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Arbre d’antan, arbre « des Blancs ». La valeur sociale des cocotiers et de leur espace à Vanua Lava (Vanuatu)

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Academic year: 2022

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63 | 2007

Géographicité et médiance

Arbre d’antan, arbre « des Blancs »

La valeur sociale des cocotiers et de leur espace à Vanua Lava (Vanuatu) Yesteryear's trees and White trees. The social value of the coconuts territory in Vanua Lava (Vanuatu)

Sophie Caillon

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/1930 DOI : 10.4000/gc.1930

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 septembre 2007 Pagination : 87-104

ISBN : 978-2-296-05468-4 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Sophie Caillon, « Arbre d’antan, arbre « des Blancs » », Géographie et cultures [En ligne], 63 | 2007, mis en ligne le 25 décembre 2012, consulté le 22 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/gc/

1930 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.1930

Ce document a été généré automatiquement le 22 mars 2021.

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Arbre d’antan, arbre « des Blancs »

La valeur sociale des cocotiers et de leur espace à Vanua Lava (Vanuatu) Yesteryear's trees and White trees. The social value of the coconuts territory in Vanua Lava (Vanuatu)

Sophie Caillon

NOTE DE L'AUTEUR

Ce projet a été financé par la région Centre, le CIRAD et l’IRD (2001-2003). Je remercie vivement Eli Field Malau, John Körkör, Louis Wôrvetel, Tomas Sakalmes, le père Gregory et leur famille respective pour m’avoir accompagnée dans leurs plantations et généreusement transmis leurs connaissances. Merci à Dominique Guillaud pour sa relecture éclairée.

1 Présent au Vanuatu (Pacifique Sud) avant l’arrivée des premiers Hommes (2000 à 1000 av. J.-C.), le cocotier (môtô1, Cocos nucifera L.) aurait facilité leur installation2. De nombreux mythes fondateurs du cocotier existent au Vanuatu (Caillon, 2004) comme dans le reste de la Mélanésie et de la Polynésie. Cette plante pérenne au statut

« d’arbre » est utilisée dans l’alimentation de tous les jours ou lors des cérémonies, dans les recettes médicinales et magiques, et comme matériel domestique ou de construction. Ces indicateurs devraient la classer parmi les « objets sociaux » du village de Vêtuboso (île de Vanua Lava, groupe des Banks) où j’ai mené mes enquêtes. Pourquoi alors, m’annonce-t-on que le cocotier n’est pas intéressant à étudier car il serait l’arbre

« des Blancs » ?

2 Si le cocotier peut être considéré, par un observateur extérieur, comme un objet

« hybride » entre modernité et tradition renvoyant à un indicateur de changement depuis la colonisation, une approche essentiellement fondée sur l’arbre, ses usages matériels et immatériels, ne suffit pas à expliquer la relation de rejet qu’entretiennent les Ni-Vanuatu avec le cocotier. La question scientifique soulevée par la contradiction

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entre son statut de plante « ancienne » et « moderne » sera traitée ici sous un angle spatial et par le biais d’enquêtes et d’entretiens.

3 La transmission du foncier est une des questions les plus polémiques au Vanuatu.

Comme la terre n’appartient pas à une seule personne, à l’inverse de ce qui y est planté, la « culture » à grande échelle d’un arbre qui ne meurt qu’au bout de quatre générations, ne rend les débats que plus véhéments. Afin de comprendre le changement de statut du cocotier, entre l’arbre d’antan et l’arbre « des Blancs », il m’a semblé fondamental d’analyser la place physique et sociale du cocotier au sein de son nouvel espace, la cocoteraie. Dans cet article, la dynamique spatiale des cocoteraies sera abordée depuis leur « introduction » au Vanuatu et plus précisément à Vêtuboso.

Après avoir détaillé l’utilisation économique des cocotiers, j’analyserai les conséquences qu’ont pu avoir les bouleversements paysagers provoqués par le développement des cocoteraies sur la vie sociale des villageois.

4 Entre 2001 et 2003, les principaux outils utilisés ont été des discussions informelles, des enquêtes semi-directives (24 chefs de famille entre 35 et 75 ans), des questionnaires fermés (56 informateurs entre 18 et 73 ans dont 28 femmes), des relevés botaniques (19 plantations dans lesquelles le comptage du nombre d’arbres a été exhaustif). Enfin, les mesures de surface et la cartographie des plantations ont été réalisées à l’aide de relevés GPS (Global Positioning System) traités par les logiciels MapInfo et Illustrator (40 plantations représentées sur la figure 1).

5 Situé à l’Ouest de Vanua Lava (331 km2 et près de 2 000 habitants en 2001) (Figure 1), le village de Vêtuboso, le plus grand de l’île (129 foyers et 610 habitants), a été choisi pour la diversité des parcours de vie que l’on peut y découvrir. Les habitants parlent le vurës, une des trois langues de l’île. Les unités de base des groupes de filiation de Vêtuboso sont les clans, vênê¼s. Les 18 clans du village répartis en deux moitiés exogames non dénommées, sont attachés à un lieu, en général l’endroit où est apparu le premier ancêtre commun. L’appartenance au groupe étant déterminée en référence à la mère, le système est matrilinéaire.

6 Vêtuboso est situé dans les montagnes à une demi-heure de marche de la côte sud- ouest et à trois heures de Sola (16 km) abritant l’unique aéroport. Les bateaux de marchandises transportant le coprah3 accostent rarement et irrégulièrement dans la baie de Vureas. L’installation des missionnaires en 1905 sur l’emplacement de l’école de Sanlê¾, puis le raz-de-marée de 1938 changèrent complètement le paysage de Vêtuboso. Tous les habitants du bord de mer de la baie de Vureas, montèrent et se regroupèrent en un village, aujourd’hui au cœur du territoire. Comme un anneau de protection, les espaces cultivés, portant la marque de leurs propriétaires, entourent le village. L’espace habité est composé de maisons et d’espaces publics qui ressemblent à nos places françaises en face de l’église où les platanes ont été remplacés par des manguiers centenaires (ma¾ko, Mangifera indica L.), souvenirs des missionnaires. Les maisons excentrées par rapport au centre du village sont entourées de jardins. Au sein de l’espace domestique dénommé vanua, la zone cultivée peut être scindé en trois parties distinctes : les jardins (tuqê), les tarodières (rot) et les cocoteraies. Les rivages et la forêt qui bordent ces deux premiers espaces anthropisés, sont neutres. Le monde de la forêt est celui de la magie et de l’obscurité. Les esprits l’occupent et le dominent ; il ne faut pas s’y rendre seul. Les sentiers permettent la communication entre les différentes zones habitées, cultivées et neutres. L’accès aux rivages, monde de lumière par rapport à celui de la forêt (Bonnemaison, 1996), ouvre l’horizon d’échanges vers

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d’autres îles, en particulier celles du groupe des Banks, un espace socialement homogène (Vienne, 1984). Ces sentiers sont ponctués d’arbres à fruits et à noix, l’arbre à pain (biêg, Artocarpus altilis Farb.), le nangailler (¾e, Canarium indicum L. ou C. harveyi Seeman) et le vellier (wôtag, Barringtonia edulis J.R. forst. et G. Forst.) étant les plus représentés.

Figure 1 : Localisation de la zone d’étude

La cocoteraie, un espace dynamique

7 Les trois premiers navigateurs européens à avoir abordé et observé le Vanuatu, P. F.

Quiros, L.-A. Bougainville et J. Cook ne virent de cocotiers que sur les îles de Santo, Ambae, Malekula et Tanna, alors que celles de Gaua, de Mere Lava, de Maewo et de Pentecôte en semblaient dépourvues. D’après les anciens du village de Vêtuboso, leurs pères ne possédaient qu’une dizaine de cocotiers. Il était alors difficile de trouver des fruits à planter et la consommation de noix de coco était rare comparée à celle des noix du nangailler ou du vellier. Les cocotiers étaient vraisemblablement plantés éparpillés en des endroits stratégiques (chemins, jardins, abords du village, rivage) comme les autres arbres à noix aujourd’hui. La cocoteraie n’existait pas.

8 Elle vit le jour avec l’arrivée des premiers colons qui concentrèrent leur activité économique autour du coprah. La création puis la multiplication des cocoteraies sont responsables des plus grandes modifications de l’espace insulaire du Pacifique. Le Vanuatu fut relativement épargné avec un développement plus tardif et de moindre amplitude par rapport à d’autres îles comme Fidji et Hawaii (Huetz de Lemps, 1998)4. Les premières exportations de coprah du Vanuatu5 commencèrent dans les années 1870. Un tiers (3 000 ha) était constitué de plantations paysannes (Weightman, 1989, p. 132). Les « petits planteurs » apprirent les techniques de production du coprah auprès des coloniaux du Vanuatu ou en travaillant, souvent après une incitation plus que forcée, dans les plantations d’Australie, de Fidji et de Samoa. Le nombre de

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plantations coloniales6 diminua à partir de 1929 avec l’abandon progressif de l’ensemble du territoire à ses habitants originaux (Guiart, 1986). Aujourd’hui, les cocoteraies du Vanuatu occupent une superficie d’environ 90 000 ha et le coprah y constitue le premier produit d’exportation avec 30 à 40 000 tonnes par an. Cependant depuis les années 1960, les plantations de cocotiers déclinent avec l’émergence d’huiles dites plus saines (par ex. soja, tournesol) et d’une huile aux propriétés similaires mais provenant d’un palmier beaucoup plus productif, le palmier à huile (Elaeis guineensis Jacq.).

9 Une des premières grandes plantations coloniales des îles Banks fut celle de Wilson à Sola (Vanua Lava) où les habitants des autres îles venaient travailler pour de courtes périodes (Lanouguère-Bruneau, 2002). Entre 1850 et 1889, Maten, un australien, commença à planter des cocotiers pour sa compagnie sur la petite île de Pakea, puis à Sola, à Sanlê¾ en 1886 (emplacement de l’ancienne mission et de l’actuelle école de Vêtuboso) et enfin à Bêmatmat (une colline au-dessus de Vêtuboso)7. Ces planteurs coloniaux incitèrent les petits planteurs locaux à remplacer leurs rares cocotiers de jardin par des cocoteraies couvrant de vastes espaces ; aujourd’hui, les agriculteurs de Vêtuboso plantent en moyenne 397,2 arbres. Pour planter d’aussi grandes surfaces, le matériel de propagation faisant défaut, les habitants de l’île s’approvisionnaient dans les plantations coloniales.

10 La parcelle de cocotiers moyenne couvre 1,20 ha. Elle est plantée de quelque 328,8 cocotiers, soit une densité moyenne de 194,7 arbres / ha. Cette densité est bien supérieure à celle de 143 arbres / ha préconisée par les services de l’agriculture et des 164 dans les plantations paysannes de la petite île de Malo (Lamanda, 2005). Les parcelles de Vêtuboso sont très hétérogènes : certaines présentent des écartements réguliers de huit mètres, d’autres de cinq, mais la plupart sont irrégulièrement espacées. Les cocotiers morts ne sont pas toujours remplacés et certains d’entre eux sont plantés en double, côte à côte.

11 Les différences observées entre les familles du village ne sont pas aussi importantes qu’à Longana sur l’île d’Ambae où M. Rodman a mené ses recherches (1984 ; 1987 ; 1995). Certains, possédant plus de 30 ha de cocoteraies8, y sont nommés les « maîtres de la tradition », car ils utilisent les moyens et les justifications de l’enrichissement du modèle big men (bsl.)9 pour légitimer la capitalisation des terres et de l’argent par la vente de coprah alors que « dans les temps anciens, les grandes propriétés terriennes étaient la conséquence de la renommée personnelle d’un individu ; maintenant elles sont la condition pour cela » (Rodman, 1995, p. 67-68). À Vêtuboso, ce n’est pas encore vraiment le cas. Les plus grands propriétaires n’ont pas un statut particulier dans le village. Au contraire, leur implication dans une économie du coprah intensive les éloigne de la coutume10 aux yeux des autres villageois : oli man blong kopra (bsl.) (ce sont des hommes à coprah), alors que celui qui abandonne sa cocoteraie à la forêt pourra se justifier au nom de la coutume.

12 Aujourd’hui les plus grandes plantations locales de Vanua Lava appartiennent à Atkin du village de Leon Bay (côte nord-ouest) et à Reynolds du village de Wasaga (pointe sud de l’île). À Vêtuboso, John Wasarak, ancien correspondant de l’Office de commercialisation des produits de base (OCPB)11, Louis Wôrvetel, ancien conseiller technique du ministère de l’Agriculture, et son père Alfred possèdent les plus grandes plantations. Cette répartition des surfaces de cocoteraies illustre des stratégies familiales. Si nous comparons les familles de trois hommes de 45 ans, Luc, Thierry et

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Éric, il est clair que l’engagement des familles dans une économie du coprah se transmet à travers les générations (Tableau ).

Tableau : Évolution des surfaces de plantation de cocoteraie au sein de trois familles de Vêtuboso

Famille de :

Surface plantée par la génération 1 (ha)

Surface plantée par la génération 2 (ha)

Surface plantée par la génération 3 (ha)

Louis 9 6 1,5

Thierry 2,9 1,8 0,3

Éric 2 1,4 0,2

13 On assiste aussi à une diminution des surfaces plantées au cours des générations, depuis celles des grands-parents (génération n° 1) à celles des jeunes adultes d’aujourd’hui (génération n° 3) (Tableau ). Les données concernant la jeune génération doivent être nuancées car il est normal que les fils, entre 18 et 25 ans, n’aient pas finalisé leur parc de cocotiers. Les cocotiers, qui constituent le principal moyen de subvenir aux besoins monétaires, sont plantés en prévision d’un mariage ou d’une naissance. La différence entre la génération des hommes mûrs et celle de leurs parents est significative tant en surface qu’en densité, d’autant plus que dans les parcelles âgées des grands-pères, de nombreux arbres morts n’ont pas été remplacés et que les densités observées sont donc probablement inférieures aux densités plantées. La diminution des densités entre ces deux générations peut s’expliquer par le fait que la génération n° 2 a bénéficié des conseils des assistants en agriculture.

14 La réduction des surfaces plantées en cocotiers peut aussi s’expliquer par la forte pression qu’elles ont exercé sur les terres fertiles (pour Ambae et Maewo, voir Bonnemaison, 1974). À Ambae, les chefs coutumiers ont dû officiellement prohiber toute extension des cocoteraies qui, en occupant toutes les terres côtières, ont repoussé les jardins sur les sommets. Si à Vanua Lava le tableau est moins préoccupant, les habitants, en observant la situation sur d’autres îles, ont conscience de la « boulimie » des cocoteraies qui bouleversent un ordre où chaque plante a sa « place » : les cocoteraies proches des côtes où la terre n’est pas assez bonne pour les tubercules et où le transport aux bateaux est plus facile, les taros dans les tarodières en altitude où seuls quelques cocotiers sont admis pour abreuver et nourrir les horticulteurs, et les autres tubercules et légumes dans les jardins près des maisons. Les cocoteraies ont été néanmoins étendues à d’autres espaces, autour des villages, à l’intérieur de l’île, et pire, sur d’anciennes tarodières. Leur succès provient du fait qu’elles constituent non seulement le compte en banque direct des cultivateurs pour payer les frais de tous les jours, mais également un compte épargne pour leur descendance.

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Tableau : Évolution des cocoteraies plantées (moyennes des surfaces, nombres d’arbres et densités) entre la génération des grands-parents (1), de leurs enfants (2) et de leurs petits-enfants (3)

Génération

Nombre de

planteurs enquêtés

Surface moyenne plantée par planteur (ha)

Nombre moyen

d’arbres plantés par planteur

Densité moyenne par planteur

1 6 2,89 598,87 207,54

2 13 2,25 397,58 176,82

3 5 0,42 92,97 220,31

La cocoteraie, un espace économique sous-valorisé

15 J’ai tenté d’estimer la productivité et le revenu à l’échelle de la parcelle et du foyer familial. Or, les personnes interrogées directement ne se souvenaient pas ou ne voulaient pas rendre compte de la quantité de coprah produite ou de l’argent reçu dans l’année. Entre les journées de coprah où ils sont maîtres (ils empochent pratiquement toute la somme) et celles où ils ont aidé (ils reçoivent un dédommagement de quelques vatus, sont nourris ou seront aidés la prochaine fois), il est difficile de faire le compte.

Pour pouvoir comparer ce qu’ils vendent réellement à ce qu’ils pourraient vendre, j’ai utilisé plusieurs sources de données : le discours local complété par des mesures de surface au GPS, les rendements obtenus sur la station du VARTC (Vanuatu agricultural research and technical center) (Labouisse, 2004) ou sur des plantations paysannes de l’île de Malo (Lamanda, 2005), les statistiques du Vanuatu (Vanuatu-Statistics-Office, 2002) et les comptes de l’OCPB. Mais avant de faire du coprah, il faut « créer » la cocoteraie.

Avant la production de coprah…

16 Pour planter, les agriculteurs défrichent une portion de forêt qu’ils exploitent durant un à trois ans en jardin vivrier dominé par le manioc. Les cocotiers sont soit plantés en une seule fois, soit progressivement. Pour constituer une pépinière, les fruits germés sont déposés un à un12 dans un trou, qarörö. La plantation s’effectue en famille, mais les plus riches peuvent embaucher de la main d’œuvre à 500 vatus la journée, soit 3,8 euros.

17 Trois à sept ans plus tard, les cocotiers fructifient. Les recrues naturelles sont éliminées de la plantation pour être consommées. Pour avoir des arbres chargés en fruits, les planteurs connaissent un « secret » : l’extrémité de la queue du serpent de mer, le tricot rayé (¼e, Lapicauda katuali) doit être coupée pour être enterrée au centre de la plantation. Le serpent est ensuite relâché.

Ce qu’ils pourraient produire

18 Interrogés sur le nombre de plantations qu’ils possèdent, les habitants de Vanua Lava ne mentionnent que celles qu’ils ont plantées, soit une moyenne de 1,7 plantations. Or ils possèdent souvent un droit d’usage sur des plantations familiales, en général

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paternelles. Par exemple, Thierry (et ses enfants) utilise ses deux parcelles plantées (1,8 ha) et deux des trois parcelles de son père (1,6 ha)13, soit une surface de 3,4 ha. Éric, aidé de ses trois fils, utiliserait ses trois parcelles (1,3 ha) et deux des quatre parcelles de son père (1,5 ha)14, soit un total de 2,8 ha. Un chef de famille a ainsi un droit d’usage sur environ 3,1 ha de cocoteraie, alors qu’il ne plante qu’un peu plus de 1,5 ha. D’après mes calculs basés sur ces deux chefs de famille (Tableau ), une unité de production, composée du chef de famille, de sa femme et de ses enfants, peut potentiellement gagner 849 euros par an une fois les fruits consommés prélevés.

Tableau : Matériel et méthode pour le calcul du revenu potentiel d’une unité de production dans le village de Vêtuboso

N°variable Variable Valeur

(1) Surface moyenne de cocoteraie exploitable / chef de famille (ha) 3,10

(2) Nombre d’arbres / ha 194,74

(3) Nombre de fruits / arbre / an 47,00

(4) Nombre de fruits / ha / an = (2) x (3) 9 152,78

(5) Nombre de fruits / unité de production / an = (4) x (1) 28 373,62

(6) Nombre de fruits consommés / unité de production15 / an 3 285

(7) Poids de l’albumen frais / noix (g) 167,47

(8) Poids du coprah / noix (g) = (7) / 0.94 178,16

(9) Poids du coprah / unité de production / an (kg) = [(8) x ((5)-(6))] / 1000 4 469,79

(10) Valeur potentielle du coprah / unité de production / an (vatus) =

[(9) x 25000] / 1000 moins 2 % 109 509,82

(11) Valeur potentielle en euros = (10) / 129 848,91

Ce qu’ils produisent

19 Grâce aux comptes de l’OCPB, j’ai pu accéder à l’ensemble des ventes de coprah effectuées pour le village de Vêtuboso entre le 27 octobre 2001 et le 12 janvier 2002. En extrapolant cette période de 77 jours à l’année et sachant que le village compte 129 foyers, chaque famille gagnerait 210 euros par an en moyenne.

20 L’observation de deux campagnes de récolte donne des résultats qui, bien qu’inférieurs aux données de l’OCPB, sont du même ordre de grandeur. Sachant qu’en moyenne chaque famille réalise trois récoltes par an, les deux familles gagneraient respectivement 186 et 111 euros (Tableau ). Ces sommes sont bien inférieures à celles perçues par les habitants de Longana sur l’île d’Ambae : 1 488 euros pour les familles ayant l’usufruit des plus petites parcelles (<19ha) et 6 093 euros pour les autres

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(7 familles) (Rodman, 1984, p. 74). L’argent sera perçu par un seul membre de la famille qui changera à chaque récolte.

Tableau : Matériel et méthode pour le calcul du revenu réel de deux unités de production dans le village de Vêtuboso (n.d. non disponible)

Famille 1 Famille 2

Surface cocoteraie exploitée (ha) 5 1

Nombre d’arbres 715 n.d.

Main d’œuvre (nombre d’adultes) 6 2

Nombre de jours de travail : récolte, bois de séchage 1 1

Nombre de jours de travail : ramassage + décoquage 2 2

Nombre de jours de travail : séchage 3 3

Nombre de jours de travail : transport 1 1

Nombre de sacs de coprah vert récolté16 10 5-6

Récolte de coprah (t) 0,32 0,19

Valeur (VUV) 7 962 4 777

Valeur (€) 62 37

Valeur par ha (€) 12,417 37

Valeur extrapolée pour 3 récoltes (€) 186 111

21 Avant de décoquer tous ensemble les noix de coco (6 équivalents journée), il a fallu qu’un membre de la famille regroupe les fruits en tas pendant deux jours (2 e.j.), coupe du bois pendant une journée (1 e.j.) et sèche les albumens pendant trois autres jours dans un four à coprah18 (3 e.j.), puis qu’une partie de la famille transporte les sacs de coprah à dos d’hommes et de femmes au point d’embarquement (2 e.j.). Ainsi, l’obtention de 325 kg de coprah a nécessité l’équivalent de 14 journées. D’après ces deux cas d’étude, une journée de travail permet l’obtention de 569 vatus19, soit 4,4 euros, sans inclure le coût monétaire et le temps de travail de la plantation et de l’entretien de la parcelle.

Pourquoi une telle sous-exploitation ?

22 On peut donc estimer que chaque unité de production pourrait gagner près de 850 euros chaque année à partir du coprah alors qu’elle n’en reçoit au mieux que 210.

Sachant que le village de Vêtuboso ne manque pas de force de travail (fort taux démographique et très peu de migration), trois hypothèses peuvent être évoquées pour expliquer cette sous-exploitation.

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23 Le taux d’avortement des noix serait important (Mialet-Serra et Taler, 2003). Si on l’estime à 10 %, alors les planteurs du village pourraient potentiellement gagner environ 764 euros ce qui reste largement supérieur à la production observée.

24 D’après un ancien rapport de de l’Institut de recherches pour les huiles et oléagineux (IRHO, 1969) pour le compte du ministère des Départements et territoires d’outre-mer, les cocotiers dans les Banks sont plantés « sans ordre » avec de fortes densités (200 arbres / ha), reçoivent peu d’ensoleillement et connaissent des « problèmes d’alimentation » ; les cocotiers donneraient moins de 47 petites noix par an. Mais surtout, les cocotiers se trouvent dans un « état d’entretien lamentable » propice au développement de rats et des attaques du coléoptère Brontispa longissima Gestro. De plus, le manque d’entretien favorise le développement d’un couvert végétal qui masque les fruits au sol, les seuls récoltés. Si les arbres de Vêbuboso produisent 25 % de moins qu’à Malo et que le quart de la production est camouflé, chaque famille pourrait potentiellement gagner 430 euros.

25 Un tel écart entre ce qu’ils pourraient produire et ce qu’ils vendent réellement, semble donc surtout relever d’un choix d’économie domestique. Sachant que le travail du coprah, jugé « difficile », demande un important investissement en main d’œuvre, une famille ne ramassera que la quantité de noix dont elle a besoin ; l’ambition monétaire par la quête d’un enrichissement continuel n’existe pas pour la plupart des habitants de Vêtuboso (mis à part ceux ayant du bétail et de grandes cocoteraies). Les besoins monétaires sont en réalité faibles car très peu d’enfants sont scolarisés au-delà du primaire. L’argent est donc essentiellement destiné aux besoins domestiques : le kérosène pour les lampes à huile, les allumettes et le savon pour laver le linge. Acheter du pain et des beignets aux « boulangers locaux », du riz, et mieux, des boîtes de conserve de viande et de poisson dans les petites échoppes indépendantes, est un luxe.

Plus ponctuellement, les femmes ont besoin de vaisselle et de marmites. Selon la disponibilité en argent, les hommes payent leur kava (gê, Piper methysticum Forster)20 au lieu de le préparer eux-mêmes et s’achètent des cigarettes pour accompagner ce plaisir.

Cette sous-utilisation manifeste des ressources de la cocoteraie laisse penser que la plantation relève d’une logique à la fois économique à court terme et de maîtrise du foncier.

La cocoteraie, un espace en rupture avec les traditions

26 Le cocotier permet non seulement de délimiter un espace, mais aussi de le marquer et de le capturer. Les parcelles sont démarquées par des points, comme un arbre ou une pierre, et des lignes remarquables, comme un chemin ou une rivière. Le cocotier est un arbre idéal pour délimiter une parcelle encore non plantée car, étranger à cet écosystème21, on le remarque facilement au-dessus de la végétation locale d’autant plus qu’il pousse vite et haut. Les connaissances pour décrire et localiser un lieu – par exemple l’emplacement de ces cocotiers marqueurs d’espace – permettent de revendiquer une ascendance sur la terre ; « le savoir sur le lieu est une appropriation primordiale de celui-ci » (Guillaud et Forestier, 2003, p. 286).

27 L’Homme façonne son territoire pour se l’approprier : « l’espace […] c’est d’abord un lieu » (Rodman, 1986, p. 3) qui ne peut prendre toute son importance que lorsque l’Homme l’a marqué de son sceau, notamment par l’acte de planter. Un Ni-Vanuatu n’est pas une personne à part entière tant que son nom n’est pas attaché à un espace

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qu’il peut s’approprier. J’ai pu m’apercevoir du « pouvoir » de l’arbre lorsque j’ai ramené depuis le VARTC le dernier hybride (Grand Vanuatu x Grand Rennell) pour l’exposer lors d’une foire que nous avions organisée avec certains villageois. Une fois la foire achevée, j’ai voulu planter le cocotier sur la place du village, près de l’église.

« Mon » cocotier toujours emballé resta près de la maison d’un des membres de ma famille adoptive jusqu’à mon départ avec pour seule explication qu’il était dangereux de planter un cocotier dans un village à cause des cyclones. À mon retour, le cocotier était planté dans le jardin de ma famille d’adoption, mais près du chemin, comme dans une vitrine. Le blocage venait des membres du village, plus particulièrement des chefs de la place du village et de l’Église qui voyaient dans cet acte ma volonté de m’approprier leur espace et leur pouvoir. Sur cette place, seuls sont présents d’immenses manguiers plantés il y a fort longtemps par les missionnaires. Les habitants de Vêtuboso me rappelaient ainsi que mon lieu était celui de ma famille, et non pas l’ensemble du village. En référence au dialogue recueilli par M. Rodman22 à Ambae, j’ai acquis un « endroit » lorsque quelqu’un de ma famille planta ce cocotier en mon nom.

L’Homme attribue à chaque plante une place selon ses normes esthétiques, son emploi du temps (Walter, 1996), mais aussi son histoire et ses liens aux ancêtres. Or, la place accordée aux cocotiers d’aujourd’hui a été désignée par des étrangers. Les conséquences dépassent la simple organisation de l’espace dès que l’on réfléchit aux devenirs de ces terres.

28 Les droits de propriété, à l’inverse des droits d’usage, n’existent pas au Vanuatu. On s’approprie ce que l’on plante et non pas le sol qui est lié à un clan. En plantant des cocotiers sur le sol d’un clan, un père assure à sa descendance une réserve foncière. Ses enfants doivent néanmoins payer sous forme de monnaie locale (anciennement monnaie de coquillage), de taros, de cochons,… pour racheter leurs droits sur la cocoteraie de leur père, d’autres espaces préalablement cultivés et l’emplacement de la maison. D’un « arbre comme les autres » à une « culture de rente », la plantation de cocotiers en cocoteraies a retiré ces dernières du circuit de transmission des terres entre les moitiés lignagères non pour quelques années comme c’était le cas des jardins23, mais pour le temps d’une vie d’homme (Rodman, 1995, p. 92-93). Les cocoteraies finissent par appartenir à une famille, et non à un clan. Elles deviennent un espace « capturé » en rupture avec les traditions.

Le cocotier, un objet socialement valorisé dans un espace « de Blancs »

29 Cadeau de la mer ou arbre précieux planté comme les autres arbres fruitiers là où les activités des villageois les mènent, le cocotier n’a pas besoin de l’Homme pour vivre ; c’est un matériel incertain et indépendant de par son introduction par la mer, son mode de reproduction par fécondation croisée et son cycle de vie. Cependant, la perception locale du cocotier a changé : d’arbre fruitier, il est devenu une plante « de Blancs » alors que ses usages d’antan sont toujours de mise au quotidien et lors des cérémonies, et que les mythes fondateurs qui lui sont associés sont connus de tous. Au lieu d’arbre « de Blancs », les Ni-Vanuatu ne devraient-ils pas plutôt parler d’espace

« de Blancs » ?

30 Sous la pression économique introduite lors de la colonisation, le cocotier a été en effet multiplié pour former de vastes cocoteraies dont la forme, le contenu et les

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connaissances associées viennent d’un monde extérieur. Les pratiques que l’on y applique ne sont pas héritées des anciens mais de ces « Blancs » qui, un jour, sont apparus dans le paysage avec leur cohorte de valeurs, de savoirs et de pratiques si différents, et pourtant si imposants. Pour multiplier par 40 le nombre d’arbres, les cocotiers ont dû être prélevés sur les plantations coloniales peuplées de matériel provenant d’autres îles. Cet espace est âgé de quatre générations, et n’offrant aucun lien avec les ancêtres, il est vidé de sa substance et de sa « raison d’être ». En changeant le cocotier d’espace, les liens entre la terre dans laquelle est inscrite la mémoire du lieu par la présence des ancêtres et la surface où déambulent les vivants, sont rompus ; le cocotier a perdu son rôle de médiateur entre deux mondes.

31 Planté en cocoteraie, il a par contre gagné une fonction économique qui n’existe que pour combler les nouveaux besoins ayant émergé dans le même mouvement ; c’est avant tout un nouvel espace économique peu généreux qui dans le passé fut un lieu d’asservissement et qui dans le présent est un lieu de labeur jugé si éreintant que les collecteurs de coprah ne travaillent que pour satisfaire leur modeste économie domestique. Les habitants de Vêtuboso n’ont cependant pas le choix pour gagner leur maigre revenu monétaire ; c’est peut-être cette absence de liberté qui conditionne leur rapport négatif à la cocoteraie et par extension au cocotier.

32 La « mise en culture » du cocotier en cocoteraie a également modifié le voyage du foncier entre les habitants, ou plutôt entre les clans de Vêtuboso. La longévité et la multiplication des cocotiers permettent à une famille de « capturer » définitivement l’espace ; il sera transmis de père en fils sur au moins quatre générations.

33 La cocoteraie est aussi un espace « gourmand » enclin à en grignoter d’autres, ceux de la forêt où vivent les esprits et ceux des jardins où s’alimentent les vivants et où cultivaient les ancêtres. Si les surfaces occupées par ce voleur d’espace régressent malgré une croissance démographique, l’exploitation des cocoteraies concurrence toujours le travail du taro, la plante ancestrale cultivée dans un espace hérité des ancêtres et des héros mythiques (Caillon et Lanouguère-Bruneau, 2005). Deux stratégies s’opposent entre les horticulteurs de taros et les planteurs de cocotiers. Si les premiers revendiquent la coutume comme un moyen de s’adapter à la société moderne qui s’impose à eux, les seconds préfèrent utiliser les outils qu’on leur propose pour s’intégrer à ce nouveau monde. Certains abandonnent à la forêt leurs cocoteraies, même celles plantées par leur père et grand-père (comme le chef coutumier du village), alors que d’autres clôturent leur plantation pour que le bétail n’en sorte pas (comme l’assistant de l’agriculture à la retraite). À l’image de l’opposition entre les espaces à taros et à cocotiers, deux sociétés se comparent à Vêtuboso selon leur relation au couple coutume/ modernité : le monde des men taro et celui des men kopra.

34 Le cocotier, cet objet naturel, appartient au monde culturel grâce à ses liens à la terre.

Cette analyse interdisciplinaire qu’offre la géographie culturelle, nous a permis de rendre au « lieu » l’importance que lui accordent les Ni-Vanuatu. La coutume serait le liant entre l’identité des gens et l’identité des lieux, mais aussi avec celle des plantes, ces objets de communication entre le monde des vivants et celui des ancêtres où ils s’enracinent.

35 Le cocotier est ainsi perçu comme l’arbre « des Blancs » principalement pour son rapport au lieu. Comme le dit A. Walter (1996, p. 98), « la protection concerne les espèces qui poussent au bon endroit ». Pour revaloriser l’image du cocotier, il faut donc le sortir de son espace. Si un jour le Vanuatu développe d’autres opportunités

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commerciales que le coprah, le cocotier retrouvera éventuellement sa place physique le long des chemins avec comme compagnons les autres arbres à noix. En se réappropriant cet espace traditionnel, quelle place sociale lui accorderont les habitants de Vêtuboso ? Les villageois lui construiront certainement une identité recomposée entre l’ancienne, fondée sur sa nature d’arbre fruitier en relation avec les ancêtres, et la nouvelle liée au colonialisme, au travail laborieux et à une valeur économique. Le cocotier doit encore trouver sa voie dans une société tiraillée entre la coutume et la modernité. Choix d’autant plus compliqué que coutume et modernité ne peuvent être dissociées, chacune puisant son substrat dans l’autre pour évoluer.

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NOTES

1. Les termes en vurës (langue vernaculaire) et en bislamar (langue véhiculaire du Vanuatu) sont notés en italique. Ceux en bislamar sont suivis par l’acronyme bsl.

2. Une période de spécialisation et de dissémination d’île en île par voie marine a eu lieu entre plusieurs millions d’années av. J.-C. et environ -50 000 av. J.-C. Des fossiles de fruits de Cocoeae datant de 2 à 45 millions d’années ont été trouvés en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Inde.

Au Vanuatu, les plus anciens fossiles de coque de noix de coco ont été trouvés sur Aneytium et

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ont été datés entre 5 000 et 5 500 ans, soit 2 000 ans avant l’installation des premiers Hommes (Weightman, 1989, p. 122).

3. Albumen sec des noix de coco dont est extrait de l’huile.

4. Les Espagnols incitèrent les Philippins à planter des cocotiers dès 1768, les Allemands développèrent des plantations aux Samoa dès 1870, aux Salomon et en PNG (dès 1883). Les planteurs français attendirent 1898 pour s’installer en Polynésie française.

5. Pour une histoire détaillée des cocoteraies au Vanuatu se reporter à l’article de J.-P. Labouisse (2004).

6. Par plantation coloniale, on entend "une unité de production ayant une plus grande taille que la ferme moyenne d’Europe à la même époque, consacrée à la monoculture, produisant uniquement pour l’exportation et employant une nombreuse main d’œuvre non qualifiée."

(Panoff, 1986, p. 3).

7. Dates données par le père Gregory de Vêtuboso qui a travaillé dans le bureau archivant les droits fonciers à Port Vila.

8. 66 % des habitants possèdent des plantations de moins de 5 ha, soit 31 % de la totalité des cocoteraies, et 5 % de la population en contrôle 31 % (Rodman, 1995).

9. Dans ce système, plus un homme accumule de richesse personnelle (monnaie de coquillages, taros et cochons), plus son rôle politique et social est important.

10. La coutume est un syncrétisme entre la nouveauté et l’ancien, et résulte d’une reconstruction idéalisée du passé et non du maintien d’une identité culturelle. Elle doit être perçue "comme une référence susceptible d’améliorer, voire de régénérer le présent" (Huetz de Lemps, 1994, p. 41).

Au Vanuatu, elle est survenue après une rupture (la présence coloniale) comme une reprise (Jolly, 1992) ou comme une réinvention avec "une volonté de réenracinement dans une vision du passé" (Bonnemaison, 2000, p. 79) pour combattre un présent dominé par les étrangers, ceux qui ne savent pas, le "retour à la coutume" est un mouvement politique.

11. Également dénommé le VCMB, Vanuatu commodities marketing board.

12. Autrefois, certains agriculteurs plantaient les cocotiers trois par trois (d’après John Kökör).

13. La troisième plantation de 1,3 ha est utilisée par la sœur de Thierry.

14. Sur cette surface, 1,1 ha sont partagés avec la sœur d’Éric et sa famille (2 adultes et 3 enfants).

0,8 ha autres du père sont utilisés par la fille d’Éric, et 0,4 ha plus au Nord, par sa sœur de Vatrata et son frère de Sarah.

15. Sur la base de six fruits consommés par jour par les membres d’un foyer et trois par les animaux, principalement les cochons.

16. 1 sac =65 kg de coprah vert.

17. Notons tout de même que si la parcelle de cocotiers en fruits est de 5 ha, la famille ne l’a pas exploitée entièrement cette fois-là.

18. Chaque famille a en général un four construit avec du bois, des tôles ondulées et de fûts métalliques soudés. Si elle est dépourvue de four, une famille peut en louer un au prix de 500 vatus pour un séchage complet. Cinq jours sont nécessaires pour un séchage au soleil, mais le temps est trop humide à Vêtuboso pour qu’une telle pratique soit largement utilisée.

19. Équivalent de 5 kg de riz dans une échoppe du village.

20. Les racines du kava préparées en boisson ont un effet tranquillisant. Anciennement réservé aux chefs coutumiers, le kava est aujourd’hui consommé et payé dans des bars en ville mais aussi dans les villages.

21. Ses semences ne voyageant pas sur terre, le cocotier ne peut pas pousser sans l’aide de l’homme loin des côtes. Il doit être planté.

22. "Où est son endroit ? […] Elle n’a pas de cocotiers qui lui appartiennent vraiment" (Rodman, 1986, p. 8).

23. La situation est différente pour les jardins qui, tous les trois ans, doivent changer de lieu à cause du développement frénétique des mauvaises herbes.

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RÉSUMÉS

Le cocotier dans le village de Vêtuboso (île de Vanua Lava, Vanuatu, Pacifique Sud) présente tous les attributs pour être classé parmi les objets socialement valorisés. Présent avant l’arrivée des premiers Hommes, cet arbre est en effet toujours associé aux mythes fondateurs et à une multitude d’usages tant matériels qu’immatériels. Il est pourtant présenté à l’enquêteur comme l’arbre « des Blancs ». Par une approche culturelle, l’auteur tentera de comprendre ce changement de statut en analysant la place physique et sociale du cocotier au sein de son nouvel espace, la cocoteraie. Cette dernière peut être qualifiée d’espace « de Blancs » dont ont été hérités les pratiques et le matériel biologique. Sa nouvelle fonction économique est perçue comme une contrainte qui ne peut être évitée, le coprah étant l’unique source de revenu. La cocoteraie est un espace « gourmand » empiétant sur celui des jardins et de la forêt où vivent les esprits. Elle « capture » aussi définitivement l’espace au sein d’une famille sur plusieurs générations à cause de la longévité et de la multiplication des cocotiers. Le cocotier, objet social, est ainsi perçu comme l’arbre « des Blancs » principalement pour son rapport au lieu. Pour revaloriser son image, il faut donc le sortir de son espace. Mais quelle valeur sociale les habitants de Vêtuboso lui accorderont-ils si un jour le cocotier retrouve son lieu ?

The coconut in the village of Vêtuboso (Vanua Lava’s island, Vanuatu, South Pacific) should be classified as a socially valued object. Present before the first migrants reached Vanuatu’s coasts, this perennial plant is still associated with myths and material or immaterial multi-uses. It however became the tree “of the Whites”. Thanks to a cultural geography approach, the author will try to understand the coconut’s change of status by analysing its physical and social place among its new space, the coconut plantation. It is defined as the space “of the Whites” from which practices and biological material has been inherited. Its new economical function is perceived as an unavoidable constraint since copra is the unique source of income for the people of Vêtuboso. Coconut plantation is also a “greedy” space encroaching on the space of crop gardens and of the forest inhabited by spirits. It also definitely « captures » land among a family during few generations because of coconuts’ longevity and multiplication. Thus, the coconut is perceived as the tree « of the Whites » mainly for its relation to the place. To reevaluate coconut’s status, it has to be taken out of its actual space. But if the coconut finds back his traditional space, what kind of social value will Vêtuboso inhabitants give to it?

INDEX

Index géographique : Océanie

Keywords : coconut plantation, copra, colonialism, Oceania, yield Mots-clés : Cocos nucifera, cocoteraie, colonialisme, coprah, rendement

AUTEUR

SOPHIE CAILLON

Muséum national d’histoire naturelle,Département Homme, natures et sociétés, IRD - Centre d’Orléans

sophie.caillon@cefe.cnrs.fr

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