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Article pp.273-283 du Vol.23 n°2 (2003)

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SCIENCES DES ALIMENTS, 23(2003) 273-283

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

ARTICLE ORIGINAL ORIGINAL PAPER

Croissance de cultures de Lactobacillus et de Bifidobacterium dans un jus de légumes et viabilité au cours de l’entreposage dans le jus

de légumes fermenté

T. Savard, N. Gardner, C.-P. Champagne11

SUMMARY

Growth of Lactobacillus and Bifidobacterium cultures in a vegetable juice medium, andtheir stability during storage in a fermented vegeta- ble juice.

The growth of cultures of lactobacilli (Lactobacillus casei, Lb. acidophilus, Lb.

reuteri, Lb. rhamnosus, Lb. brevis) and bifidobacteria (Bifidobacterium breve, Bf. bifidum) in a vegetable juice medium (VJM) was studied. The stability of the cultures in a fermented vegetable juice during storage at 4°C was also examined. All cultures grew in the VJM, which suggests that this substrate is appropriate for the propagation of thermophilic lactic starters. The maximum growth rate (µmax) was observed in the first 3 h of incubation and, in most cases, growth continued after 24 h of incubation at 37°C. There was no cor- relation between µmax and the maximum optical density (ODmax) values obtained. There was a viability loss of less than one log in most cultures incu- bated for 30 days at 4°C in a fermented vegetable juice (pH 3.65). However, high mortalities occurred upon subsequent storage. The viable populations remained significantly higher during storage when the pH of the fermented vegetable juice was adjusted to 6.5 at the beginning of incubation. This sug- gests that pH is a limiting parameter for the introduction, in fermented vege- table products, of viable cultures having potential probiotic properties.

Key-words:

probiotics; fermentation; lactobacilli; bifidobacteria; storage.

1.

Centre de recherche et de développement sur les aliments (CRDA) – Agriculture et Agroalimentaire Canada – 3600, boulevard Casavant-Ouest – Saint-Hyacinthe (Québec) J2S 8E3 – Canada 1. Correspondance : Claude P. Champagne

Téléphone : (450) 773-1105 Télécopieur : (450) 773-8461

C-électronique : champagnec@agr.gc.ca 7-Savard, ...(273-283) Page 273 Mercredi, 11. juin 2003 12:58 12

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RÉSUMÉ

La croissance de lactobacilles (Lactobacillus casei, Lb. acidophilus, Lb. reuteri, Lb. rhamnosus, Lb. brevis) et de bifidobactéries (Bifidobacterium breve, Bf. bifidum) dans un jus de légumes (JL), ainsi que leur stabilité au cours de l’entreposage sur jus de légumes fermenté (JLF), furent étudiées.

Toutes les cultures testées se sont multipliées sur JL, ce qui suggère que ce substrat est approprié à la propagation de cultures lactiques thermophiles.

Le taux de croissance maximal (µmax) s’observa au cours des 3 premières heures d’incubation et, dans la plupart des cas, la croissance n’était pas ter- minée après 24 h d’incubation à 37 °C. Il n’y a aucune corrélation entre µmax et la densité optique maximale (DOmax) atteinte. Durant les 30 premiers jours d’entreposage à 4 °C dans un jus de légumes fermenté (JLF) à pH 3,65, la plupart des souches ont perdu moins d’un log de population. Toutefois, de fortes mortalités furent observées par la suite. Lorsque le pH du JLF était ajusté à 6,5 au début de l’entreposage, la plupart des souches étudiées démontrèrent des comptes viables significativement plus élevés que dans le milieu acide après 30 j d’incubation. Ceci indique que le pH est un facteur limitant à l’incorporation de souches potentiellement probiotiques dans les jus de légumes fermentés.

Mots clés :

probiotique ; jus de légumes ; fermentation ; lactobacilles ; bifidobactéries.

1 – INTRODUCTION

Il y a un intérêt grandissant envers les produits fermentés (laits, viandes et légumes) et celui-ci est partiellement associé à la présence de bactéries viables procurant des effets bénéfiques sur la santé (FULLER, 1992). Certaines bacté- ries des genres Lactobacillus et Bifidobacterium sont d’ailleurs considérées comme étant « probiotiques » (FULLER, 1992). Les probiotiques sont des microorganismes qui, employés en nombre suffisant, confèrent un effet physio- logique bénéfique à l’hôte. Certains aliments, comme les laits fermentés, gagnent en popularité en raison de leur contenu en probiotiques. Il y a donc un intérêt marqué chez les consommateurs pour des aliments qui ont des bénéfi- ces reconnus sur la santé (aliments fonctionnels).

Bien que l’on retrouve de plus en plus de laits fermentés et de yoghourts contenant des bactéries probiotiques, il n’existe pas sur le marché actuel de légumes ou de jus de légumes fermentés contenant de telles cultures. Le déve- loppement de ces nouveaux produits présente divers défis technologiques.

D’une part, il n’y a pas de données dans la littérature sur l’aptitude comparée de bifidobactéries et de lactobacilles probiotiques à se développer dans des substrats à base de jus de carotte. Un premier objectif de ce travail est d’obte- nir de telles données afin de déterminer si des milieux à base de légumes pour- raient servir à la production des cultures en soi. Ces cultures seraient subséquemment ajoutées aux légumes, fermentés ou non. D’autre part, un

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second défi à la préparation de légumes fermentés contenant des probiotiques constitue la stabilité des bactéries lors de l’entreposage. Le pH des jus de légu- mes fermentés est inférieur à celui des laits fermentés. Or, les conditions acides entraînent une grande mortalité des bactéries probiotiques faiblement acido- résistantes lors de l’entreposage (GILLILAND et LARA, 1988 ; KLAVER et al., 1990 ; SHAH et al., 1995 ; SPECK et al., 1993). De plus, les légumes peuvent contenir des agents antimicrobiens ; le méthyle méthanethiosulfinate du chou en constituant un exemple (KYUNG et FLEMING, 1994). Les bactériocines, le peroxyde d’hydrogène, le diacétyle et les acides organiques issus de la fermen- tation lactique (FLEMING et al., 1985 ; HUBERT et DUPUY, 1994 ; KLAENHAM- MER, 1988) s’ajoutent aux facteurs potentiellement toxiques pour des cultures bactériennes probiotiques lors de l’entreposage. Plusieurs études ont porté sur la stabilité des cultures lactiques dans les laits fermentés, mais aucune informa- tion n’est retrouvée sur la viabilité de cultures probiotiques dans des jus de légumes fermentés au cours de leur entreposage.

Dans un autre ordre d’idées, des millions de litres de jus acide provenant des usines de choucroute européennes sont jetés chaque année dans les effluents. Une fraction de ces jus de légumes fermentés sont conditionnés et vendus sous forme liquide. L’ajout de cultures probiotiques à ces jus leur con- férerait une valeur ajoutée.

Dans cette étude, nous avons étudié l’aptitude de cultures lactiques à caractère probiotique à croître dans un mélange de jus de légumes afin d’éva- luer la possibilité de produire les souches sur ce milieu, et évalué leur stabilité, au cours d’un entreposage à 4 °C, dans un cocktail de jus de légumes ayant subi une fermentation lactique.

2 – MATÉRIEL ET MÉTHODES

2.1 Micro-organismes

Les souches utilisées au cours de cette étude sont présentées au tableau 1.

Elles sont lyophilisées et entreposées à 4 °C. Au besoin, elles sont réhydratées 10 min à 23 °C dans le milieu PTE composé de peptone 15 g.L-1 (Difco, Détroit, USA), tryptone 10 g.L-1 (Difco, Détroit, USA) et extrait de viande 5 g.L-1 (Oxoid, Hampshire, UK) en ajoutant 4 mL de milieu à 1 g de poudre de culture. Les sus- pensions bactériennes ainsi réhydratées servent à inoculer un bouillon MRS (BDH, Montréal, QC, Canada). Les cultures pures sont incubées à 30 ou 37 °C (tableau 1) pendant 16 h, en aérobiose pour les lactobacilles et en anaérobiose pour les bifidobactéries.

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Tableau 1

Cultures bactériennes utilisées Table 1

Bacterial cultures used

2.2 Préparation du jus de légumes et croissance des cultures Tous les légumes ont été fournis par Bio Lacto (Compton, QC, Canada). Des carottes, des choux et des oignons biologiques, certifiés OCIA (Organic Crop International Association), servent à l’élaboration du milieu jus de légumes (JL) destiné à l’évaluation des aptitudes de croissance. Les légumes, après avoir été rincés avec de l’eau froide, sont placés individuellement dans un extracteur à jus (Santos) puis centrifugés à 3 000 g/15 min pour séparer la pulpe du jus. Le milieu JL contient 61 % de jus de carottes, 12 % de jus de choux, 3 % de jus d’oignons et 24 % d’eau salée (20 g.L-1 de NaCl), ce qui donne environ 5 g.L-1 de NaCl dans le mélange. Ce milieu JL est clarifié par une seconde centrifuga- tion à 8 000 g/15 min, chauffé à 110 °C/10 min, filtré avec des membranes Milli- pore 0,8 µm (Milford, MS, USA) et congelé à – 20 °C pour son utilisation ultérieure. Le JL contient 1,7 % de fructose, 1,5 % de glucose, 1 % de sucrose, et a un pH de 6,34. Les aptitudes de croissance des diverses souches sont évaluées par spectrophotométrie automatisée à l’aide de l’appareil BioscreenTM (Labsystems, Helsinki, Finlande). Le JL est dilué avec de l’eau Millipore stérile (1:10) afin d’augmenter sa limpidité et de conserver la croissance dans la zone de linéarité de la biomasse en densité optique, soit des valeurs inférieures à 1,0.

Une telle approche de dilution du milieu s’est avérée efficace pour distinguer les taux de croissance et les biomasses maximales pouvant être atteintes dans un milieu, lors d’essais de spectrophotométrie automatisée en microplaques (POTVIN et al., 1997) tout en présentant des caractéristiques de milieu minimal.

Le milieu est distribué dans des microplaques (100 puits) et inoculé avec cha- que souche (pré-culture sur MRS âgée de 16 h) à raison de 1 % (vol/vol). Les plaques sont incubées à 37 °C pendant 24 h et la densité optique à 590 nm est

Souches Identification Sourcea Température de

croissance Lactobacillus acidophilus

Lactobacillus acidophilus Lactobacillus casei Lactobacillus rhamnosus Lactobacillus brevis Lactobacillus reuteri Lactobacillus rhamnosus Bifidobacterium bifidum Bifidobacterium breve

EQ 57 BK1 BK2 GG

Flora Pan L-62 LB 007 RO 11 BL 1000 ATCC 15700

Lallemand

Isolée de produit BioK+ Isolée de produit BioK+ ATCC 53103

Chr. Hansen’s CRDA Lallemand CRDA ATCC

37 °C 37 °C 37 °C 37 °C 30 °C 37 °C 30 °C 37 °C 37 °C

aATCC : American Type Culture Collection, Rockville, Maryland ; BioK+ : Laval, QC, Canada ; Chr.

Hansen’s : Horsholm, Denmark ; CRDA : St-Hyacinthe, QC, Canada ; Lallemand : Rosell, Montréal, QC, Canada.

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mesurée à toutes les 15 min suite à une pré-agitation d’une minute des micro- plaques au réglage « faible ». Chaque traitement est effectué en quadruple, et ce pour chacun des deux essais indépendamment menés et les analyses statis- tiques ont été réalisés à l’aide du logiciel Instat version 3.0 (GraphPad Software, San Diego, CA).

2.3 Préparation du jus de légumes fermenté (JLF)

Pour évaluer la survie de souches probiotiques à l’entreposage dans des jus de légumes fermentés, nous avons utilisé des jus de carottes, choux verts, choux rouges, betteraves et oignons au miso de source commerciale provenant de Bio Lacto Enr. Les cinq jus sont mélangés en proportions égales (vol/vol). Le mélange de jus fermenté (JLF-A) a un pH de 3,65. Le mélange est stérilisé par filtration sur membrane 0,45 µm afin d’en retirer le moût de fermentation. Il contient 0,5 g.L-1 de glucose, alors que sa concentration en acides acétique et lactique correspondait à 5,6 et 9,2 g.L-1 respectivement. Un lot de ce jus est neutralisé (JLF-N) à pH 6,5 avec du NaOH 5N avant d’être filtré. Des portions de 30 mL de chaque jus sont inoculées avec 10 % des souches lactiques ayant des populations de 109 UFC.mL-1. Ces jus sont entreposés à 4 °C durant 90 jours et des échantillons de 1 mL sont prélevés pour les dénombrements sur MRS (pH 5,6) suite à une incubation à 30 ou 37 °C pendant 48 h selon les sou- ches (tableau 1). La dilution des échantillons s’effectue dans de l’eau peptonée (1 g.L-1) stérile. Chaque souche est ensemencée en duplicata sur chacun des JLF, et deux essais indépendants sont menés.

2.4 Analyses HPLC

La centrifugation des échantillons provenant des milieux de culture ou de fermentation s’effectue à 3 000 g pendant 20 min pour retirer les cellules, et le surnageant est ensuite filtré sur membranes micro-poreuses de 0,45 µ (Filtres HVLP, Millipore, Milford, MS, USA). Le dosage des sucres et des acides est réalisé par HPLC selon la méthode de DOYON et al. (1991) après injection à l’aide d’un échantillonneur automatique 717 de Waters (Mississauga, ON, Canada) sur une colonne Aminex HP × 87H (300 × 7,8 mm) de BioRad (Missis- sauga, ON, Canada) maintenue à 40 °C et couplée à une pré-colonne de garde.

L’éluant est composé d’acide sulfurique 0,008N (Baker, Toronto, ON, Canada) et son débit maintenu à 0,4 mL.min-1. Les composés sont détectés par un moniteur d’indice de réfraction 410 de Waters maintenu à 40 °C. Les solutions étalon (glucose, fructose, sucrose ainsi que les acides lactique et acétique) sont des standards de haute pureté analytique de Sigma Chemical Co. (St-Louis, MO, USA).

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3 – RÉSULTATS ET DISCUSSION

3.1 Aptitudes de croissance dans le JL

Toutes les cultures étudiées se sont multipliées sur JL (figure 1), ce qui révèle que ce substrat est approprié à la propagation de cultures lactiques ther- mophiles. L’absence de phase de latence dans les courbes de croissance sug- gère que la pré-culture sur MRS rend les cellules aptes à croître immédiatement dans le jus de légumes. La richesse du milieu végétal qui contient plusieurs nutriments essentiels ainsi que trois sucres, le sucrose, le glucose et le fructose (FLEMING et al., 1985 ; HUBERT et DUPUY, 1994) ont probablement contribué à une croissance immédiate. Il est bien connu que les légumes offrent un bon support aux bactéries lactiques mésophiles comme Lb. plantarum et Leuconos- toc mesenteroïdes. Ce travail constitue toutefois la première démonstration de croissance d’un si large éventail de cultures thermophiles sur ce substrat.

Figure 1

Croissance de neuf cultures de lactobacilles et de bifidobactéries sur le milieu jus de légumes (JL). Lectures effectuées sur BioscreenTM (590 nm) pendant 24 h.

Moyenne de deux essais en quadruple.

Growth of nine cultures of lactobacilli or bifidobacteria on a vegetable juice medium.

Data are from automated spectrophotometry (Bioscreen™) at 590 nm. Values are the average of two independent assays, each conducted in quadruple.

Le taux de croissance maximal (µmax) s’observe au cours des 3 premières heu- res d’incubation, et les valeurs apparaissent au tableau 2. Dans la plupart des cas, la croissance n’était pas terminée après 24 h d’incubation, et les densités optiques obtenues à ce moment (DOmax) sont également présentées au tableau 2. Rappe- lons que, pour distinguer le potentiel de croissance des bactéries dans le JL, les

Densité optique (590 nm)

Temps (heures)

0 10 20 30

0,55 0,50 0,45 0,40 0,35 0,30 0,25 0,20 0,15 0,10

Lb. acidophilus EQ57 Lb. acidophilus BK1 Lb. casei BK2 Lb. rhamnosus GG Lb. brevis L-62

Lb. reuteri LB007 Lb. rhamnosus RO11 Bif. bifidum BL1000 Bif. breve ATCC15700

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milieux étaient dilués par un facteur de 10 afin de garder les biomasses à des den- sités optiques inférieures à 1,0. Il faudrait donc s’attendre à des biomasses propor- tionnellement plus élevées dans le JL non dilué. Aucune corrélation ne fut obtenue entre µmax et DOmax (R2 = 0,01). Puisque µmax a lieu au début de la phase de crois- sance, ceci suggère que des facteurs stimulants mais non-essentiels à la crois- sance sont initialement présents, mais s’épuisent rapidement. Reste à déterminer si ces facteurs stimulants proviennent du JL en soi, ou de traces de composantes du MRS issues de l’inoculum quoiqu’épuisé en grande partie lors de la croissance de 16 h en pré-culture.

Tableau 2

Caractéristiques de croissance des souches lactiques sur le milieu jus de légumes (JL) Table 2

Growth characteristics of the lactic cultures on the vegetable juice medium

Les bifidobactéries sont des organismes fastidieux, mais le milieu JL sem- ble bien adapté à leurs besoins. Les bifidobactéries préfèrent des conditions anaérobies alors que l’appareil utilisé ne permet pas de créer une telle atmos- phère. La croissance de ces bactéries pourrait donc être permise par la pré- sence de molécules réductrices (KLAVER et al., 1990) ainsi qu’à la présence de facteurs bifidogènes essentiels à la croissance des bifidobactéries (MODLER et al., 1990 ; ROMOND et ROMOND, 1994). Il a été démontré que plusieurs végétaux supportent et stimulent la croissance des bifidobactéries (MODLER, 1994), et le milieu JL s’ajoute donc à cette liste.

Que ce soit pour les lactobacilles ou les bifidobactéries, le milieu JL consti- tue un bon substrat de production des cultures probiotiques non seulement pour ses propriétés intrinsèques mais aussi par le fait que son utilisation en pro- duction de biomasse évitera l’incorporation d’ingrédients non-végétaux dans les légumes et jus de légumes fermentés.

3.2 Viabilité des souches dans le JLF-A et JLF-N

Des essais préliminaires avaient démontré que les probiotiques ne se dévelop- pent pas à 19 °C, qui est la température de production des légumes fermentés.

Souches probiotiques Taux de croissance max)

Biomasse maximale (D.O. max) Lactobacillus acidophilus EQ57

Lactobacillus acidophilus BK1 Lactobacillus casei BK2 Lactobacillus rhamnosus GG Lactobacillus brevis L-62 Lactobacillus reuteri LB 007 Lactobacillus rhamnosus RO 11 Bifidobacterium bifidum BL 1000 Bifidobacterium breve 15700

0,247 0,213 0,223 0,212 0,245 0,241 0,228 0,272 0,170

0,349 0,347 0,380 0,526 0,325 0,328 0,480 0,474 0,340 7-Savard, ...(273-283) Page 279 Mercredi, 11. juin 2003 12:58 12

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Le producteur ne peut donc pas compter sur la fermentation lactique pour assurer le développement des probiotiques. Ceux-ci doivent conséquemment être prépa- rés séparément, comme il fut réalisé sur JL dans le cadre de ces travaux qui ont fait l’objet de la première partie. Une fois les cultures probiotiques ajoutées aux légu- mes fermentés, la question de leur stabilité lors de l’entreposage se pose.

Les résultats de survie des souches dans le JLF-A (pH 3,65) et dans le JLF- N (pH 6,5) apparaissent à la figure 2. La plupart des souches perdent moins d’un log de population durant les 30 premiers jours d’entreposage à 4 °C en milieu acide (JLF-A). Toutefois, de fortes mortalités s’observent par la suite.

Puisqu’aucune donnée n’est retrouvée sur la survie des cultures thermophiles dans les légumes fermentés, il a été tenté de comparer ces données avec celles de survie de cultures lactiques en milieu laitier. Dans le yogourt, qui a un pH entre 4,1 et 4,7, les bactéries lactiques perdent généralement moins d’un log en 30 jours à 4 °C (DAVE et SHAH, 1997 ; MICANEL et al., 1997 ; RYBKA et KAILASAPATHY, 1995). Toutefois, la capacité à survivre varie selon les souches et la littérature révèle que certaines cultures perdent deux log en viabilité en 30 jours d’entreposage (ROHM et al., 1990 ; SHAH et al., 1995). Les taux de mortalité notés en JLF-A se comparent donc à ceux observés dans les laits fer- mentés. La mortalité après 30 jours semble toutefois plus marquée en JLF-A que dans les laits fermentés (ROHM et al., 1990). Ceci est vraisemblablement associé à l’environnement plus acide (pH < 4,0) du JLF-A. Des variations de taux de mortalité dues à la souche étant bien documentées dans la littérature, les comparaisons sont cependant hasardeuses. Lactobacillus rhamnosus GG nous offre toutefois une certaine base de comparaison. Dans les laits fermen- tés, cette souche ne perd pas de viabilité en 28 jours d’entreposage (NIGHSWONGER et al., 1996). Sa survie en JLF-A est également élevée au cours du premier mois (figure 2). Lactobacillus rhamnosus GG possède déjà une forte réputation probiotique (FULLER, 1992), en partie associée à une bonne résistance à l’acidité gastrique ainsi qu’aux sels biliaires du duodénum (SAVAGE, 1977 ; SEPP et al., 1993 ; SIITONEN et al., 1990). Sa survie durant les 30 premiers jours d’entreposage dans le JLF-A ferait de cette souche un bon choix pour conférer une valeur probiotique aux légumes fermentés.

Lactobacillus brevis L-62 a montré un compte supérieur à 103 UFC/mL après 90 jours d’entreposage à 4 °C. Ce résultat est en accord avec les données de la littérature qui qualifient Lb. brevis comme acteur final de la fermentation de la choucroute prenant la relève suite à l’inhibition par le pH acide de Lb. plantarum (HUBERT et DUPUY, 1994). Cette espèce semble donc particulièrement adap- tée à l’environnement du légume acidifié.

Afin de vérifier si l’acidité du JLF-A en soi était le facteur déterminant de la viabilité des souches, nous avons testé les mêmes cultures dans un milieu neu- tralisé, le JLF-N (pH 6,5) pendant 30 jours. Pour la plupart des souches étu- diées, les comptes bactériens obtenus dans le JLF-N après ce délai étaient significativement différents (t-test, P < 0,05) et supérieurs à ceux obtenus dans le JLF-A. Ceci indique que le pH est un facteur limitant à l’introduction de sou- ches probiotiques dans les jus de légumes fermentés et que les substances inhibitrices végétales et bactériennes ne contribuent qu’en faible partie à la mortalité bactérienne dans ce milieu. Les essais furent arrêtés après 30 jours car on observa un début d’acidification dans les milieux, ce qui introduisait un biais.

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Figure 2

Survie des lactobacilles et des bifidobactéries sur JLF-A (pH 3,65) et JLF-N (pH 6,5) pendant 90 j à 4 °C. Inoculum initial 1 × 108 UFC.mL-1.

Moyenne de deux essais en duplicata.

Survival of lactobacilli and bifidobacteria in fermented vegetable juices at pH of 3.65 (JLF-A) or 6.5 (JLF-N), during storage at 4°C for up to 90 days.

Initial inoculation at 1 × 108 CFU.mL-1. Average of two independent assays, each conducted in duplicate.

Pour qu’un aliment fonctionnel, fondé sur la présence de cultures probioti- ques, puisse exercer son effet sur la santé, il faut un certain nombre de cellules vivantes. Dans le secteur laitier on recommande la présence d’au moins 106 UFC/g. Dans notre contexte, ceci signifie que certains produits pourraient avoir 90 jours de vie de tablette à 4 °C, si l’inoculation initiale en probiotiques est de 108 UFC/mL et si les souches les plus tolérantes à l’acidité sont sélectionnées.

4 – CONCLUSIONS

Le mélange de jus de légumes (JL) qui a été élaboré pour cette étude permet la croissance de plusieurs bactéries lactiques considérées comme probiotiques.

Le mélange de trois légumes différents a probablement contribué à la richesse de ce milieu. Nos résultats démontrent donc qu’une entreprise qui désire ajouter des cultures probiotiques à ses légumes peut les produire sur un substrat végétal.

Population (Log UFC/mL)

Temps (heures)

30 20 40 60 80 4

5 6 7 8

Lactobacillus acidophilus EQ57

30 20 40 60 80 4

5 6 7 8

Lactobacillus acidophilus BK1

30 20 40 60 80 4

5 6 7 8

Lactobacillus casei BK2

pH 3,65 pH 6,5

30 20 40 60 80 4

5 6 7 8

Lactobacillus rhamnosus GG

30 20 40 60 80 4

5 6 7 8

Lactobacillus brevis L-62

30 20 40 60 80 4

5 6 7 8

Lactobacillus reuteri LB007

30 20 40 60 80 4

5 6 7 8

Lactobacillus rhamnosus RO11

30 20 40 60 80 4

5 6 7 8

Bifidobacterium bifidum BL 1000

30 20 40 60 80 4

5 6 7 8

Bifidobacterium breve ATCC 15700 7-Savard, ...(273-283) Page 281 Mercredi, 11. juin 2003 12:58 12

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D’autre part, cette étude montre qu’il faut sélectionner des souches probioti- ques capables de survivre dans le JLF-A si on espère mettre au point des pro- duits végétaux fermentés qui contiennent des cultures probiotiques viables. Le pH acide des jus de légumes fermentés semble être le facteur limitant à la sur- vie bactérienne puisqu’une fois neutralisé, aucune mortalité n’est constatée sur une période de 30 jours. Il est donc permis de croire que l’incorporation de ces souches dans le JLF-A à titre relativement élevé (106 – 107 UFC/mL) permettrait d’assurer un compte supérieur à 6 unités log UFC/mL après un mois d’entrepo- sage correspondant à la dose minimale devant être ingérée pour qu’une bacté- rie puisse promouvoir son effet bénéfique sur la santé (HAVENAAR et al., 1992).

Une autre alternative intéressante a été proposée par HULL et al. (1984) qui ont obtenu des taux de survie à l’entreposage supérieurs lorsque la souche était introduite à même le ferment ; ceci suggère une résistance induite au cours de la fermentation lactique. On peut penser que la cellule qui est ainsi exposée graduellement à l’environnement acide pourrait synthétiser des protéines de stress (HARTKE et al., 1996). Des approches technologiques devront donc être développées afin d’accroître la survie des bactéries lactiques au stress d’un environnement acide au cours de l’entreposage. Ceci permettra alors la mise au point d’aliments qui assureront aux consommateurs des cultures probiotiques en nombre élevé.

REMERCIEMENTS

Les auteurs tiennent à remercier Gary Caldwell et Bio Lacto pour nous avoir fourni les légumes biologiques et le JLF-A. Nous remercions aussi Lorraine Charlebois pour le support technique. Ce travail a été partiellement supporté par un Programme de partage des frais d’investissement en R & D (PPFI) du Gouvernement du Canada.

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Légumes fermentés 283

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