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Autour de l'exposition "Trésors d'art sacré de la Haute-Guyenne" au musée Ingres de 1956

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Université Toulouse Jean Jaurès UFR Histoire, Arts et Archéologie

Madison Brousse

Autour de l’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne »

au musée Ingres de 1956

Mémoire de master 2 d’études médiévales préparé sous la direction de Nelly Pousthomis

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Illustration de couverture : Dépliant de l’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne » au musée Ingres de Montauban, 1956.

Chemise N°1 dossier 2R170 des archives municipales de Montauban « Exposition au Musée Ingres de Montauban "Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne" du 13 mai au 30 septembre 1956 prolongée jusqu’au 14 octobre 1956 ».

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Université Toulouse Jean Jaurès UFR Histoire, Arts et Archéologie

Madison Brousse

Autour de l’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne »

au musée Ingres de 1956

Mémoire de master 2 d’études médiévales préparé sous la direction de Nelly Pousthomis

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Je tiens à adresser mes sincères remerciements aux personnes ayant participé à l’élaboration de mon mémoire.

Tout d’abord, je remercie particulièrement Mme. Nelly Pousthomis, professeure d’histoire de l’art et d’archéologie médiévales et ma directrice de recherche, qui s’est toujours montrée très disponible pour répondre à toutes mes questions. Elle a su me rassurer lorsque je me sentais dépassée par le temps, et je la remercie d’avoir partagé avec moi son réseau de connaissances afin de m’aider à la fois dans mes recherches scientifiques et dans ma quête de stage. Ce fut un plaisir de travailler durant ses deux ans de master sous sa direction. J’ai trouvé ma voie, celle de la la conservation et de la valorisation du patrimoine, et ma passion pour les trésors d’églises n’en a été que renforcée. Je remercie encore une fois ma directrice de recherche pour son investissement et je lui souhaite toute l’énergie possible afin de mener à bien ses projets futurs.

Je tiens également à remercier mes maîtres de stage, Mme. Valérie Gaudard, conservatrice régionale des monuments historiques adjointe à la Direction régionale des affaires culturelles de Toulouse, ainsi que Mme. Monique Drieux-Daguerre directrice du laboratoire de conservation-restauration Materia Viva à Toulouse, et plus largement au agents de la CRMH et à toute l’équipe de Materia Viva. Mes deux stages m’ont permis de conforter ma volonté d’œuvrer à la conservation et à la valorisation du patrimoine, mais ces expériences m’ont également apporté beaucoup de connaissances dans le cadre de mes recherches concernant les modalités de conservation selon le statut de l’objet ainsi que sur la déontologie de restauration.

Je remercie aussi M. Laurent Fau, du Service régional de l’archéologie de la DRAC de Toulouse, qui a pris le temps de s’entretenir avec moi sur l’exposition d’art sacré aveyronnais qu’il prépare. Cela m’a permis de comparer les motivations et les objectifs d’une exposition d’art sacré organisée au milieu du XXe siècle avec une exposition du même type organisée aujourd’hui.

Je voudrais ensuite remercier les archives municipales de la ville de Montauban pour leur rapidité de réponse et leur disponibilité. Je les remercie pour leur accueil, ainsi que leur adaptation à mes besoins pour mes recherches.

Enfin, je remercie mes proches pour leur soutien, et mes camarades de promo dont l’entraide a été sans faille. Merci à eux pour la motivation qu’ils ont su me redonner.

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Sommaire

Avant-propos...6

1- Définition et contextualisation du sujet...8

1.1- Définitions des termes du sujet...8

1.2- Contexte et historiographie...13

1.2.1- Contexte religieux et artistique de la seconde moité du XIXe et de la première moi-tié du XXe siècle...13

1.2.2- Les monuments historiques de la Révolution française à la moitié du XXe siècle. 18 1.2.2.1- Aspects juridiques……….18

1.2.2.2- Le cas du patrimoine mobilier religieux………...24

1.2.2.3- L’aménagement du Trésor de l’abbaye de Conques en 1951-1955………….25

1.3- Méthodes et sources...28

2- L’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne », 15 mai – 30 septembre 1956, Musée Ingres, Montauban...31

2.1- Présentation de l’exposition par ses organisateurs, Daniel Ternois et Mathieu Méras. .31 2.2- Biographies des organisateurs...33

2.2.1- Daniel Ternois, conservateur du musée Ingres...33

2.2.2- Mathieu Méras, archiviste-en-chef de Tarn-et-Garonne...34

2.3- La mise en œuvre de l’exposition...35

2.3.1- Fixation des dates et inauguration de l’exposition...35

2.3.2- Les comités d’organisation et d’honneur...37

2.3.3- La valorisation de l’exposition………39

2.3.3.1- Les administrations de tourisme et de loisirs départementales, régionales, nationales et internationales………..39

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2.3.4- Élaboration et diffusion du catalogue………..45

2.3.5- Prêts des œuvres et leur reçu après l’exposition………..48

2.4- La muséographie...50

3- Les objets présentés lors de l’exposition...54

3.1- Présentation des objets...54

3.1.1- Statistiques des objets par types et datation...54

3.1.1.1- L’orfèvrerie………...55

3.1.1.2- La sculpture………..56

3.1.1.3- Les autres objets………...57

3.1.2- Part des grands centres religieux...59

3.2- Le choix des objets...60

3.2.1- La liste du chanoine Gayne...61

3.2.2- Interprétations...63

3.2.2.1- Les reliquaires d’orfèvrerie………...………...………63

3.2.2.2- Les chapiteaux……….………64

3.2.2.3- La sculpture monumentale………...………65

3.2.2.4- Les croix………...66

3.2.2.5- Les tableaux……….67

3.2.2.6- Les tissus………..67

3.2.2.7- Les calices, le ciboire, l’ostensoir et les autres objets liturgiques communs...68

3.3- Les impacts de l’exposition sur les objets...70

3.3.1- Les restaurations...70

3.3.1.1- L’orfèvrerie : le trésor de l’abbaye de Grandselve………...72

3.3.1.2- La sculpture : œuvres de l’église abbatiale Saint-Pierre de Moissac………...73

3.3.1.3- Les autres objets………...75

3.3.1.4- Valorisation des trésors………75

3.3.2- Le classement au titre des monuments historiques.- Les comités d’organisation et d’honneur...76

(7)

4- La postérité des objets exposés...80

4.1- Réflexions et travaux scientifiques...80

4.1.1- Visites de personnalités éminentes et intérêts pour certains objets...80

4.1.2- Les réflexions scientifiques développées………83

4.1.3- Les publications ultérieures à l’exposition………..86

4.2- Les trésors d’églises anciens de Tarn-et-Garonne après 1956...90

4.2.1- La participation des objets à des expositions ultérieures...91

4.2.2- La question de la conservation des objets après l’exposition et les aménagements de trésors...94

4.2.2.1- Les trésors des grands centres religieux du département : les abbayes de Moissac, Grandselve, Belleperche et la collégiale de Montpezat-de-Quercy………...…95

4.2.2.2- Les autres trésor d’églises du département……….…………..98

Conclusion...101

Sources...104

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Avant-propos

Après mon mémoire de recherche de première année sur la composition et les usages du trésor de l’abbaye de Grandselve (Tarn-et-Garonne) du XIIIe siècle à nos jours, le manque de sources, notamment liturgiques, m’a amené à élargir le sujet pour la seconde année du master. C’est ainsi que j’ai consacré ce mémoire à la réception contemporaine, non pas d’un trésor mais de plusieurs trésors, médiévaux et modernes, conservés dans les églises du département de Tarn-et-Garonne

Je pars de l’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne » au musée Ingres de 1956 (Montauban) pour expliquer l’intérêt pour les trésors d’églises anciens en France qui connaît un renouveau et une croissance importants à partir de la deuxième moitié du XXe siècle.

Mon étude vise à trouver la place de l’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne » dans son contexte patrimonial en étudiant les objectifs qui lui ont été définis par ses organisateurs, la manière dont elle a été organisée et sa portée sur le patrimoine religieux mobilier. Bien sûr, le choix des objets présentés est capital car il fonde l’identité de l’exposition.

L’intérêt du sujet repose sur le fait que cette exposition ait lieu au moment où se développe un nouvel intérêt à la fois historique, artistique et scientifique pour la conservation et la valorisation des trésors d’églises. Cette précocité de l’exposition dans le temps contraint également l’étude du sujet. En plus d’être la première étude sur cette exposition, le présent mémoire s’est confronté au manque d’études scientifiques sur le sujet. En effet, la référence étant l’exposition « Trésors des églises de France » au musée des arts décoratifs de Paris en 1965, il n’y a que très peu de travaux sur la question des trésors d’églises anciens avant 1956. De plus, les seules expositions du même type sont des expositions régionales axées sur un type d’objets et une période spécifique. L’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne » est originale car elle couvre un temps long, du XIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle,

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et présente des objets divers par la technique (orfèvrerie, sculpture, peintures et relevé de peintures murales, tissus, dinanderie, manuscrits, objets divers et documents d’archives).

Il est alors intéressant de rendre compte de la mise en place et de la finalité d’une exposition d’art sacré ancien régional dans le contexte des premières émulations patrimoniales autour des trésors d’églises au XXe siècle. Le fil conducteur de l’étude part de l’organisation technique de l’exposition afin de voir les moyens mis en place pour son élaboration, pour aboutir au devenir des objets présentés après celle-ci. La finalité de ce mémoire est de mettre en avant le rôle d’une exposition régionale dans la conservation et la valorisation de ses trésors, mais aussi de montrer ses limites, voire ses échecs malgré un contexte favorable aux trésors d’églises et de cathédrales en France.

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1- Définition et contextualisation du sujet.

1.1- Définitions des termes du sujet.

La notion de trésors, au pluriel car elle enveloppe une multitude d’objets différents, est liée à la valeur esthétique des objets, mais celle-ci ne doit pas prévaloir sur la valeur historique. La fonction de l’objet reste l’aspect le plus important1. L’étude de l’art au XIXe siècle dissocie réellement l’art des églises de l’art profane. La relation entre la religion et les images devient une préoccupation des érudits, qui créent par cette occasion les diverses expressions d’« art religieux chrétien », d’« art chrétien », d’« art d’église », d’« art sacré », d’« art religieux », etc2. Chacune de ces expressions prend son sens propre mais la distinction reste mince. Par exemple, « l’art religieux » entendrait éveiller ou approfondir les sentiments religieux des fidèles, ce qui en fait une expression large de sens, tandis que « l’art liturgique » serait lié à l’esthétique des objets rituels de la liturgie, et notamment ceux utilisés pour la consécration des sacrements3.

C’est au début du XXe siècle que l’expression d’« art sacré » prend son sens pour définir l’art directement lié au culte. Un art est considéré comme sacré lorsqu’il est utilisé lors du culte dans un édifice religieux consacré4. En effet, d’après le Dictionnaire de spiritualité le mot sacré vient du latin sacrum, sacer désignant un objet consacré à une divinité, un sacrifice, un geste religieux ou la célébration des mystères. Son synonyme sanctum désigne le caractère saint et religieux d’une chose, d’une personne ou d’une action dédiée à la divinité5. L’art sacré est ainsi la catégorie dans laquelle se place les objets utilisés lors du culte et par les ministres

1 ÉCOLE NATIONALE DU PATRIMOINE, Trésor d’église, musée d’art religieux : quelle

présentation ?, Paris, École nationale du patrimoine, 1998, 224 p.

2 CAUSSÉ Françoise, La revue « L’Art Sacré », Le débat en France sur l’art et la religion

(1945-1954), Paris, Éditions du Cerf, 2010, 683 p.

3 LION Antoine, « Art sacré et modernité en France : le rôle du P. Marie-Alain Couturier », Revue

de l’histoire des religions [En ligne], n°1, 2010,

https://journals-openedition-org-s.nomade.univ-tlse2.fr/rhr/7567 [consulté le 12/12/2018.]

4 SAINT-MARTIN Isabelle, Art Chrétien / Art sacré. Regards du catholicisme sur l’art. France,

XIXe-XXe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, 337 p.

5 MÜLLER Gerhard Ludwig, « Le sacré », Dictionnaire de spiritualité. Ascétique et mystique.

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de ce culte, le caractère sacré d’un objet le rendant inviolable6. L’art sacré est bien entendu diffèrent pour chaque spiritualité, ici il s’agit de traiter l’art sacré attaché au culte chrétien catholique.

L’art sacré est un ensemble d’objets que l’on utilise lors du culte. Les calices, les encensoirs, même les reliquaires, se détériorent, s’usent au fil des usages. L’objet de culte est un objet vivant qui naît, vit, puis parfois meurt. Un objet en métal peut être fondu pour être réutilisé dans la création d’un nouvel objet. La matière de l’objet lui donne son importance et sa pérennité, en effet le bois sera moins durable que la pierre, qui le sera moins que le métal. L’objet d’art sacré à sa propre identité mais le regard sur un objet d’art religieux n’est pas le même pour un fidèle, un non-croyant, ou un touriste. Les personnes qui regardent ces objets leur donnent leur destination et leurs significations, cela va plus loin que l’idée initiale des commanditaires et des artistes7. Pour un fidèle, l’objet d’art sacré exerce un rôle de médiateur entre Dieu et les hommes, il assure l’éternel dans le temporel et participe ainsi au salut des hommes, notamment les objets utilisés lors de l’Eucharistie. Tandis qu’une personne non-croyante peut davantage voir l’aspect artistique et technique de l’objet et le considérer comme une œuvre d’art uniquement.

Cependant, n’appartient pas à l’art sacré n’importe quel objet placé dans un édifice religieux consacré. Il existe une distinction entre les œuvres destinées aux églises et l’art exprimant un désir de spiritualité8. Un objet réalisé par un artisan, devenu sacré par la consécration d’un évêque, comme un calice, n’a pas le même statut qu’une œuvre sacrée par la piété de son artiste, par exemple l’Annonciation de Fra Angelico9. L’art sacré présente des sujets religieux, mais il est surtout sacré par sa forme qui témoigne d’une spiritualité10. Ainsi, les œuvres qui figurent des sujets religieux ne peuvent pas être toutes considérées comme de l’art sacré11.

6 GIRARD Alain, « Un musée départemental d’art sacré. Le programme muséographique du Musée d’art sacré du Gard », Revue d’histoire de l’Église de France, 1996, p. 110.

7 LUSTIGIER Jean-Marie, « les œuvres dans l’Église, un geste d’espérance », L’art sacré au XXe

siècle en France, BONY Jacques (et al.), Thonon-les-Bains, l’Albaron, 1993.

8 RINUY Paul-Louis, Le renouveau de l’art sacré dans les années 1945-1960 et la « querelle de

l’art sacré » [En ligne],

http://eduscol.education.fr/cid46365/le-renouveau-de-l-art-sacre-dans-les-annees-1945-1960-et-la-querelle-de-l-art-sacre.html [consulté le 09/12/2018]. 9 Ibid.

10 BURCKHARDT Titus, Principes et méthodes de l’art sacré, Paris, Éditions Dervy, 2011,

p. 5.

11 HOUSSET Emmanuel, « L’art sacré, un art impossible », Revue des sciences philosophiques et

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Pour résumer, l’art sacré se caractérise par des objets sacrés par leurs fonctions et leurs formes. Or, selon cette conception l’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne » comporte plusieurs d’objets qui ne sont pas de l’art sacré. C’est le cas des peintures sur toile, des chapiteaux, certaines statues en ronde-bosse, ou encore les boites à bijoux, qui se veulent d’autant plus décoratifs et ostentatoires que fonctionnels. Cette exposition propose plutôt un panel de trésors d’églises.

Marie-Anne Sire, inspectrice en chef des Monuments Historiques, définit ce qui est considéré aujourd’hui en tant que trésor d’église comme un ensemble d’objets précieux destinés à l’exercice ou à l’ornement du culte (ciboires, calices, croix, ostensoirs, parements d’autels, livres, etc.) ou à la vénération des reliques (statues, coffres ou croix reliquaires, etc.)12. Aujourd’hui, la notion de trésors d’églises et étroitement liée à celle d’objet d’art. Or, les trésors d’églises sont également des objets de la mémoire chrétienne. En effet, l’Église se dote de ces premiers trésors au IVe siècle, aidée par la conversion de l’empereur Constantin et de son édit de tolérance promulgué en 313, connu sous l’appellation d’édit de Milan. Les chrétiens sont désormais libres de pratiquer leur religion sans avoir à vénérer le culte de l’empereur, et la conversion de Constantin entraîne également de nombreuses donations impériales à l’Église.

Au Moyen Âge, le trésor d’église est une richesse à la fois spirituelle et matérielle. Le trésor se fonde dans la matérialité certes, mais il confère aux objets une qualité particulière, celle d’avoir un poids spirituel13. Jean Taralon14 souligne la pluralité de l’expression « trésors d’églises » car l’on se rend compte de l’hétérogénéité des objets qui les composent,

12 ÉCOLE NATIONALE DU PATRIMOINE, Trésor d’église, musée d’art religieux : quelle

présentation ?, Paris, École nationale du patrimoine, 1998, 224 p.

13 CORDEZ, Philippe, Trésor, mémoire, merveilles : Les objets des églises au Moyen Âge, Paris, Éditions EHESS, 2016, 285 p.

14 Jean Taralon (1909-1996) est à la fois diplômé d’une licence ès-Lettres et de droit, avant de continuer sur un diplôme de sciences politiques. Il devient inspecteur des monuments historiques en 1946, ainsi que conservateur des collections du château de Champs, du Musée des plans-reliefs et directeur du Centre de Recherches sur les Monuments Historiques. Il est chargé du département du Tarn à partir de 1952. Taralon est nommé inspecteur général en 1968 et il crée alors le Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques qu’il dirige jusqu’en 1982. Spécialiste du vitraux ancien , il publie également sur l’orfèvrerie, la sculpture, la peinture murale et l’architecture. Durant sa carrière, il est à la tête de plusieurs campagnes de restauration de peintures murales et prend l’initiative de sauvegarder les grands ensembles de vitraux des cathédrales de France. Il s’occupe de l’aménagement du trésor de l’abbaye Sainte-Foy de Conques dans les années 1950. Sources : rubrique Jean Taralon dans la base de données Author de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine. http://www.mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr/pages/bases/autor_cible.html [consulté le 09/02/2019].

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notamment via les inventaires dressés par les églises15. Le trésor d’une église est composé du

ministerium, c’est-à-dire du mobilier sacré utilisé pour le culte, et de l’ornamentum, qui est à

la fois esthétique et cultuel. Cependant, le trésor d’une église ne prend pas en compte l’ergstulum, qui est la monnaie à la disposition de la communauté. Le trésor n’est alors pas considéré comme une marchandise, mais bien comme un ensemble d’objets cultuels. Avant le IXe siècle, les trésors sont cachés dans les sacristies, à l’abri des vols. Puis, la mise en place

d’une salle dédiée à la conservation du trésor se généralise, notamment chez les cisterciens qui scindent leur trésor entre le petit trésor dédié aux objets de culte régulièrement utilisés, et le grand trésor composé des reliquaires et des autres objets insignes.

Si un objet devait se distinguer aisément des trésors des églises, ce serait les reliques, et plus précisément les reliquaires, qui leur donnent leur apparence. Pour Philippe George « le trésor d’église est avant tout un ensemble de reliques dont la nature est très variée »16. Les reliques ne pouvant être exposées comme telles par soucis de conservation, de sécurité et de respect pour le saint, sont déposées à l’intérieur de reliquaires. Ainsi, elles sont protégées et même cachées afin de conserver la mystique qui leur est attachée.

Eugène Viollet-le-Duc définit comme reliquaire tous les meubles qui contiennent des reliques de saint17. Il rappelle que le reliquaire peut prendre des formes variées (vase, coffre, meuble, phylactère, tableau, etc.), tout comme il peut être de matériaux différents (bois, cristal de roche, métal, ivoire, étoffe, etc.), enfin il peut être ornementé le plus simplement possible comme être flamboyant. Cette pluralité des reliquaires se comprend aussi dans le fait que toutes les abbayes, les cathédrales, parfois mêmes des églises paroissiales et des particuliers, possèdent des reliquaires. Il existe autant, et même plus, de reliquaires qu’il n’y a de commanditaires.

Louis Réau propose une typologie des reliquaires intéressante, qu’il classe selon cinq catégories18. La première est la catégorie la plus simple, celle des boîtiers rectangulaires. La seconde est celle des reliquaires « réceptacles », en forme de flacon ou de bourse. La troisième catégorie renferme les reliquaires en forme de disque ou de tableau, qui peuvent prendre l’apparence de diptyque ou de triptyque. La quatrième catégorie est composée des

15 TARALON Jean, Les trésors des églises de France, Paris, Hachette, 1966, 306 p.

16 GEORGE Philippe, « Le Trésor d’église, inspirateur et révélateur de conscience historique », Les

Trésors des églises à l’époque romane, Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 2010, t. XLI, p. 13-26. 17 VIOLLET-LE-DUC Eugène, Dictionnaire raisonné du mobilier français de l’époque

carolingienne à la Renaissance, Tome premier, Paris, Gründ et Maguet, 1858, p. 210.

18 RÉAU Louis, Iconographie de l’art chrétien. Tome I Introduction générale, Paris, Presses Universitaires de France, 1955, p. 400-402.

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châsses, qui est le type de reliquaire le plus monumental. Elles prennent le plus souvent la forme d’une église, mais il existe des reliquaires architectoniques en forme de tour ou de coupole. Enfin, la dernière catégorie est celle des reliquaires parlants, qui prennent la forme de la partie du corps du saint dont la relique est issue (pied, côte, chef-reliquaire, etc.).

Les trésors d’art sacré sont donc extrêmement variés, que ce soit par les formes, par les matériaux, par les usages. C’est ce que met en évidence l’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne ».La Haute-Guyenne, province d’ancien régime, n’est pas facilement définissable car sa superficie a varié selon les périodes, d’autant plus que l’exposition de 1956 rassemble des objets datant de la fin du XIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle. En 1635 est créée la généralité de Montauban, comprenant le Rouergue et le Quercy. Puis en 1779, elle est remplacée par la province de Haute-Guyenne qui s’étend sur le Quercy, le Rouergue, l’Armagnac, et les comtés de Comminges, et de Bigorre.

La Haute-Guyenne présentée par l’exposition se contente des limites géographiques actuelles du département du Tarn-et-Garonne car les objets exposés au musée Ingres viennent tous de communes de Tarn-et-Garonne, hormis un objet provenant de l’église d’Avensac dans le Gers, car dépendante de l’église de Maubec en Tarn-et-Garonne durant l’ancien régime19. Les autres communes de Tarn-et-Garonne représentées par leurs objets lors de l’exposition sont Albefeuille-Lagarde, Bioule, Bouillac, Bouloc, Bugat, Castanet, Castelferrus, Caumont, Caylus, Cazes-Mondenard, Cordes-Tolosannes, Dieupentale, Dunes, Esparsac, Fajolles, Finhan, Labastide de Penne, Lamothe-Capdeville, Loze, Mirabel, Molières, Montaigu-de-Quercy, Montauban, Montech, Montpezat-de-Montaigu-de-Quercy, Moissac, Mouillac, Parisot, Piquecos, Pompignan, Puylaroque, Saint-Nicolas-de-la-Grave, Saint-Paul-d’Espis, Savenès, Touffailles et Verdun-sur-Garonne. L’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne » est bien une exposition régionale.

19 Notice de la croix processionnelle N°13, Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne, Catalogue d’exposition, Musée Ingres, Montauban, 13 mai – 30 septembre 1956, Montauban, Musée Ingres, 1956, p. 11.

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1.2- Contexte et historiographie.

1.2.1- Contexte religieux et artistique de la seconde moité du XIXe et de la première

moitié du XXe siècle.

Les XIXe et XXe siècles sont une période de changement pour le christianisme, qui se trouve être en décalage avec la nouvelle société qui est en train de se former. L’Église doit faire face aux nouvelles idées et aux événements qui bouleversent le monde. Elle se retrouve obligé de s’adapter, voire de se réinventer. La seconde moitié du XIXe siècle voit émerger le positivisme et la science comme nouvelle religion. L’Église tente de réagir en développant une doctrine néo-thomiste alliant la foi et la raison, ce qui entraîne une vague de reconversion au christianisme. Le nombre d’églises augmente rapidement entre 1890 et 1910 afin de répondre au souci des paroisses trop peuplées, en dépit de l’anticléricalisme ambiant20. L’Église retrouve alors un dynamisme perdu depuis l’émergence de la modernité par la révolution industrielle du XIXe siècle. La société oscille alors entre les traditions et le changement, l’individualisme et le communautarisme, le nationalisme et l’internationalisme21. L’Église entre dans une phase d’apaisement entre croyants et athées : en 1884 le pape Léon XIII publie l’ encyclique Nobilissima gallorum gens qui accepte les institutions républicaines, puis l’année suivante l’Église tolère en droit toutes les formes de gouvernements ainsi que leur liberté de cultes par l’Immortale Dei, enfin en 1892 elle confirme son conservatisme mais défend cependant un christianisme inséré dans la République. Ce changement de mentalité met fin à l’appui de l’extrême droite royaliste qui utilise l’Église pour promouvoir ces idées. L’Église s’oppose d’ailleurs aux idées de l’Action Française, créée en 1905, et plusieurs livres de Charles Maurras sont mis à l’index22.

Malgré tout, l’Église reste encore très conservatrice, et le Saint-Siège s’oppose à la pensée moderniste de la théologie en cette fin du XIXe siècle. L’affaire Dreyfus porte un coup au relatif apaisement entre croyants et non-croyants. Les catholiques étant anti-dreyfusards, cela engendre une nouvelle montée de l’anticléricalisme. La loi sur les associations de 1901 met en place une surveillance des congrégations religieuses, d’autant plus que le ministère 20 ARMOGATHE Jean Robert, HILAIRE Yves-Marie (dir.), Histoire générale du christianisme du

XVIe siècle à nos jours, Paris, Presses Universitaires de France, 2010, 1317 p.

21 CAUSSÉ Françoise, La revue « L’Art Sacré », Le débat en France sur l’art et la religion

(1945-1954), Paris, Éditions du Cerf, 2010, 683 p.

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Combes, très anticlérical, fait dissoudre l’année suivante plusieurs congrégations. Puis la loi de 1905 sur la séparation de l’État et de l’Église met fin au concordat de 1801. Les biens des paroisses sont désormais gérés par des associations culturelles. La religion disparaît progressivement de la vie publique malgré quelques conversions de grands penseurs du XXe siècle comme Charles Péguy ou encore Paul Claudel23.

La Première Guerre mondiale fait tomber tous les repères de la société et l’Église doit trouver sa place dans ce conflit total. L’Union sacrée qui se forme en France dure jusqu’à l’entre-deux-guerres, et la foi en Dieu devient une foi en la Patrie. Cette réconciliation entre les Français et l’Église met fin à l’anticléricalisme haineux. Le développement de l’International Catholique, pour la coopération et la fin des rivalités entre les pays, intègre l’Église dans les préoccupations de son temps24. Les papes de l’entre-deux-guerres rétablissent les relations diplomatiques avec les États, et Pie XI trouve même une entente avec les associations diocésaines sur la loi de 1905.

Or, le monde se retrouve confronté à un second conflit total. Le pape reste silencieux face aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale, se sentant inaudible et ne voulant stigmatiser l’Allemagne nazie car les camps alliés commettaient également des atrocités. Mais l’Église ne reste pas aveugle et des cardinaux et archevêques, en zone libre comme en zone occupée, se réunissent afin de protester contre la politique anti-juive. Il est difficile pour l’Église de se relever après cette guerre qui soulève de nouveau le thème de la déchristianisation, et ce nouveau contexte de guerre froide dans lequel elle rejette le communisme. L’Église investit désormais dans la charité et les œuvres humanitaires, ainsi que dans la recherche de nouvelles pratiques religieuses et de l’idée de culture judéo-chrétienne25. Le Centre catholique des intellectuels français est créée en 1945, et organise des colloques et des débats. Ces efforts de l’Église de France pour donner des réponses aux défis du monde, et pour renforcer ses liens avec la démocratie et ses valeurs de laïcité et de pluralisme religieux, aboutissent au concile de Vatican II, ouvert le 11 octobre 1962 par le pape Jean XXII. Ce concile marque un tournant dans l’histoire du catholicisme. Ce dernier s’ouvrant sur le monde moderne, prenant en compte la sécularisation et les avancés technologiques. Le concile se termine le 8 décembre 1965 par la reconnaissance de la liberté religieuse par le pape Paul VI.

23 Ibid.

24 ARMOGATHE Jean Robert, HILAIRE Yves-Marie (dir.), Histoire générale du christianisme du

XVIe siècle à nos jours, Paris, Presses Universitaires de France, 2010, 1317 p. 25 Ibid.

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L’évocation du concile de Vatican II peut paraître anachronique dans l’étude d’une exposition se déroulant en 1956, mais il me semble important d’aller au bout de cette période riche pour l’histoire du christianisme.

Le contexte politique et religieux de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle a bien sûr eu une grande influence sur l’art de son époque, et notamment sur l’art religieux, dans la recherche d’adaptation et de renouveau de l’Église. L’essor des villes et de ses banlieues à la fin du XIXe siècle entraîne une multiplication du nombre des églises. Ces nouvelles églises ont besoin de décorations dans un court délais avec des coûts peu élevés26. C’est ainsi que naît l’art saint-sulpicien. Cet art simple et naïf propose des catalogues d’objets de culte en série, il va de paire avec les boutiques d’objets de piété proposant des crucifix, des chapelets, des crèches, etc. Cette création en série enlise les commandes des artistes et entraîne peu d’engouement pour l’art moderne.

L’art saint-sulpicien est critiqué par les penseurs du XXe siècle, jugé de très mauvais goût. Ils critiquent cet art engendré par la perte de qualité technique de l’art sacré27. Émerge alors une volonté de rénover l’art chrétien. Quelques initiatives de ce genre avaient déjà vu le jour à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, mais ce mouvement ne devient entendu et dynamique qu’à partir de 1919 avec la création des Ateliers d’art sacré28. Ces Ateliers s’inspirent de la renaissance italienne tout en se méfiant des avant-gardes, en dépit du fait qu’ils rejettent eux aussi l’académisme. Les Atelier d’art sacré souhaitaient réactualiser le fonctionnement des corporations médiévales, alliant lieu de vie et lieu de travail et incorporant un enseignement de la liturgie au travail manuel. Mais ils ferment en 1947, faute de commandes29. Des petits groupes d’artisans indépendants œuvrent également sur les chantiers des églises, comme les Artisans de l’Autel ou encore les Ateliers de verriers.

La presse est également un acteur du dynamisme de l’art religieux. Plusieurs tentatives de créations de revues spécialisées dans l’art religieux sont à dénombrer. Pour les plus anciennes, il y a la Revue de l’art chrétien active de 1857 à 1914, et les Notes d’art et

d’archéologie de la Société de Saint-Jean de 1889 à 1936. Puis entre 1901 et 1904 existent

26 Ibid.

27 FOUCART Bruno, « Introduction », L’art sacré au XXe siècle en France, BONY Jacques (et al.), Thonon-les-Bains, l’Albaron, 1993, 311 p.

28 En 1872 est créée la Société de Saint-Jean, puis en 1909 les Catholiques des Beaux-Arts. 29 CAUSSÉ Françoise, op. sit.

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L’Art et l’Autel, puis à partir de 1919 Les Cahiers catholiques. En 1934 est publié un unique

numéro de l’Art chrétien30.

C’est en 1935 que la revue la plus influente dans le domaine voit le jour, il s’agit de la revue l’Art Sacré, qui est le fruit du mouvement d’art religieux déployé durant l’entre-deux-guerres. La revue devient importante à partir de 1937 lorsqu’elle est dirigée par les pères Marie-Alain Couturier et Pie Raymond Régamey. Les deux dominicains se posent en théoriciens de l’art sacré et promeuvent la création artistique de leur temps, en rupture avec l’académisme et le rejet de l’art saint-sulpicien, quelque soit la confession des artistes. Le but de la revue est d’embellir les églises et d’éveiller le goût du clergé et des fidèles. La revue recommande des artistes modernes dans l’entre-deux-guerres tels Renoir, Gauguin et Cézanne, puis des artistes contemporains après la Seconde Guerre mondiale comme Chagall, Léger, ou encore le Corbusier31.

La presse permet la promotion des expositions d’art religieux, qui se multiplient. En 1934, est créée l’Office Générale d’Art Religieux pour la renaissance de cet art dans le contexte de crise économique, afin de donner du travail aux artistes. Elle organise des expositions et des manifestations, avant de devenir en 1936 l’Association des Amis de l’art sacré32. Les expositions d’art sacré mêlent art religieux et modernisme. En 1932, à la galerie de peinture de Lucy Krogh est organisée une exposition rassemblant une majorité d’artistes des Ateliers d’art sacré, ainsi que quelques indépendants comme Chagall, mais elle connaît un succès mitigé. Il faut attendre l’exposition « L’Art sacré moderne » de décembre 1938 au pavillon Marsan pour qu’une exposition de ce type connaisse un grand succès. Elle rassembla quatre cents œuvres dont des œuvres des artistes contemporains Chagall, Derzin ou encore Rouault. Les expositions d’art sacré connaissent un dynamisme entre 1945 et 195433. Ces exposition restent très variés dans leurs contenus, qui peuvent être uniquement modernes ou allier les objets anciens et modernes.

Les années 1950 voient éclater un conflit entre les ecclésiastiques et les artistes contemporains : la querelle de l’art sacré. La querelle naît plus exactement en 1951 lors de la consécration de la chapelle Notre-Dame de-toute-Grâce à Aussy, jugée trop moderne, et le 30 Ibid.

31 LION Antoine, « Art sacré et modernité en France : le rôle du P. Marie-Alain Couturier », Revue

de l’histoire des religions [En ligne], n°1, 2010,

https://journals-openedition-org-s.nomade.univ-tlse2.fr/rhr/7567 [consulté le 12/12/2018.] 32 CAUSSÉ Françoise, op. sit.

33 Pour n’en citer que quelques unes : 1946 à la galerie Drouin, 1947 organisée par le père Régamey, 1948 à Amiens, 1950 à Vézelay, 1951 à Compiègne et Toulouse.

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scandale se cristallise autour de la statue du Christ crucifié par Germaine Richier, placé sur le maître-autel. Rome en personne s’insurge contre l’œuvre34. La querelle de l’art sacré porte alors sur la place de l’art contemporain dans les églises, des œuvres d’artistes non chrétiens, et de la manière de représenter le Christ. En effet, le grand élan de construction et de reconstruction d’églises dans les années 1950 ouvre le débat sur l’aménagement et la décoration de ces nouveau lieux.

Le 28 avril 1952, la Déclaration des évêques de France insiste sur le fait que l’art chrétien doit pouvoir être compris par les fidèles même s’il est normal que l’art sacré s’inspire de son époque. Le 30 juin de la même année, l’Instruction du Saint-Office sur l’art sacré confirme cela et rejette l’art trop extravagant, tout en soulignant la fonction première des objets sacrés qui est de servir le culte35. Les pères Couturier et Régamey supportent les artistes de l’époque et émerge en parallèle de la querelle un dynamisme de renouveau de l’art sacré en corrélation avec son temps. Par exemple, le Couvent de la Tourette à Evreux-sur-Arbresle est entièrement conçu par Le Corbusier (1956-1957), et le décor de la chapelle du Rosaire du Couvent des dominicaines de Vence, dont les vitraux, est réalisé par Henri Matisse (1948-1950)36. Il faut attendre le concile de Vatican II pour que la querelle soit résolue. Le concile ouvre l’art sacré à l’art contemporain car désormais l’image doit produire une pensée chez le spectateur et non plus une théologie en image.

L’exposition « Trésors d’art sacré de la Haute-Guyenne » voit le jour dans cette période de conflit entre renouveau de l’art chrétien et goût pour les trésors anciens. D’un côté, le Vatican supporte le classicisme de l’art sacré, tandis que la société s’ouvre aux grands artistes de son époque. Le choix de l’exposition se porte uniquement sur les objets anciens, thésaurisés, et ne propose pas à voir des objets d’art sacré contemporains. Ce choix se justifie premièrement par l’expression « Haute-Guyenne » qui renvoie à un temps ancien. Et il se comprend également par l’intégration de l’exposition dans le contexte de patrimonialisation de cette période, qui lui se porte sur les objets anciens, médiévaux et modernes.

34 CAUSSÉ Françoise, op. sit. 35 Ibid.

36 RAGOT Gilles « De la reconstruction à Vatican II », L’art sacré au XXe siècle en France, BONY Jacques (et al.), Thonon-les-Bains, l’Albaron, 1993, 311 p.

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1.2.2- Les monuments historiques de la Révolution française à la moitié du XXe siècle.

1.2.2.1- Aspects juridiques.

Le patrimoine nous apprend beaucoup sur le rapport entre la société et le temps. Il est vecteur d’identité, et permet aux hommes de s’accaparer leur histoire37. Les musées et les expositions font mémoire et permettent de découvrir ou de retrouver son histoire, d’avoir un regard d’historien sur le passé. Dans le contexte de déchristianisation, même si beaucoup moins de fidèles se rendent à la messe dominicale, il y a toujours autant de visiteurs dans ces églises qui viennent pour admirer leur architecture et leur décor. Le catholicisme se voit réduit à l’attrait esthétique et pose ainsi la question de la sauvegarde du patrimoine religieux38. Les objets d’art sacré sont souvent muséifiés, mis en vitrine tout en conservant leur fonction cultuel.

À la fin du XVIIIe siècle, durant la période révolutionnaire, le terme de monuments désigne les œuvres majestueuses, exceptionnelles, diffusant les valeurs de beauté, de rareté, et d’authenticité. Les objets mobiliers ne sont alors pas considérés comme œuvre d’art, hormis les grands retables, tableaux et sculptures d’églises. Les autres restent utilitaires, comme les objets liturgiques, ou luxueux, fabriqués en série et manquant de monumentalité39.

Le transfert à la Nation des biens du clergé en 1790 par le biais de la Constitution civile marque l’affirmation de l’État par rapport à l’Église sur l’art. C’est le décret du 20 juin 1790 qui lance le grand mouvement de destruction des symboles de l’Ancien Régime car rappelant « les idées d’esclavage ». Se rendant compte des ravages commis, la conservation des objets d’art et bâtiments, comme moyens d’instruction, est garantie le 13 octobre 1790 par les Constituants, tels Talleyrand40.

37 HARTOG François, « Introduction », Patrimoine et société, ANDRIEUX Jean-Yves (dir.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1998, 319 p.

38 SAINT-MARTIN Isabelle, Art Chrétien / Art sacré. Regards du catholicisme sur l’art. France,

XIXe-XXe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, 337 p.

39 BERGÈS Louis, « La patrimonialisation des objets d’art en France de la Révolution à la loi de 1913 : de la collection au monument historique, naissance d’une mission d’État », 100 ans de

monuments historiques en Pays de la Loire. Une foule d’objets, Collection « Parlez-moi

patrimoines... », 2013, n°1, DRAC Pays de la Loire, p. 4-11.

40 Charles-Maurice de Tayllerand-Périgord (1754-1838) est un homme d’État français de la fin du XVIIIe et du premier tiers du XIXe siècle. Noble, rallié au tiers état, il exerce notamment la

fonction de Président de l’Assemblée nationale en 1790. Il est un des principaux protagonistes de la proposition de nationalisation des biens du clergé, et de leur conservation.

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La Révolution est emplie de contradictions concernant le patrimoine. Elle veut détruire toutes significations des œuvres renvoyant à l’Ancien Régime. C’est pour cela que les objets médiévaux, de la Renaissance et les objets classiques font les frais d’une vague de destruction populaire, échappant à l’État en dépit de sa volonté de les préserver. Cependant, les antiquités gréco-romaines sont épargnées, représentant le modèle privilégié de l’époque. Un mouvement de prise de conscience patrimoniale prend alors forme. Le 31 mai 1792, la Commission des Monuments et des Arts est créée, puis le 1er septembre de la même année la Commission temporaire des arts, qui œuvrent à la mise en place d’inventaires et luttent contre ce vandalisme. Ce mouvement entraîne la création et l’institutionnalisation des musées afin de conserver ces objets41. De plus, de nombreux fidèles ont également participé à la sauvegarde du mobilier religieux en gardant à l’abri chez eux les objets qu’ils ont pu sauvé.

Depuis le XIXe siècle, l’État tente de mettre en place un ensemble de législations concernant la conservation des monuments et des objets historiques. En effet, les fontes révolutionnaires ont fait disparaître d’innombrables trésors d’art, il fallait désormais s’atteler à la préservation de ce qu’il subsiste. Le Concordat de 1801 remet à la disposition du clergé l’ensemble des églises et de leurs mobiliers mais sans possibilité pour le clergé d’intervenir sur le sort de ces œuvres. Puis, la Restauration monarchique rend aux églises l’ensemble des collections. En parallèle, se forme en provinces le mouvement des collections d’antiquaires42.

Cependant, l’état des églises est déplorable, les communes et les fabriques n’ont pas les moyens de restaurer les dommages révolutionnaires subis dans leurs édifices. De plus, les premiers vols d’objets dans les églises sont commis. C’est autour de François Guizot43 que se dessine une politique publique de préservation des monuments historiques au nom de l’histoire nationale44. En 1830 est créée l’Inspection générale des monuments historiques, puis en 1837 la Commission des monuments historiques. Les premiers inspecteurs des monuments historiques sont Ludovic Vitet et Prosper Mérimée45. La mise en place d’une instruction sur la

41 BERGÈS Louis, op. sit. 42 Ibid.

43 François Guizot (1787-1874), homme d’État français de la première moitié du XIXe siècle. Sa

passion pour l’histoire permet de mettre en place un système institutionnalisé de conservation des monuments historiques immeubles et de leurs mobiliers, ainsi que la publication de nombreuses sources historiques.

44 BERGÈS Louis, op. sit.

45 Ludovic Vitet est inspecteur général des monuments historiques de 1830 à 1834, remplacé par Prosper Mérimée jusqu’en 1853.

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protection des monuments historiques se fait progressivement au fil du siècle46, mais l’attention se porte d’avantage sur les édifices en danger de conservation, même si le cas des objets reste évoqué47.

Il faut attendre la fin du XIXe siècle, sur fond de construction de la République, pour que les premières lois sur la conservation du patrimoine soient instaurées. La loi du 30 mars 1887, et son règlement du 3 janvier 1889, stipulent que les immeubles, appartenant à des personnes publiques ou privées, peuvent être classés en partie ou en totalité s’ils ont un intérêt pour l’histoire ou l’art. Idem pour les objets, appartenant à des collectivités publiques. Cependant, cette loi connaît des limites importantes. En effet, l’adhésion du propriétaire au classement de son immeuble est obligatoire, et seulement les meubles appartenant à des personnes morales publiques peuvent être classés. De plus, la loi ne met en place aucune sanction pénale48. La mise en application de cette loi s’est heurtée en premier lieu au droit de propriété des biens ecclésiastiques depuis le Concordat. Mais l’État, par son droit régalien de surveillance de l’usage des biens, réussit tout de même à introduire son intervention directe sur la conservation des objets d’art religieux mobiliers en tant que patrimoine national. La résistance des communes entraîne un cheminement long avant que la loi de 1887 institue que les objets d’art mobiliers puissent désormais être classés par l’État comme les monuments immeubles. Faute de personnels pour édifier les inventaires des objets classés, et avec les réticences des communes qui vivent cette loi comme de l’ingérence, est créé en 1893 le poste d’inspecteur général adjoint chargé des objets d’art49, dont Paul-Frantz Marcou est le premier représentant50.

La loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État inclus la protection des édifices et des objets religieux au titre de patrimoine culturel. Cette loi bouleverse le

46 BRICHET Robert, Le Régime des Monuments Historiques en France, Paris, Librairies des Techniques, 1952, 238 p.

47 BERGÈS Louis, op. sit. 48 Ibid.

49 Ibid.

50 Paul-Frantz Marcou (1860-1932), après avoir rédigé le catalogue des moulages du musée de Sculpture comparée dans le cadre de sa thèse de l’École du Louvre, rentre au service des Monuments Historiques en 1881. Il est très vite affecté à l’inventaire et est nommé inspecteur général adjoint des objets d’art de 1893jusqu’à 1900 où il devient inspecteur général des Monuments Historiques. Il œuvre tout au long de sa carrière à la protection et à la conservation du patrimoine mobilier et lutte contre leur aliénation. Il participe à la préparation des lois de 1905 et de 1913, et il contribue à la création du service des Antiquités et des objets d’arts. Il participe à la protection du patrimoine mobiliers des bombardements de la Première Guerre mondiale.

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rapport de l’État avec le patrimoine religieux, qu’il doit désormais prendre en charge51. Le service des monuments historiques assure l’entretien et la restauration de l’ensemble des monuments présentant un intérêt national selon des critères artistiques52. Les cathédrales et le mobilier qui y fut placé avant 1789 et avant 1905 deviennent propriété de l’État. Le mobilier déposé dans les lieux de culte après 1905 appartient aux associations diocésaines, sauf exception53. L’article 16 de cette loi stipule que les immeubles et les objets mobiliers, concédés aux associations, pourront être classés dans les mêmes conditions que s’ils appartenaient à des établissements publics54. Les objets mobiliers religieux classés sont affectés au culte, et cette affectation est permanente, gratuite et exclusive55.

La loi du 9 décembre 1906 interdit le transport hors de la France des objets classés, et instaure des peines pour restauration, réparation, et entretien d’un monument historique faits sans l’autorisation du ministre de la culture et sans surveillance de son administration56.

Concernant le mobilier cultuel, la loi du 2 janvier 1907 stipule que même en l’absence d’associations culturelles, le droit de jouissance exclusive, libre et gratuite des édifices cultuels qui appartiennent à des collectivités publiques, au profit des fidèles et des ministres du culte, est garanti. Les ministres du culte étant chargés de régler l’usage de ces édifices, de manière à assurer aux fidèles la pratique de leur religion. Les objets religieux classés son inaliénables et imprescriptibles car ce sont des biens domaniaux d’une propriété publique. Les ministres du culte sont ainsi libre de disposer du mobilier cultuel placé dans leurs églises de manière à ce que le culte se déroule de manière satisfaisante57.

51 BERGÈS Louis, op. sit.

52 SIRE Marie-Anne, « La structuration de corps professionnels au service des monuments historiques », De 1913 au Code du patrimoine, Une loi en évolution sur les monuments

historiques, BADY Jean-Pierre, CORNU Marie, FROMAGEAU Jérôme (et al.), Paris, La

Documentation française, 2018, p. 62-74.

53 SIRE Marie-Anne (dir.), Trésors d’églises et de cathédrales en France. Comment aménager, gérer

et ouvrir au public un trésor d’objets religieux, Ministère de la culture et de la communication,

Direction de l’architecture et du patrimoine, 2003, p 11.

54 FORNEROD Anne, « Le patrimoine religieux : nouvelles normes et nouveaux acteurs », De 1913

au Code du patrimoine, Une loi en évolution sur les monuments historiques, BADY Jean-Pierre,

CORNU Marie, FROMAGEAU Jérôme (et al.), Paris, La Documentation française, 2018, p. 356-363.

55 SIRE Marie-Anne (dir.), op. sit.

56 BRICHET Robert, Le Régime des Monuments Historiques en France, Paris, Librairies des Techniques, 1952, 238 p.

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La fonction de conservateur départemental des antiquités et des objets d’art est créée par le décret du 11 avril 1908. Le conservateur des Antiquités et des objets d’art s’occupe plus particulièrement des objets mobiliers d’églises. Il œuvre à la conservation et à la restauration des objets inscrits et classés. Il s’occupe de la programmation des restaurations et des expositions des objets. Il doit également conseiller les propriétaires des objets en question afin de garantir leur préservation58.

Pour permettre à ses objets d’être sécurisés, notamment après le vol de la châsse de Saint-Étienne d’Ambazac (Haute-Vienne) en 1905, retrouvée quelques temps après chez un antiquaire londonien, l’État promulgue la loi du 13 avril 1908 qui confie aux communes les objets mobiliers des églises qu’elles ne pourront aliéner sans autorisation préfectorale59.

Cependant, cela met en cause la conservation des objets, car utilisés et non muséifiés. La loi de Séparation, et ses adjonctions les années suivantes, soulèvent la question de la conciliation entre la conservation et les usages des biens mobiliers classés, ainsi que l’organisation de la valorisation patrimoniale de ces objets. En effet, l’affectation cultuelle des biens mobiliers religieux demeure la base de la juridiction concernant le patrimoine religieux. Cela permet de protéger les objets, mais les transformations des pratiques religieuses font que cette affectation ne suffit plus à garantir la conservation matérielle60.

Une grande avancée se fait avec la loi du 19 juillet 1909 qui permet le classement d’objets appartenant à un particulier privé si ce dernier le souhaite. La loi du 16 février 1912 donne au Gouvernement le droit de faire déplacer et abriter provisoirement dans un musée ou un trésor de cathédrale du même département les objets classés dont la conservation et la sécurité sont mises en péril, si la collectivité propriétaire ne peut y remédier par elle-même61.

58 DINKEL René (dir.), L'Encyclopédie du patrimoine : Monuments historiques, patrimoine bâti et

naturel, protection, restauration, réglementation, doctrines, techniques, pratiques), Paris, Éditions

Les Encyclopédies du patrimoine, 1997, p. 605.

59 BERGÈS Louis, op. sit.

60 FORNEROD Anne, « Le patrimoine religieux : nouvelles normes et nouveaux acteurs », De 1913

au Code du patrimoine, Une loi en évolution sur les monuments historiques, BADY Jean-Pierre,

CORNU Marie, FROMAGEAU Jérôme (et al.), Paris, La Documentation française, 2018, p. 356-363.

61 BRICHET Robert, Le Régime des Monuments Historiques en France, Paris, Librairies des Techniques, 1952, 238 p.

SIRE Marie-Anne (dir.), Trésors d’églises et de cathédrales en France. Comment aménager, gérer

et ouvrir au public un trésor d’objets religieux, Ministère de la culture et de la communication,

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Toutes les lois précédemment évoquées amènent à la loi du 31 décembre 1913, qui établit la prédominance de l’État dans l’action publique de protection du patrimoine mobilier62. Cette loi, modifiée et appliquée après la Première Guerre mondiale, donne à la commission des monuments historiques sa charte. Elle est en partie modifiée et complétée par les lois du 10 juillet 1914 qui crée la caisse nationale des monuments historiques, et la loi du 31 décembre 1921 qui permet la liberté d’exportation d’œuvres qui auraient intérêt à figurer dans des collections nationales.

La loi de 1913 fait la distinction entre les meubles par nature et les immeubles par destination. Un meuble par nature est comme son nom l’indique un objet déplaçable. Tandis qu’un immeuble par destination est un meuble qualifié d’immeuble car rattaché à un immeuble par un lien physique ou économique. De plus, pour être qualifié d’immeuble par destination, un meuble doit appartenir au même propriétaire que l’immeuble auquel il est rattaché. Les objets de culte placés dans une église pour son service sont des immeubles par destination.

La loi de 1913 rappelle le principe d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité des objets mobiliers classés. Leur exportation est interdite et leur restauration est soumise à des autorisations. Cette loi contraint le propriétaire à entretenir son patrimoine ou à le restaurer si le cas échéant, jusqu’à la création en 1977 des Direction Régionale des Affaires Culturelles, qui représentent l’État dans chacune des régions63. De plus, un objet peut désormais être classer d’office si sa sécurité est considérée comme mauvaise. Cette loi remplace la notion d’intérêt national instaurée par la loi de 1887, par celle d’intérêt public. Elle est à la fois un aboutissement d’un siècle de construction de la notion d’intérêt national pour le patrimoine, mais également le point de départ d’une politique étatique affirmée concernant la prise de décision sur le sort des objets d’art64.

Un service des Monument Historiques s’institutionnalise peu à peu, notamment sous l’impulsion de Paul Léon65. Le premier inventaire des monuments historiques du XXe siècle,

62 BERGÈS Louis, op. sit.

63 GUTTIEREZ Julie, « La politique de restauration du patrimoine mobilier en Pays de la Loire »,

100 ans de monuments historiques en Pays de la Loire. Une foule d’objets, Collection «

Parlez-moi patriParlez-moines... », 2013, n°1, DRAC Pays de la Loire, p. 46-47. 64 BERGÈS Louis, op. sit.

65 Paul Léon (1874-1962) fut membre de la commission des monuments historiques durant la totalité de sa carrière, directeur des Beaux-Arts durant l’entre-deux-guerres, ainsi que professeur d’histoire de l’art monumental au Collège de France. Il est la figure de proue de l’institutionnalisation de la protection des monuments historiques en France durant la première moitié du XXe siècle.

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nommé Inventaire supplémentaire des monuments historiques, est instauré par la loi du 23 juillet 1927. Cet inventaire a pour objectif de compléter la loi de 1913. L’inscription des objets dans cet inventaire permet une reconnaissance au niveau régional. Cela reste alors moins conséquent que le classement d’un objet, qui permet une reconnaissance au niveau national, mais l’inscription reste une étape importante pour la conservation et la valorisation du patrimoine dans les régions de France. Le classement ou l’inscription d’un objet se basent sur l’intérêt patrimonial de ce bien. Il doit pouvoir servir un intérêt historique, une qualité artistique, la renommée de l’artiste ou du propriétaire, disposer d’un caractère innovant sur le plan scientifique, ainsi que présenter les notions de rareté, de représentativité et d’intégrité afin d’adapter les mesures de protection66.

1.2.2.2- Le cas du patrimoine mobilier religieux.

Le patrimoine mobilier, et notamment celui lié au culte, occupe une place à part dans le système de protection et de conservation des monuments historiques. Contrairement aux objets de musée, les objets classés ou inscrits au titre des monuments historiques restent utilisés, et ne sont pas toujours entreposés de manière à rendre leur exposition au public possible67. L’objet monument historique prend tout son sens lorsqu’il est dans le lieu pour lequel il a été créé. Cette volonté de maintenir les objets religieux in situ tout en favorisant leur accès au plus grand nombre émerge parallèlement à la loi de 191368. Mais cette conservation in situ, qui fonde l’identité des objets, leur fait également encourir des risques69. Les conservateurs doivent alors se demander comment assurer leur sécurité (incendies, inondations, etc.) et leur sûreté (lutte contre le vol). Surtout concernant les objets d’orfèvrerie, plus susceptibles d’être volés pour leurs matériaux. Les édifices dans lesquels ils sont placés ne sont pas forcément adaptés à leur bonne conservation (humidité, changement de 66 GUTTIEREZ Julie, « 1913-2013 Bilan et perspectives de la protection des objets mobiliers en Pays de la Loire », 100 ans de monuments historiques en Pays de la Loire. Une foule d’objets, Collection « Parlez-moi patrimoines... », 2013, n°1, DRAC Pays de la Loire, p. 14-15.

67 Ibid., p. 46-47.

68 KAGAN Judith, « La loi du 9 décembre 1905 et la conservation du patrimoine mobilier protégé « au titre des monuments historiques ». Une genèse », Regards sur les églises de France. Lieux de

culte, lieux de culture, DESMOULINS-HÉMERY Servanne, PALOUZIÉ Hélène (dir.), Arles,

Actes Sud, 2006, p. 19-46.

69 RAGER Geneviève, « Histoire de bouts de cierges ou comment sensibiliser à la conservation préventive par l’auto-évaluation », Regards sur les églises de France. Lieux de culte, lieux de

culture, DESMOULINS-HÉMERY Servanne, PALOUZIÉ Hélène (dir.), Arles, Actes Sud, 2006, p.

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température, manque de surveillance, etc.)70. Le service des Monuments historiques doit assistance et conseil aux propriétaires d’objets classés, afin de leur donner une pérennité.

Toute cette réflexion naît entre 1913 et les années 1950. La multiplication, à partir des années 1930, d’expositions régionales d’objets mobiliers cultuels diffuse la volonté de faire connaître un patrimoine régional, de faire naître un intérêt régional pour son patrimoine, et de multiplier les sujets de recherches et le nombre de touristes71. J’ai établi une liste non exhaustive des expositions d’art sacré à Paris et en province entre 1900 et 1965 (Fig. 1) afin de rendre compte de l’engouement réel pour l’art sacré ancien régional.

La conservation et la valorisation des trésors d’art sacré s’investit de trois grands principes : celui de la conservation in situ des objets dans le lieu historique pour lequel ils ont été créés, celui de l’affection cultuelle, qui est le rôle premier de ce type d’objets, et celui de la mise en valeur du trésor, à la fois muséale et artistique72.

1.2.2.3- L’aménagement du Trésor de l’abbaye de Conques en 1951-1955.

L’aménagement qui fut le premier dans cette lignée, et qui fait encore référence aujourd’hui , est celui du trésor de l’abbaye de Sainte-Foy de Conques (Aveyron). Ce trésor médiéval est un des mieux étudiés, et il a été l’objet de nombreux travaux de conservation et de mise en valeur. Le trésor de Conques est très riche en objets d’orfèvrerie, il est composé de nombreux reliquaires et autels portatifs. Ce sont donc à la fois des objets cultuels et des objets que l’on expose. À la fin du XIXe siècle, le trésor est placé dans une armoire de fer dans la sacristie de l’église Sainte-Foy. Le trésor est alors exposé et visible. En 1910, impulsé par la direction des Beaux-Arts, un sacrarium est construit dans l’aile sud du cloître afin de donner une meilleure visibilité aux objets et de faciliter la circulation des visiteurs73.

C’est dans les années 1950, que le trésor de Conques est réaménagé de manière à répondre aux problématiques de l’époque. L’objectif de ce réaménagement est de remettre en

70 MATHURIN Clémentine, « De la conservation préventive à la sécurisation : quelques projets de mise en valeurs », 100 ans de monuments historiques en Pays de la Loire. Une foule d’objets, Collection « Parlez-moi patrimoines... », 2013, n°1, DRAC Pays de la Loire, p. 86-87.

71 ARMINJON Catherine« Exposer le patrimoine religieux », Regards sur les églises de France.

Lieux de culte, lieux de culture, DESMOULINS-HÉMERY Servanne, PALOUZIÉ Hélène (dir.),

Arles, Actes Sud, 2006, p. 185-190.

72 CENTRE EUROPÉEN D’ART ET DE CIVILISATION MÉDIÉVALE, Trésors et routes de

pèlerinages dans l’Europe médiévale, Conques, C.E.A.C.M, 1994, 132 p.

73 JACQUELINE Isabelle, L’exposition Trésors des églises de France 5 février – 24 mai 1965, mémoire de 2e cycle, École du Louvre, 2013, p. 26.

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ordre le trésor et de le préserver, tout en permettant de le voir, sans nuire à sa signification du sacré74. Avant l’aménagement des objets, Jean Taralon, alors inspecteur des Monuments Historiques, fait envoyer tous les objets dans l’atelier parisien de l’orfèvre Lucien Toulouse, afin qu’ils soient démontés, observés et restaurés75. L’architecte des bâtiments de France Maurice Dufour fait construire une rotonde pour accueillir la statue-reliquaire en Majesté de sainte Foy. Jean Taralon travaille sur la lumière du lieu. L’éclairage doit selon lui instaurer un climat de respect et de recueillement sans que le visiteur ne s’en rende compte. Il souhaite redonner au trésor sa puissance mystique liée à l’exercice du culte chrétien et de ses mystères. Les objets du trésor sont disposés en trois catégories : les grands reliquaires antérieurs au XIIIe siècle, les objets liés au culte de sainte Foy, et les objets plus tardifs76. La Majesté est présentée comme l’objet principal du trésor, auquel est associé un espace propre dans l’exposition. Cela traduit la place primordiale de cet objet dans le pèlerinage à Conques, et ainsi de la richesse de l’abbaye77.

Les aménagements du trésor de Conques se font dans un contexte de publications d’études sur le sujet78. L’engouement et la redécouverte d’un patrimoine historique et artistique permet un travail physique sur sa conservation et sa valorisation. L’exposition du trésor de Conques revêt une dimension muséographique, mais l’enjeu cultuel reste préservé. Les restaurations des objets ont permit de les étudier, de faire des découvertes comme la présence de remplois sur certaines pièces, de faire une vérification des reliques en présence de l’évêque de Rodez, et de mener un travail d’archives sur leur histoire. Le réaménagement du 74 PARENT Michel, « La présentation du trésor et la restauration de la Sainte-Foy en Majesté de Conques (1953-1955) », Trésors et routes de pèlerinages dans l’Europe médiévale, CENTRE EUROPÉEN D’ART ET DE CIVILISATION MÉDIÉVALE, Conques, C.E.A.C.M, 1994, p. 95-102.

75 SIRE Marie-Anne, « Les Trésors d’objets sacrés en France : l’exemple de Conques et sa postérité », Trésors et routes de pèlerinages dans l’Europe médiévale, CENTRE EUROPÉEN D’ART ET DE CIVILISATION MÉDIÉVALE, Conques, C.E.A.C.M, 1994, p. 107-113.

76 Le trésor de Conques, Catalogue d’exposition, Musée du Louvre, Paris, 2 novembre 2001 – 11

mars 2002, Paris, Éditions du Patrimoine, 2001, p. 10.

77 PARENT Michel, « La présentation du trésor et la restauration de la Sainte-Foy en Majesté de Conques (1953-1955) », Trésors et routes de pèlerinages dans l’Europe médiévale, CENTRE EUROPÉEN D’ART ET DE CIVILISATION MÉDIÉVALE, Conques, C.E.A.C.M, 1994, p. 95-102.

78 Liste non exhaustive des publications précédant les travaux :

BOUSQUET Louis, "Reconnaissance des reliques de Conques", Revue du Rouergue, avril-juin 1953, n°2, p. 216-219.

DESCHAMPS Paul, "L'orfèvrerie à Conques vers l'an mil", Bulletin Monumental, t. CVI, 1948, p. 75-93.

DESTRÉE Joseph, "Le Trésor de Conques", Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, t. XV, 1901, p. 432-479.

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trésor de Conques en 1955 est le premier à ouvrir la voie à la recherche d’une meilleure mise en valeur, liée à la bonne conservation, d’un trésor d’art sacré.

L’exposition « Trésors d’Art sacré de la Haute-Guyenne » de 1956 voit alors le jour dans un contexte d’impulsion de la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine historique et artistique. Elle est organisée à l’aube de la création en 1958 du ministère des Affaires culturelles, qui donne un nouveau souffle à la réflexion patrimoniale79. Puis, un décret de la loi du 4 août 1964 met en place l’Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France, aussi appelé Inventaire général du patrimoine culturel. Ce grand inventaire, établi par les services régionaux de l’inventaire, permet de réactualiser les connaissances en termes de patrimoine sur le territoire français, ainsi que de contrôler la conservation des monuments qui y figurent.

L’année 1964 voit également se mettre en place la Charte de Venise. Cette charte encadre les restaurations des immeubles et meubles classés. Les restaurations doivent respecter l’intégrité et l’authenticité du monument, tout en étant à la fois minimaliste et réversible. Les services de l’État établissent des questionnements afin de conseiller au mieux les propriétaires. La fréquence d’utilisation de l’objet est à prendre en compte lors de la restauration, ainsi que l’état sanitaire de l’édifice dans lequel il se trouve. La restauration d’un objet peut parfois, après un bilan sanitaire, entraîner la restauration partielle ou complète de l’édifice80.

La première moitié du XXe siècle est ainsi marquée par une prise de conscience patrimoniale concernant à la fois le patrimoine ancien et le patrimoine contemporain. L’ensemble des mesures, lois, et création institutionnelles concernant la protection, la conservation et la valorisation du patrimoine est le reflet de cette nouvelle société, qui se reconstruit au sens propre, après les destructions de la Seconde Guerre mondiale, comme au figuré, car elle se fonde sur de nouveaux idéaux. Les mentalités évoluent après la Seconde Guerre mondiale, notamment par rapport au patrimoine, dans ce contexte de reconstruction du pays après les bombardements, comme par exemple la cathédrale de Strasbourg bombardée en

79 SIRE Marie-Anne, « La structuration de corps professionnels au service des monuments historiques », De 1913 au Code du patrimoine, Une loi en évolution sur les monuments

historiques, BADY Jean-Pierre, CORNU Marie, FROMAGEAU Jérôme (et al.), Paris, La

Documentation française, 2018, p. 62-74. 80 GUTTIEREZ Julie, op. sit.

Références

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