Ricardienne, du concept de soutenabilité. Le niveau maximal de production, et par suite de bien être, qui peut être atteint à long terme est associé à l’isoquante en trait épais, plus haute que l’isoquante en trait fin représentant la situation initiale.

1.2 La soutenabilité faible

La déclinaison faible du concept de soutenabilité rejette l’idée d’une complémentarité parfaite entre capital naturel et capital construit et lui préfère celle d’une substituabilité imparfaite. Elle postule pour cela qu’il existe, indépendamment du progrès technique, différentes technologies caractérisées par des rapports d’utilisation efficiente des deux types de capital différents. L’accumulation de capital construit permet alors de compenser la dé-accumulation de capital naturel si elle s’accompagne d’un basculement vers une technologie caractérisée par un plus faible rapport

θ

d’utilisation efficiente des facteurs, donc une technologie moins intensive en capital naturel. Comme l’illustre la Figure 2, tout se passe alors « comme si » il existait à long terme une isoquante non pas en équerre mais à pente non nulle et non infinie quoique de plus en plus faible en valeur absolue. Cette dernière propriété renvoie à la nature imparfaite de la substitution entre les deux types de capital : moins il y a de capital naturel disponible, plus l’accroissement de capital construit doit être conséquente pour parvenir à compenser la perte d’une unité de capital naturel. Si l’éventail des technologies disponibles est suffisamment large, les combinaisons

S

t et

K

t de capital naturel et capital construit observées de date en date peuvent être toutes des combinaisons efficientes. C’est ce que suggère la Figure 2 où ces combinaisons sont systématiquement positionnées sur le rayon caractérisant la technologie utilisée à la date considérée.

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Figure 2 : Soutenabilité faible et substituabilité imparfaite à long terme entre capital construit et capital naturel

Les détracteurs de la déclinaison faible du concept de soutenabilité pointe le caractère irréaliste de substituer des machines à des arbres. Cette critique repose toutefois sur une interprétation étroite du concept de capital construit, réduit aux seuls actifs matériels. Une conception large du capital construit y inclut les actifs immatériels, notamment le savoir et les connaissances tacites qui se cumulent au cours du temps. Dès lors, on conçoit plus facilement que l’accumulation des connaissances permette d’optimiser l’utilisation des ressources et de maintenir un même niveau de production tout en sollicitant moins le capital naturel. Cette conception de la substituabilité entre les deux types de capital suggère en outre que le capital construit n’est pas nécessairement sujet à dépréciation, hypothèse que l’on retrouve dans certains des modèles de croissance néoclassiques qui ont conduit à une lecture en termes de choix social de la croissance soutenable.

2 La soutenabilité concept de choix social

2.1 Un bref aperçu historique de la littérature

Le rapport Meadows (Meadows 1972) et les recommandations du club de Rome pour une croissance zéro ont fait resurgir dans le dernier tiers du vingtième siècle les questionnements sur les limites que peut poser la disponibilité des ressources naturelles à la croissance. Ces interrogations étaient déjà présentes, quoique sous un angle différent, dans les travaux d’auteurs classiques tels que Malthus ou Ricardo mais avaient disparu de l’analyse néoclassique à quelques rares exception près (Jevons, 1865). S’il a été décrié par de nombreux économistes comme faisant l’impasse sur des mécanismes économiques fondamentaux, notamment le prix comme signal de la rareté et par suite le caractère erroné de prévisions fondées sur de « simples » extrapolations du passé, le rapport Meadows n’en a pas moins suscité l’émergence de l’économie de l’environnement et de l’économie des ressources naturelles. La littérature académique de l’époque a toutefois surtout cherché à remettre en cause les conclusions alarmistes du rapport Meadows. Cette littérature a posé implicitement ou explicitement quatre questions qui sont présentées dans qui suit selon un ordre respectant la chronologie.

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La première question a été de savoir si la soutenabilité faible de la croissance était faisable. Stiglitz (1974) a apporté de premiers éléments de réponse en introduisant explicitement une ressource naturelle épuisable dans un modèle de croissance « à la Solow ». Cette ressource naturelle joue le rôle du capital naturel discuté plus haut à ceci près que c’est le flux de ressource extrait à chaque date qui intervient dans le processus de production et non pas le stock. La quantité de ressource extraite est traitée comme une matière première essentielle à la production (c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de produire en s’en passant totalement) mais imparfaitement substituable par du capital construit. Le rôle du stock de capital naturel comme générateur de services éco-systémiques est ignoré. En outre, les droits de propriétés sur la ressource sont supposés parfaitement définis de sorte qu’il n’y a aucune défaillance de marché dans le modèle. La production fournit un bien agrégat qui peut ensuite être alloué soit à la consommation finale, soit à l’investissement en capital construit. Ce corps d’hypothèses a été repris par Hartwick (1977). Ces deux auteurs mobilisent la règle de Hotelling (1931) comme condition d’équilibre sur le marché des actifs. Rappelons que le raisonnement qui sous-tend la règle de Hotelling procède en trois temps. Tout d’abord, les ressources naturelles sont considérées comme un actif naturel susceptible, comme tout autre actif, de conserver voire créer de la valeur à travers le temps. Ensuite, il est supposé que les investisseurs arbitrent sans coût entre cet actif naturel et les autres actifs, il y a donc substituabilité parfaite entre actifs. Finalement, il ne peut y avoir équilibre sur le marché des actifs qu’à condition qu’aucun arbitrage ne puisse y être effectué. L’équilibre par absence de possibilité d’arbitrage implique que le prix de la ressource naturelle in

situ croît à un taux égal au taux de rendement sur les autres actifs, soit dans le modèle de Stiglitz (1972) et

Hartwick (1977) un taux égal à la productivité marginale du capital construit. En développant à partir des hypothèses précédentes un raisonnement formellement assez simple et en s’appuyant sur une représentation de type Cobb Douglas pour la technologie, Harwick (1977) a notamment démontré la règle qui porte désormais son nom. La règle de Hartwick stipule qu’il est possible de maintenir perpétuellement un niveau de consommation par tête non nul même si le stock de ressource naturelle est limité si deux conditions sont remplies. La première condition est que la rente tirée de l’exploitation de la ressource naturelle soit intégralement réinvestie en capital construit et qu’il n’y ait pas d’usure de ce dernier. La seconde condition est que les intérêts versés sur le capital construit excèdent la rente tirée de l’exploitation de la ressource. Moins connue que la première, la seconde condition assure que le niveau de consommation par tête maximum pouvant être maintenu à perpétuité est strictement positif. Harwick (1977) identifie ainsi les conditions de base pour qu’une croissance soutenable soit faisable.

La seconde question qui s’est posée a été de déterminer si une croissance soutenable pouvait relever d’une logique de rationalité individuelle. L’enjeu qui se profile en filigrane est de déterminer s’il faut ou non une intervention publique en faveur d’une croissance soutenable. En effet, si une réponse positive est apportée à la question de la rationalité individuelle de la croissance soutenable, alors il est inutile de chercher à mettre en œuvre des politiques publiques spécifiques. Si en revanche une réponse négative est apportée, alors il faut s’interroger sur le bienfondé et la forme adéquate de politiques visant à mettre en œuvre une croissance soutenable. La question de la rationalité individuelle d’une trajectoire de croissance a été abordée en endogénéisant le taux d’épargne dans le modèle de croissance à agent représentatif de Stiglitz (1974). Une telle démarche revient à intégrer dans un modèle de croissance optimale « à la Ramsey » une ressource naturelle de la même manière que cela a été fait avec le modèle de croissance « à la Solow ». Si l’agent représentatif effectue des choix inter-temporels de consommation et d’épargne vérifiant la règle de Hartwick,

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du capital naturel) en faisant tendre le taux d’impatience vers zéro. Une transcription directe en analyse coûts bénéfices des projets ayant trait à l’environnement consisterait donc à jouer, à la baisse, sur le taux d’actualisation pour prendre en compte des considérations de soutenabilité. Ce dernier point sera discuté plus en détail dans la suite de ce document. En se limitant pour l’instant à l’approche macroéconomique par les modèles de croissance, la principale critique que l’on peut formuler à l’encontre de cette recommandation tient à l’interprétation que l’on donne au taux d’impatience.

La troisième question qui s’est posée découle ainsi de la précédente. C’est celle de l’interprétation de la valeur à donner au taux d’impatience. Il est usuel en économie d’aborder les choix inter-temporels en postulant une préférence intrinsèque pour le présent. Une approche alternative, connue mais moins souvent utilisée en première analyse car soulevant des questions liées aux choix en univers risqué, consiste à supposer que les individus ont un taux de mortalité fixe de date en date. En notant

1

λ

ce taux de mortalité (

λ

est donc le taux de survie), cela signifie qu’un individu n’a qu’une probabilité

λ

de vivre à la date suivante. Si l’utilité inter-temporelle est additive et que

u

( )

c

t désigne le flux de satisfaction à la date

t

avec pour convention que ce flux s’annule en cas de mort, alors un individu maximisant son espérance d’utilité inter-temporelle maximisera l’expression

[ ]

=

( )

Ε

∞ =0 0 t t

c

u

U

λ

λ

t est la probabilité de survie à la date

t

calculée à partir de la date courante

t

=

0

. Cette expression est formellement identique à celle obtenue pour un individu ayant un taux de mortalité nul mais une préférence intrinsèque pour le présent de taux

ρ

tel que

λ

=

1

(

1

+

ρ

)

. Si l’on retient l’interprétation en termes de préférence intrinsèque pour le présent, le taux de préférence pour le présent

ρ

est un paramètre de préférence. Or, les préférences sont en principe une donnée pour l’économiste et il est difficile d’argumenter pour en faire un instrument de politique économique. En revanche, le choix d’un taux constant peut être discuté. C’est ce que tente un courant relativement récent de la littérature en examinant plus particulièrement le cas d’un taux de préférence pour le présent qui serait décroissant avec l’horizon temporel considéré (Laibson, 1997 ; Harris et Laibson 2001 ; Bernheim Skinner et Weinberg 2001 ; Dasgupta et Maskin 2005). Ce type de taux d’actualisation décroissant avec l’horizon temporel, connu dans la littérature sous le terme de taux d’actualisation hyperbolique, s’avère plus performant que le taux constant usuellement utilisé (désigné sous le nom de taux exponentiel) quand il s’agit d’expliquer les comportements observés. Le choix d’un taux de préférence pour le présent constant conserve toutefois des arguments théoriques solides. Il garantit notamment la cohérence temporelle des choix, à savoir le fait que l’individu classe de la même manière les profils de consommation aujourd’hui que par le passé ou dans le futur et n’est donc enclin ni à regretter ses choix passés ni à formuler pour l’avenir des choix sur lesquels il souhaitera revenir même en l’absence d’aléas sur la réalisation des profils de consommation (Hansen, 2006 ; Fudenberg et Levine 2006). Cette question de l’incohérence temporelle inhérente à un taux d’actualisation hyperbolique et de ses conséquences pour l’environnement a notamment été discutée par Winkler (2006) pour analyser l’échec relatif des politiques climatiques et par Di Corato (2012) pour les question d’exploitation forestière. Si l’on retient l’interprétation en termes de taux de mortalité, il n’est pas inimaginable qu’une politique publique puisse le faire baisser et qu’il soit donc en partie endogène, notamment lorsque les conditions environnementales affectent la santé de l’individu. Il est intéressant à cet égard de noter que c’est la façon dont l’IDH proposé dans le cadre du PNUD pour mesurer le développement d’un pays tient compte implicitement de l’environnement. Toutefois, il convient alors d’expliciter le lien entre la politique publique envisagée et le taux de mortalité. Une telle interaction entre longévité (ou de manière équivalente mortalité) et environnement a été analysée entre autres par Varvarigos (2008), Pautrel (2008 et 2009), Mariani Perez-Barahona et Raffin (2010) and Jouvet Pestieau Ponthière (2010). Ce n’est toutefois ni l’une ni l’autre de ces deux interprétations qui a été initialement invoquée pour justifier de modifier le taux de préférence pour le

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présent afin d’intégrer des considérations de soutenabilité faible de la croissance. La justification a en fait reposé sur une réinterprétation, sans doute abusive comme on cherchera à le montrer plus loin, du modèle de croissance à agent représentatif. En effet, un argument somme toute assez courant consiste à dire qu’il est équivalent de considérer que le modèle à agent représentatif est en fait un modèle à générations non imbriquées. Chaque génération vit une période et ne retire de satisfaction que de sa consommation à cette période. Le problème étudié devient alors celui de la maximisation par un planificateur bienveillant d’une fonction d’utilité sociale intergénérationnelle prenant la forme d’une somme pondérée des utilités de chaque génération. Si le poids retenu décroît de manière géométrique avec le rang de la génération, le problème du planificateur bienveillant est formellement identique à celui de l’agent représentatif discuté plus haut. Si en revanche le planificateur cherche à accorder autant d’importance aux générations futures qu’à la génération présente il aura tendance à faire tendre le poids de chaque génération vers un, ce qui revient à faire tendre le taux d’impatience

ρ

vers zéro. Le point faible de cette argumentation est que le traitement fondamentalement asymétrique des générations dans l’objectif supposé du planificateur bienveillant ne satisfait pas certaines des propriétés de base d’une fonction d’utilité sociale. Néanmoins, cette approche a posé les prémisses d’une modélisation en termes de générations imbriquées de la question de la soutenabilité faible de la croissance dont l’avantage majeur est de traiter de manière cohérente cette question en termes de choix social.

La quatrième question a été de déterminer dans quelle mesure la soutenabilité de la croissance constitue d’abord et avant tout un choix social. L’importance de cette question conduit à lui dédier la section spécifique qui suit.

2.2 Générations imbriquées et choix social

On doit à Howarth et Norgaard (1990) d’avoir formulé le premier modèle à générations imbriquées explicitant la question de la soutenabilité faible de la croissance comme une question de choix social. Howarth et Norgaard (1990) considère le modèle le plus simple possible pour y parvenir. Celui-ci ne comprend que deux générations vivant chacune deux périodes et ne coexistant que sur une période, sa dernière période de vie pour la première génération et sa première période de vie pour la seconde génération. Le modèle étant à horizon temporel fini, les problèmes d’inefficience dynamique sont évités et ne viennent pas perturber la démonstration de la soutenabilité faible comme problème de choix social. Le modèle de Howarth et Norgaard (1990) est un modèle d’échange pur, donc sans production. La version présentée ici est une version modifiée avec un secteur de production dont la présentation détaillée est fournie en Annexe 1 et dont l’intérêt est de s’inscrire plus explicitement dans la lignée des modèles présentés plus haut, notamment quant au rôle du capital naturel dans le processus de production. Dans cette version avec production, chaque génération offre son travail à sa première période de vie et ne peut consommer que grâce à son épargne à sa seconde période de vie. Chaque génération a le même taux de préférence intrinsèque pour le présent, ce qui la conduit à effectuer des arbitrages inter-temporels. Les échanges entre générations ont lieu à la seconde période du modèle. Ces échanges portent notamment sur le stock de capital construit et le stock de ressource naturelle. A l’inverse des modèles précédents qui ne fournissent que des prix implicites, les modèles à générations imbriquées ont comme avantage d’être des modèles d’équilibre général dont la

(20)

Figure 3 : Evolution de la satisfaction inter-temporelle des générations « a » et « b » en fonction de l’allocation initiale des droits sur la ressource naturelle (modèle

de l’Annexe A)

La principale originalité du modèle de Howarth et Norgaard (1990) est d’avoir introduit des droits de propriété de chaque génération sur le stock initial de ressource naturelle. Si la situation « naturelle » est celle où la première génération possède l’intégralité de la ressource aux dépends de la seconde génération, il est possible d’étudier comment se modifie l’équilibre général inter-temporel en répartissant différemment l’allocation des droits. Le fait de raisonner sur uniquement deux générations présente l’intérêt très pédagogique d’offrir un parallélisme fort avec la boite d’Edgeworth (Varian, 1995 ; Mas-Colell Whinston et Green, 1995). En effet, il n’y a dans le modèle aucune source de distorsion donc aucune défaillance de marché. Tous les différents équilibres inter-temporels générés en modifiant la répartition des droits de propriété sur la ressource sont donc des équilibres efficients au sens de Pareto. La Figure 3 illustre clairement que l’attribution de l’intégralité des droits sur la ressource naturelle avantage la première génération (génération « a ») par rapport à la seconde génération (génération « b »). Cette figure a été générée à partir du modèle présenté en Annexe A et avec le calibrage des paramètres donné à la fin de cette même annexe. En effet, avec cette allocation des droits correspondant à la droite de la Figure 3 (plus précisément à

θ

a

=

1

), l’utilité inter-temporelle de la génération « a » (notée en abrégé

U

a) excède nettement celle de la génération « b » (notée en abrégé

U

b) et la trajectoire de l’économie n’est clairement pas une trajectoire soutenable au sens de la soutenabilité faible. Ce déséquilibre entre les niveaux de bien être des deux générations est progressivement corrigé en allouant un peu plus de droits de propriétés sur la ressource naturelle à la génération « b ». La Figure 3 permet même d’identifier un niveau de la part

θ

a des droits alloués à la génération « a » en deçà de laquelle (et donc de la part

1

θ

a revenant à la génération « b » au-delà de laquelle) le bien être de la seconde génération vient à dépasser celui de la première génération. Toute allocation des droits correspondant à la gauche du point d’intersection des courbes indiquant l’évolution de l’utilité inter-temporelle de chaque génération en fonction de

θ

a est une allocation assurant la soutenabilité faible de l’économie. En effet, pour ces allocations, le bien être de la seconde génération est supérieur ou égal à celui de la première génération. La soutenabilité faible n’est donc pas une question d’efficience de la trajectoire suivie par l’économie mais une question de choix entre différentes trajectoires efficientes obtenues en jouant sur l’allocation des droits de propriétés sur la ressource naturelle. Or, choisir entre des équilibres efficients revient à faire un choix social. La soutenabilité faible est donc une question de choix social.

(21)

Figure 4 : Frontière des utilités possibles et choix social selon différentes fonction d’utilité sociale (modèle de l’Annexe A)

Pour pouvoir être réellement interprété comme un choix social, le choix entre différentes trajectoires Pareto-efficientes de l’économie doit toutefois être cohérent avec l’application d’une fonction d’utilité sociale. Une telle fonction vérifie certaines propriétés discutées notamment dans Mueller (2003) et au nombre de trois. La première est que l’utilité sociale est a priori croissante avec la satisfaction de chaque individu. Dans le cas de deux individus, ou pour notre problème de deux générations, il en résulte que graphiquement les courbes d’indifférence sociale sont décroissantes dans l’espace des niveaux de satisfaction individuels. La seconde est parfois désignée sous le terme de propriété d’anonymat ou d’impersonnalité. Elle stipule que seule compte la satisfaction obtenue par les individus, pas qui ils sont. Cette propriété implique une symétrie de la fonction d’utilité : que Pierre ait une satisfaction de 10 et Paul une satisfaction de 1 revient d’un point de vue social à la même chose que Pierre ait une satisfaction de 1 et Paul une satisfaction de 10. Graphiquement, cette seconde propriété se traduit par une symétrie des courbes d’indifférences sociales. Dans le cas de deux individus, cette symétrie se fait par rapport à la droite dite « de traitement égalitaire », c’est-à-dire la bissectrice du graphe dont les axes verticaux et horizontaux indiquent les niveaux de satisfaction atteints par chacun des deux individus. La propriété de symétrie demeure lorsqu’on considère deux générations à agents représentatifs, à condition que le poids démographique des deux générations soit identique. Il est intéressant à cet égard de noter que l’hypothèse d’une démographie stable est généralement postulée dans tous les modèles de croissance avec ressource naturelle, ce qui tranche avec les modèles sans ressource naturelle où un taux de croissance démographique positif est plutôt retenu. L’hypothèse d’une démographie stable vise en fait à éviter le piège Malthusien : une population ne peut pas croître à l’infini dans un monde de ressources disponibles en quantités finies. Les modèles ne vont toutefois pas jusqu’à endogénéiser la démographie pour intégrer cette contrainte et se limitent à la considérer comme a priori stable. Enfin, la troisième propriété de la fonction d’utilité sociale est celle d’aversion aux inégalités. Elle induit qu’à somme

(22)

(1990) et détaillé en Annexe A. Au lieu d’y représenter sur le même axe les niveaux de satisfaction atteints par les deux générations en faisant varier la répartition des droits de propriété sur la ressource naturelle, le niveau de satisfaction de la première génération est porté sur l’axe horizontal tandis que celui de la seconde génération l’est sur l’axe vertical. L’ensemble des combinaisons de satisfaction ainsi généré constitue la « frontière des utilités possibles ».

L’absence d’aversion aux inégalités entre générations revient à appliquer le critère de choix social de Bentham : le choix social optimal est obtenu en cherchant la courbe d’indifférence sociale linéaire et de pente égale à moins un qui est à la plus haute possible (maximisation de l’utilité sociale) tout en admettant au moins un point commun avec la « frontière des utilités possibles » (contrainte de faisabilité). Ce choix conduit à opter pour une répartition des droits et un équilibre économique nettement favorable à la première génération, même s’il l’est un peu moins qu’en affectant intégralement les droits à la première génération (extrémité de la frontière en bas à droite). Une aversion extrême aux inégalités entre générations revient quant à elle à appliquer le critère de choix social de Rawls : la courbe d’indifférence sociale en équerre avec un coude sur la bissectrice (traitement égalitaire des générations) la plus haute possible tout en admettant un point commun avec la « frontière des utilités » conduit à opter pour une allocation des droits sur la ressource naturelle et donc un équilibre de l’économie qui garantit exactement la même satisfaction inter-temporelle à chaque génération. Ce choix correspond au point d’intersection des deux courbes à la Figure 4. Il est intéressant de noter qu’il ne conduit pas à une allocation pour moitié des droits sur la ressource naturelle à chaque génération mais à une allocation légèrement supérieure à la seconde génération. Ceci est destiné à compenser une asymétrie intrinsèque entre les deux générations, la seconde devant nécessairement racheter du capital construit et éventuellement du capital naturel à la première génération. Tout critère intermédiaire en termes d’aversion aux inégalités à ceux de Bentham et Rawls conduit à une situation intermédiaire. Parallèlement, l’ensemble des équilibres économiques qui satisfont le critère de soutenabilité faible est constitué de l’ensemble des points de la « frontière des utilités » situés au-dessus de la droite de « traitement égalitaire ». C’est en effet uniquement pour ces équilibres que la seconde génération atteint un niveau de satisfaction au moins égal à celui de la première génération. On vérifie ainsi à l’aide de la Figure 4 que seul le critère de Rawls permet d’assurer une soutenabilité faible de la trajectoire de l’économie. Aucune autre fonction d’utilité sociale ne sous-tend un équilibre satisfaisant la soutenabilité faible, sauf à avoir une préférence sociale pour les inégalités biaisée en faveur de la seconde génération. Pour faire écho à la pratique consistant à équi-pondérer la satisfaction de chaque génération dans les modèles de croissance optimale à la Ramsey en faisant tendre le taux de préférence intrinsèque pour le présent vers zéro, donc consistant à appliquer un critère de Bentham, on constate qu’elle ne suffit clairement pas à assurer une soutenabilité faible de la croissance.

Le recours à une fonction d’utilité sociale pose la redoutable question de la comparabilité des niveaux de satisfaction individuels. Sans revenir sur toute l’axiomatique des choix sociaux, il peut être instructif dans une perspective d’application à la soutenabilité faible de la croissance de rappeler qu’une fonction d’utilité sociale peut être justifiée d’au moins trois manières différentes. Une première manière consiste à supposer qu’elle reflète les préférences d’un planificateur bienveillant. C’est précisément l’approche qui a été utilisée pour tenter d’introduire la notion de soutenabilité faible en faisant tendre le taux de préférence pour le présent vers zéro dans les modèles de croissance optimale. On voit toutefois que la symétrie de la fonction d’utilité sociale n’est pas satisfaite, sauf dans le cas limite où le taux de préférence pour le présent est nul. Si la théorie des choix publics a fortement remis en cause la pertinence de l’hypothèse d’une bienveillance des décideurs publics, elle a en revanche donné des fondements positifs à l’approche normative de la fonction d’utilité sociale. La théorie du vote probabiliste montre notamment comment une procédure de vote peut conduire des décideurs publics soucieux uniquement d’être élus ou réélus à effectuer des choix identiques à ceux obtenus avec une fonction d’utilité sociale (Sur ce point, voir Mueller 2003). C’est la seconde manière de justifier le recours à une fonction d’utilité sociale. Le problème fondamental de cette justification dans un modèle à générations imbriquées est que les différentes générations ne sont pas toutes présentes à chaque date. Une procédure de vote conduira donc inéluctablement à un traitement asymétrique des générations et

(23)

donc, très probablement, à une trajectoire non soutenable de l’économie. La troisième manière de justifier le recours à une fonction d’utilité sociale repose sur l’idée d’un voile d’ignorance originelle : incertaine sur la position qu’elle occupe dans la succession des générations, et notamment sur le fait qu’elle est la dernière ou pas, chaque génération équi-pondèrerait les différentes positions au sein de la succession de générations pour effectuer ses choix, ce qui revient à appliquer une fonction d’utilité sociale. Cette approche est toutefois incompatible avec l’hypothèse d’agents parfaitement informés sur la structure du modèle, donc sur leurs positions respectives, sur laquelle repose le modèle présenté ici, comme d’ailleurs la plupart des modèles à générations imbriquées. Une extension du modèle au cas d’une « fin des temps » incertaine (horizon temporel incertain) n’est toutefois pas inconcevable. On voit donc que l’application du concept d’utilité sociale à la sélection d’une trajectoire soutenable de l’économie dans le modèle basique présenté ici n’est pas sans soulever quelques difficultés plus ou moins délicates à surmonter. Pourtant, certaines politiques publiques visent bel et bien à tenir compte explicitement ou implicitement d’un droit des générations futures sur les ressources naturelles.

La manière la plus directe de faire valoir un droit des générations futures sur les ressources naturelles, ou plus généralement sur le capital naturel, est d’imposer un moratoire sur leur exploitation. L’exemple sans doute le plus emblématique est le moratoire sur l’exploitation des ressources du continent antarctique, même si on peut discuter du rôle exact des motivations environnementales par rapport à une logique d’équilibre des forces diplomatiques, voire militaires, et du rôle de la contrainte de rentabilité de l’exploitation au regard des conditions d’accès et d’exploitation très difficiles que présente ce continent. Aux Etats-Unis, la controverse sur le moratoire de l’exploitation pétrolière en Alaska illustre les tensions qu’il peut y avoir entre l’intérêt des générations présentes et celui des générations futures. De même, le moratoire sur l’exploitation pétrolière au sein du parc national Yasuni en Equateur, par ailleurs haut lieu de la biodiversité et du captage de carbone par la forêt, répond à une logique de double préservation de capital naturel. On peut également voir dans l’interdiction de la fracturation hydraulique pour extraire les gaz et huiles de schiste pratiquée en France et dans d’autres pays Européens, voire dans certains états des Etats-Unis, la mise en avant de l’intérêt des générations futures par rapport aux générations présentes : non seulement l’interdiction vise à préserver l’environnement local (notamment la ressource en eau) d’une éventuelle pollution aux effets irréversibles mais, en outre, elle amène à réserver la ressource fossile au profit des générations futures qui parviendraient à l’exploiter sans mettre en œuvre la fracturation hydraulique. A une échelle géographique plus restreinte mais aussi plus proche de tout un chacun, le statut des parcs naturels nationaux ou régionaux limite de fait l’exploitation des ressources naturelles qui s’y trouvent et favorise la préservation de leurs écosystèmes. L’idée est bien de soustraire un espace présentant un haut intérêt écologique de la menace exercée par une utilisation alternative aux effets destructeurs irréversibles. Il en va de même pour la trame verte et la trame bleue voulue par le Grenelle de l’environnement. D’une manière générale, toute nationalisation à titre conservatoire d’une ressource ou d’une aire géographique peut s’interpréter comme une politique allant dans le sens de la mise en œuvre directe d’une croissance répondant au critère de soutenabilité faible, si ce n’est au critère de soutenabilité forte.

Une manière plus indirecte de prendre en compte l’intérêt des générations futures repose sur les fonds souverains. En effet, l’important dans une logique de soutenabilité faible n’est pas de transférer un capital naturel intact mais de maintenir les capacités des générations futures à satisfaire leurs besoins. Dans cette perspective, il est envisageable de leur transmettre des moyens destinés à compenser une perte de capital

(24)

construit. Un point clé est que la taxation des ressources naturelles est non distortive et ne compromet donc pas l’efficience de l’équilibre obtenu après taxe. Un exemple bien connu de fonds répondant à une logique de soutenabilité faible grâce à un transfert intergénérationnel est le fonds souverain norvégien Government

Pension Fund Global abondé par les recettes de vente de gaz et pétrole du pays et destiné à accroître les

capacités financières futures de l’Etat, et non pas seulement garantir le paiement des retraites comme peut le laisser penser son nom. D’autres exemples bien connus sont le Reserve Fund for Future Generations du Koweit, et le fonds de la Abu Dhabi Investment Authority aux Emirats Arabes Unis, tous deux abondés par les recettes pétrolières et consacrés à des investissements de long terme. Tout fonds souverain n’est toutefois pas promoteur de soutenabilité faible. Il est impératif pour cela qu’il soit constitué à partir des recettes tirées de l’exploitation de ressources naturelles, ou d’une taxation de ces recettes. Inversement, toute taxation des rentes générées par l’exploitation des ressources naturelles ne répond pas automatiquement à une logique de soutenabilité faible. Il est en effet indispensable que les recettes servent aux générations futures et non pas prioritairement aux générations présentes, à travers des aides sociales généreuses par exemple. Un fonds souverain répondant à un objectif de promotion de la soutenabilité faible doit impérativement satisfaire ces deux critères : être abondé par des recettes issues de l’exploitation du capital naturel et être investi au bénéfice des générations futures. Il est à noter que, même si les fonds souverains mentionnés ci-dessus reposent tous sur un prélèvement de la rente tirée du gaz et des hydrocarbures, il est tout à fait envisageable de taxer la rente tirée d’autres composantes du capital naturel. Il serait ainsi envisageable de constituer un tel fonds en taxant une rente touristique dès lors que celle-ci est directement liée à un patrimoine naturel d’intérêt.

3 Soutenabilité et principe de compensation dans l’analyse des projets

3.1 La logique de compensation physique dans les projets

L’approche macroéconomique de la soutenabilité, qu’elle s’appuie sur un modèle de croissance optimale « à la Ramsey » ou sur un modèle à générations imbriquées, suppose que chaque génération détermine son profil de consommation finale et donc d’extraction de la ressource naturelle de manière optimale compte tenu des moyens dont elle dispose initialement. Or, ces moyens sont constitués des stocks de capital construit et de capital naturel. Il en résulte que, pour une allocation donnée des droits sur la ressource naturelle, le niveau de satisfaction inter-temporelle maximal que peut atteindre une génération ne dépend que des stocks de chacun des deux types de capital qu’elle a initialement à sa disposition. Même si cette éventualité n’est pas écartée a priori, notamment pour le capital naturel, les stocks n’influencent pas la satisfaction inter-temporelle maximale parce qu’ils sont consommés directement mais parce qu’ils affectent les conditions de production et par suite la capacité de chaque génération à satisfaire ses propres besoins. Quoiqu’il en soit, il est possible de définir une courbe d’indifférence entre combinaisons des deux types de capital. Partant de là, il est également possible de calquer, au moins en partie, la discussion menée plus haut sur le lien entre complémentarité ou substituabilité des facteurs de production et soutenabilité forte ou faible. La parfaite complémentarité en termes de préférences entre capital construit et capital naturel conduit alors à justifier un principe de compensation physique dans les projets d’investissement. La substituabilité même imparfaite sous-tend en revanche un principe de compensation monétaire.

Une parfaite complémentarité entre capital construit et capital naturel implique qu’il existe un rapport d’utilisation optimal entre les deux stocks. Disposer de plus d’un deux types de capital par rapport à ce rapport optimal n’apporte rien en terme d’accroissement de l’utilité inter-temporelle. Il est alors possible de représenter les courbes d’indifférence définies à partir du niveau d’utilité inter-temporelle comme fonction des deux types de capital sous une forme d’équerre admettant leur coude sur le rayon caractérisant le rapport optimal des deux stocks. Considérer un projet mobilisant, pour le détruire, du capital naturel et générant du capital construit n’a de sens que si le stock de capital construit disponible est en quantité sous

(25)

optimale par rapport au stock de capital naturel comme dans la situation initiale (point

I

) considérée à la Figure 5. Un projet de restauration écologique comme le projet

A

, mobilisant une quantité

K

A de capital construit qui viendra en soustraction du stock initial de ce capital pour accroître d’un montant

S

A le stock de capital naturel ne peut, seul, que réduire le niveau de satisfaction inter-temporelle de la génération qui le mettrait en œuvre, et potentiellement aussi celui des générations suivantes. De même, un projet d’investissement

B

qui mobiliserait en la détruisant une quantité

S

B de capital naturel pour accroître d’un montant

K

B la quantité disponible de capital construit n’améliorerait pas non plus, s’il était réalisé seul, le bien être de la génération qui le mettrait en œuvre. En effet, le projet

A

comme le projet

B

, s’ils étaient réalisés isolément, conduiraient sur une courbe d’indifférence plus basse que la courbe d’indifférence associée aux stocks initiaux

S

0 et

K

0 de capital naturel et de capital construit. En revanche, en combinant les projets

A

et

B

, la satisfaction inter-temporelle augmente même si la quantité de capital naturel baisse globalement par rapport à son niveau initial

S

0 (situation finale représentée par le point

F

à la Figure 5). C’est le principe de la compensation physique des conséquences environnementales du projet

A

par le projet de restauration environnementale

B

. Interprétée de cette manière, la compensation physique n’est que partielle au sens où elle n’impose pas de rétablir l’état initial du capital naturel mais uniquement de ne pas réduire le niveau de bien-être. La compensation physique n’est donc pas nécessairement synonyme de soutenabilité forte. Pour qu’elle le soit, il faudrait qu’elle impose de maintenir le capital naturel à son niveau initial tout en augmentant le capital construit. Un type de préférences qui peut sous-tendre ce principe de compensation physique totale est ce qu’on appelle les préférences lexicographique. Avec des préférences lexicographiques, les individus ont un ordre de priorité dans les biens : ils classeront par exemple des alternatives en fonction d’abord du stock de capital naturel et, en cas d’égalité, ils examineront les différences en termes de stock de capital construit pour classer les alternatives. Si leurs préférences vont en priorité au stock de capital naturel, alors il faudra effectivement appliquer une compensation physique totale pour que les individus envisagent un investissement en capital construit.

(26)

notre exemple, le projet

A

est un projet de restauration environnementale. Pour concilier compensation physique et irréversibilité des atteintes au capital naturel il faudrait modifier l’analyse de deux manières non exclusives. La première manière consiste à mener une analyse contrefactuelle, c’est-à-dire à examiner la perte de capital naturel qui aurait lieu en l’absence du projet de compensation et à évaluer son impact en comparaison avec cette perte. Il suffit alors que le projet de compensation ralentisse suffisamment la perte de capital naturel, grâce par exemple à un programme de préservation d’écosystème, pour qu’il apporte un gain net en capital naturel. La seconde manière de concilier principe de compensation physique et irréversibilité des atteintes au capital naturel et de considérer un projet de compensation sur le lieu même du projet portant atteinte à l’environnement. Si par exemple ce dernier affecte un écosystème déjà fragilisé et qu’un projet de conservation est mené pour compenser la perte d’une partie de cet écosystème due à l’investissement en capital construit, alors la combinaison des deux projets peut dégager un gain net en capital naturel. Cette compensation in situ ne correspond toutefois pas au principe de compensation tel qu’il est le plus généralement pratiqué. La pratique de la compensation correspond à une approche intermédiaire. En France, la Caisse des Dépôts et Consignations propose par exemple des projets de restauration ou de sauvegarde d’écosystèmes comparables à ceux affectés par les investissements en infrastructures. La sauvegarde ne se fait donc pas sur le site même de l’infrastructure, mais elle ne porte pas non plus sur des écosystèmes radicalement différents de celui affecté. Il n’en reste pas moins que les bénéficiaires des services éco-systémiques du site affecté par l’infrastructure peuvent être perdants nets. La compensation physique ne peut alors remporter l’adhésion de tous les acteurs, et notamment des perdants potentiels, que si elle se fait in situ.

3.2 La logique de compensation monétaire dans les projets

Dans le cas où un même niveau maximal de satisfaction inter-temporelle pour une génération peut être obtenu en substituant du capital construit au capital naturel, les courbes d’indifférences associées ne sont plus en forme d’équerre. S’il faut d’autant plus de capital construit pour compenser une unité de capital naturel en moins que le stock de capital initial de capital naturel est faible en comparaison du stock de capital construit, situation la plus couramment considérée, alors il n’y a que substituabilité imparfaite. Cela se traduit graphiquement par des courbes d’indifférence concaves, comme à la Figure 6. On peut alors définir deux mesures de compensation monétaire d’un changement dans le stock de capital naturel.

La première mesure, le consentement à payer (

CAP

), est la baisse en valeur de capital construit à la laquelle les individus consentent au maximum pour bénéficier d’un accroissement

S

donné du stock initial de capital naturel. Pour le déterminer, on part de la situation initiale avec les stocks

S

0 et

K

0 de capital naturel et de capital construit. La courbe d’indifférence associée est représentée en trait continu à la Figure 6. L’accroissement seul de

S

du stock initial de capital naturel induirait une hausse de la satisfaction inter-temporelle représentée sur la Figure 6 par un glissement à la verticale vers la courbe d’indifférence en pointillés associée aux stocks

S

0

=

S

0

+

S

et

K

0 de capital naturel et de capital construit. Afin de déterminer le

CAP

, on cherche dans un premier temps la baisse de capital construit qui ramènerait à la même satisfaction inter-temporelle qu’avant hausse du capital naturel. On glisse ainsi à l’horizontale vers la gauche jusqu’à revenir sur la courbe d’indifférence en trait continu. La baisse de capital en unités physiques obtenue en abscisse est une mesure en volume du

CAP

. Pour obtenir un

CAP

en unité monétaire il suffit dans un second temps de multiplier par le prix initial

r

0 du capital construit.

La seconde mesure, le consentement à recevoir (

CAR

), est la hausse en valeur de capital construit qu’exigent au minimum les individus pour accepter une réduction

S

donnée du stock initial de capital naturel. Afin de comparer au

CAP

, il est commode de considérer les stocks initiaux

S

0 et

K

0 de capital

(27)

naturel et de capital construit et une baisse

S

du stock de capital naturel identique à la hausse considérée pour illustrer la mesure du

CAP

. On part donc du niveau de satisfaction inter-temporelle correspondant à la courbe d’indifférence en pointillé. La baisse

S

du stock de capital naturel seule provoque un glissement à la verticale vers la courbe d’indifférence en trait continu. Afin de mesurer le

CAR

, on cherche dans un premier temps la hausse de capital construit qui ramènerait à la même satisfaction inter-temporelle qu’avant baisse du capital naturel. On glisse ainsi à l’horizontale vers la droite jusqu’à revenir sur la courbe d’indifférence en pointillés. La hausse de capital en unités physiques obtenue en abscisse est une mesure en volume du

CAR

. Pour obtenir un

CAR

en unité monétaire il suffit dans un second temps de multiplier par le prix initial

r

0 du capital construit.

Figure 6 : Le principe de compensation monétaire en présence d’une substituabilité imparfaite entre capital naturel et capital construit

Selon la présentation retenue ici, le consentement à payer s’appliquerait à l’évaluation des gains non marchands résultant d’une amélioration du capital naturel. A l’inverse, le consentement à payer s’appliquerait à l’évaluation des coûts non marchands résultant d’une détérioration du capital naturel. La Figure 6, volontairement construite pour comparer les

CAP

et

CAR

d’une même variation du stock de capital naturel entre les mêmes niveaux de référence pour le capital naturel et le même niveau initial de capital construit, met en évidence que le

CAR

est supérieur au

CAP

. On peut démontrer que ce résultat est systématique dès lors que les courbes d’indifférence sont concaves, c’est-à-dire qu’il y a substituabilité imparfaite entre les deux types de capital.

Figure

Figure 1 : Soutenabilité forte et parfaite complémentarité entre capital construit et  capital naturel
Figure 2 : Soutenabilité faible et substituabilité imparfaite à long terme entre capital  construit et capital naturel
Figure 3 : Evolution de la satisfaction inter-temporelle des générations « a » et
Figure 4 : Frontière des utilités possibles et choix social selon différentes fonction  d’utilité sociale (modèle de l’Annexe A)
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