Enonc´e
Un double d´ efi de Fermat ` a Wallis
Fermat observe que le cube 343 (= 73), ajout´e `a ses parties aliquotes (divi- seurs) 1, 7 et 49, donne un carr´e 400 = 202.
Le 3 janvier 1657, il met John Wallis, un de ses correspondants anglais, au d´efi de donner un autre exemple de cube qui, ajout´e `a ses parties aliquotes, donne un carr´e.
a) Wallis a mis pr`es d’un an `a trouver. Et vous ?
b) Fermat proposait en mˆeme temps un autre d´efi : trouver un carr´e qui, ajout´e `a ses parties aliquotes, donne un cube. Je ne sais pas si Wallis en a trouv´e. Mais vous ?
Solution de Jean Moreau de Saint-Martin
L’exemple donn´e par Fermat est tentant, car il est facile d’´enum´erer les diviseurs d’un nombre qui est puissance d’un nombre premier. Mais dans le cas de la question a), c’est une voie sans issue. En effet, si n est premier, les parties aliquotes de n3 sont 1, n, n2. Or, comme l’a montr´e Fermat (voir annexe), 1 +n+n2+n3 n’est un carr´e que si n= 1 ou 7.
Dans le cas de la question b), si n est premier, la somme de n2 et de ses parties aliquotes, 1 +n+n2, n’est un cube que si n= 18, non premier (ou n=−19, mais il ne serait pas dans l’esprit de l’´enonc´e de pr´etendre que les diviseurs du carr´e 361 `a consid´erer sont 1 et−19).
Il faut donc envisager quen soit compos´e. La remarque fonsdamentale est alors que la somme d’un nombre et de ses parties aliquotes est une fonction multiplicative : simetnsont premiers entre eux, on obtient une fois et une seule les diviseurs du produitmn, et ce produit lui-mˆeme, en associant un diviseur dem et un diviseur den(pouvant ˆetre mou neux-mˆemes) : σ1(mn) =σ1(m)σ1(n),
en notant, selon l’usage actuel, σk(n) la somme des puissances k-i`emes des diviseurs de n(y comprisn et 1),σ0(n) ´etant leur nombre.
D’o`u une voie de solution, envisageant comme nombre de d´epart (`a ´elever au carr´e ou au cube selon que la question est b ou a) des produits de nombres premiers distincts (nombres non divisibles par un carr´e).
Question a)
Pour un ensemble de nombres premiersp(les 20 ou 30 plus petits), je facto- rise l’expression (1 +p)(1 +p2) et je fais la liste des facteurs premiers qui y ont un exposant impair. Il n’y en a aucun sip= 7. Les autres listes peuvent ˆetre class´ees selon leur plus grand ´el´ement, ce qui donne
1
p facteurs de (1 +p)(1 +p2) 2 5,3
3 5,2 41 7,3 5 13,3 13 17,7,5 47 17,13,5,3,2 . . . .
Quand on met ensemble ces 6 premi`eres listes, tous les facteurs premiers figurent en nombre pair. Il suffit donc de prendre, pour racine du cube, le produit
n= 2·3·5·13·41·47 = 751530,
et la racine du carr´e, somme de n3 et de ses parties aliquotes, sera 24·32·52·7·13·17·29 = 5168217600.
Question b)
On op`ere de mˆeme (en prenant les exposants modulo 3 et non modulo 2), mais il faut un peu plus de patience pour obtenir assez de petits facteurs.
Le tableau ´etabli pourp= 2 `a 997 (les 165 nombres premiers<1000), donne en classant encore les listes par plus grand ´el´ement :
p facteurs de 1 +p+p2
2 7
3 13 7 19,3 11 19,7
653 19,19,13,13,7 5 31
. . . .
Il suffit de prendre, pour racine du carr´e, le produit n= 2·3·11·653 = 43098,
et la racine du cube, somme de n2 et de ses parties aliquotes, sera 7·13·19 = 1729.
Remarque
Ce dernier tableau peut aussi (avec les exposants pris modulo 2) fournir des r´eponses `a la question : “Trouver un carr´e qui, augment´e de ses parties aliquotes, donne encore un carr´e”.
C’est le cas de n = 2·653 = 1306, avec encore 1729 comme racine du second carr´e. Mais on peut aussi y satisfaire, sans se limiter aux nombres non divisibles par un carr´e, avec n = 9 (racine du second carr´e 11), ainsi qu’avecn= 20 (racine du second carr´e 31).
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Annexe
L’´equation 1 +n+n2+n3 =m2
Le premier membre se factorise en 1 +n+n2+n3 = (1 +n)(1 +n2).
Tout diviseur commun aux deux facteurs divise 2 = (1 +n2)−(n−1)(1 +n).
Leur PGCD est 1 si n est pair, 2 si n est impair. Les diviseurs premiers impairs dem divisent soit 1 +n, soit 1 +n2, avec le mˆeme exposant (pair) que dansm2.
Or 1 +n2, strictement compris entre les carr´es de n et n+ 1, ne peut ˆetre carr´e ; il faut qu’il soit un double carr´e 2y2, et alorsm= 2xy et 1 +n= 2x2 est aussi double carr´e.
Th´eor`eme (Fermat) : Sinetn2 sont des doubles carr´es diminu´es de 1, alors n= 1 ou 7.
L’´equation (2x2−1)2 = 2y2−1 s’´ecrit y2 =x4+ (x2−1)2. Le triangle de cˆot´esy, x2, x2−1 est rectangle.
1) Cas ximpair
Soitp/q la fraction irr´eductible
p/q= (y+x2)/(x2−1) = (x2−1)/(y−x2). On en tire y+x2
2p2 = x2−1
2pq = y−x2
2q2 = x2
p2−q2 = y p2+q2
et la valeur commune de ces rapports est 1, car les num´erateurs sont premiers entre eux dans leur ensemble, de mˆeme que les d´enominateurs (p etq sont de parit´e contraire ; s’ils ´etaient tous deux impairs, il suffirait d’´echanger les rˆoles de betc pour remplacerp etq parp0= (p+q)/2 etq0 = (p−q)/2).
x2 =p2−q2, x2−1 = 2pq, y =p2+q2, ce qui donne 1 =x2−(x2−1) =p2−q2−2pq= (p−q)2−2q2.
Les entiers p+q et p−q sont impairs, premiers entre eux, et de produit carr´e x2. Ce sont donc des carr´es u2 etv2, et on a
2q2= (p−q)2−1 =v4−1 = (v2+ 1)(v2−1).
Doncv est impair, (v2+ 1)/2) est impair et premier avecv2−1, chacun de ces facteurs est un carr´e puisque leur produit estq2, soitv2−1 =w2, mais 1 =v2−w2 n’est possible qu’avec w= 0, d’o`uq = 0,x= 1, 2x2−1 = 1.
2) Cas xpair
Alors par le mˆeme proc´ed´e x2 = 2pq, x2 −1 = p2 −q2, d’o`u p pair et q impair, puis (p et q ´etant premiers entre eux) q = v2 et p = 2u2 pour satisfaire x2 = 2pq.
8u4 = 2p2= (p+q)2−2pq+ (p2−q2) = (p+q)2−1 = (p+q+ 1)(p+q−1).
Les facteurs p+q+ 1 et p+q−1 sont pairs et de PGCD 2. Les diviseurs premiers impairs deu divisent l’un ou l’autre de ces facteurs avec le mˆeme exposant, multiple de 4, que dansu4. Un des facteursp+q±1 est multiple
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impair de 2 et de la forme 2s4 avecsimpair, l’autre est de la forme 4r4 avec rs=u.
2.1) Si 2r4 =s4−1 = (s2+ 1)(s2−1), on voit comme au paragraphe 1 que s2−1 est carr´e, puis nul, de mˆeme que r, u, x. Ce cas n’est pas `a retenir si on admet que 2x2−1>0.
2.2) Si 2r4=s4+ 1, on a
(s2+ 1)2 = 2r4+ 2s2 = (r2+s)2+ (r2−s)2,
et le triangle de cˆot´esr2+s,r2−s,s2+ 1 est rectangle. Son aire est (r2+s)(r2−s)/2 = (r4−s2)/2 = ((s2−1)/2)2, carr´e.
Il ne peut exister de tel triangle avecs >1, en vertu du
Th´eor`eme (Fermat) : Aucun triangle rectangle `a cˆot´es entiers n’a pour aire un carr´e.
S’il existe un tel triangle, on montre comme ci-dessus que les cˆot´es de l’angle droit sont proportionnels `a 2f getf2−g2,f etg´etant entiers, premiers entre eux et de parit´e contraire. Si l’aire est un carr´e,f g(f+g)(f −g) est aussi un carr´e, et il en est de mˆeme de chacun des 4 facteurs.
Les nombres√
f+g+√
f−g,√
f+g−√
f −g, 2√ f,
sont donc des entiers. Un calcul imm´ediat montre que le triangle ayant ces nombres pour cˆot´es est rectangle et d’aire g, carr´ee.
Maisg < f g(f2−g2) : `a chaque triangle ayant la propri´et´e d’aire carr´ee en correspond un autre plus petit ; on pourrait donc construire une suite infinie d´ecroissante d’entiers positifs, ce qui est impossible.
Ce type de raisonnement a ´et´e nomm´e par Fermat “m´ethode de descente infinie”.
Ainsi, pour conclure le cas 2), la seule solution de 2r4 =s4+ 1 correspond
`
as= 1, d’o`u 1 =r =u=v,x= 2,y= 5, 2x2−1 = 7.
Il en r´esulte, pour l’´equation donn´ee, les deux solutions (en entiers positifs) (n, m) = (1,2) et (n, m) = (7,20).
Seule cette derni`ere r´epond `a la d´efinition : “Le carr´e m2 est la somme du cube n3 et de ses parties aliquotes”, cela parce que n = 7 se trouve ˆetre premier.
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