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18 mai 2011actualité, info
Genève : des médecins militent en faveur de la mobilité douce
«La mobilité douce n’est ni de droite ni de gauche, mais elle n’est pas neutre en termes de santé.» C’est par ces mots que le chirurgien Pie
tro Majno introduisait, hier, une con
férence de presse des médecins en faveur de l’initiative 144 «pour la mobilité douce». Soumise à votation le 15 mai, elle vise à encourager le recours au vélo et à la marche en améliorant et en sécurisant les ré
seaux cyclable et piéton dans le canton de Genève. Le professeur était accompagné d’un panel de spé
cialistes, tous domaines confondus, et de pontes des Hôpitaux universi
taires de Genève (HUG) pour mettre
«tout le poids de la profession dans le soutien à cette initiative». En l’oc
currence, c’est plutôt le surpoids d’une part grandissante de la popu
lation qui inquiète les médecins.
«Notre société fait face à une véri
table épidémie d’obésité, notamment chez les enfants», souligne la pé
en marge
Crise économique ou pas, le Vieux Continent demeure une terre riche ; du moins suffisam
ment riche pour être en mesure de financer d’étonnantes recher
ches. Dernier exemple en date, celle intitulée «La mortalité des cardinaux (XVIeXXe siècles)» ; un travail signé Alessio Fornasin, Marco Breschi et Matteo Manfre
dini – trois chercheurs travaillant
respectivement dans les Universi
tés d’Udine, Sassari, et Parme. Ce travail vient d’être publié dans Population (n°4 /2010) la revue trimes trielle de l’Institut national français d’études démographiques (Ined).
Pourquoi, mon Dieu (diront peut
être quelques belles âmes laïques) s’intéresser à un tel sujet ? Répon se des auteurs : «Les cardinaux for
ment un groupe dont l’étude dé
mographique présente un double intérêt. En tant que groupe d’ef
fectif limité (leur nombre maxi
mum est resté fixé à 70 entre 1586 et 1973) et dont le recrutement se fait à des âges élevés, la dyna
mique démographique de son
renou vellement révèle les rela
tions entre âge au recrutement et au décès (…). Par ailleurs, en tant que groupe d’hommes habitant pour la plupart la ville de Rome et appartenant à l’élite écono
mique, la comparaison de leur mortalité avec celle des popula
tions italiennes et européennes permet de mettre en lumière cer
taines particularités. »
C’est ainsi que – usant d’une base de données fort bien documentée – MM Fornasin, Breschi et Man
fredini metttent en lumière un formidable paradoxe : audelà des variations associées aux difficul
tés politiques au sein de l’Eglise catholique, la longévité des cardi
naux s’est détériorée au XIXe siècle, jusqu’à devenir inférieure, en moyenne, à celle recensée dans les populations européennes.
Comment expliquer ce que les auteurs euxmêmes qualifient de résultat contre-intuitif ?
Ces mêmes auteurs rappellent, en introduction, que la démographie historique a une longue tradition d’étude de la mortalité de popu
lations spécifiques. Cette branche peut être subdivisée en trois caté
gories : «les minorités nombreuses (comme les Juifs), les élites (le plus souvent des nobles) et les groupes définis par des attributs particuliers comme l’activité pro
fessionnelle (mineurs, pêcheurs, communautés religieuses, etc.).»
Ces travaux ne se bornent pas à examiner le comportement démo
graphique de ces populations : ils retracent aussi leur évolution à long terme. Plusieurs séries remon tent au Moyen Age : elles concernent les classes supérieures et certaines communautés reli
gieuses (monastiques) impos
sibles à atteindre et à cerner via les méthodes démographiques classiques.
Il faut bien évidemment prendre garde ici à certains biais. On pourrait ainsi postuler que le style de vie de la plupart des groupes religieux les protégeait de facto de certaines des affec
tions auxquelles était exposé le reste de la population. On peut aussi aboutir à des conclusions inver ses comme le montre ce tra
vail ciblant les caractéristiques de la mortalité des cardinaux de l’Eglise catholique. «Cardinal» ? Cette fonction date du IIe siècle et, bien que le rôle de ces hommes diffère aujourd’hui sensiblement de ce qu’il était à l’origine, l’insti
tution a fait preuve d’une remar
quable continuité lors des cinq derniers siècles ; qu’il s’agisse des modalités d’accès au titre et à la fonction, des charges qui lui incom bent et du nombre de ses membres. «Les informations dis
ponibles sur les cardinaux sont extrêmement complètes et détail
lées, résument les auteurs. La source utilisée ici est le fichier des cardinaux établi et disponible – gratuitement – en ligne.»1 Ce fichier contient les biographies de plus de 4000 cardinaux nommés depuis l’an 492. Chacune com
prend des références et une grande quantité d’informations sur chaque membre du Sacré col
lège, en particulier la date et le lieu de naissance, la date d’«élé
vation à la pourpre cardinalice», ainsi que la date et le lieu du décès.
Seul hic (et hic de taille diront les septiques) : la cause du décès est malheureusement souvent ab
sente.
On ne reproduira pas, ici, les entre lacs méthodologiques d’un tel travail. Comment prendre au
mieux en compte les évolutions des contextes culturels, sanitaires et politiques qui ont fait que les espérances de vie ont chuté, en particulier pendant le dernier quart du XVIIIe siècle et la se
conde moitié du XIXe siècle ? Un seul exemple, cité par les auteurs : la période de la Révolution fran
çaise et l’imposition de l’autorité napoléonienne sur la Péninsule ; après la déposition du pape Pie VI comme souverain temporel (1798), la capitale de la chrétienté devint «territoire hostile», des cardi naux furent emprisonnés et le pape mourut en captivité. Un second, peutêtre : la période du Risorgimento, durant laquelle les Etats pontificaux furent constam
ment «sous pression».
«Malgré le poids vraisemblable de ces facteurs, il reste difficile de justifier, pour les autres périodes, le bas niveau de l’espérance de vie d’un groupe aussi sélectionné, estiment les auteurs. Les cardi
naux constituent une souspopu
lation urbaine, dont la plupart des membres vivent dans la même ville, Rome. Leur espé
rance de vie relativement faible peut donc être rapprochée des fortes mortalités urbaines. En
Les cardinaux n’ont pas toujours fait de vieux os
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Cardinal Wolsey (✝1530)
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1 www.fiu.edu/~mirandas/cardinals.htm
diatre Nathalie Farpour Lambert. En cause : un mode de vie bien trop sé
dentarisé, alors qu’un tiers des dé
placements des jeunes en âge pri
maire sont motorisés – proportion qui grimpe à 50% pour les adolescents.
«Or, pour promouvoir l’activité physi
que, il faut un environnement adéquat et sécurisé», ajoutetelle.
S’agissant de santé publique, les con
séquences de cette évolution sont dramatiques, appuie le docteur Pa
trick Saudan, député radical au Grand Conseil. En tant que médecin, il s’op
pose fermement à son parti sur cette question. «Les liens entre notre mode de vie et le surpoids, l’hypertension ou le diabète sont clairs. Et chaque an
née, Genève dépense 500 millions de francs pour traiter les maladies liées à l’obésité.» Un chiffre qu’il met en pa
rallèle avec les 80 millions de francs, environ, qui seraient nécessaires pour terminer et sécuriser les réseaux cycla
bles et piétons genevois. Car le lien entre la qualité des aménagements et le choix du transport est largement démontré par des études, poursuit Bengt Kayser, spécialiste en méde
cine du sport : «On sait que des amé
nagements appropriés induisent des comportements favorables à l’activité
physique. Trop souvent, à Genève, l’en
vironnement est au contraire un facteur décourageant car les gens craignent les accidents lorsqu’ils se déplacent à vélo.» Philippe Morel, chirurgien et député PDC, appuie : «Avec cette ini
tiative, Genève ne serait pas pionnière mais rattraperait simplement son re
tard pour des mesures qui, on le sait, fonc tionnent.» (…)
Mario Togni Le Courrier du 5 mai 2011
Suicide assisté : Berne hésite toujours
L’aide au suicide purement et simple
ment interdite ? Seul, au contraire, le tourisme de la mort seratil banni des bords de la Limmat ? Les Zuri
chois se prononcent dimanche sur deux initiatives cantonales, l’une plus extrême que l’autre, mais qui toutes deux réclament que soit mis un ter me à des expériences longues pourtant de nombreuses années.
Les deux textes n’ont que peu de soutiens dans les partis. Mais l’issue du scrutin reste ouverte. Et le vote
comme son résultat seront suivis bien audelà du canton. Car cela fait dix ans que le Conseil fédéral et le parle
ment, et avec eux une cohorte d’ex
perts, d’éthiciens et de praticiens, cher
chent à mettre en place un nouveau cadre légal sans jamais parvenir à trouver la solution qui s’impose.
Simonetta Sommaruga devrait arriver avec des propositions d’ici à l’été.
Les contours du projet de loi qui doit être transmis au parlement restent in
certains. (…),
Si les avis semblent donc majoritaire
ment acquis à un encadrement légal du suicide assisté, ils se divisent sen
siblement quand il s’agit d’en préciser le contenu. Fautil ou non restreindre l’activité des organisations d’aide au suicide aux cas où la personne n’a aucune chance de s’en sortir ? De com
bien de médecins fautil solliciter l’avis, deux ou trois ? Et pourquoi pas, fina
lement, s’en tenir au statu quo ? (…) Pour la ministre de la Justice, la re
cherche d’une solution de compro
mis s’annonce ardue. Mais pas im
possible, juge le conseiller aux Etats Luc Recordon. L’écologiste vaudois prête suffisamment d’habileté à la con
seillère fédérale pour espérer que le dossier sera tiré de l’ornière. «Ceux
qui étaient opposés à toute réglemen
tation semblent avoir molli.» Le pos
tulat qu’il a déposé au Conseil des Etats, et qui a été accepté en mars, dessine une voie qui pourrait se révé
ler rassembleuse. Reconnaissant avoir luimême hésité à prôner le statu quo, il croit nécessaire, au moins, de veil ler à empêcher toute dérive commercia
le, et pour cela d’exiger, en particulier, la transparence comptable de même que la remise de comptes certifiés.
Pour Exit Zurich, hostile à une res
triction de ses activités, l’idéal serait le statu quo au niveau national avec le maintien de l’accord existant à Zu
rich, paraphé en 2009 avec le Minis
tère public du canton. Selon cette règle de conduite, le patient, membre de l’association, doit notamment dis
poser d’un certificat médical et être capable de discernement. Pour que sa volonté soit établie de manière évi
dente, lui et ses proches s’entretien
nent avec un accompagnant. Après le décès, un constat de police et une déclaration des coûts sont effectués.
Dignitas n’a pas signé le texte.
Denis Masmejan Collaboration : Anne Fournier
Le Temps du 14 mai 2011 plus des mauvaises conditions
hygiéniques et sanitaires, caracté
ristiques d’une grande agglomé
ration, Rome était entourée jusqu’au début du XXe siècle de vastes marécages, expliquant l’importance de la malaria comme cause de décès de ses habitants.
Le pape Urbain VII en fut vic
time. On sait par ailleurs que la malaria cause un nombre élevé de décès, surtout parmi la popula
tion âgée. L’espérance de vie des cardinaux décédés à Rome n’était cependant pas plus courte que celle de cardinaux morts hors de Rome. Il existe donc sans doute d’autres facteurs, peutêtre ratta
chés à d’autres caractéristiques de ce groupe particulier.»
Ainsi donc nous entrons dans le champ des mystères. Avec ces cardinaux romains et pourprés, nous sommes décidément bien loin de la longévité des groupes religieux ; longévité inhérente à leur «quiétude spirituelle» ainsi qu’à la régularité de leurs habi
tudes quotidiennes, leur sobriété, et leur modération. «Cinq fruits et légumes par jour» (sinon plus) asso ciés à l’absolue «consomma
tion avec modération» ? «Si les cardinaux présentaient un risque
relativement élevé de décéder, c’est donc peutêtre que leur style de vie était moins sobre et modéré que celui du reste de la popula
tion masculine. Il est cependant toujours dangereux de générali
ser à partir de cas individuels et il serait difficile de démontrer que le mode de vie des cardinaux était moins "vertueux" que celui des laïcs» expliquent les auteurs.
Mystères, mystère.
Conclusion : « les cardinaux n’ont connu d’amélioration de leur espé rance de vie – et n’ont rejoint sur ce point – le reste de la popu
lation que lorsqu’ils ont pu tirer bénéfice des progrès – dans la vie de cour, les transports et la méde
cine ; réduisant ainsi les facteurs de risque spécifiques auxquels ils étaient préalablement exposés.»
On aimerait savoir quelle est, aujour d’hui et pour les siens, la position du Vatican quant aux vertus de la médecine fondée sur les preuves.
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
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