EFFETS D’UNE CARENCE SÉVÈRE DE RIBOFLAVINE
SUR LA POULE PONDEUSE : ORDRE DE PRIORITÉ
ENTRE LES TISSUS MATERNELS ET L’OEUF
J.-C.
BLUMI. MACAIRE
Centre de Recheyches sur la Nutrition du C. N. R. S., Bellevue
(Seine-et-Oise.)
SOMMAIRE
Privée de riboflavine, la
poule pondeuse
transfère cette vitamine dans l’oeuf auxdépens
desespropres tissus. Elle peut ainsi sacrifier plus de la moitié de son
capital hépatique
en riboflavine pourassurer la ponte. Le
poids
du foie estproportionnellement
plus diminué que sa teneur en vitamine B,Toute la riboflavine
hépatique
n’est paségalement disponible.
Une certaineproportion
constitue uneréserve immédiatement mobilisable pour
l’ovogenèse. Lorsque
cette réserve estépuisée,
le foie devient très avare de sa riboflavine et la teneur des oeufs baisse considérablement,puis
la ponte s’arrête.Le besoin
vitaminique
de ponte n’est donc pasprioritaire :
lapoule
ne lui sacrifie ses réserves tissu- laires que dans la mesure où ce transfert ne nuit pas à son propreéquilibre
nutritionnel. Cet ordre depriorité
ressortégalement
du fait que lors deréplétion
en vitamine B2les réserves sont d’abordreconstituées, l’activité ovarienne ne reprenant que
plus
tard.Toute la riboflavine du blanc d’œuf
provient
des réserves accumulées dans le magnum avant passage du vitellus. Chez lapoule pondeuse
non carencée, ces réserves sont localisées selon un gra- dient de concentration et leur importance diminuequand
on passe de lapartie
antérieure à lapartie postérieure
du magnum. En régime carencé en riboflavine, le magnum ne serecharge
pas normale- lent en vitamine B2 et on n’observeplus
degradient
derépartition
entre lesparties
antérieure etpostérieure.
A la suite d’autres auteurs, nous avons montré
qu’un régime
très pauvre en riboflavine entraîne une diminutionprogressive
de la teneur des oeufs en cette vita-mine avant de provoquer un arrêt de
ponte (B LUM , C AL ET, JACQUOT, ig6i).
Nousnous sommes demandés si la carence affectait
davantage l’organisme
de lapoule pondeuse
que lesproduits
de laponte.
Autrementdit,
dansquelle
mesure la ribofla- vine tissulairepeut-elle
être transférée à l’oeuf lors d’une déficienced’apport
alimen-taire ?
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Pour
répondre
à laquestion
que nous venons de poser, nous avons cherché à réaliser unrégime pratiquement dépourvu
de riboflavine, mais contenant par ailleurs tous les nutrimentsindispensables.
Dans les
produits
naturels, la vitamine B2s’est avérée très résistante bienqu’on
la considère comme un facteurphotosensible.
Même dans un milieuliquide
comme le lait et à unpH légèrement
alcalin,la riboflavine n’est que très lentement détruite par irradiation aux rayons UV. Nous avons donc eu recours à un
régime semi-synthétique
comprenant : 20p. 100degluten (soit
15p. 100deprotides),
0 ,
4 p. 100 de DL
lysine,
60 p. 100d’amidon,
5 p. 100 d’huile d’arachide, 3 p. ioo de cellulose,11
,
6 p.
ioo de sels et vitamines(selon
les normes de FISHERetJoxtvsoN, 195 6).
Cerégime
carencé(régime C)
ne contenait que des traces de riboflavine( 0 , 4 mg/kg).
A notre connaissance unrégime
aussipauvre en vitamine B2n’avait
jamais
été administré à despoules pondeuses.
Des témoins recevaient le mêmerégime semi-synthétique supplémenté
en riboflavine à raison de 10 mg parkg
d’aliment(régime S).
A
partir
du 13 mars, 40Poules habituées àpondre
en batteriereçoivent
lerégime
Ssupplémenté
en riboflavine. Cette
prépériode
sepoursuit jusqu’au
6 avril. Cejour-là,
toutes lespoules
sont peséeset 4d’entre elles sacrifiées. Le reste des animaux est alors divisé en 2lots :
- le lot S
( 1 8 poules)
continue à recevoirle régime supplémenté
en vitamine BZ ;- le lot C
( 1 8 poules)
estplacé
aurégime
carencé en riboflavine.Tous les 10
jours,
quatrepoules
de chacun des lotsexpérimentaux
sontpesées
et sacrifiées en vue dudosage
de riboflavine dans le foie, la grappe ovarienne et l’oviducte. Dès avant etpendant
la
prépériode ( 13
mars-6avril)
et tout aulong
de lapériode expérimentale ( 7 avril-i 5 mai),
l’intensité de ponte est contrôlée et les oeufs sont recueillis etpesés.
La riboflavine est doséeséparément
dansl’albumen et le vitellus en groupant pour
chaque poule
les oeufs appartenant à la même série. Nousavons utilisé la méthode
microbiologique
de SNELL et STRONG(r 939 ).
Le 10mai, trois
poules
du lot carencé(régime C) reçoivent
chacune une doseunique
de 10mg de riboflavine tandis que troispoules
du lot témoin(régime S)
sont mises aurégime
C. Ces animaux sontsacrifiés le 15 mai en même temps que les trois
poules
restant dans le lot S. Aucunepoule
du lot Cne survivait par suite de morts accidentelles.
Le schéma
général
del’expérience
a donc été le suivant :RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
ET DISCUSSIONI. - RÉPARTITION DE LA RIBOFLAVINE ENTRE LE FOIE, LA GRAPPE OVARIENNE ET L’OEUF
Variations de l’intensité de
ponte
La variation de l’intensité de
ponte (nombre
moyen d’oeufspondus chaque jour
par centpoules)
estrapportée
pourchaque
lot dans le tableau i.(
*
) Il s’agit de la durée maximum ne tenant pas compte des sacrifices en cours de période.
Au cours de la
prépériode
une baisse sensible de l’intensité deponte
intervientune dizaine de
jours après
la mise aurégime expérimental
S.Cette diminution s’accentue par la suite chez les témoins maintenus au
régime S ; puis après
q semainesenviron,
laponte reprend,
se stabilisant toutefois à un niveauplus
basqu’à l’origine.
Bienqu’enrichi
enriboflavine,
cerégime
S étaitimparfait :
valeur
biologique
desprotéines médiocre,
valeurénergétique trop
élevée etrapport énergie-protéines
défectueux. Onpeut
supposer que ces défauts sont àl’origine
du ralentissement deponte qui s’accompagnait
d’une diminutionprogressive
dupoids
de l’oeuf
atteignant
son maximum(-
10p.100 )
entre le 6 et le 16 avril. Puis lespoules
semblent avoir retrouvé un nouvel
équilibre métabolique :
laponte reprend,
se sta-bilise et le
poids
de l’oeuf ne varieplus.
Chez les
poules
carencéesplacées
aurégime C,
lareprise
deponte
est freinéeavant un arrêt brutal. Ici toute stabilisation est
impossible
du fait de la déficienced’apport
en riboflavine.Analyse
dufoie
Dans le tableau 2
figurent
lepoids
dufoie,
la teneur en riboflavine par gramme de foie frais et le contenuhépatique
total en cette vitamine.Les animaux sacrifiés le 6 avril se différencient nettement dans le lot témoin S : le
poids
du foie estfaible,
cequi
est à rattacher à une intensité deponte
diminuée.La carence en vitamine
B 2
a un effet très net sur lepoids
du foiequi
ne fait quediminuer à mesure que l’état carentiel se
poursuit.
Au contraire dans le lottémoin,
lepoids
du foie s’élève avec letemps,
suivantl’augmentation
de l’indice deponte.
La carence
vitaminique
diminue la concentration de riboflavine dans le foie. Sion
prend
les chiffres du 8 mai, on relève un écart deplus
de 30 p. 100entre les teneurs par gramme de foie frais du lot témoin et du lot carencé.Cependant,
l’influence de l’avitaminose étantplus
manifeste pour lepoids
dufoie que pour sa concentration en
riboflavine,
il s’ensuit que la diminution de la ribo- flavine totalehépatique
est surtoutimputable
à une réduction de la masse del’organe.
D’une manière
générale,
les teneurs en riboflavine du foie sont assez faibles même chez les animaux aurégime
S. Le faitpeut
êtreimputé
à la valeurbiologique
médiocre des
protides
durégime.
Onsait,
eneffet,
que les réserveshépatiques
devitamine
B 2 dépendent,
pour unelarge part,
de laquantité
et de laqualité
des pro- tides alimentaires(A DRIAN ,
LUNVENetT ERROINE , 10 6 1 ).
Dix
milligrammes
de riboflavine administrésper
os à lapoule
carencée suffisent pour restaurer lepoids
du foie et reconstituer soncapital vitaminique,
essentielle- ment paraugmentation pondérale
del’organe.
Analyse
de lagrappe
ovarienneDans le tableau 3
figurent
lepoids,
le contenu total en riboflavine et la concen-tration en cette vitamine d’une grappe ovarienne
prélevée
entièrement lors dechaque
sacrifice (valeurs
movennesl.
Le
poids
de la grappe ovarienne est un reflet fidèle de l’intensité deponte.
Lacarence en riboflavine l’abaisse d’autant
plus
que les effets de l’avitaminose se font sentirdavantage.
La carence affecte à la fois la concentration en riboflavine des grappes et leur contenu total en cette vitamine. La teneur en vitamine
B 2
est fonction à la fois dela richesse des ovocytes et de celle du tissu ovarien.
Or,
la teneur du tissu ovarien estplus
constante que celle desovocytes.
Dans un travailprécédent (B!,uM, C ALET , JACQUOT, ig6i),
nous avons montréqu’avec
unrégime équilibré
la teneur de lagrappe variait avec l’intensité de
ponte : lorsque
celle-ci seralentit,
cette teneur tombeà I .1, 5 pg de riboflavine par gramme frais ce
qui correspond
à uneprédominance
du tissu ovarien. C’est ce
qu’on
observe pour la grappe despoules
témoins sacrifiées le 6 avril alors que leur indice deponte
était très faible. La carence en riboflavinene fait
qu’accentuer
lephénomène,
car elle se manifeste intensément au niveau de la grappe ovarienne.Après
10jours
derégime C,
alors que les réserveshépatiques
en riboflavine nesont diminuées que de 30 p. 100 par
rapport
auxtémoins,
le contenu de la grappe ovarienne est diminué de 70 p. ioo. Ladisproportion
est encoreplus marquée
pour la teneur en cette vitamine par grammed’organe, soit
- 20 p. 100dans le foieet―65
p. 100dans la grappe ovarienne. Enfin la
ponte
s’arrête alors que le foie a encoreprès
de la moitié de son
capital
en riboflavine.L’administration
per
os d’une doseunique
de riboflavine(io
mg parpoule)
5jours
avant le sacrifice nes’accompagne
pas d’unereprise
de l’activité ovarienne.Ce
fait ne doit passurprendre,
car ledéveloppement
de la grappeovarienne,
etpartant
laponte,
ne sontqu’indirectement
sous ladépendance
durégime,
le contrôle direct revenant auxglandes
endocrines ,et d’abord àl’hypophyse.
C’est ainsi que HOSODA et al.( 1955
et195 6) puis
MoRRis et Na!,sawDOV(ig6i)
ont montré que laponte,
arrêtée par lejeûne total, peut
êtreprolongée quelques jours
eninjectant
desgonado- trophines hypophysaires.
Si les 10 mg de riboflavine ontpermis
à lapoule
de recons-tituer son
capital hépatique,
il lui faudra néanmoins un certaintemps
pour que son fonctionnement hormonal senormalise,
entraînant ainsi unereprise
de l’activitéovarienne.
Analyse
du vitellus del’cenf
Dans le
tableau 4 figure
pourchaque période considérée,
la moyenne des teneursen riboflavine du vitellus.
Ce mode de
présentation
a l’inconvénient de ne pas tenircompte
del’aptitude
propre de
chaque pondeuse
pour le transfert de la riboflavine à l’oeuf. Cet inconvé- nient se fait surtout sentir pour les dernièrespériodes qui
n’intéressentplus qu’un
nombre réduit
d’animaux,
les autresayant
étépréalablement
sacrifiés. Pourpallier
ce
défaut,
nous avonsaffecté,
pourchaque poule,
la moyenne des teneurs en ribo-flavine
pendant
lapremière période ( y
au 25mars)
du coefficient 100. I,a teneur du- vitellus des oeufs suivantss’exprime
alors enpourcentage
de lapremière période.
C’est la moyenne de ces
pourcentages qui figure
dans le tableau 5.De ces deux
tableaux,
il ressort que :- La carence a un effet
rapide
et trèsmarqué,
entraînant en Iojours
une chute-de la teneur du vitellus d’environ 7o p. 100, alors
qu’à
cetteépoque
la concentration de riboflavine dans le foie n’étaitguère
diminuée que de 10p. 100et lecapital hépa- tique
de 30 p. 100.- Chez les
témoins,
la teneur en riboflavine du vitellus diminue tout d’abord pour atteindre un minimum(―
30 p.I oo)
situé entre le 6 et le 16 avril etqui
coïncideavec l’indice de
ponte
leplus
faible. La teneur dujaune
d’oeuf redevient normale lors de lareprise
deponte.
Cette diminutionpassagère
de la riboflavine du vitellus.est à
rapprocher
de cellequi
survient en fin de saison deponte,
alors que laproduc-
tion des oeufs diminue peu de
temps
avant l’arrêt totalprécédant
la mue(B LUM CAL
E
T, JACQUOT, 1961 ) .
Analyse de
l’albumen del’ceuf
La moyenne des teneurs en riboflavine de l’albumen est
indiquée
dans le tableau 6 pourchaque période
considérée. Dans le tableau 7 nous utilisons le même artifice- que pour le vitellus en affectant lapremière période
du coefficient 100.Là encore l’influence de la carence se fait sentir nettement et avec une intensité
plus grande qu’au
niveau du tissuhépatique
surtout dans les dernièrespériodes
avantl’arrêt total de la
ponte.
Chez les témoins la diminution transitoire de la teneur en ribo- flavine est moinsmarquée
etplus précoce
au niveau de l’albumen que dans le vitellus.Cette
précocité,
il estvrai, peut
être due au fait que la formation du blanc d’oeuf estplus rapide
que celle dujaune.
Conclusions
En cas d’insuffisance
d’apport
enriboflavine,
lapoule peut
sacrifierplus
de 50p.100de son
capital hépatique
en cette vitamine pour assurer laponte,
mais les derniers oeufspondus
ont une teneur très faible en vitamineB 2 .
Lorsque
la carence survient enpleine ponte ( 10 mai),
lecapital hépatique
estréduit de 40p. 100 en 5
jours
sans que la teneur en vitamineB 2
des oeufspondus soit beaucoup
diminuée. Cequi permet
de penserqu’une
certaineproportion
de la ribo- flavine du foie constitue une réserve immédiatement mobilisable pourl’ovogenèse.
Cette réserve serait à la fois fonction de l’état
physiologique (hypertrophie
du foiechez la
pondeuse),
de la richesse en riboflavine et du niveauprotéique
de la ration(quantité
etqualité
desprotéines). lorsque
cette réserve estépuisée,
le foie devient très avare de sa riboflavine et la teneur des oeufs baisseconsidérablement, puis
laponte
s’arrête.A ce
point
de vue, laponte
n’est pas unphénomène prioritaire, l’organisme
nelui sacrifiant
largement
sa riboflavine que dans la mesure où ce sacrifice negêne
passes fonctions vitales. Lors de la
réplétion
en vitamineB 2 ,
les réserves sont d’abordreconstituées,
l’activité ovarienne nereprenant
queplus
tard.II. -
CINÉTIQUE
DUDÉPÔT
DE RIBOFLAVINE DANS L’ALBUMENNous avons montré que la
riboflavine,
comme lesprotéines (P!ARI,
etC URTIS , 1912
),
sedéposait
dans l’albumen au niveau du magnum(B LUM , C AL ET, JACQUOT,
ig6i). L’étude
de la sécrétion de cet organe et de sa teneur en vitaineB 2
chez lapoule
normale ou carencée nousapporte
desrenseignements complémentaires.
Influence
de la carence sccr l’albumen desoeufs pondus
Dans notre
essai,
la carence en riboflavine était instituée à uneépoque
où l’inten- sité deponte
allait en diminuant. Certainespoules
ont alors continué àpondre.
D’autres se sont arrêtées
pendant
untemps
variable.Dans le
premier
cas(maintien
deponte),
la teneur en riboflavine de l’albumen diminuaitprogressivement
à mesure que s’intensifiait la carence.Dans la seconde
éventualité,
laponte reprenait après
un délai variant de 7 à 255jours,
selon deuxtypes
de modalités :- l’albumen des oeufs nouvellement
pondus
était très pauvre enriboflavine,
ce
qui indiquait
que le magnum nedisposait plus
d’aucune réserve faute d’un ravitail- lementsuffisant ;
- à la
reprise
deponte,
l’albumen des deuxpremiers
oeufs avait une teneur élevéeen riboflavine
qui
s’effondrait dans les oeufs suivants. Ce fut le cas despoules
9 et z3
qui
se remirent àpondre après
un arrêtrespectif
de 9 et de 7jours (tableau S).
Nous avions malheureusement
mélangé
les albumens dupremier
et du secondoeuf
pondus
et nous ne pouvons savoir s’ils avaient les mêmes teneurs en riboflavine.Quoi qu’il
ensoit, l’organisme
de cespoules
semblait avoirépuisé
unegrande partie
de la riboflavine
disponible
pour laponte
comme entémoigne
lapauvreté
du vitellusen cette vitamine. Il est d’autant
plus surprenant
de constater la richessepassagère
de l’albumen. On
peut
penser avec Boi/roN( 1952 )
que toute la riboflavine nécessaire à l’albumen est accumulée dans le magnum entrechaque
sécrétion. Il faut admettre lapossibilité
d’un mécanismerégulateur qui protégerait provisoirement
cette réservedu magnum en
dépit
d’un état carentielgénéralisé.
C’est la seulehypothèse qui
pour- raitexpliquer
la richesse en riboflavine de l’albumen des deuxpremiers
oeufs nouvelle- mentpondus qui
fait contraste avec lapauvreté
de l’albumen des oeufssuivants.
Mais il
n’y
a làqu’une possibilité puisque,
dans lamajorité
des cas, la carence en ribo- flavine retentit immédiatement sur la teneur del’albumen, qu’il
y ait ou non arrêt deponte.
Étude
du magititm et de sa sécrétion Etude du magnum et de sa sécrétionAfin de
préciser
lacinétique
dudépôt
de riboflavine dans le blanc d’oeuf nous avons recueilli le magnum et l’albumen en voie de formation dans cet organe,chaque
fois
qu’un
vitelluss’y
trouvaitengagé
au moment du sacrifice. Le magnum était diviséen trois fractions :
partie
antérieureresponsable
de lasécrétion, partie
contenant vitel-lus et albumen en voie de
formation, partie postérieure n’ayant
encore rien sécrété.A titre de
comparaison,
nous avonségalement prélevé l’isthme,
organehistologi- quement comparable
au magnum. La riboflavine de ces différentsprélèvements
aété dosée et cela chez des Poules témoins recevant de la riboflavine
(régime S)
etchez des Poules carencées en cette vitamine
(régime C).
Les valeurs des tableaux 9(témoins)
et 10(carencées)
sontexprimées
par centimètred’organe
et non par unitépondérale
afin d’avoir une base decomparaison
sans tenircompte
de la sécrétion.Le
poids
du magnum et de l’isthme a été calculé par unité delongueur
afin de rendrecompte
de l’activité sécrétoire dechaque segment.
Ces tableaux mentionnentégale-
ment le contenu en riboflavine de l’albumen en voie de formation et du blanc des derniers oeufs
pondus.
En dehors de toute déficience
d’apport (témoins
aurégime S)
le magnum de lapoule pondeuse
est un organe riche en riboflavine : son contenu total en vitamineB 2
aux stades I, III et IV est en moyenne de
1 6 9
pg pour unpoids
moyen de 2o-25g.Le contenu
hépatique
total est de l’ordre de 700 ug pour unpoids
du foie de6 0 - 70
g.La concentration en vitamine
B 2
est sensiblement de même ordre dans les deux or-ganes. La teneur de l’isthme est nettement
plus
faible.Chez ces
poules témoins,
aux stadespré-
etpostsécrétoires (I,
III etIV)
il existe ungradient
derépartition
de la riboflavine dans le magnum. Les teneurs lesplus
élevéespar cm
d’organe
se trouvent dans lapartie
antérieure et les teneurs lesplus
faibles dans lapartie postérieure,
lapartie
moyenneayant
un taux intermédiaire. Au stade II,lorsque
le vitellus estengagé
dans le magnum, la chute des teneurs en riboflavine de lapartie
antérieure du magnum despoules témoins et
12(tableau 9 ) correspond
au transfert de cette vitamine dans l’albumen en voie de formation. Il est
possible, cependant,
que les résultats concernant l’albumenpèchent
par défaut du fait de la difficulté de récolter in situ cetteproduction.
La richesse du magnum en riboflavine est variable d’une
poule
à l’autre à l’inté-rieur du lot témoin
(tableau g).
Elle n’aqu’un rapport
assez vague avec la richesse moyenne de l’albumen des oeufspondus.
Il semble que larecharge
en vitamine du magnum ne soit pastoujours complète après
passage duvitellus,
cequi expliquerait l’irrégularité
des teneurs en riboflavine du blanc des oeufs d’une mêmepoule
maintenueau même
régime (A DRIAN , ig58).
La déficience
d’apport
de riboflavine abaisse considérablement la teneur du magnum en cette vitamine : le contenu total de1 6g
pg en moyenne chez lestémoins,
tombe à 22-23 u.gaprès
forte carence(poules
9et3 .I).
Dans cesconditions,
on n’ob-serve
plus
degradient
derépartition :
lapartie
antérieure du magnum devient aussi pauvre que lapartie postérieure. L’égalisation, qui
se fait essentiellement auxdépens
de la
partie antérieure, précède l’épuisement général
du magnum et l’effondrement des teneurs de l’albumen en voie de formation. Une courte carencede joursconduit déjà
à une baissesignificative
du taux de riboflavine dans lapartie antérieure,
alorsque la
partie postérieure
est moins touchée(poules
3 et32 ).
D’une manière
générale,
la richesse de l’albumen en riboflavine est sous le double contrôle de laplace occupée
dans le magnum et de la teneur de cet organe en vita- mineB,.
Elle nedépend
pas dupoids
frais d’albumen sécrété. Ainsi dans le lot témoin(tableau g),
lepoids
d’albumen en voie de formation chez lapoule
q était de 3 g avecun contenu total de 51 pg de riboflavine alors que chez la
poule
12 lepoids
sécrétéétait de
6, 17
g avec un contenu total de 31,2 fLg de riboflavine.Si l’on compare le contenu total en riboflavine du magnum et le contenu du blanc des derniers oeufs
pondus,
on voitqu’en règle générale
les réservesdisponibles
dumagnum excèdent
largement
lesquantités
nécessaires à la formation de l’albumen et cela aussi bien chez les témoins(tableau c!l
que chez lespoules
carencées(tableau 10 ) quels
que soient les écarts notables des teneurs en valeur absolue.Conclusions
Toute la riboflavine
déposée
dans l’albumen se trouve dans le magnum avant passage du vitellus.Avec un
régime
contenant de lariboflavine,
le magnum constitue des réserves de vitamineB 2 qui
sont ensuite transférées àl’albumen,
les deux tiers antérieursjouant
un rôle
privilégié
à cetégard.
Eneffet,
les réserves en riboflavine du magnum sontréparties
selon ungradient
de densitéqui
va en diminuant de lapartie
antérieure à lapartie postérieure.
La richesse en riboflavine du magnum varie d’unepoule
à l’autreet n’a pas de
rapports
évidents avec la richesse du blanc des oeufspondus.
Cette der-nière est
également indépendante
de laquantité
d’albumen sécrété.En
régime
carencé en riboflavine. le magnum ne serecharge
pas normalementen vitamine
B 2
et on n’observeplus
degradient
derépartition
entre lesparties
anté-rieure et
postérieure.
Dans cesconditions,
deuxtypes
de transfert à l’albumen sontpossibles. Lorsque
laponte
semaintient,
la carence retentit directement sur la teneur en riboflavine du blanc d’oeufqui
s’effondre.Lorsque
laponte
s’arrêtetemporaire-
ment, la carence ne retentit pas nécessairement lors de la
reprise
deponte
sur leblanc des deux
premiers
oeufspondus qui
renferme une teneur élevée deriboflavine,
ce
qui indique
que l’albumen a pusauvegarder partiellement
ses réservespendant
l’arrêt de
ponte. Mais,
dès le 3eoeuf,
le blanc a un tauxvitaminique
très bas.CONCLUSIONS
GENERALES
La
privation
de vitamineB 2 imposée
à lapoule pondeuse
conduit finalement àun arrêt de
ponte qui
estprécédé
par une réductionimportante
de la massehépatique
et du
poids
des grappes ovariennes allant depair
avec l’effondrement des teneurs enriboflavine du vitellus et de l’albumen.
Une
partie
seulement des réserveshépatiques
de riboflavine estdisponible
pourl’ovogenèse.
La carence retentitbeaucoup plus
sur le contenu en riboflavine des ovaires et de l’oeuf que sur le contenu du foie. L’arrêt deponte
intervient alors que le foiepossède
encore la moitié environ de soncapital
en riboflavine. C’est dire que le besoinvitaminique
de laponte
n’est pasprioritaire :
lapoule
ne lui sacrifie ses réserves tissu- laires que dans la mesure où ce transfert ne nuit pas à son propreéquilibre
nutrition-nel. Ce
comportement
est àrapprocher
des faits observés dans lagestation
des Mam-mifères : la
majorité
des déficiencesvitaminiques atteignent
enpremier
lieu le foetussans
qu’il
soit leplus
souventpossible
de déceler le moindresigne clinique
d’avita-minose chez la mère
(J A C Q uoT,
i9!3 ;BouRDEL, JACQUOT,
K!,Em et MAYER,10 6 1 ).
I,a
priorité
del’organisme
maternel ressortégalement:
du faitqu’une simple
dose de10 mg de riboflavine administrée
fier
os à lapoule
carencée suffit à reconstituer les réserveshépatiques
mais estincapable
de provoquer lareprise
de l’activité ovarienne.Chez la
poule pondeuse
noncarencée,
toute la riboflavine du blanc d’oeufprovient
des réserves du magnum, organe dont la teneur relative en vitamine
B 2
n’estguère
inférieure à celle du foie. Ces réserves sont localisées selon un
gradient
de concentration et leurimportance
diminuequand
on passe de lapartie
antérieure à lapartie posté-
rieure du magnum. Dans l’albumen en voie de
formation, prélevé
iusitu,
iln’y
apas de relations évidentes entre le taux de transfert
(contenu
total enriboflavine)
et la vitesse de sécrétion
(poids d’albumen).
La richessevitaminique
de l’albumenen voie de formation est à la fois fonction de la
place occupée
dans le magnum et del’importance
des réserves de cet organe. Il arrive que celui-ci n’arrive pas à sea
recharger
»pleinement
entre le passage de deuxvitellus,
cequi expliquerait
lesgrandes
variations du contenu en riboflavine du blanc des ceufs de la mêmepoule
maintenue au même
régime.
Chez la Poule carencée en vitamine
B 2 ,
on note une chuteprogressive
des teneursen riboflavine du magnum et de l’albumen. Comme
quelques témoins,
certainespoules
carencéessuspendent provisoirement
leurponte
et, à lareprise,
les deux pre- miers oeufs nouvellementpondus peuvent
avoir un albumen riche en riboflavine alors que le vitellus en est très pauvre. Le magnumparvient
àsauvegarder
unepartie
de ses réserves alors que la carence se fait
déjà
fortement sentir sur l’ovaire. Mais,ce n’est
qu’un
état passager et le blanc des oeufs suivants devient très pauvre en ribo- flavine avant un arrêt définitif deponte.
Nos résultats montrent clairement que les modalités de transfert de la vitamineB 2
varient selonqu’il s’agit
du vitellus ou de l’albumen. Lesovocytes
et le vitellus sont normalementplus
riches en riboflavine que le tissu ovarien alors que l’albumen esttoujours plus
pauvre que le magnum.Reçu en mai L96z.
SUMMARY
THE EFFECTS OF SEVERE RII30FLAVIN DEFICIENCY ON TIIE LAYING IIEN : THE ORDER OF PRIORITY BETWEEN TISE MATERNAL TISSUES AND TIIE EGG
Two batches of 20
layings
hens wereplaced
on asemi-synthetic
diet( I5
p. 100ofprotein
in theform of
gluten),
the control groupreceiving
10mg of riboflavin per kg, the deficient group 0,4 mg perkg.
I. Distribution of
riboflavin
between the liver, the ovarian cluster and the egg.The
deficiency
symptoms were as follows :a) Egg
laying
fell off in all the animals beforestopping entirely,
on the 24thday
ofdeficiency.
b)
The liver diminishedconsiderably
in volume, although the riboflavin content per gram of fresh liver tissue showed a smaller variation : on the32 nd day
ofdeficiency
the average liverweight
of the deficient animals was 32 grams ascompared
with 70 grams in the control - adifference of 54p. roo ; the riboflavin content of the livers of the deficient batch was 8 fLg per gram of fresh tissue as
compared
with I i yg in the control batch - a difference of 27 p. 100c)
The ovarian cluster reactedmore dramatically
to thedeficiency
than the liver : on the32 nd day
its averageweight
was 9grams in the deficient group and 36 grams in the control -a difference of 75 p. ioo. The riboflavin content showed similar variation being. 0.8 yg per gram of fresh tissue in the deficient batc hascompared
with z.4 fLg per gram in the control ― adifference
of 67p. 100. Thus while the vitamin deficiency hadonly
a moderate effect upon the liver riboflavin content, itprovoked
a
heavy drop
in the amount of B2 present in the ovary.d)
The eggyolk
showed a greatsensibility
to thedeficiency ;
in 10days
its riboflavin content haddropped
70p. Ioo, while the liver reserves hadhardly
been affected over thisperiod.
From thispoint
the fall continued until on the 32ndday :
the riboflavin content was o.6 yg per gram of freshyolk against
3 yg per gram in the control- a difference of 80 p. 100.e) The egg albumen is likewise more
susceptible
to thedeficiency
than the liver, andparticu- larly during
the later stages. The riboflavin content of fresh albumen was 0.2 fig per gram in the deficient batch as compared with 2.6 per gram in the control - a difference of 92 p. 100.f)
Thus under conditions of ariboflavinosisonly
about 5o p. 100 of the liver storage of B2 are mobilized for eggproduction.
Once this contribution has been made, the liver holds on to its vitamin,the egg riboflavin
drops considerably
andlaying finally
ceases. In this line egglaying
is apheno-
menon of
a secondary
orderof priority,
the maternal organism releasing its B2 storageonly
inso far as the maintenance of its own nutritional
equilibrium
willpermit
it. Furthermore, the B2deficient hen will use any available riboflavin
supply
to re-establish its liver storage beforemaking
any B2 contribution for ovarian
activity.
II. The kirzetics
of ribojLl 1’ in deposition
in the albumen.All the riboflavin contained in the white of the egg is obtained from the reserves accumulated in the magnum before the passage of the yolk :
a)
in the non-deficientlaying
hen these reserves varygradually,
theirimportance diminishing
from about 7 yg to 4 ¡.r.g per centimetre in
passing
from the anterior to theposterior
part of the magnum;b) in the deficient hen the magnum does not
replace
its B2 contentnormally
and the anterior-posterior riboflavin
supply
gradient is no more observed.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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