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Submitted on 1 Jan 1887
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Sur une théorie des phénomènes pyro-électriques
P. Duhem
To cite this version:
P. Duhem. Sur une théorie des phénomènes pyro-électriques. J. Phys. Theor. Appl., 1887, 6 (1),
pp.366-373. �10.1051/jphystap:018870060036601�. �jpa-00238748�
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que l’effet de cette altération soit trop rapidement détruit pendant t
le refroidi ssement, pour qu’on puisse l’ol)serN7er.
Dans tous les cas où nous avons pu étudier cette altération, elle présente un caractère de réversibilité parfaitement net, sous l’in-
fluence de conditions contraires à celles qui l’ont produite. Elle se distingue ainsi des autres phénomènes qui la compliquent dans
certains cas et qui donnent lieu à des précipitations non réversibles de Inatières insolubles.
La lumière joue un rùle important dans la décomposition de plusieurs de ces substances et leur donne une constitution
nouvelle, dui, sans elle, ne serait atteinte que très lentement.
Cette action préalable peut sans doute contribuer à rendre plus
faciles et plus rapides certaines réactions chimiques de ces corps,
quand on les fait agir ensuite sur des agents capables de les réduire même dans l’obscurité.
SUR UNE THÉORIE DES PHÉNOMÈNES PYRO-ÉLECTRIQUES;
PAR M. P. DUHEM.
Certains cristaux hémièdres s’électrisent quand on les chauffe;
ce phénomène, observe depuis longtemps SHr la tourmaline, a été l’objet, de la part d’un grand nombre de physiciens et en parti-
culier de Gaugain, de très importantes recherches expérimentales.
Dans ces dernières années, de nouvelles découvertes sont venues
ag1’alICÎJI’ le champ des phénomènes pji~o-électriqiies. 1B1~1. Curie
ont montré que les cristaux qui s’électrisaient par la chaleur
pouvaient aussi s’électriser par compression. MM. Friedelet Curie ont ensuite effectué sur ce sujet une série de travaux qui ont ache-
vé de débrouiller cette question naguère si obscure. Tous ces tra- vaux sont trop connus pour que j’aie besoin d’y insister. Ils sont
ailleurs exposés de la manière la plus nette dans le Z’natté c~’e llTi ~
/~/~/o~3 de 1B1. Mallard.
Gaugain avait cherché à rapprocher les phénomènes pyro-élec- triques des phénomènes therl11o-électriques ; il avait même imaginé,
en suivant cette idée, une expérience curieuse, décrite dans tous
les Traités de Physique. Cette idée a depuis été à peu près aban-
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367 donnée. C’est cette idée que j’ai reprise, que j ai cllerché à déve- lopper. Voici les résultats auxquels je suis parvenu (’ ~.
Le point de départ de mes recherches a été la théorie des 1)lIé-
nomènes thern10-électriques fondée par M. Clausius et par Sir ~V.
rrhoJ11sonsurlesprillcipesde la Thermodynamique ; avant d’aborder
le problème que je voulais étudier, j’ai dû reprendre la démonstra- tion des forlnules auxquelles étaient parvenus ces deux illustres
physiciens et donner à leur théorie une forme nouvelle ; mais je
laisse de côté ces modifications légères pour arriver de suite à l’al)- plication de la théorie en question aux phénomènes pyro-électriques,
que j’étudierai seulement sur des cristaux bons conducteurs de la chaleur et de l’électricité.
1. Le fait fondamental qu’il s’agit d’expliquer est le suivant.
Entre deux faces d’une plaque de tourmaline taillée normalement à l’axe d’hémiédrie de la substance, il n’existe aucune force élec- tromotrice lorsque la plaque de tourmaline est en équilibre de température avec le milieu ambiant; lorsque cet équilibre est
rompu, il existe entre les deux faces de la tourmaline une force électromotrice qui change de signe suivant que la plaque s’échauffe
ou se refroidi L.
La théorie des phénomènes thermo-électriques nous montre que, pour qu’un conducteur conduisant l’électricité sans électrolyse pos- sède une force électromotrice, il faut :
*il Que tous les points du conducteur 11C soient pas à la même
température ;
2’ Que la structure du 1 conducteur ne soit pas homogène.
Nous ne serons pas embarrassées pour découvrir dans notre
plaque de tourmaline des différences de temhérature ; si la tour-
matin(,, s’échauffe, l’extérieur est plus chaud q II el’ j 11 Lé rie ur; si au
contraire la tourmaline se refroidit, Fintéricur est plus chaud que l’extérieur, Mais comment la deuxième condition nécessaire de
(1) Applications de la Tlzennzoclynanzilzce aux pllenolnènes thernlo -élec-
triques et pyro-électriques. Ire Partie: Phénomènes ~Iaermzo-électnilues {Annales de l’École Norlnale supérieure) 3e série, t. II, p. 403. 1[e Partic : Phénonlèncs
~? /~cc~e /Vor/~~? ~M/7e/’~M/~ S" série~ t. II, p. ~o5. 1~ Partie : 7~~o/~/~
pyro-électrigues ( ibid., 3e série, t. III, p. ~63 ).
368
tout phénomène thermo-électrique, l’hétérogénéité du milieu, se
trouve-t-elle remplie?
.Nous voyons que, si l’on suppose la tourmaline homogéne, on
ne peut s’expliquer Inexistence des phénomènes pyro-électric~ues,
du moins dans la manière de voir que nous poursuivons ici, mais
nous n’avons pas lieu de nous en étonner ; l’expérience nous montre
en effet qu’une étroite relation unit la pyro-électricité à la forme
cristalline; or on ne peut pas davantage colnprendre l’existence d’une forme cristalline pour un milieu rigoureusement homogène.
Pour se rendre compte de la forme cristalline, Bravais, modifiant
les idées d’Haüy, a dû attribuer aux milieux cristallisés unestructure
réticulaire. Voyons si cette conception de Bravais, qui a été, qui
est encore si féconde en cristallographie, ne nous conduirait pas
aussi, dans un ordre d’idées tout différent, à l’explication des phé-
nomènes pyro-électriques.
Nous imaginons donc un milieu ayant une structure réticulaire : la température de ce milieu varie d’un point à un autre ; nous nous placerons dans l’hypothèse très simple où les surfaces isothermes
sont des plans parallèles et nous nommerons orientation des sur-
faces isothermes la direction d’une demi-droite normale à ces sur-
faces et dirigée dans le sens où la température diminue.
Les principes de la Thermodynamique conduisent alors à cette
conséquence fondamentale : si l’on prend deux surfaces isothermes
très voisines, l’une à la température T, l’autre à la température
rI’ -~- ST, entre ces deux surfaces existe une force électromotrice r 61"’, o dépendant de la nature de la substance, de la telnpérature
au point considéré, et, c’est là le point fondamental, de l’orienta-
tion des surfaces isothermes. Si, par exemple, nous renversons cette orientation, si la température, au lieu de croître de la gauche
vers la droite, croît de la droite vers la gauche, p prendra une
autre valeur P’.
A partir d’un point O ~ t,~°. T), menons une demi-droite OD qui représente l’orientation d’une famille de plans isothermes. Sur cette
droite, portons, à partir du point O, un rayon vecteur OM qui re- présente la valeur de p à la température T et pour cette orienta- tion de plans isothermes. Pour chaque température T, le lieu des
points M sera une surface fermée entourant le point O ; c’est la
szcnfccce cle pyro-électricité relative et la tenlpératllre T.
369 Tout problème de pyro-électricité se ramène à la considération de la surface précédente.
Fig. I.
Prenons, par exeiiil)le, une lame de tourmaline à faces parallèles
Fig. 2.
qui se refroidit. A l’intérieur de cette lame se trouve un plan MN, parallèle aux faces de la lame (jig’. 2) qui, à l’instant t, possède
une température T, plus éle~~ée que la température d’un autre point quelconque de la lame. Les faces AB, A’ h’ de la lame sont à
une même température Toy inférieure à la température de tous les
autres points de la lame.
Partons de la face de gauche AB et allons jusqu’au plan )IN.
Dans ce trajet toutes les surfaces isothermes que nous rencontrons ont la méme orientation ; elles sont toutes orientées de droite à
gauche; en un quelconque des points P que nous rencontrons sur ce trajet, p a une valeur qui dépend uniquement de la température
T au point P. Si nous menons un plan isotherme CD par le point t P, eu, à droite de ce plan, un autre plan isotherme EF correspon- dant à la température (T + dT), entre le plan (~D et le plan Eli
existera une force électromotrice P (T)di’. La force électromotrice
370
qui existe entre la face AB et le plan IVIN aura alors pour valeur
Passons ensuite de la surface isotherme 3IN à la face A’13’; dans
ce nouveau trajet nous rencontrons des surfaces isothermes qui ont
toutes la même orientation ; elles sont toutes orientées de la gauche
vers la droite; mais cette orientation est inverse de celle due l’on rencontrait en passant de la face AB au plan MN. En un point P’,
ou la température a une valeur T, o a une valeur ~’ ( T ~, différente.
de 2(1-’). La force électromotrice qui existe entre le plan 1VI1~ et
.n To
la face ~-B’ B’ a pour valeur J TL p’ (1’) dT. Il en résulte que la force AB
électromotrice qui existe entre les faces AB et A’I3’ de la lame de tourn1allne a pour valeur
Si, cornme il arrive en général dans la pratique, les deux tempéra-
tures To et T, sont peu différente, on pourra négliger la variation
(tue subit la surface de pyro-électri ci té avec la température, et
écrire simplement l
p et o’ étant les valeurs de p (~i) et p’(l") pour une température
voisine de T, f et de T~.
De là la règle suivante :
Pour connaître la force électromotrice d’une lame pyro-élec- trique AB, A’B’ ( f~~. 3)? il faut tracer la surface de pyro-électricité
S et par le point O, qui sert de pôle à cette surface~ mener une
normale aux faces AI~, AU de la lame. Cette normale rencontre la
surface S en deux points l~’1 et l~~I’. En multipliant la différence des deux rayons vecteurs OM, OM’ par la différence entre la tempé-
rature T, à l’intérieur de la lame et la température To ai extérieur,
on aura la force électromotrice cherchée.
Cette règle conduit bien simplement aux lois fondamentales des
phénomènes pyro-électridues : je veux indiquer seulement une ap-
plication de cette règle.
371 Pour qu’un cristal donné, taillé en lanie parallèle suivant une
direction déterminée, présente des phénomènes pyro-électriques,
il est nécessaire et suffisant que le point 0 ne soit pas le milieu de la corde MM’ de la surface de pyro-électricité normale aux faces
de la lame. Donc, pour que dans un cristal donné il soit possible
de tailler des lames à faces parallèles qui présentent des phéno-
mènes pyro-électriques, il est nécessaire et suffisant que le point
O ne soit point centre de la surface de pyro-électrici té.
Ii i~. 3.
Or, l’ensemble de la surface de pyro-électricité et du point 0
forme une certaine figure, et ce tte figure présente au moin s la
même symétrie que la structure du milieu cristallin à Fintérieur
~le l’une des mailles du réseau. D’autre part, on est naturellelnent
porté à supposer, au moins comme première approximation, que la surface de pyro-électricité a la forme d’un ellipsoïde. Si l’on fait
cette hypothèse, voici comment peut s’énoncer la condition pour
qu’uu cristal déterminé soit pyro-électrique : il faut que la struc-
ture interne de la maille du réseau n’admette pas de centre et ait au
plus un axe de symétrie. C’est la règle à laquelle M. Mallard est
parvenu d’une manière différente; cette règle résume toutes les
observations de 3°I3’I. Friedel et Curie.
Un cristal non compris dans la règle précédente ne peut mani- f’ester de phénomènes pyro-électriques que si les déformations al- tèrent la symétrie naturelle de sa structure.
2. Ces altérations de symétrie jouent un rôle important dans
l’étude de la pié.~o-électj~icLté, c’est-à-dire de l’électrisation par
compression de certains cristaux, phénomène étudié par l~l. Curie.
Supposons tout d’abord qu’on étudie une lame d’un cristal na- turellement pyro-électrique, par exemple une lame de tourma-
.line taillée normalement à l’axe. Si l’on comprime brusquement
372
cette lame, il résulte du principe de Carnot qu’elle va s’échauffer
’
a l’instant même, car son coefficient de dilatation est positif. Une
fois la compression brusque opérée, si l’on abandonne à elle-même
cette lame comprimée et plus chaude que le milieu environnant,
elle va se refroidir et manifester les mêmes phénomènes pyro-
électriques qu’une tourmaline soumise à un refroidissement. Au
contraire, cette tourmaline étant ramenée à l’état neutre, si on la dépend brusquement, ce qui la refroidira, puis si on l’abandonne à elle-même, elle va se iéchauliér aux dépens du milieu environnant
et manifester les mêmes phénomènes qu’une tourmaline qui
s’échaufl’e. C’est précisément ce que nous ont appris les expé-
riences de MM. Curie. Les phénomènes seraient renversés, comme
l’ont prévu MM. Curie, pour les cristaux dont le coefficient de dilatation suivant t l’axe d’hémiédrie serait négatif.
On peut constater la piézo-électricité dans des cristaux, comme
le quartz, qui ne sont pas naturellement pvro-électriques. La pres-
sion joue alors un double rôle. Elle rend le cristal pyro-élec- trique en le déformant et sert en outre à l’échauffer ou à le re-
froidir.
En suivant l’ordre d’idées que j’l ndiquie seulement ici d’une ma-
nière générale, on peut expliquer les principales particularités des phénomènes piézo-électridues. Je ne veux point m’attarder ici à l’examen de ces particularités. Je ne n1’occuperai plus que d’un seul phénomène qui se rattache aux précédents.
M3I. Curie ayant montré que la compression pouvait électriser
certains cristaux hémièdres, M. G. Lippmann indiqua que l’élec- trisation des mêmes cristaux devait faire varier leurs dimensions.
~l~f. Curie ont vérifié par l’expérience cette loi de réciprocité.
Voici comment elle s’interprète dans notre manière de voir.
Lorsqu’on maintient à des niveaux potentiels différents les deux faces d’une tourmaline, la température ne garde pas la même va- leur en tous les points du cristal; pour que l’équilibre s’établisse il faut que la température prenne dans les parties centrales de la
tourmaline, suivant le signe de la différence de niveau potentiel
une valeur supérieure ou inférieure à celle de la température du
milieu ambiant qui était aussi la température initiale du cristal.
Par suite de cette variation de température, la tourmaline se dilate
ou se contracte, et il est facile de voir que cette dilatation ou cette
373 contraction satisfait en toute occurrence à la loi de réciprocité si- gnalée par M. Lipplnann.
Mais par quel mécanisme s’établit et se maintient cet équilibre,
dans lequel les diverses parties de la tourmaline ont des tempéra-
tures différentes? Il est facile de s’en rendre compte. Supposons
que, cet équilibre étant tout d’abord établie la distribution de
températures par laquelle il est assuré vienne à subir une pertur- bation infiniment petite; l’équilibre est rompu, un courant in- finiment faible prend naissance à l’intérieur de la tourmaline. La
quantité de chaleur que ce courant dégage conformément à la loi de Joule est proportionnelle au carré de son intensité : c’est un in- finiment petit du second ordre qui doit être négligé ; mais, dans
l’intérieur du réseau, y se produisent des phénomènes thermiques proportionnels à l’intensité du courant, changeant de signe lorsque cette intensité change de sens, et analogues à ceux que Peltier et Sir Mi. Thomson ont signalé dans les circuits 11létal-
liques. Les premiers phénomènes sont liés aux forces électromo- trices de p~Tro-électricité comme les phénomènes de l)eltier et de
Sir W. Tholnson sont liés aux forces électromotrices de thermo- électricité. Cette relation permet de démontrer que le phénomène thermique ainsi produit rétablira aussitôt l’équilibre un instant
troublé et en assurera la stabilité.
Telle est, dans ses traits généraux, la théorie que je désirai
exposer. On voit que, d’après cette théorie, les phénomènes piézo-électriques ne sont autre chose que des phénomènes pyro-
électriques dans lesquels la lame cristalline est échauffée par coln-
pression ; que les phénomènes pyro-électriques ne sont eux-mêmes
que des phénomènes thern1o-électrjques produits dans des con-
ducteurs dont le manque d’homogénéité est du à leur structure réticulaire; que, par conséquen t, si cette théorie est exacte, ces
trois chapitres de la Physique : Thermo-électricité, P,yro-élec-
tricité et Piézo-électricité se trouvent réunis en un seul que la
Thermodynamique permet de traiter d’une manière entièrement rationnelle.
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