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LOUIS POTViNTECHNIQUES CINEMATOGRAPHIQUES AMENANT LA DISTANCIATION
ET
ON EST TOUS À PEU PRÈS AU MÊME POINT! ON EST TOUS À PEU PRÈS AUSSI RICHES!
(FILM DOCUMENTAIRE)
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
pour l'obtention
du grade de maître es art ( M A )
Département des Littératures FACULTÉ DES LETTRES
UNIVERSITÉ LAVAL
JUILLET 1995
RESUME
Ce mémoire comporte deux parties. La première est un film documentaire d'une
durée de 93 minutes. "On est tous à peu près au même point! On est tous à peu
près aussi riches!", traite de la pauvreté dans la ville de Québec. Son but est de
présenter un portrait réaliste du paupérisme dans la capitale, en évitant tout
sensasionalisme. Il fallu donc, réfléchir aux techniques à utiliser pour empêcher le
sensasionalisme et la pitié. Ce qui m'a conduit à la deuxième partie de ce
mémoire, une réflexion sur les techniques cinématographiques amenant la
distanciation. A partir des études concernant l'identification au cinéma, les travaux
de Bertolt Brecht sur la distanciation au théâtre et l'analyse de certains films, je
dégage les principales techniques cinématographiques amenant la distanciation.
De plus, je démontre comment je les ai utilisées dans mon film.
AVANT- PROPOS
Je tiens à remercier mon directeur de maîtrise, Paul Warren, pour sa générosité,
ses précieux conseils et sa patience. Je n'aurais pu réalisé ce film sans l'aide
essentiel de la Télévision Communautaire Saint-Félicien et son directeur général,
Christian Talbot. Merci de m'avoir offert gratuietement tous le matériel nécessaire
à la réalisation de ce film. Merci à ceux qui ont donné vie à ce documentaire, votre
présence dans le film est irremplaccabte; Pierre Caron et les usagers du centre
communautaire l'Amitié, Yolande Vallière, Richard, Michel et les autres membres
de l'équipe de la Maison Revivre. Gilles Lapointe et les gens du Service d'Entraide
Basse-Eille, Pierre-André Fournier, curé de Saint-Roch, Josée Arsenault et les
gens du Centre Amical Basse-Ville, André Migneault de Moisson Québec, Nathalie
Paré, Nathalie Fortin, Suzanne Laliberté et Jaqueline et Françine pour leur
témoignage magnifique. Merci à Frédéric Fortin pour sa musique. Merci à Nico
Gagnon et Alain Potvin pour leur aide durant le tournage du film. Merci à Edith
Pelletier, Karine Pronovost, Jacques Gagnon, Stéphane Leclerc et Frédéric Fortin
pour leur judicieux conseils. Finalement, merci à Claude et Nicole Potvin mes
parents.
TABLE DES MATIERES
page
RÉSUMÉ
AVANT-PROPOS
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 1 PREMIER CHAPITRE: L'IDENTIFICATION 6
1.1 L'identification au cinéma 10 1.2 Les techniques favorisant l'identification 12
DEUXIÈME CHAPITRE: LA DISTANCIATION 15
2.1 Le théâtre épique 18 2.2 Analyse de film 20
2.3 On est tous à peu près au même point! On est tous à peu près
aussi riches! 27 2.4 Les techniques amenant la distanciation 29
CONCLUSION 32 BIBLIOGRAPHIE 33
INTRODUCTION
Le présent travail accompagne une production cinématographique qui est
le principal objet de mon mémoire. S'intitulant: "On est tous à peu près au même
point! On est tous à peu près aussi riches!", ce film réalisé au cours de l'année
1993, est un documentaire traitant de la pauvreté dans la ville de Québec. Son
objet premier est de présenter un portrait réaliste du paupérisme dans la capitale.
Comme ce genre de sujet peut amener du sensationnalisme et de la pitié, il a fallu
s'attarder longuement sur les techniques à utiliser afin de susciter une réflexion
approfondie de la part du spectateur. Avec ce film, j'ai mis en pratique des
techniques cinématographiques provoquant de la distanciation. L'utilisation de ces
techniques me conduit directement à ce travail.
Depuis les frères Lumière et George Méliès, le cinéma a pris deux
directions bien distinctes, celle de la fiction et celle du documentaire. L'une cherche
plutôt à divertir tandis que l'autre à informer. Les discussions entourant le
divertissement et l'éducation étaient déjà présentes à l'époque de Platon et
d'Aristote. Aujourd'hui, le cinéma de fiction se sert du documentaire pour être plus
vraisemblable et le documentaire se "fictionnalise" pour être diffusé. Les nouvelles
querelles se situent désormais au niveau de l'identification et de la distanciation.
Le présent travail s'intéresse à ces deux théories. Ce texte a pour but de
démontrer, à partir de l'analyse de quatre films, qu'il existe dans le cinéma des
techniques cinématographiques provoquant la distanciation. Pour y arriver, il faut
d'abord expliquer rapidement les principaux aspects de l'identification. En premier
lieu, je montrerai que, déjà chez Platon et Aristote, les bases de ce que l'on
nomme aujourd'hui identification et distanciation existaient. Par la suite,
j'aborderai l'identification en psychanalyse, puis, au cinéma pour enfin terminer la première partie par l'analyse des principales techniques facilitant l'identification.
Dans la seconde partie, je distinguerai quelques aspects de la théorie de ta distanciation, élaborée par Bertolt Brecht pour ensuite montrer les différences que ce dernier établit entre le théâtre épique et ie théâtre dramatique. À ia lumière de cette théorie, j'analyserai les films suivants: Henry. Portrait of Serial Killer, une fiction de John McNaugthon, La Hora de Los Homos. un documentaire de Fernando Solanas, Un pays sans bon sens, un documentaire de Pierre Perrault, ainsi que "On est tous à peu près au même point! On est tous à peu près aussi riches!", mon documentaire. À partir de ces analyses de film j'examinerai quelques techniques cinématographiques pouvant produire la distanciation.
PREMIER CHAPITRE: L'IDENTIFICATION
Plusieurs chercheurs reconnaissent l'importance qu'ont acquis certains
textes de Platon et d'Aristote dans différents secteurs d'activités, tl serait farfelu de
croire que Platon et Aristote aient pressenti le cinéma et, plus précisément, dans ie
cas qui m'intéresse, son rapport à identification. Cependant, il sembie que les
deux philosophes aient tracé res pistes de ce que l'on nomme aujourd'hui ie
processus d'identification par l'image.
Aristote, dans sa Poétique, explique que l'art doit utiliser la "mimesis" pour
ainsi espérer atteindre ses objectifs. Notons que Platon touche, lui aussi, l'aspect
de l'identification, d'autant que son "mythe de ia caverne", au iivre VU de La
république, ressemble, parson dispositif, â celui du cinéma.
En effet, te dispositif que décrit Platon possède les mêmes
caractéristiques que celui de la projection dans une salle de cinéma:
"Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne,
ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière; ces hommes sont là
depuis ieur enfance, les jambes et ie Cou enchaînés, de sorte qu'ils ne peuvent
bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner ta tête;
la lumière leur vient d'un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux; entre ie
feu et les prisonniers passe une route élevée: imagine que le long de cette route
est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes
dressent devant eux, et aux dessus desquelles ils font voir leurs merveilles."
1Les ressemblances avec le dispositif du cinéma sont assez troublantes.
L'état dans lequel se retrouvent les personnages de l'allégorie et les spectateurs
de cinéma présente certaines analogies. Ils ont la même dynamique de semi-veille
ou d'hypnose face à ces ombres. Et avec le temps, les regardants considèrent ces
images comme étant réelles, concrètes. "..., penses-tu que dans une telle situation
ils aient jamais vu autres choses d'eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres
projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face? [...] Si donc ils
pouvaient s'entretenir ensemble ne penses-tu pas qu'ils prendraient pour des
objets réels les ombres qu'ils verraient".
2Cette allégorie de Platon a pour sujet l'instruction et l'ignorance. Ce que le
philosophe affirme à propos des prisonniers, c'est qu'ils ne peuvent avoir accès à
i'éducation au au monde des idées parce qu ris sorti r'rrusroi .triés par des ombres.
Selon lui, ii faut ies éduquer pour quïis puissent avoir une meiiïeure idée du
monde. Ceiie iiïusion due aux ombres, cesi précisément ce que produit
identification au cinéma. Elle occulte fa capacité d'abstraction pour embarquer ie
spectateur dans un voyage illusoire. Or, ce que propose Platon, en libérant ies
prisonniers de leur ignorance, correspond au processus de distanciation élaboré
par Bertolt Brecht. "L'éducation est donc fart qui propose ce but, fa conversion de
Tame, et qui recherche les moyens les plus aisés et ies plus efficaces de Popérer;
elle ne consiste pas à donner ta vue à Torgane de rame, puisqu'il Ta déjà; mais
comme il est mal tourné et ne regarde pas où il faudrait, elle s'efforce de ramener
dans la bonne direction".
32 Platon La République Paris, GF Flammarion, 1966,p. 273. 3 Platon La République Paris, GF Flammarion, 1996,p. 277.
Quant à Aristote, il semble considérer que l'art n'est valable que s'il imite la réalité.
Pour mieux saisir son propos, voyons sa définition de la tragédie:
"La tragédie est l'imitation d'une action noble, conduite jusqu'à sa fin et ayant une
certaine étendue, en un langage relevé d'assaisonnements dont chaque espèce
est utilisée séparément selon les parties de l'oeuvre; c'est une imitation faite par
des personnages en action et non par le moyen d'une narration, et qui par
l'entremise de la pitié et de la crainte, accomplit la purgation des émotions de ce
genre."
4Les propos cités, ainsi que l'ensemble du texte de la Poétique, montrent la
manière selon laquelle un drame, ou tout acte artistique, devrait se construire.
Jamais, pour Aristote, il n'est question que l'art fasse réfléchir mais plutôt qu'il
produise chez le récepteur de la crainte et de la pitié. Des citations tirées de la
Poétique, montreront que la vision qu'avait Aristote de la représentation n'a pas
beaucoup changé jusqu'à maintenant. Il semble que ce soit une bonne vieille
recette que le cinéma américain a su appliquer parfaitement à son industrie.
"...ce qui séduit le plus la tragédie, ce sont des parties de l'histoire: les péripéties et
les reconnaissances." p. 112
"...l'unité de l'objet, de même l'histoire - puisqu'elle est imitation d'action - doit être
imitation d'une action une et formant un tout; et les parties constituées des actes
accomplis doivent être agencées de façon que, si l'on déplace ou supprime l'une
d'elles, le tout soit troublé et bouleversé." p. 116
"De ce qui a été dit résulte clairement que le rôle du poète est de dire non pas ce
qui a réellement eu lieu mais ce à quoi on peut s'attendre, ce qui peut se produire
conformément à la vraisemblance ou à la nécessité." p. 116
"Puisque l'imitation a pour objet non seulement une action menée jusqu'à sa fin,
mais aussi des événements qui suscitent crainte et pitié; puisque ces sentiments
naissent surtout lorsque ces événements, tout en découlant les uns des autres, ont
lieu contre notre attente..." p. 118
"Il faut en effet agencer l'histoire de telle sorte que, même sans le savoir, celui qui
entend raconter les actes qui s'accomplissent, frissonne et soit pris de pitié devant
les événements qui surviennent." p. 124
"Dans les caractères, comme dans l'agencement des actes accomplis, il faut
également toujours chercher soit le nécessaire, soit le vraisemblable, de sorte qu'il
soit nécessaire ou vraisemblable que tel personnage dise ou fasse telle chose,
nécessaire ou vraisemblable qu'après ceci, ait lieu cela." p. 128
"Le poète doit en effet parler le moins possible en son nom personnel, puisque
lorsqu'il le fait il n'imite pas." p. 148
Cette analyse succincte de textes de Platon et d'Aristote me paraît
suffisante pour démontrer que le phénomène de l'identification a de lointaines
origines. Nous allons mieux saisir l'importance de cette manifestation en nous
intéressant aux travaux de la psychanalyse.
La branche de la psychologie appelée psychanalyse est née, étrangement,
presque en même temps que le cinématographe. Mais c'est seulement vers 1923
que l'identification prend de l'importance, pour la théorie psychanalytique.
Sigmund Freud élabore le système du Ça, du Moi et du Sur-moi. Ce système
sécrète le processus d'identification qui "est à la fois le mécanisme de base de la
constitution imaginaire du moi (fonction fondatrice) et le noyau, le prototype d'un
certain nombre d'instances et de processus psychologiques ultérieurs par lesquels
le moi, une fois constitué, va continuer à se différencier (fonction matérielle)."5
Ce système se subdivise en un certain nombre de parties. Il y a d'abord
ce qu'on appelle «l'identification primaire».. Elle apparaît "lorsque l'identification
directe et immédiate se situe antérieurement à tout investissement de l'objet."*
5Il
faut préciser que, à ce stade, le sujet croit ne faire qu'un avec l'objet, l'autre.
5 Aumont J., Bergala A., Marie M., Vernet M . Esthétique riu film Paris,Nathan, 1988, p.174.
Ensuite vient le stade du «miroir» où l'enfant (six à dix-huit mois) va s'identifier à
lui-même comme entité. C'est alors qu'il commence à bâtir son moi en rapport
avec l'image de l'autre. Par la suite, l'enfant passe par le fameux «complexe
d'Oedipe». Grosso modo, l'enfant investit sur ses parents un ensemble de désirs
qui sont de l'amour et du désir sexuel pour la figure parentale de sexe opposé; de
la haine, de la jalousie et un désir de mort pour le parent du même sexe perçu
comme rival. Après avoir traversé la crise oedipienne, le moi du sujet va, peu à
peu, se différencier grâce à toutes ces futures identifications.
Il faut remarquer qu'il y a un caractère régressif dans l'identification.
C'est-à-dire, qu'il y a, "pour le sujet déjà constitué, une régression à un stade antérieur
de la relation à l'objet, un stade plus primitif, plus indifférencié que l'attachement
libidinal à l'objet."
7Cette régression est narcissique car la personne peut mettre
dans son moi l'objet absent ou perdu. Ainsi, l'identification aurait tendance à faire
se replier sur soi l'être humain, en négligeant le contact avec l'extérieur, la réalité.
Selon Freud, cette régression réactive le stade oral. C'est-à-dire que l'identification
"se comporte comme un produit de la première phase, de !a phase orale de
l'organisation de la libido, de la phase pendant laquelle on s'incorporait l'objet
désiré et apprécié en le mangeant, c'est-à-dire en le supprimant."
8Le processus de projection, comme je l'ai noté plus haut, a des similitudes
avec le dispositif de la caverne de Platon. L'état dans lequel se retrouve le
spectateur dans une salle de cinéma ressemble à celui de l'individu lors des
différentes étapes de son identification. H y a l'obscurité de la salle, l'inhibition
7 op. cit. p. 181.
motrice, le regard en contre-plongée, des personnages beaucoup plus grands que soi et la passivité devant les images.9
1.1 L'IDENTIFICATION AU CINÉMA
Après ce survol de la théorie psychanalytique, voyons succinctement les principales théories de l'identification au cinéma. Au tout début, ce terme était assez flou. L'identification correspondait, selon quelques penseurs du début du siècle dont Hugo Munsterberg, Rudolf Amheim et Vsevolod Poudovkine, à l'état de projection dans lequel se retrouve le spectateur face aux personnages du film, qui l'amène à vivre avec eux ses joies, ses peines, etc.
C'est avec Jean-Louis Baudry, Edgar Morin et surtout Christian Metz que la théorie de l'identification au cinéma se précisa. Ce dernier divisa le processus de l'identification en deux parties, soit l'identification cinématographique primaire et l'identification cinématographique secondaire. Dans le premier cas, il s'agit de l'identification du spectateur à son propre regard. Le spectateur, avant de s'impliquer dans l'écran et de se prendre pour le personnage, doit d'abord s'identifier au sujet de sa vision, à ce que voit la caméra, qui a vu avant lui, sinon le film serait une succession d'images sans queue ni tête. En acceptant le point de vue de la caméra, le spectateur "s'identifie à son propre regard et s'éprouve comme foyer de la représentation, comme sujet privilégié, central et transcendantal delà vision."10
9 Je résume des réflexions de nombreux auteurs et essayistes qui se sont penchés sur le sujet depuis des décennies dont Jean-Louis Baudry, Christian Metz et André Bazin.
L'identification secondaire au cinéma est l'identification au récit. Le spectateur de cinéma de fiction et le lecteur de roman sont suspendus au récit. Ils sont à la merci de l'histoire et ont besoin d'en savoir la conclusion. Habituellement le récit capte l'attention de son spectateur en creusant un écart entre un sujet désirant et son objet de désir. Des études en sémantique ont permis de découvrir qu'H existe une structure simple de fonctions dramatiques permettant de rendre compte de l'organisation de base de la plupart des récits, il s'agit du modèle actantïei. "...Cette structure se met en place par rapport à l'affrontement du désir et de la Loi (de l'interdit) qui est bien le moteur premier de tout récit: le premier couple d'actants qui se met en place est celui du sujet et de "objet, suivant l'axe du désir, le second celui du destinateur et du destinataire de l'objet du désir, suivant l'axe de ia ioi. ie troisième enfin, i opposant et i adjuvant à ia réalisation du d é s i r / "
La qualité de la narration ou plutôt sa subtilité permettra au regardant d'avoir de la sympathie envers le personnage, même si celui-ci peut commettre des actes que l'on trouve à prime abord répréhensibies. Par exemple, dans plusieurs films dont le héros principal est joué par Clint Eastwood, le spectateur s'identifie au personnage et en vient à accepter et à désirer certaines de ses actions, comme celles de commettre des meurtres.
Ces réflexions m'amènent à démonter que certaines techniques cinématographiques jouent un rôle primordial dans le processus de l'identification par l'image. D'ailleurs, le cinéma hollywoodien a développé des techniques
ycii i c m c o efiin a (îiipiitfuCïi i c i c y a i u a i u u a n s i c u a n .
10
1.2 LES TECHNIQUES FAVORISANT L'IDENTIFICATION
Le cinéma populaire américain repose sur l'invisibilité de la technique. Afin d'y arriver, il a développé des procédés infaillibles qui permettent au spectateur de prendre place dans le hors-champ.
"Ce qui fascine le spectateur de films depuis quatre-vingts ans, c'est l'attente dans l'obscurité de la salle du surgissement du hors-champ, de cette réalité fictionnelle qui n'est pas encore là, mais qui est tout proche, dans les côtés obscurs de l'écran lumineux, et qui s'en vient et qui va venir chasser ce qui est àé\à là. Cette fascination est d'autant plus grande que le spectateur sait secrètement que la réaction qu'il attend de toute son âme et qui va, dans l'instant, sertir de l'ombre pour s'illuminer dans l'écran est celle-là même dont il a imaginé les traits. Metz a tout à fait raison de dire que « le hors-champ est le propre (le lieu propre) du spectateur». Puisqu'aussi bien, c'est là, dans le noir du hors-champ, qu'il rêve les
iGTCTOUOiiO VIW OtTO p C t o O l i M C ï y C O . n u u O i n o i l L \-iit , l u n u i o w i i u m p w O l l O M C U \ J \ ï l u
fabrication des reaction shots."'12
Le "reaction shot" dont parle Paul Warren est la technique par excellence de l'intégration du spectateur à l'écran. D'autres procédés facilitent cette intégration,
^ v u i v I M W I U U ^ W I ^ U I U N ^ I ^ , i w o p u v A ; \ ^ u i P Ï O \ A ; Û O ÏCT v e r r u e urc r o w i C u i w i i U U I I Ù U H U M O U
la "voix-off'.
Le "reaction shot" ou le plan de réaction, comme son nom l'indique, montre une réaction. Habituellement, c'est un plan contenant un ou plusieurs personnages qui viennent appuyer du regard l'action qui se déroule et qui propose ou confirme au spectateur l'état dans lequel il se trouve ou doit se trouver. Par exemple, dans Rocky I (1976), lors ûu combat final du héros, une série de "reaction shots" de son entraîneur, de son épouse visionnant la retransmission du combat à la télévision, ainsi que de la foule massée autour de l'arène de boxe
12 Paul Warren Le secret du star sustem américain Une stratégie du regard. Montréal, Hexagone, 1889,p.24.
11
rivent nos regards sur Rocky, propose des émotions au spectateur qui ne peut qu'être derrière le héros et espérer sa victoire.
Stratégiquement. ces « reaction shots » sont ceux d'un personnage qui a le privilège de côtoyer le héros. C'est en grande partie grâce à ce personnage que le spectateur réussit à s'identifier. On le nomme, "délégué écranique". Par exemple, dans le dernier film de Clint Eastwood, "Unforqiven". un jeune blanc-bec se prétendant cow-boy vient rencontrer un vieux fermier isolé (Eastwood) dont le passé, nous le découvrons plus tard, est très impressionnant, pour lui proposer une affaire. Le fermier finit par accepter et ainsi le film démarre, suivi du spectateur qui, dans les pas de ce délégué écranique, prendra place à l'écran.
Une autre technique qui permet d'investir les côtés de l'écran, c'est l'espace qui précède la venue de l'acteur. Cette technique se présente à plusieurs reprises dans un film. Concrètement, il s'agit du petit laps de temps où le plan est vide, sans personnages.13 Cette technique permet au spectateur d'anticiper la sortie du hors-champ de l'acteur. Ainsi, on affûte le désir du regardant.
La technique du montage parallèle permet aussi d'augmenter l'identification d'autant plus qu'elle détient la recette parfaite pour créer le suspense. Ce type de montage fait alterner deux scènes distinctes l'une de l'autre dont l'action est simultanée dans le temps. Habituellement, cette alternance de scènes démarque, au début de la séquence, une distance importante dans l'espace entre les deux actions. Plus la séquence se déroule plus les actions se rapprochent pour finir par se rejoindre dans le même espace/action. Prenons
12
l'exemple d'un autre film de Eastwood, Pale Rider. La séquence d'ouverture montre un petit village paisible, suivi d'un plan d'une troupe de cow-boys à cheval qui galope à travers la prairie: plan du village, plan de la troupe et ainsi de suite, jusqu'à ce que la troupe arrive au village et le mette à feu et à sang. En plus d'impliquer le spectateur au tout début du film, le montage parallèle lui a permis de s'identifier aux victimes pour réclamer avec elles leur vengeance.
Évidemment, ces techniques sont régulièrement utilisées par le cinéma de fiction, parce qu'elles sont liées au récit. Le genre documentaire n'utilise guère ces techniques et ainsi échappe au phénomène de l'identification. Serait-ce dû au fait que te hors-champ n'existe pas, ou très peu, dans ie documentaire? S'il y a un hors-champ, ii n'est pas désiré par le spectateur. De pius, il n'y a pas de récit, mais plutôt du discours, ii n'en demeure pas moins que ie documentaire ou les reportages télévisés au cours des dernières années se sont "fictionnaiisés". Combien de fois voit-on dans une entrevue télévisuelle apparaître ie visage de l'interviewer alors que l'on sait très bien qu'il n'y a qu'une seule caméra et qu'elle est braquée sur l'interviewé. Cette réaction, tournée avant ou après l'entrevue, est insérée au montage afin de proposer une réaction au téléspectateur. La télévision offre régulièrement aux téléspectateurs ce genre de "reaction shot". Des documentaires utilisent même le montage parallèle. Dans le film Le roi du drum. Guy Nadon attend le téléphone de la personne qui lui fabrique une batterie à sa mesure. Un enchevêtrement des scènes crée chez le spectateur la même attente et le désir de la sonnerie du téléphone.
Cette "fictionnalisation" du documentaire et du reportage dont le but est d'intéresser le public, m'amène à réfléchir sur la technique opposée à
13
l'identification, la distanciation. Nous verrons donc, dans cette deuxième partie,
l'impact de cette technique chez le spectateur.
14
DEUXIÈME CHAPITRE: LA DISTANCIATION
Il semble y avoir deux raisons majeures qui ont amené Bertolt Brecht à
définir et à mettre en pratique ce qu'il a nommé la distanciation. Une première de
nature théâtrale et une seconde de nature politique. Mais elles sont toutes deux
liées au phénomène de l'identification que l'on retrouvait alors au théâtre et dans
révolution de la vie politique allemande. Du point vue politique, Brecht refusa la
montée du nazisme. Ce système politique en Allemagne se servait de
l'identification pour arriver à ses fins. En amenant les gens à s'identifier à un
homme, Hitler, on pouvait ainsi empêcher la réflexion. "Nous avons affaire à
quelque chose de foncièrement différent quand, aujourd'hui, le fascisme cultive sur
la plus grande échelle des émotions qui ne sont pas liées aux intérêts de la
majorité de ceux qui s'y abandonnent."
14On peut mieux saisir cette fascination
pour Hitler ainsi que les dangers de l'identification, en voyant le chef-d'oeuvre de
propagande qu'est le film de Leni Riefenstahl Le triomphe de la volonté. Ce film,
comme le mentionne Paul Warren, est le triomphe du "reaction shot".
15Je ne m'attarderai pas plus sur ce phénomène de fascination que créa le
fascisme en Allemagne. Voyons plutôt comment Brecht perçoit l'identification au
théâtre.
" Le rapport entre la scène et le public s'établissant sur la base de l'identification, le
spectateur pouvait seulement voir ce que voyait le héros auquel il s'identifiait.
Face aux situations précises montrées sur la scène, il éprouvait seulement les
émotions permises par l'«atmosphère» régnant sur le plateau. Les
observations, les sentiments et les connaissances du spectateur étaient réduits à
ceux des personnages agissants sur le plateau. La scène ne pouvait guère
14 Bertolt Brecht Écrits sur le théâtre Paris, L'arche, 1970, tome I, p. 240.
15 Paul Warren Le secret du star system américain Une stratégie du regard. Montréal, Hexagone, 1889, chapitre 3, p. 37-51.
susciter d'autres émotions, permettre d'autres observations, transmettre d'autres
connaissances que celles qu'elle représentait en jouant sur la suggestion."
16Pour Brecht, l'identification provoque, chez le spectateur, des réactions
émotionnelles qui l'empêchent de réfléchir. Le fait d'éviter l'identification n'élimine
pas nécessairement les réactions affectives, mais permet au spectateur de choisir
selon ses intérêts certaines parties du discours ou certaines des actions
proposées; ce qui provoquera une rencontre de l'affectif et de l'esprit critique.
Toujours selon Brecht, la représentation théâtrale doit avoir une utilité au lieu de
seulement divertir et enthousiasmer. L'art devient alors plus politique et tente de
s'adresser au "prolétaire". En évitant l'identification au profit de la distanciation,
l'auteur empêche la masse d'être fascinée par "le drame des petits bourgeois".
Mais qu'est-ce que la distanciation? Pour l'expliquer, nul n'est mieux placé
que Brecht lui-même:
"Distancier un processus ou un caractère, c'est d'abord, simplement, enlever à ce
processus ou à ce caractère tout ce qu'il a d'évident, de connu, de patent, et faire
naître à son endroit étonnement et curiosité. [...] ...le spectateur ne voit plus les
hommes représentés sur ia scène comme des êtres absolument inchangeables,
échappant à toute influence et livrés sans défense à leur destin. II voit que cet
homme est comme ceci et comme cela parce que les rapports sociaux sont
comme ceci ou comme cela. Et que ies rapports sociaux sont comme ceci et
comme cela parce que cet homme est comme ceci et comme cela. Mais cet
homme on pourrait l'imaginer non seulement tel qu'il est mais tel qu'il pourrait être,
et les rapports sociaux aussi on pourrait se les présenter différents de ce qu'ils
sont."
17Pour arriver à faire de ia distanciation, il faut modifier la façon de jouer des
comédiens de telle façon qu'ils ne se fondent pas dans les personnages. Les
»6 Bertolt Brecht Écrits sur le théâtre Paris, L'arche, 1970, tome I, p. 293. " op cit. 294-295.
16
décors doivent faire comprendre au spectateur qu'il est au théâtre. La musique doit être utilisée parcimonieusement et jouer du contrepoint. Il faut se servir de nouvelles techniques dans la représentation théâtrale. Ce qui permettra entre autres, de:
"débarrasser la salle et la scène de toute « m a g i e » et n'y susciter aucun «champ hypnotique». On s'abstiendra donc absolument de créer sur le plateau une atmosphère particulière (celle d'une chambre le soir ou d'une rue en automne) ou de susciter certains états d'âme par une diction appropriée, on ne cherchera plus ni à « c h a u f f e r » le public par le déchaînement de tempéraments dramatiques, ni à l'«envoûter» par un jeu tout en nerfs tendus; bref, on n'entreprendra plus de le mettre en transes ou de lui donner l'illusion d'assister à un processus naturel qui n'aurait pas été répété."18
2.1 LE THEATRE EPIQUE
Pour mettre en oeuvre sa théorie de la distanciation, Brecht l'a appliquée à un style de théâtre qui s'y prête bien, soit le théâtre épique. Dans, Écrits sur le théâtre, il dresse un schéma des spécificités de deux formes théâtrales: la forme dramatique et ta forme épique. Dans ce schéma, on distingue très bien les différences entre l'identification et la distanciation. On remarquera que ce schéma peut être appliqué au cinéma. En effet, les énoncés qui qualifient la forme dramatique s'appliquent, généralement, au cinéma de fiction tandis que ceux de la forme épique correspondent au documentaire.
La forme dramatique du théâtre est action,
implique le spectateur dans une action scénique,
La forme épique du théâtre est narration,
fait du spectateur un observateur,
épuise son activité intellectuelle, lui est occasion de sentiments. Expérience affective.
Le spectateur est plongé dans quelque chose.
Suggestion.
Les sentiments sont conservés tels quels.
Le spectateur est à l'intérieur, il participe.
L'homme est supposé connu. L'homme immuable.
Intérêt passionné pour le dénouement.
Une scène pour la suivante. Croissance organique. Déroulement linéaire. Évolution continue.
L'homme comme donnée fixe. La pensée détermine l'être. Sentiments
éveille son activité intellectuelle, l'oblige à des décisions.
Vision du monde.
Le spectateur est placé devant quelque chose.
Argumentation.
Les sentiments sont poussés jusqu'à devenir des connaissances.
Le spectateur est placé devant, il étudie.
L'homme est l'objet de l'enquête. L'homme qui se transforme et transforme.
Intérêt passionné pour le déroulement.
Chaque scène pour soi. Montage.
Déroulement sinueux. Bonds.
L'homme comme procès.
L'être social détermine la pensée. Raisons.19
Ce tableau s'applique très bien au cinéma. Les caractéristiques du théâtre épique sont en partie les mêmes que celles du cinéma documentaire. Celui-ci accorde une grande importance au montage, à l'argumentation et à la narration,
18
pour amener le spectateur sur des pistes de réflexion. Son activité intellectuelle est stimulée par des éléments de connaissances qui i'obiigent à se positionner face au sujet. En revanche, le cinéma de fiction, particulièrement ceiui d'Hollywood, plonge le spectateur dans une histoire où tout est lié au dénouement, il a tendance à devenir passif devant ies images qui lui sont projetées.
ii faut remarquer que ce n'est pas tout ie cinéma de fiction qui correspond à la forme dramatique du théâtre. En effet, plusieurs cinéastes dont Jean-Luc Godard, Michelangelo Antonioni ou Federico Fellini, échappent aux lois habituelles du cinéma de fiction afin d'amener le spectateur à se distancer. Leur cinéma comporte quelques-unes des principales caractéristiques du théâtre épique20 .
2.2 ANALYSE DE FILMS
Par l'analyse de trois documentaires et d'une fiction, j'essaierai de démontrer comment, certains réalisateurs réussissent à faire de ia distanciation. Ainsi je pourrai dégager, surtout pour le cinéma documentaire, les techniques utilisées pour y arriver.
Le premier film que je vais analyser est Henry. Portrait of a Serial Killer de John McNaughton (1992). Ce film de fiction trace le portrait d'un tueur en série. Au contraire des films du même genre, très en vogue, notamment Basic Instinct et roscarisé" Silence of the Lamb, ce long métrage tente d'éviter que ie spectateur s'identifie à l'un ou l'autre des personnages. Pour y arriver, le réalisateur se sert de techniques distanciatrices.
20 Leur cinéma est narration, éveille l'activité intellectuelle du spectateur, crée de l'intérêt pour le déroulement sinueux, est montage, etc.
19
L'horreur qui se dégage de ce film provient du traitement qu'en a fait le
réalisateur. En utilisant la surabondance de meurtres,
21le cinéaste réussit à faire
réfléchir le spectateur à propos de la banalisation de la violence produite par notre
société, causée en grande partie par la télévision. Pour résumer Henry Portrait of
Serial Killer.mentionnons que c'est l'histoire d'un homme qui commet plusieurs
meurtres. Comme le titre du film l'indique, il s'agit d'un portrait. Pour réussir ce
portrait, le réalisateur pose un regard objectif sur son personnage.
Deux raisons m'amènent à affirmer qu'il y a distanciation dans ce film. La
première est que le personnage ne semble pas avoir de destin tracé. Dès lors, le
spectateur a le loisir de considérer qu'il se comportera de façon imprévisible face à
l'événement.
"Ces personnages ne sont pas des héros auxquels on puisse s'identifier. Ils ne
sont ni vus ni conçus comme des archétypes immuables de l'humanité, ce sont des
caractères historiques, passagers, qui appellent davantage i étonnement que le
«Moi aussi, je suis comme ç a » . Le spectateur se trouve intellectuellement et
sentimentalement en contradiction avec eux, ii ne s'identifie pas à eux, ii ies
«antique».'"
Jamais, dans ce fiim, un meurtre ne sera désiré par ie spectateur,
contrairement à ia majorité des fiims du même genre, et jamais la violence ne
pourra être banalisée. Pour arriver à ce résultat, ie cinéaste fiime ies meurtres
d'une façon bien précise. Le film débute avec un "zoom-out" sur un corps de
femme morte. S'installe alors un montage parallèle entre des scènes d'un homme
vaquant à diverses occupations et des scènes où l'on voit le cadavre d'une femme.
21 Cette technique est aussi utilisée par Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoit Poelvoorde pour_
leur film. C'est arrivé près de chez-vous (1992). / i \ \ o W < ^
22 Op.cit270.
20
La particularité de ces scènes de constat de meurtre est que ie cinéaste utilise un mouvement de caméra très lent, pour que le spectateur découvre progressivement la façon dont la personne a été tuée. Pour nous distancer de ces images, le son qui les surplombe suggère la manière dont le crime s'est réalisé. Avec ces deux procédés combinés, le cinéaste réussit à faire de la distanciation et ainsi le spectateur peut réfléchir. Dans le film, peu de scènes nous montrent des meurtres en direct. Quand cela se produit, l'action survient ou est filmée de manière à ce qu'elle surprenne le regardant. J'ai des réserves sur la manière dont est filmé un de ces meurtres mais cette scène serait trop iongue à analyser ici23. Cela n'enlève rien à l'impact que ce film produit sur le spectateur: une réflexion sur la banalisation de la violence par notre société.
Je vais m'attarder maintenant à la séquence la plus distanciée du film, à mon avis. Par le truchement d'une image vidéo noir et blanc, on voit se commettre la série de meurtres la plus affreuse du film. On suppose qu'Henry (le tueur en série) tient la caméra tandis que son comparse tripote une femme, son regard (la caméra) glisse vers la gauche et on découvre un homme bâillonné (le mari). Le fils du couple surgit dans l'appartement, la caméra vidéo est déposée rapidement sur le plancher, Henry court à la poursuite du jeune garçon et l'attrape. Alors, toujours par le biais de cette caméra vidéo, on voit ou bien on entend les trois personnes se faire tuer. Un peu plus tard, dans leur salon, les deux meurtriers regardent l'enregistrement du meurtre. Dans une séquence ultérieure, le comparse d'Henry la repassera au ralenti. En utilisant la vidéo, le réalisateur se sert de l'identification cinématographique primaire, pour qu'ainsi le spectateur, en s'identifiant à son propre regard puisse réfléchir sur son état de voyeur. La manière dont la
21
séquence est réalisée donne au spectateur l'impression qu'il est complice de ces
meurtres. Les séquences suivantes, celles où les personnages visionnent
l'enregistrement des meurtres, ont pour effet d'amplifier la réflexion que le
spectateur développe face à sa condition de simple voyeur/complice banalisant
l'effet de la violence en la regardant et l'acceptant.
L'état du spectateur inerte face aux événements est directement cité dans
de La hora de los homos de Fernando E. Solanas (1968): "Tout spectateur est un
lâche et un traître". Ce documentaire politique de quatre heures constitue le plus
bel exemple de l'application de la théorie de la distanciation au cinéma.
Ce film révolutionnaire interpelle les spectateurs. En effet, le réalisateur a
conçu son film de façon qu'il puisse s'adresser directement au spectateur. Ce
document se divise en trois parties. Je m'attarderai seulement à quelques aspects
de la première partie pour montrer que les procédés utilisés ne peuvent que
révolter le regardant Dans cette section du film, Solanas analyse et dénonce le
néocolonialisme argentin. D'emblée, l'attention du spectateur est suscitée. À
l'écran, des textes écrits sont jettes à la face du spectateur comme de véritables
coups de poing. Ces phrases et ces mots qui veulent créer l'agitation sont
accompagnés d'une musique de percussion qui devient de plus en plus rapide et
forte De cette façon, le réalisateur annonce ses intentions et le spectateur ne
pourra pas rester indifférent face aux images qui lui seront montrées, sans
toutefois que cela nuise à sa capacité de réflexion.
Dans La hora de los homos. l'élément qui favorise le plus la distanciation
est l'utilisation de la «voix-off». Elle est constamment présente et vient
continuellement commenter les images, toujours afin de dévoiler les réalités
22
qu'elles peuvent cacher, Cette voix donne des statistiques, s'adresse directement
au spectateur, émet des opinions, cite des auteurs. Souvent les énoncés, pour
plus d'impacts, sont inscrits à l'écran. Dans une séquence, nous voyons des gens
à un encan de bêtes. Une "voix-in" donne le pedigree d'un taureau. Quelques gros
plans de visages sont extraits de la foule, Alors, une "voix-off énonce des
statistiques sur l'économie du pays, économie détenue par des étrangers vivant en
Argentine, et nomme les personnes à l'écran en les désignant comme les
responsables de la dépossession du pays. Cette "voix-off' permet, tout au long du
film, de globaliser ou d'expliquer ce qui est montré à l'écran pour qu'ainsi la
réflexion soit accrue.
Cela va de soi que le montage de ce film crée de la distanciation. Vers ia
fin de la première partie, Solanas, pour bien exposer l'omniprésence culturelle
étrangère, surtout l'américaine, présente à l'écran des images publicitaires de
différents produits, entrecoupées de scènes dans les rues de Buenos Aires où l'on
constate encore l'invasion de la culture étrangère. Pour accompagner cette
séquence, le cinéaste place une musique pop américaine et augmente le rythme
du montage tout au long de celle-ci. Sans aucun doute, cette séquence devait
amener le spectateur argentin de l'époque, à qui s'adresse tout d'abord le film, à
une réflexion sur l'invasion culturelle étrangère et le pousser à poser des gestes
concrets pour l'enrayer.
La première partie de ce documentaire est tellement bien réalisée sur le
plan de la distanciation qu'elle dépasse son objectif premier et ponctuel, soit la
dénonciation du régime politique en Argentine en 1968. En revoyant cette partie
aujourd'hui, le spectateur prend conscience de l'omniprésence culturelle
23
populaires et peut percevoir l'assimilation discrète qu'il accepte sans trop s'en
rendre compte.
Dans le film documentaire Un pays sans bon sens, de Pierre Perrault, la
distanciation dépend avant tout du montage. Il faut mentionner que ce très beau
film pose la question: "qu'est-ce que le pays du Québec?" ou "qu'est-ce qu'un
canadien-français-catholique?" D'emblée, le réalisateur annonce le but de son
documentaire. Le sous-titre de l'oeuvre est "Wake up, mes bons amis". Il invite
ainsi le regardant québécois à se réveiller, à réfléchir sur son statut et à poser des
gestes concrets pour la défense de sa langue et de son espace géographique.
Perrault arrive à ses fins grâce à un montage d'une finesse incroyable. Ce
montage, comme je l'ai mentionné plus haut, permet au spectateur de réfléchir et
de cerner la question de l'identité québécoise. Un des premiers éléments de
distanciation intégrés au montage, est l'utilisation d'intertitres séparant les
différentes séquences. Cette façon de faire sera abordée notamment lors de
l'analyse de mon propre film, "On est tous à peu près au même point! On est tous
à peu près aussi riches!.
Tout au long d'Un pays sans bon sens, il y a la présence constante des
caribous . Pour l'auteur, ces bêtes représentent autre chose que des caribous. Il
est assez évident que les caribous représentent les
Canadiens-français-catholiques. Voici une partie du film qui le prouve et qui utilise la distanciation. A la
fin de la séquence qui précède celle que je vais analyser, les intervenants
discourent au sujet de l'éducation et de la langue française, André Lepage (un
mécanicien de Sept-lles) parle de l'ancienne Constitution et des promesses du
gouvernement concernant la langue française. Lepage: "Pis, ousqu'on est rendu
24
avec la langue française aujourd'hui? On est renou a zero! Hein? Ils en ont fait des promesses. S'ils avaient tenu leur promesse; OK. Mais ils l'ont jamais tenue, lis vont ti la tenir dans l'avenir? Pas plus! C'est la la "quéqsion', hein! C'est là la "quéqsion"!" Fin de la séquence. Le réalisateur place, alors l'intertitre suivant: "malgré un diplôme de communion solennelle ou en dépit du Çid de Corneille, des hommes d'ici sont pris au piège de l'assimilation". Suit alors un plan d'assez longue durée ou les cahbous sont pourchassés et se prennent eux-mêmes au piège dans des filets. Chaillot (le franco-manitobain vivant à Pans) dit que, lorsqu'il était â Winnipeg, l'anglais l'attirait et le faisait avancer dans son épanouissement. Après ces paroles, on entend Charly (un coureur des bois travaillant pour le Ministère de la Chasse et de la Pêche) :."la première des choses, c'est les deux langues qui va le sauver". Une coupe montre un caribou pns dans les cordages d'un filet qui, à force de se débattre, réussit à s'échapper.
Je vous décris la suite de cette séquence en citant les paroles des intervenants pour mieux saisir la grande qualité du montage.
Chaillot: "...parce que la majorité de nos amis, ceux avec qui on a fait notre cours classique qui ne nous a rapporté que des ennuis...la majorité de ces gens-là ne parle plus français."
Un caribou fonce tête baissée dans le filet.
Chaillot:"...et, évidemment ils sont moins complexés que moi, parce qu'ils ont choisi, eux, de vivre une vie canadienne-anglaise dans un milieu canadien-anglais."
Caribous en liberté
Surplombant l'image, la voix de Chaillot: "...donc les difficultés sont moins grandes que pour moi qui désire vivre une vie cannadienne-française dans un milieu canadien-anglais."
25
André Lepage: "Canadien français qui est bilingue O.K.!!! all right!!! ça marche!
Mais s'il n'est pas bilingue, là: nothing! Je vous en garantis, moi. Je l'ai essayé,
moi, pis... j'ai manqué mon coup. Pis y en a plusieurs qui l'ont essayé, pis ils ont
manqué leur coup! Faut que tu paries anglais."
Pierre Bourgauit: "Quand je vois mille Canadiens français, à Sept-lles, rentrer le
matin à T'lron Ore", pis, en rentrant, qui accrochaient leur langue comme on
accroche son paletot!!! qui sont reçus à Tlron Ore" par un gars... le foreman sans
arme sans menace...sans violence...seul!!! il force les mille Canadiens français â
parier sa langue, à lui."
Pendant que Bourgauit parle on voit en gros plan un caribou souffrant, fumant du
museau, maillé dans les filets.
Lepage: "C'est vrai, c'est la vérité!!!"
Un caribou maillé par le panache se débat.
La séquence se poursuit toujours en rapport avec le pouvoir de la langue
anglaise. Perrault la termine en utilisant le plan où André Lepage dit "C'est là la
"quéqsion", c'est là la "quéqsion"".
Il semble presque inutile de commenter plus longuement cette séquence
tant elle est révélatrice en ce qui concerne la distanciation. Perrault, par
l'utilisation de plusieurs intervenants interrelie et corrobore leurs idées concernant
l'assimilation. Ainsi, il incite te spectateur à prendre position face aux discours de
ces personnages. Les images des caribous permettent de généraliser l'idée
d'assimilation à l'ensemble de la société québécoise. Ainsi, le réalisateur vient
appuyer les intervenants, en donnant, grâce à cette généralisation, le poids
nécessaire que leurs questionnements soulèvent. La façon dont cette séquence
est montée correspond au montage des attractions préconisé par Sergei
Eisenstein. Cette séquence présente des similitudes avec celle de l'abattoir du film
La grève du même Eisenstein.
26
2.3 "ON EST TOUS À PEU PRÈS AU MÊME POINT! ON EST TOUS À PEU
PRÉS AUSSI RICHES!
Dans le documentaire que je viens de réaliser, j'ai utilisé quatre techniques
pour créer de la distanciation. Les principales sont un type de montage particulier
et l'insertion de commentaires écrits. Les secondaires sont l'utilisation de la
musique et l'échelle des plans. La plupart de ces techniques se sont élaborées
tout au long de la réalisation du film, tandis que l'une d'elles s'est produite
inconsciemment.
Le film "On est tous à peu près au même point! On est tous à peu près
aussi riches! évite, en premier lieu, le commentaire off. J'utilise plutôt un
narrateur-in, soit Pierre Caron, le coordonnateur du centre communautaire l'Amitié. C'est
autour de lui que gravite le film. Le montage utilisé permet à chaque intervention
des interviewés d'être confrontée à une autre intervention. C'est-à-dire que
chaque intervenant se trouve à appuyer, à nuancer ou à globaliser les idées
lancées par les autres. Le spectateur peut ainsi mieux réfléchir sur la question
débattue et, selon chaque point de vue, partager en partie ou en totalité les
énoncés des intervenants. De plus, lorsque les témoignages deviennent trop
émouvants, je coupe avec des statistiques, un commentaire écrit ou une
intervention d'un interviewé permettant de globaliser le propos. Ainsi, évitant le
sentimentalisme, je donne au spectateur la possibilité de mieux saisir l'ampleur du
phénomène. Par exemple, quand Francine parle de la relation avec son ex-mari,
son propos provoque de l'émotion. Suit alors Pierre Caron qui dit que ce n'est pas
facile d'arriver avec "six à sept cents piasses par mois" pour une femme seule
avec des enfants. Rétorque alors une femme du Centre des femmes de la
Basse-27
Ville de Québec, qui explique que sur le bien-être social "c'est rendu les trois dernières semaines du mois qui sont difficiles."
Toujours dans le but de produire de la distanciation, j'ai intercalé des commentaires écrits, des statistiques ou des espaces noirs, avec ou sans musique, pour qu'ainsi le spectateur réfléchisse davantage et prenne conscience de l'ampleur du phénomène de la pauvreté. En exemple, l'insertion du commentaire "la consommation est processus d'intégration sociale", amène le regardant à se questionner sur notre société capitaliste. Ce commentaire surgit à la fin d'une séquence où différents intervenants constatent les méfaits de la valorisation de la consommation effrénée. Yolande Vallière, directrice de la maison Revivre lance : " Ils regardent tous la télévision ici. Ils regardent tout ce qu'ils n'ont pas le droit d'avoir". J'ai placé après cette réplique une série de plans courts de publicité télévisuelle. L'agressivité du montage et de la musique de cette petite séquence précède24 le commentaire "la consommation est processus d'intégration sociale", ce qui augmente l'impact de cet énoncé.
La musique et les chansons présentes dans ce film permettent la distanciation. Le style musical choisi suscite un sentiment d'ambivalence chez le spectateur. En effet, la musique adoptée est une espèce de mélange entre la musique de cirque et celle qui accompagne les cortèges funèbres. Elle mêle tragique et comique. Ainsi, le spectateur ne sait plus trop si la situation présentée est drôle ou triste, ce qui l'incite à réfléchir. Cette situation se reproduit pour quelques scènes comiques présentes dans mon film.25
24 II s'agk d'une courte séquence où Ton vo* défier des snages de publicité télévisuelle.
25 Je m'en suis rendu compte lorsque j'ai projeté mon fin dans une safle devant un auditoire d'une centaine de personnes.
28
L'échelle de plan peut permettre, dans certains cas, de provoquer de ia
distanciation. Ce qui est surprenant dans mon film, c'est que cette façon de faire
n'a pas été envisagée avant ou pendant le tournage; elie est ici un pur effet du
hasard. En effet, le changement d'échelle de plans par un mouvement de caméra
peut amener de ia distanciation. En voici un exemple probant. La scène où
Francine s'adresse directement à la caméra prend un autre caractère grâce à un
«zoom-out», Francine:
Qu'est-ce qui arrive à ces femmes-là, pis à ces enfants-ià! Est-ce qu'ils ont du
secours? Est-ce que le gouvernement ies aide ou iis sont seuls eux-mêmes?
C'est ça qu'on se pose comme question les femmes de la Basse-Ville! Est-ce que
vous êtes là le gouvernement pour nous aider? Nous secourir? Nous diriger? pour
vider notre coeur de temps en temps. Pensez-y donc ies "p'tits minisses" du
gouvernement, pensez-y deux fois, surtout ie "minisse" du Bien-être social! Vous
nous rejetez des fois, vous pensez pas à nous autres, vous nous regardez pas!
Mais on "é" là! On vit avec notre vécu, pis on vit encore! On n"'é" capable d'aider
ies autres. Le monde sur ie bien-être social faut pas qui "soiye" pris en pitié! II faut
qui "save" se lever "deboutte" pis dire NON!
Pendant cet énoncé, grâce à un « zoom-out », Francine est appuyée dans
son message par d'autres femmes qui apparaissent dans le pian, Eiie devient
aiors, en quelque sorte la porte-parole de toutes les femmes qui sont sur l'aide
sociale,
2.4 LES TECHNIQUES AMENANT LA DISTANCIATION
Les films dont je viens d'analyser succinctement un échantiilonage de
séquences représentatives permettent de dégager les principales techniques
cinématographiques pouvant amener ia distanciation . En effet, ie montage,
l'échelle de plan, les commentaires écrits, la «voix-off» et la musique, ces
tecnniques, seion ia manière com eues sont gérées aans ie cinema aocumentaire, peuvent créer ia oistanciation.
A mon avis, il y a deux types de montage qui sont les plus appropriés à la distanciation. Le premier, que i on retrouve aans ie cinéma ae fiction comme aans ie aocumentaire, est ie montage aes attractions éiaooré par Sergei Eisenstein, son ia rencontre ae aeux pians en vue au surgissement a une laée nouvene. j e renvoie ici ie lecteur à ia séquence analysée aans un pays sans oon sens, ae Pierre Perrauit, Le secona, se retrouve haoitueiiemeni aans ie aocumentaire, ii s agit a une torme ae montage où ie contact a opinions ravonse ia renexion cnez ie spectateur, j e ie nommerai montage jazz , car n laisse iiDre cours à ia spontanéité. En erret, cnaque intervenant, par ses laées, propuise ie mm aans une direction qui peut cnanger à tout moment seion ia spécificité ae i intervention. Certains turns ae Perrauit et mon aocumentaire utilisent ce type ae montage. La aistanciaiion vient ae cène rencontre entre ies airrérents intervenants. Leur discours est comme ceiui aes musiciens ae jazz: improvisé. Cest pourquoi que i improvisation me parait une Donne raçon ae Taire ae ia distanciation.
L ecnene ae pian peut permettre ae passer au particulier au gênerai, en enei, souvent ie passage a un gros pian ae visage a un pian aensempie peut amener ia aistanciation ^voir i analyse que j en ai Taite pius naug. Minsi, on évite ie sensationnel, ie sentiment ae pme et ion permet au spectateur ae sortir ae i étreinte au particulier. Les nonzons s ouvrent, rien ne reste cacne aans ie nors-enamp. Le pian aensempie, ae par sa nature, est pius apte a conauire a ia renexion. uans ie mm ravsaoes aans ie prouiiiaro. ie réalisateur ineo Mngeiopouios, suggère une scene ae VIOI. un pian a ensemoie nous montre un
30
sort alors ie conducteur avec une petite fille et qu'il traîne à l'arrière du camion. Le
spectateur ne voit rien, ii suppose ia scène et gère l'horreur.
Les commentaires écrits sont, avec la "voix-off' du documentaire, une des
façons les plus efficaces de faire de la distanciation. Ils le sont parce qu'ils sortent
de l'univers filmique à proprement parler. Ce ne sont pas des images. Ils font
partie d'un discours, ils s'adressent au public, ils l'interpellent. Ainsi, grâce à des
statistiques, des citations ou des commentaires, ces procédés permettent au
spectateur d'avoir de meilleurs moyens d'analyse face au sujet traité par le
cinéaste.
Enfin, la musique, selon son utilisation, peut amener ou augmenter l'effet
de distanciation. Contrairement à ce qu'en fait habituellement le cinéma de fiction,
elle se doit de surprendre ou d'apporter un contrepoint à l'image. Elle donne une
autre lecture des images présentées. Par exemple, la musique utilisée dans mon
film ou bien celle d'un opéra de Wagner dont se sert Francis Ford Coppola
pendant la scène du bombardement par les hélicoptères dans Apocalypse Now.
La musique peut aussi servir à surprendre le spectateur en le faisant sortir de son
état d'hypnose, comme à la toute fin de Van Gogh de Maurice Pialat. Au dernier
plan de ce film, une musique très forte et plutôt sarcastique face au sujet traité fait
sursauter le spectateur.
J I
CONCLUSION
Mon objectif était de montrer que certaines techniques cinématographiques pouvaient engendrer la distanciation. Pour y arnver il a fallu, en premier lieu, expliquer le phénomène de l'identification au cinema ainsi que les techniques qui la facilitent. En second lieu, j'ai du expliquer la théorie de la distanciation de Bertolt Brecht pour le théâtre. Enfin, à partir de la distinction entre le théâtre épique et dramatique, j'ai analysé quelques sequences de films qui m'ont permis de dècouvnr certaines techniques cinématographiques pouvant amener ia distanciation.
Comme je l'ai démontré, il existe des techniques tavonsant la distanciation. De plus, leur utilisation peut permettre au spectateur de prendre ses distances face aux sujets traités pour ainsi mieux les maîtriser. Car, a la difference de l'identification qui absorbe le regardant dans l'écran, la distanciation permet à celui-ci d'appliquer sur l'écran toute son attention et son intelligence. Le spectateur est actif.
Il semble que Brecht n'avait pas tort de lier le fascisme et l'identification. Aujourd'hui, quand nous réfléchissons au cinéma populaire amèncain qui ne
repose que sur l'identification, on peut commencer â croire et peut-être tenter de prouver dans un futur travail, que le filmique qu il produit est tascisant. D'une façon très subtile, Hollywood réussit à transmettre sa propagande de I"Amencan way of life" à travers toute la planète. C'est ainsi que l'on retrouve le visage de Kevin Costner en Thaïlande, qu'on mange un Big Mac a Moscou, que l'on écoute Métallica a Blanc-Sablon, que nos cousins de France n'utilisent plus un escalier
32
roulant mais un "escalator" et qu'un avion ne s'écrase plus mais "crash". "Big
Brother controls you".
33
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