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Les deux faces de la télémédecine

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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. VII - n° 1 - janvier-février-mars 2016 9

t r i b u n e

Les deux faces de la télémédecine

Both sides of telemedicine

C omme Janus, la télémédecine a deux faces : l’une tournée vers le passé, l’autre tournée vers l’avenir. Vers le passé : le renforcement de l’emprise des soignants et du système de santé sur le malade. Vers l’avenir : l’accroissement de l’autonomie du patient.

Téléconseils et jeux vidéo, plus ou moins repeints aux couleurs de la Santé, correspondent certes à des innova- tions, mais ils ne constituent en rien une révolution.

Utiles et/ou ludiques, pour les uns et pas pour les autres.

Leur limite commune est le temps.

La vraie révolution est la télémédecine qui vise à améliorer la performance des soignants et des patients.

Côté soignants, le robot supprimera les tremblements de la main du chirurgien qui abandonnera le bistouri pour la souris, comme le cardiologue a remplacé le stétho scope par l’échographie. On pourra donc diagnos- tiquer, opérer et prescrire à distance, sans avoir à palper et à ausculter, et parfois sans même avoir à interroger et à écouter. Côté patients, la télémédecine permettra d’améliorer à la fois la performance et l’observance des

“patients-experts” connectés sachant où ils veulent aller et comment y aller. Juste retour des choses, les patients objectiveront les soignants en les transformant en prestataires, devenus experts en modes d’emploi.

Comme le prophétisait l’économiste Claude Le Pen :

“Dans la médecine industrielle de demain, le chiffre absorbera le qualitatif, nul ne sera médecin, s’il n’est géomètre.” Funeste augure !

Hélas, ou plutôt heureusement, cette révolution techno- logique n’échappe pas à l’ambivalence du progrès. Elle peut libérer le patient des contraintes du traitement et de la dépendance aux soignants. Mais elle peut aussi accroître sa dépendance s’il doit mesurer sans comprendre et/ou sans agir et/ou agir sans décider lui-même de l’action. C’est-à-dire si l’outil numérique ne prend pas place au sein d’une éducation thérapeutique du patient, mais prétend s’y substituer. La surveillance informatique pourrait même le placer directement sous le contrôle de l’assureur. La mesure en continu

de la glycémie et de sa cinétique permet au patient éduqué de prendre la bonne décision au bon moment, mais elle peut aussi entretenir une angoisse obses- sionnelle poussant le patient à mesurer sa glycémie toutes les minutes, transformant ainsi son cerveau affolé en cellule B pancréatique. Elle peut aussi le placer sous la dépendance infantilisante d’une e-infirmière le “coachant” par SMS. Elle peut encore servir de mouchard, dénonçant son laxisme à son médecin ou à son assureur qui lui proposera d’adhé rer à un système de bonus/malus, pour “l’aider à se motiver”. Pire que l’esclavage, “l’esclavage volontaire” !

Il serait par ailleurs naïf de croire que les outils numériques dits “conviviaux” permettront d’alléger le travail de deuil que doit faire tout patient atteint de maladie chronique. On aura beau lui expliquer qu’il n’est plus seul puisque désormais il est connecté, il devra toujours accepter la double rupture imposée par l’annonce du diagnostic : “Ce ne sera jamais plus comme avant” et “Désormais vous serez différent des autres.” Bien sûr, la souffrance varie d’une personne à l’autre selon la gravité de la maladie, douloureuse ou non, handi capante ou non, visible ou non, et selon l’importance des contraintes du traitement, mais aussi en fonction du style de personnalité de chacun, de ses expériences de la vie déterminant une plus ou moins grande “aptitude au deuil” et de la qualité du soutien social perçu. C’est la difficulté de ce “travail d’acceptation” qui explique que l’observance reste aussi médiocre même quand il s’agit d’une observance consentie “en pleine conscience”. Et l’impossibilité de faire leur deuil conduit certains patients à se rendre

“malades d’être malade” en recourant au déni, à la dénégation, au clivage, à la pensée magique… Pour guérir de cette “seconde maladie”, il faut associer l’action et la parole. Il faut l’aide d’un éducateur et d’un tuteur de résilience, par exemple d’un vrai médecin.

Pr André Grimaldi Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.

© Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition 2016;

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