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LE «CODE GENETIQUE» DES CONSTITUTIONS FRANCAISES

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Academic year: 2022

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LE « CODE GENETIQUE » DES CONSTITUTIONS FRANCAISES par Stéphane Mouton,

maître de conférences en droit public à l’Université Toulouse 1

(CERCP)

A l’heure où la question d’un changement de régime politique donne lieu à différents projets constitutionnels dans les milieux universitaires et politiques1, ne paraît-il pas judicieux de se pencher sur la « fabuleuse collection»2 de textes qui composent l’histoire constitutionnelle française ? Il est tentant de remettre en perspective toutes ces constitutions si riches de principes et de pratiques.

Précaution prise à l’égard des raccourcis trop rapides et des théorisations trop artificielles, peut-être révèleraient-elles quelques principes partagés par chacune d’entre elles. Une telle recherche pourrait mettre en lumière le sens caché de l’histoire constitutionnelle.

Elle pourrait même être assimilée à la quête d’un « Graal constitutionnel », puisqu’une telle entreprise aurait vocation à découvrir le théorème constitutionnel parfait, celui qui assurerait la postérité du régime démocratique en France. Mais soyons plus modeste tout en étant plus moderne ! Nous tenterons de mettre en lumière l’existence d’un « code génétique », c’est-à-dire d’un principe

1 O. DUHAMEL, Vive la VIème République ! Seuil, 2002 ; J. LANG, Un nouveau régime politique pour la France, Odile Jacob, 2004 ; A.

MONTEBOURG et B. FRANCOIS, La constitution de la VIème République, Réconcilier les français avec la démocratie, Odile Jacob, 2005.

2 M. TROPER, « La constitution de 1791 aujourd’hui », R.F.D. Const. n° 9, 1992, p. 3.

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commun à toutes les constitutions, malgré les différences qui les opposent en apparence3.

A l’instar de la formulation solennelle de l’article 28 de la déclaration des droits de 1793, la démocratie invite à considérer qu’un peuple est maître de son destin politique, et qu’il peut donc toujours changer sa constitution. Or en France, les changements de constitutions n’ont jamais été synonymes de progrès démocratique. A cause de la succession de régimes politiques opposés, les constitutions n’ont jamais résisté à la puissance des événements, malgré l’intention des constituants qui ont imaginé des procédures de révisions constitutionnelles complexes4. Dans ce domaine, les règles de droit n’ont souvent été que des « bandelettes juridiques »5 déchirées par le Pouvoir qui, d’un régime à l’autre, devait nécessairement s’immiscer dans de nouvelles formes constitutionnelles pour répondre à de nouvelles légitimités. Dès lors, les constitutions ont souvent été emportées dans le tourbillon des révolutions, et ensevelies dans l’oubli avec les régimes auxquels leur destin était lié6.

Si la fatalité de la rupture politique est en grande partie l’explication à la succession des constitutions, elle n’a jamais été à elle seule pleinement satisfaisante7. Le constat de la rupture est vrai bien

3 Code génétique : « Ensemble des arrangements nucléotidiques du matériel génétique qui permet la transmission de l’« information » génétique déterminant la spécificités des protéines synthétisées » : Petit Robert, voir code 5°.

4 Comme l’écrivait J. GODECHOT en introduction de son ouvrage Les constitutions de la France depuis 1789, chaque constitution « a été rédigée, sinon pour l’éternité, du moins pour une période qu’on espérait très longue » ; GF. Flammarion, 1979, p. 5.

5 Selon l’expression de P. MONTANE de la ROQUE, in « Préface » à J.C.

CABANNE, Introduction à l’étude du droit constitutionnel et de la science politique, Privat, 1981.

6 Voir l’ouvrage de M. DESLANDRES, Histoire constitutionnelle de la France, 3 volumes, A. Colin et Sirey, 1932-1937 (réédité par Topos Verlag AG–Librairie E. Duchemin, 1977).

7 Plusieurs théories doctrinales ont mis en lumière l’existence d’une certaine cohérence, mais en partant toujours de l’idée de rupture politique et constitutionnelle. Parce que elles sont bien connues, nous nous limiterons juste à évoquer ici les théories des cycles inaugurées par M. HAURIOU (Précis de droit constitutionnel, Sirey, 1929, p. 293 et s.) reprises et complétées par A. HAURIOU dans son manuel Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, 1968, p. 609 et s. ; la théorie des

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sûr ! Rien de comparable entre la monarchie constitutionnelle de 1791 et le régime conventionnel de 1793 ou le Directoire de 1795, lui-même si différent des constitutions de l’Empire. Comment comparer le régime napoléonien au retour de la monarchie au début du XIXème siècle, elle-même renversée au profit d’une République rapidement trahie par de nouvelles ambitions bonapartistes ? Plus tard, c’est encore l’idée de rupture qui explique l’avènement du parlementarisme démocratique qui se déploie à partir de 1879 et jusqu’en 1958 ! C’est encore sur le fondement de la rupture avec ce parlementarisme devenu absolu que la Vème République trouve la première raison de son existence ! Mais au-delà des vicissitudes constitutionnelles et des révolutions politiques, du bruit et de la fureur déchaînés au cours des événements, n’existe-t-il pas un rythme perpétuel qui, tel un métronome, cadence la « valse des constitutions »8.

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Il est possible de répondre par l’affirmative ! Mais une telle idée nécessite de rompre avec une classification des constitutions et des régimes en fonction du principe de la séparation des pouvoirs.

Théoriquement déjà, les classifications constitutionnelles reposent sur des critères qui répondent toujours de façon plus ou moins aléatoire à la réalité9. De plus, les définitions des régimes présidentiels et parlementaires prêtent elles-mêmes à différentes définitions, multiples et parfois contradictoires. Pratiquement surtout, il n’y a jamais eu de relations évidentes entre séparation stricte des pouvoirs et régime présidentiel d’une part, et séparation souple des pouvoirs et

« oscillations » de M. DESLANDRES (Histoire constitutionnelle de la France depuis 1789, rééd. Duchemin, 1977) ; et de la théorie dite du

« sismographe » de Roy MACRIDIS cité par Cl. EMERI et Ch.

BIDEGARAY in La constitution en France de 1789 à nos jours, A. Colin, p. 19.

8 M. DUVERGER, Le système politique français – Droit constitutionnel et systèmes politiques, P.U.F. « Thémis », 1985, p. 59 et s. Voir aussi F.

BURDEAU, « Comment naissent les Républiques ?», R.D. Publ. n° 1-2 La VIème République », 2002, p. 127

9 M. TROPER, « Les classifications en droit constitutionnel », R.D. Publ.

1989. Voir aussi M.A. COHENDET, « La classification des régimes, un outil pertinent dans une conception instrumentale du droit », in Mélanges M.

TROPER, « L’architecture du droit », Economica, 2006, p. 299.

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régime parlementaire ! Depuis 1789, les constitutions qui définissent le régime présidentiel ne répondent en réalité que très approximativement à la définition de la séparation stricte des pouvoirs10. A l’inverse, les constitutions qui définissent le régime parlementaire répondent de manière bien imparfaite à celle de la séparation souple des pouvoirs11. Inadaptées ou plus ou trop imprécises au moins, aujourd’hui comme hier, ces distinctions sont relativement opératoires lorsqu’il s’agit de définir les régimes politiques12.

A l’inverse des Etats-Unis, la notion de séparation des pouvoirs n’est pas réellement le premier principe de fondation du régime démocratique en France. Bien sûr, elle est justement considérée comme un principe essentiel dans la construction du pouvoir démocratique depuis 178913. Néanmoins, elle ne sera jamais qu’un principe d’organisation des institutions politiques qui repose sur un principe représentatif au terme duquel la nation est désormais source de toute légitimité. Le principe de la séparation des pouvoirs s’est ensuite adapté à cette nécessité14. Depuis lors en France, tous les

10 Il en va ainsi des trois constitutions qui répondraient et nous soulignons ici le conditionnel du principe de la séparation stricte des pouvoirs d’après les deux critères retenus classiquement par le droit constitutionnel, c’est-à-dire l’indépendance organique et la spécialisation fonctionnelle.

11 Nous entendons ici par régime parlementaire, le régime qui consacre les deux principes de la collaboration fonctionnelle d’une part et de l’équilibre organique d’autre part qui implique surtout la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Or, les textes de 1814, 1830 1875 ou encore 1946 répondent imparfaitement à ces deux conditions. Pour une présentation générale du parlementarisme, voir Ph. LAUVAUX, Le parlementarisme, PUF, Q.S.J., n° 2343.

12 C’est ce qu’a rappelé encore très récemment Jean-Louis QUERMONNE,

« La distinction entre régime présidentiel et régime parlementaire commande-t-elle encore l’avenir de la Vème République ? », R.D. Publ. n° 6- 2005, p. 1505 et s.

13 P.M. GAUDEMET écrivait qu’elle est le « credo » de toutes les démocraties constitutionnelles modernes in « La séparation des pouvoirs, mythe et réalité », D. 1962, ch. XXIII, p. 121.

14 Voir en ce sens J.J. CHEVALLIER, « De la distinction établie par Montesquieu entre la faculté de statuer et la faculté d’empêcher », Mélanges Maurice Hauriou, p. 139 et s. Voir également la thèse de M. TROPER, La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle française, L.G.D.J., 1980.

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régimes politiques répondront d’un syncrétisme des modèles de Washington et de Westminster dans un ordre précis15 : principe représentatif d’abord et séparation des pouvoirs ensuite. Telles sont les deux données fixes du théorème constitutionnel relatif à la construction du Pouvoir au-delà des expériences politiques et constitutionnelles successives. En premier lieu, le pouvoir politique émane d’un organe représentatif de la nation d’où jaillit toute souveraineté. C’est donc la puissance du demos qui est au fondement de toutes les architectures constitutionnelles16. En second lieu, conséquemment, au-delà de ces aménagements successifs, la technique de la séparation des pouvoirs appelle toujours à côté de l’indépendance du pouvoir exécutif, sa responsabilité politique devant le Parlement17. Voilà le « code génétique » de toutes les architectures constitutionnelles de 1789 à nos jours.

Ce « code génétique » démontre, nous y reviendrons, que toutes les constitutions, par delà les légitimités politiques qui les soutiendront, ont participé au développement d’un édifice constitutionnel conforme aux principes du régime parlementaire18. Il existerait donc bel et bien une continuité constitutionnelle en France.

Cela ne veut pas dire que tous les régimes sont parlementaires bien sûr. Mais il existe bien un dénominateur constitutionnel commun qui imprime sur toutes les constitutions une marque parlementaire et qui les relie les unes aux autres, et ce quelle que soit la classification à laquelle elles appartiennent ou la légitimité politique qui les sous- tend. D’ailleurs, il est même possible de dire qu’une fois leur

15 Cette idée de synthèse des deux modèles est d’ailleurs déjà présente au sein du premier comité de constitution. Certes, la « mode anglaise » passera rapidement, comme le démontrera son remplacement par un second comité élu le 15 septembre 1789 et le double échec de Mirabeau sur les questions de compatibilité et de responsabilité. Mais cela ne voudra pas dire que les constituants adoptent le système américain.

16 Pour une étude du droit constitutionnel à partir du demos, voir les conceptions de S. PIERRE-CAPS développée notamment dans son article

« La constitution démotique », in Mélanges Borella.

17 J. CHEVALLIER, « La séparation des pouvoirs », in La continuité constitutionnelle en France depuis 1789, Economica, 1990, p. 114.

18 C’est le principe de la responsabilité politique des ministres devant une assemblée élue qui est la condition essentielle du régime parlementaire. C’est son absence a contrario qui ferait d’un régime, un régime de tendance présidentielle : cf R. CARRE de MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’Etat, Paris Sirey, 1922, rééd. CNRS, 1962, p. 68 et s.

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application faite, au-delà des dispositions dirigées par les circonstances politiques propres à leur époque, elles se sont certes effacées, mais tout en apportant chacune leur pierre à un patrimoine constitutionnel qui dessine un « idéal-type » politique qui se rapproche toujours plus du régime parlementaire. Par voie de conséquences, en dépit des qualifications multiples et contradictoires19, la constitution de 1958 est l’héritière d’une histoire constitutionnelle complexe dont elle assimile les progrès successifs mais aussi les faiblesses. Dans sa nature, elle porte le lent développement du parlementarisme depuis 1789 conformément à un code génétique commun à toutes les constitutions.

C’est l’émergence de ce « code génétique » qu’il convient d’abord de retracer (I). Dès lors dans le débat relatif au réformisme constitutionnel, il peut éclairer les voies que les réformes futures devraient prendre. En effet, aujourd’hui, toutes ses potentialités constitutionnelles n’ont pas été explorées (II).

I - L’émergence d’un « code génétique » constitutionnel

Le régime parlementaire n’émerge pas ex nihilo en 1814. Il est lentement sécrété par toutes les constitutions dans un mouvement en deux temps : il y a tout d’abord le temps des fondations des organes du gouvernement parlementaire (A), puis le temps de leurs liaisons institutionnelles (B).

A - Le temps des fondations

Pour reprendre une image empruntée à M. Waline, le vent de la Révolution brisera les chênes de l’Ancien Régime !20 Violemment secouées et rapidement englouties dans un souffle dont la force s’étiolera lentement, les premières constitutions ne chuteront pas sans offrir à la postérité les fondations du régime parlementaire. 1791-1795 correspond au temps de la fondation du Parlement considéré comme l’organe représentatif de la nation (1), et 1795-1799 à celui du pouvoir de gouvernement (2).

1 - La fondation de l’organe représentatif de la nation : le Parlement En dépit de sa classification parmi les régimes « présidentiels », la constitution de 1791 pose les fondements d’un régime politique qui évoluera inéluctablement jusqu’à nos jours vers le régime

19 Ph. LAUVAUX, Le parlementarisme, PUF, Q.S.J., n° 2343, p. 60 et s.

20 Il s’agit d’une image tirée de son ouvrage L’individualisme et le droit.

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parlementaire21. Bien sûr, il est impossible de dire que ce régime émerge réellement dans cette première constitution. Pourtant, a contrario si l’on peut dire, c’est déjà son « code génétique » qui se trouve définitivement fixé : une assemblée dépositaire de la souveraineté nationale est la source première du pouvoir législatif, dont l’exécution incombe à un organe exécutif responsable devant elle22 ! En effet, la séparation stricte des pouvoirs, ingénierie d’inspiration américaine, reste concrètement illusoire car il n’existe pas dans la constitution de 1791 la co-souveraineté existant dans la constitution américaine entre le président et le Congrès23. Si le principe de la séparation des pouvoirs organise bien un partage strict des compétences constitutionnelles entre les différents organes de gouvernement, il s’effectue aussi dans un but politique précis. Il a vocation à affaiblir le roi24. Il s’agit de protéger la souveraineté de la nation dont le monarque n’est qu’un exécutant et non un dépositaire égal à l’Assemblée25. C’est en ce sens que se comprend le débat relatif

21 M. TROPER écrit en ce sens : « Les principes de 1791 peuvent justifier le droit constitutionnel de la IIIème ou celui de la Vème République », et souligne encore que « la constitution de 1791 représente un modèle d’une importance capitale pour toutes les constitutions futures en France et dans de nombreux autres pays » ; qu’ « il n’est pas exagéré de dire que nous vivons encore sous la constitution française de 1791 », in « La constitution de 1791 aujourd’hui », op. cit. p. 4 et 11 spéc.

22 Ce principe est posé dès le 10 juin 1789 depuis que le Tiers après « avoir coupé le câble » se proclame Assemblée nationale.

23 Il convient de rappeler ici que la séparation stricte des pouvoirs aux Etats- Unis n’impliquait pas une division absolue du pouvoir. Dans ce schéma aussi, les pouvoirs doivent collaborer aux mêmes fonctions pour pouvoir se contrôler les uns les autres. De ce point de vue MADISON est on ne peut plus clair. Voir en ce sens, Le Fédéraliste n° XLVII et n° XLVIII spécialement, in A. HAMILTON, J. JAY, et J. MADISON, Le Fédéraliste, Réédition Economica, 1988, p. 397 et s.

24 M.L. MARTIN et A. CABANIS, Histoire constitutionnelle et politique de la France de la révolution à nos jours, L.G.D.J. « Droit constitutionnel », 2000, p. 13.

25 Un principe de la séparation des pouvoirs qui répond à une définition de la constitution selon le paradigme newtonien. Comme l’écrit M. TROPER, il s’agit moins de se servir de cette notion pour établir une classification entre régimes politiques, qu’un système de frein : « il ne s’agit pas, pour assurer un bon fonctionnement des organes de gouvernement, de compter sur la vertu des gouvernants ou d’organiser un contrôle de leur action, mais d’opposer les

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au caractère suspensif du veto royal, car la puissance législative ne peut émaner que de l’organe représentatif de la nation, le Corps législatif. Par voie de conséquence, en dépit de l’indépendance organique théorique, une responsabilité politique des ministres, certes de fait mais réelle, se développera devant cette assemblée26. Au résultat, si techniquement, la constitution de 1791 est proche du schéma présidentiel américain, pratiquement, elle est animée par une dynamique politique qui correspond au modèle de Westminster. Il était donc normal que l’architecture « présidentielle » cède aux forces

« parlementaires » qui travaillaient le texte. En Grande-Bretagne, la question de la collaboration entre les organes de gouvernement n’a été réglée qu’à la fin du XVIIIème siècle. Elle fut le résultat d’une construction certes conflictuelle, mais surtout pragmatique du régime parlementaire27. Or le principe de la collaboration demeurera longtemps incompréhensible pour les Français. Après avoir souvent connu l’expérience de la confrontation entre les Parlements et le pouvoir royal sous l’Ancien Régime, la révolution cristallisera deux légitimités politiques irréconciliables dans les deux organes principaux de l’Etat28. La culture comme le contexte ne se prêtaient donc pas à la collaboration entre les pouvoirs.

L’absence des mécanismes du régime parlementaire dans un contexte politique et constitutionnel qui les implique nécessairement est un dénominateur commun entre les expériences de 1791 et de 1793. C’est pour cette raison que l’opposition entre ces deux régimes

intérêts et les passions ». De cette séparation des pouvoirs conçue comme

« un principe qui interdit que la même personne fasse les lois et les exécute » dépend la liberté politique, in « La constitution de 1791 aujourd’hui », op.

cit. p. 5.

26 « Il y a dans la constitution de 1791, écrit M. TROPER, l’institution de ministres responsables », in « La constitution de 1791 aujourd’hui », op. cit.

p. 6-7. Voir également, J. CHEVALLIER, « La séparation des pouvoirs », op. cit. p. 128. Concrètement d’ailleurs, la doctrine dans son ensemble reconnaît que le premier exemple de la mise en œuvre d’une responsabilité de nature politique est celle de Delessart, ministre du roi en 1792.

27 Voir la thèse de D. BARANGER, Parlementarisme des origines, PUF

« Léviathan », 1999.

28 La séparation des pouvoirs sera d’ailleurs largement invoquée par la noblesse pour légitimer son pouvoir face au roi dans le cadre de la monarchie d’Ancien-Régime au XVIIIème siècle : voir en ce sens E. CARCASSONNE, Montesquieu et le problème de la constitution française au XVIIIème siècle, Réédition, Slatkine, Reprints Genève, 1976.

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« mérite d’être reconsidérée »29. Il s’agit de deux régimes qui n’ont pas su traduire constitutionnellement les exigences issues d’un principe commun que nous désignons ici comme un code génétique. Comme en 1791, le régime conventionnel reposait sur le principe représentatif.

Il eut été donc nécessaire de mettre en place le mécanisme de la responsabilité politique du pouvoir exécutif devant une assemblée détentrice de la souveraineté de la nation30. Mais bien que consacrée tout autant en 1793 qu’en 1791, la séparation des pouvoirs n’a pas vocation à organiser les liaisons institutionnelles entre les deux pouvoirs. Elle est une technique de gouvernement visant à contrôler et subordonner un pouvoir sur l’autre31. Primait donc non pas la collaboration des pouvoirs mais leur hiérarchisation. Pratiquement, par deux fois, l’organisation de la séparation des pouvoirs se traduit par une violation du code génétique constitutionnel, et donc deux échecs. Comme en 1791, c’est l’absence de réglementation des relations entre un organe représentatif dépositaire de la souveraineté de la nation et un gouvernement distinct mais responsable devant lui qui aboutira à la chute aussi rapide que violente d’un régime finalement devenu totalitaire32.

29 M. MORABITO, op. cit. p. 89.

30 Deux exemples le prouvent. En premier lieu, l’échec du projet de Condorcet pourtant approuvé par le comité de constitution, démontrait que le principe du pouvoir représentatif prévaut toujours sur une conception mécaniste de la constitution. En second lieu, comme le dispose le décret du 14 frimaire en II (4 décembre 1794) : « La Convention est le centre unique de l’impulsion du gouvernement ». B. MIRKINE GUETZEVITCH dira d’ailleurs que sous la Convention le comité de salut public est « un ministère responsable » devant la Convention.

31 M. VERPEAUX souligne que le principe de la séparation des pouvoirs continue d’être proclamé et solennellement reconnu sous la Convention. A ce titre, la règle de l’incompatibilité entre les fonctions de ministre et de député, sera toujours appliquée avec vigueur : « La Convention, malgré l’apparente confusion des pouvoirs, l’a toujours respectée, même aux moments les plus dramatiques de son histoire : la création du comité de salut public, par le décret du 6 avril 1793, est notamment une réponse indirecte aux partisans de la nomination des ministres par les députés », in « Le droit parlementaire sous la Convention », R. F. D. Const. n° 7, 1991, p. 421.

32 1793 démontre qu’en l’absence de réglementation constitutionnelle, comme disait Chateaubriand, « les liaisons secrètes » de l’égalité et du despotisme s’imposent sans retenues.

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La mise en place d’une architecture juridique encore inadaptée au code génétique constitutionnel français éclaire aussi le destin de la constitution du Directoire. Comme en 1791, cette première constitution démocratique greffe une séparation stricte des pouvoirs sur un régime qui répond concrètement à une dynamique parlementaire33. Dès lors, la même contradiction qu’en 1791 se répète.

Certes, il existe une spécialisation fonctionnelle redoublée d’une indépendance organique très nette. Néanmoins, les mécanismes du régime présidentiel se trouveront biaisés car la séparation « stricte » des pouvoirs que la constitution propose ne répond pas à un partage de souveraineté. Conformément à un code génétique parlementaire issu de 1791, dans ce système, le pouvoir se déploie depuis les Conseils34, que l’on cherche ici à protéger à l’égard d’un pouvoir exécutif suspecté d’être dangereux pour la République, soit par dérive monarchique, soit par dérive démocratique35. Malgré une architecture beaucoup plus intéressante et moderne qu’on l’a souvent dit, la constitution du Directoire propose donc une organisation du pouvoir en désaccord avec un système dont la pérennisation impliquait l’instauration de mécanismes juridiques relatifs à la responsabilité politique du pouvoir exécutif36. Leur absence entravera le

33 La constitution du Directoire sera même qualifiée de « contre–

constitution » par rapport à celle de 1793 tellement elles s’opposaient.

Pourtant, « Il faut se garder d’analyser l’œuvre thermidorienne en simple termes de rupture. Elle s’insère aussi en partie dans une continuité révolutionnaire en s’attachant comme ses devancières, à subordonner l’Exécutif », M. MORABITO, Histoire constitutionnelle de la France, op.

cit. p. 118.

34 Concrètement c’est ce que démontre l’entrée au Directoire de Barthélemy, royaliste, après la « poussée » à droite issue des élections d’avril 1797 qui manifeste un échec des « perpétuels ». Théoriquement, l’absence de dissolution et l’indétermination d’une responsabilité politique des ministres qui existe implicitement corroborent ce constat : cf art. 115 C. 1795. Voir J.

CHEVALLIER, « La séparation des pouvoirs », op. cit. p. 130. Voir aussi M.

TROPER, La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle française, L.G.D.J., 1980, p. 198-200.

35 C’est pour cela que l’exécutif, désormais collégial, n’a aucun droit d’initiative législative. L’exclusivité de ce pouvoir revient exclusivement à un Parlement que l’on divise en deux organes pour éviter les glissements vers le despotisme de l’Assemblée.

36 Voir l’article d’O. PASSELECQ, « Actualité de la constitution de l’an III », R.F.D. Const. n° 23- 1995, p. 495-497.

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développement d’un régime claudiquant et finira par se paralyser37. Elle poussera les pouvoirs au conflit, et le régime à sa ruine.

Finalement, de 1791 à 1799, une lourde contradiction juridico- politique entravait le bon développement des institutions. La théorie constitutionnelle énonçait que le régime démocratique ne peut exister que dans le paradigme de la « séparation des pouvoirs ». Mais en pratique, les conditions de cette séparation n’étaient pas réalisées car les deux principaux organes de l’Etat n’étaient pas envisagées comme égaux devant la souveraineté nationale. Pratiquement, les premières constitutions n’ont pas donné au pouvoir gouvernemental son véritable rôle. Or, à la suite du Directoire qui avait entamé un revirement sur ce point, la constitution de 1799 répond aux expériences précédentes par une organisation institutionnelle qui repose sur un pouvoir gouvernemental puissant38. Par là même, elle va participer à l’élaboration d’une organisation de la séparation des pouvoirs qui correspond au code génétique constitutionnel français.

2- La fondation du pouvoir gouvernemental

La constitution de l’an VIII met en œuvre pour la première fois ce mécanisme de balancier qui exprime un bouleversement des relations entre les pouvoirs gouvernementaux et parlementaires. En donnant naissance à un véritable pouvoir gouvernemental, en 1799 « par rapport à la tradition constitutionnelle révolutionnaire, le renversement de perspective est total »39. La « froide machine constitutionnelle »40 qui réduit les assemblées à n’être qu’un « corps de muets » semble aux antipodes de l’esprit parlementaire41. En

37 C’est bien ce que soulignait M. PRELOT comme le rappelle O.

PASSELECQ, « En considérant, que la constitution permettait une amorce de régime parlementaire, Marcel Prélot propose non seulement une lecture originale du texte, mais aussi une révision de tous les jugements un peu trop définitifs émis sur les prétendus vices rédhibitoires de la constitution de l’an III », in « Actualité de la constitution de l’an III », R.F.D. Constit. n° 23- 1995, p. 499-500.

38 F. BLUCHE et F. SAINT-BONNET, « Conclusion », in Le prince, le peuple et le droit, autour des plébiscites de 1851 et 1852 (Dir. F. BLUCHE), P.U.F., « Léviathan », 2000, p. 262-263.

39 M. MORABITO, Histoire constitutionnelle de la France, Montchrestien, p. 143.

40 T. LENTZ, Le grand consulat 1799-1804, Fayard, 1999, p.115.

41 D’après l’article 25 de la constitution, l’initiative législative est une compétence qui incombe au gouvernement. Le Tribunat discute les projets et

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réalité, il convient de nuancer cette idée. Comme les textes précédents, la constitution de Brumaire est fille de la Révolution. Dès lors, elle répond elle aussi au « code génétique » né avec la constitution de 179142.

En permettant au pouvoir exécutif d’être un acteur politique à la mesure des organes parlementaires, l’architecture constitutionnelle de brumaire complète la construction institutionnelle commencée en 1791. Par là même, elle donne à la séparation des pouvoirs la condition de son existence future : l’équilibre organique. Derrière la collégialité consulaire, la constitution de brumaire crée le premier chef d’Etat que connaît la France depuis 178943. Sur le plan organique, ce texte donne naissance à un circuit de pouvoir au sein des organes exécutifs, entre le 1er consul et des ministres responsables de leurs actes et dont l’autorité découle de la légitimité consulaire44. A peu de choses près, sur le plan fonctionnel, le texte définit les prérogatives d’un président de la République actuel dans un régime parlementaire moderne. Même l’article 44 qui paraît totalement contraire à l’esprit parlementaire, n’est pas en lui-même un élément dirimant de ce point

les transmet au Corps législatif s’il ne les rejette pas sans les modifier. Le Corps législatif quant à lui adopte ou rejette ces projets sans pouvoir les discuter.

42 Louis-Philippe soulignera des similitudes entre la constitution de 1791, l’Empire et la nouvelle charte de 1814. Toutes en pratique seront soumises à la prépondérance de fait de l’Assemblée. En ce sens, en 1816, il écrit : « Une assemblée française ne sait, ni ne veut pas être nulle, et ceux qui spéculent sur des assemblées nulles sont des gens qui comptent sans leurs hôtes.

Buonaparte lui-même n’a pu morigéner les muets à dix mille francs par tête », in G. ANTONETTI, La monarchie constitutionnelle, Montchrestien,

« Clefs politique », 1998, p. 36.

43 « Selon l’article 41 de la constitution, le premier consul jouit d’attributions propres. Lui seul promulgue les lois, nomme et révoque librement les ministres, les membres du conseil d’Etat, les ambassadeurs, et autres agents extérieurs en chef, les officiers de l’armée de terre et de mer, les membres des administrations locales et les commissaires du gouvernement près les tribunaux. Il nomme également tous les juges criminels et civils autres que les juges de paix et les juges de cassation, sans toutefois pouvoir les révoquer. De plus, dans les autres domaines, il est également prépondérant […]. Bonaparte est en fait un véritable chef d’Etat » ; ibid. p. 145.

44 Art. 72 et 73 C. 1799.

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de vue45. Dans les régimes parlementaires modernes, 9/10èmes des textes ne sont-ils pas des projets, lorsque le droit ne se fait pas par décrets et ordonnances ?

En réalité, l’écueil des constitutions de l’Empire ne résulte pas de l’affirmation du pouvoir exécutif. Celui-ci est nécessaire à la construction même d’un régime démocratique qui repose sur le principe de la séparation des pouvoirs. La faiblesse du système réside plutôt dans l’irresponsabilité du pouvoir consulaire à l’égard des chambres, car cette absence ne permet pas de contenir une puissance exécutive que rien ne peut alors retenir sur la pente du Principat46. Concrètement celui-ci est la conséquence inéluctable d’une double violation du code génétique non plus par la voie parlementaire, mais par la voie gouvernementale. La première violation, commune finalement avec les constitution précédentes, réside dans l’absence de mécanismes constitutionnels relatifs à la responsabilité du pouvoir gouvernemental devant les chambres. Or cette première violation en impliquait nécessairement une seconde : la dérive du lieu de l’origine du pouvoir démocratique des assemblées vers le pouvoir d’un prince omnipotent.

En dépit d’une ère politique de Restauration monarchique qui tend à rompre politiquement avec l’Empire, la charte de 1814 est un texte qui traduit une continuité constitutionnelle avec les constitutions qui la précèdent : elle consacre l’affirmation d’un pouvoir exécutif fort face à des chambres parlementaires soumises à son autorité ! D’un point de vue fonctionnel, le monarque détient l’initiative exclusive du pouvoir législatif comme Bonaparte antérieurement. D’un point de vue organique, un signe réel, un seul dans le texte militerait concrètement en faveur du régime parlementaire en 1814 : c’est le droit de dissolution… Or, en réalité il s’agit là d’un droit qui apparaît pour la première fois sous l’Empire47 ! D’après l’économie des pouvoirs définie par la charte, cette dissolution est loin de répondre aux objectifs de l’équilibre organique

45 Inédite car en disposant que « le gouvernement propose les lois et fait les règlements nécessaires pour assurer leur exécution », l’article 44 de la constitution confère à l’exécutif l’exclusivité de l’initiative législative et le pouvoir réglementaire.

46 R. SZRAMKIEWICZT et J. BOUINEAU, Histoire des institutions (1750- 1914), Paris, 1996, p. 229. Dans le même sens, M. MORABITO constatera qu’avec les sénatus-consultes de l’an X et de l’an XII, « la démocratie s’est complètement effacée derrière l’autorité », op. cit. p. 160.

47 Art. 55 du sénatus-consultes du 16 thermidor an X.

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entre les pouvoirs. Elle est envisagée comme une arme de défiance politique du roi et non comme un mécanisme institutionnel de coordination politique entre le pouvoir exécutif et les chambres.

D’ailleurs pour corroborer cette idée, la charte ne définit pas plus qu’en 1791 ou 1795 une responsabilité politique des ministres qui, là encore, ne forment donc pas d’après le texte constitutionnel un gouvernement solidairement responsable devant les chambres48. Bref, l’architecture constitutionnelle de la Restauration monarchique s’appuie sur le renforcement du pouvoir exécutif issu de l’Empire, à partir duquel les mécanismes de l’équilibre organique pourront se développer. Finalement, sans l’apport des constitutions de l’Empire, il eut été impossible de voir émerger les conditions constitutionnelles du parlementarisme qui commenceront à s’affirmer sous la Restauration.

De 1789 à 1815 inclus, il existe une première continuité institutionnelle : celle de l’affirmation des deux grands pouvoirs de gouvernement. Les deux branches de l’arc d’ogive nécessaire au bon fonctionnement du système démocratique sont érigées. Mais face à ce jaillissement des deux grands pouvoirs de l’Etat poussés par la souveraineté nationale, l’absence de mécanismes constitutionnels relatifs à leur mise en relation, impliquera naturellement une déséquilibre excessif issu d’une concentration absolue de la puissance soit par l’un, soit par l’autre. Après le temps des fondations, vient donc le temps des liaisons. Le code génétique commun à toutes les constitutions les structurera malgré les apparentes oppositions juridiques parfois49, et les bruyantes ruptures politiques50.

B - Le temps des liaisons entre les pouvoirs

Jusqu’à la Restauration, les constitutions ont toutes participé à la construction des deux grands pouvoirs au regard de la souveraineté nationale. Désormais, une nouvelle ère constitutionnelle commence : celle de l’invention des mécanismes constitutionnels assurant la mise en relation entre eux. Cette nécessaire jonction invite les deux grands

48 C. EMERI et C. BIDEGARAY, « La charte n’instaure nullement un régime parlementaire puisqu’elle n’envisage pas de créer un cabinet autonome distinct du roi et dont les membres seraient solidairement responsables ».

49 On pense ici aux différentes classifications juridiques existantes entre séparation ou confusion des pouvoirs / séparation stricte – séparation souple des pouvoirs (1791-1795-1814) / confusions des pouvoirs (1793 et 1799).

50 Il s’agit de l’opposition entre monarchie et République notamment.

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pouvoirs à préciser une organisation et des compétences qui convergent vers le régime parlementaire. C’est ce que démontre l’apparition de la réglementation de la responsabilité politique (1), qui oblige de facto le pouvoir exécutif à organiser l’exercice de leurs compétences dans le respect des prérogatives du Parlement (2).

1 - L’esquisse d’une réglementation de la responsabilité politique

Ni plus ni moins parlementaire que les textes précédents, la charte de 1814 s’inscrit dans une continuité constitutionnelle certaine. Elle assimile les acquis précédents, et suit la pente logique déterminée par le « code génétique » qui relie les constitutions les unes aux autres en insufflant un esprit nouveau dans les relations entre les organes51. Ceux-ci ne doivent plus s’opposer mais plutôt être associer dans la conduite du pouvoir. C’est ce que prouve l’article 54 de la charte52. En disposant que les ministres peuvent être des parlementaires, cette disposition pose la première condition du régime parlementaire en France53 : la confiance ! Dès lors, les conditions du parlementarisme pourront s’affirmer progressivement. En réponse à un pouvoir exécutif désormais puissant au plan fonctionnel, les chambres parlementaires vont logiquement revendiquer le droit d’initiative et d’amendement législatif. Une esquisse de collaboration entre les pouvoirs apparaît donc concrètement pour la première fois. Au plan organique, les parlementaires issus du suffrage censitaire vont revendiquer un pouvoir de contrôle sur le budget d’abord et sur l’action politique du pouvoir exécutif ensuite qui émane de la légitimité royale54. Le principe d’équilibre s’ébauche lentement, encouragé par une utilisation de la dissolution dans un esprit

51 Pour une réflexion d’ensemble : P. BASTID, La monarchie parlementaire française (1814-1848), Paris 1954.

52 « Les ministres peuvent être membres de la chambre des Pairs ou de la chambre des Députés. Ils ont en outre leur entrée dans l’une ou l’autre Chambre, et doivent être entendus quand ils le demandent ». Pour la première fois depuis 1791, des relations sont instituées entre les ministres et les chambres.

53 Voir en ce sens la thèse de A. LAQUIEZE, Les origines du régime parlementaire en France (1814-1848), PUF « Léviathan », 2002.

54 Le système électoral fortement censitaire impliquera l’arrivée dans la représentation des plus gros contribuables… forcément très intéressés par les questions financières. Cette sociologie expliquera les revendications de contrôle parlementaire de l’action gouvernementale. Cette cause budgétaire explique grandement les prémices du régime parlementaire en France.

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parlementaire par Louis XVIII qui a compris « l’intelligence des nouveaux principes »55. Logiquement cette idée de contrôle impliquera une « parlementarisation » plus poussée du régime comme le solliciteront d’ailleurs les conceptions convergentes de Chateaubriand et de Constant, qui soutiennent que le gouvernement ne peut gouverner qu’avec la confiance d’une majorité parlementaire56. D’une part, le contrôle enracine progressivement l’idée d’une responsabilité ministérielle solidaire. Certes elle est encore très embryonnaire57, et très mal définie constitutionnellement58. Mais elle existerait, comme le démontre la chute du second « ministère Richelieu » en décembre 1821. D’autre part, ce contrôle sollicite l’apparition d’un cabinet gouvernemental distinct du roi qui reste nécessairement irresponsable59. Les jonctions constitutionnelles du Parlement et du pouvoir gouvernemental sont donc réalisées conformément au « code génétique » des constitutions.

Ce sera d’ailleurs la violation faite par les trois coups de semonce ouvertement « anti-parlementaires » de Charles X qui déclencheront les trois Glorieuses, et la chute de la Restauration60.

55 JOSEPH-BARTHELEMY, L’introduction au régime parlementaire en France sous Louis XVIII et Charles X, Paris, Giard & Brière, 1904, cité par A. LAQUIEZE, Les origines du régimes parlementaires en France (1814- 1848), PUF « Léviathan », 2002, p. 8.

56 CHATEAUBRIAND dans La monarchie selon la charte écrit que le gouvernement ne peut gouverner qu’avec la confiance des chambres :

« Renoncer à la majorité [dans les chambres], écrit-il, c’est vouloir marcher sans pieds, voler sans ailes ; c’est briser le grand ressort du gouvernement représentatif », in Grands écrits politiques, Ed. Acteurs de l’histoire, 1993, p. 333. B. CONSTANT, De la responsabilité des ministres, 1815. Ces conceptions « parlementaires » seront aussi servies en pratique par les discours de certains hommes politiques, tels que VILLELE.

57 Cette responsabilité joue surtout à l’égard du roi qui retire sa confiance au cabinet. Il faut des échecs électoraux mais surtout des votes hostiles et répétés de la Chambre pour que le cabinet soit évincé. Voir en ce sens A.

ESMEIN, Eléments de droit constitutionnel, p. 433 et s.

58 Ce sont les systèmes de l’Adresse, définie indirectement par l’art. 19 C.

1814, du droit de pétition (art. 53 C. 1814, et la discussion budgétaire, art. 48 C. 1814).

59 Ordonnance du 9 juillet 1815 : les conseils de cabinet sont dirigés par un

« président du Conseil ».

60 La nomination d’un ministère ouvertement en situation de discordance avec une majorité parlementaire modérée tout d’abord ; une utilisation de la

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Prenant acte de la nécessité d’invoquer la souveraineté de la nation dans sa construction, la Monarchie de juillet continuera l’œuvre constitutionnelle de la charte de 1814. Textuellement elle prend acte des revendications fonctionnelles des chambres. A la faculté de supplier le roi définie par le texte de 1814 succède en 1830 une initiative législative partagée entre le pouvoir exécutif et les chambres61, même si, il est vrai, le roi « seul sanctionne et promulgue les lois »62. Au plan organique, la constitution pérennise explicitement le droit de dissolution du roi63. En revanche, la responsabilité des ministres devant les Chambres demeure pour le moins confuse, elliptique, au mieux limitée64. Certes les ministres sont responsables devant le roi, mais ils ne le sont pas clairement devant les chambres65. Pourtant la Monarchie de juillet donnera naissance au principe de la double responsabilité du cabinet66. Une fois encore donc, le « code génétique » des constitutions oriente la Monarchie de juillet vers une affirmation du parlementarisme contre les préventions originelles du texte de 1830. Concomitamment à une libéralisation de la représentation politique67, en 1831 l’interpellation et la question de confiance émergent. Ainsi, la responsabilité politique du cabinet se dessine à l’égard du roi, mais aussi et surtout dans un second temps, devant la Chambre des députés68. Marque de l’orléanisme, l’idée d’un cabinet doublement dépendant à l’égard du roi et de la Chambre des

dissolution « à la Mac-Mahon » ensuite ; l’entrée en vigueur de quatre ordonnances liberticides.

61 L’art. 14 de la charte de 1830 dispose que « La puissance législative s’exerce collectivement par le roi, la Chambre des pairs et la Chambre des députés ». Et l’art. 15 dispose que « la proposition des lois appartient au roi, à la Chambre des pairs et à la Chambre des députés. Néanmoins toute loi d’impôt doit être d’abord votée par la Chambre des députés ».

62 Art. 18 C. 1830.

63 Art. 42 C 1830.

64 Art. 12 C 1830.

65 De sorte qu’au regard des textes, comme le soulignent Cl. EMERI et Ch.

BIDEGARAY, « l’idée parlementaire est loin d’être enracinée puisque la nouvelle charte n’envisage nullement la responsabilité politique des ministres », in La constitution en France.

66 A. ESMEIN, Eléments de droit constitutionnel, Tome 1, op. cit. p. 247.

67 Loi électorale du 19 avril 1831 et loi du 29 décembre 1831.

68 Sur 17 ministères, 12 tombent sur décision du roi. Le roi est à l’origine de la chute de la plupart des ministères. Néanmoins, 5 doivent leur chute à une initiative parlementaire.

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députés placés sur un pied d’égalité s’affirme. Si elle reste empirique, hasardeuse, et fragile69 face à un roi qui répond politiquement lui aussi de la souveraineté nationale, elle se renforce70.

Avec les chartes monarchiques, le principe de la nécessaire jonction politique entre les Chambres et le gouvernement est posé. Le principe d’une responsabilité politique s’esquisse. Il manquait à ce système la consécration d’une base démocratique. A l’instar de l’échec de propositions visant à assouplir le régime, la Monarchie de juillet deviendra débitrice à l’égard d’une société qui revendique une démocratisation plus forte des institutions71. En instaurant un régime parlementaire qui repose sur la souveraineté nationale, mais sans le peuple, la monarchie était porteuse d’une contradiction de plus en plus lourde.

2 - La naissance d’un président de la République « parlementaire » C’est sur le chef de l’Etat pour la première fois élu au suffrage universel que se concrétisera l’aspiration démocratique. Dès lors, il semble bien difficile encore de trouver une continuité constitutionnelle et parlementaire entre les chartes monarchiques et la constitution de 1848. N’y a-t-il pas au contraire une rupture nette entre ces différentes expériences ? Du point de vue politique d’abord une République succède à la restauration monarchique. Du point de vue juridique ensuite puisque la constitution de 1848 revient dans les canons de la séparation « stricte » des pouvoirs, donc d’un régime théoriquement contraire au régime parlementaire72. Il est vrai d’ailleurs, à l’instar d’une réaffirmation claire du principe de la

69 « Assurant pour la première fois de notre histoire les conditions d’une réelle égalité entre les organes exécutif et législatif, ce parlementarisme sera ultérieurement idéalisé par la doctrine constitutionnelle comme « classique ».

Si cette vision est certes juste, force est toutefois de constater qu’elle est largement théorique » ; M. MORABITO, Histoire constitutionnelle de la France, op. cit. p. 204-205.

70 De sorte que « la démission d’un ministère en butte à l’hostilité de la Chambre des députés demeure en effet subordonnée à l’assentiment du roi », ibid. p. 205.

71 Voir en ce sens, DUVERGIER de HAURANNE De la réforme parlementaire et de la réforme électorale, qui traduit bien ce sentiment.

72 D’ailleurs, d’un strict point de vue constitutionnel, des trois constitutions que l’on range parmi celles qui organisent une séparation stricte des pouvoirs, celle de 1848 est celle qui répond le plus strictement aux canons du régime présidentiel !

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séparation des pouvoirs où résonne clairement l’article 16 de la déclaration de 178973, que la constitution de 1848 dresse bien deux pouvoirs distincts l’un face à l’autre, tant d’un point de vue fonctionnel qu’organique. En ce sens, la constitution dispose bien que

« le peuple français délègue le pouvoir législatif à une Assemblée unique »74. Dans le même sens, d’un point de vue fonctionnel, le texte prohibe explicitement l’utilisation de la dissolution par le président de la République, considérée ici comme un « crime de haute trahison »75. Pourtant, comme en 1791 et en 1795, la IIde République de 1848 inaugure un régime présidentiel bien spécifique, caractérisé par le syncrétisme des modèles de Washington et de Westminster inauguré en 179176.

Si la constitution de 1848 s’inspire explicitement dans la forme du modèle américain77, elle reste fidèle au principe représentatif de la nation cristallisé dans l’Assemblée nationale. C’est ce que démontre au plan fonctionnel l’article 49 de la constitution et au plan organique l’instauration d’une chambre parlementaire unique78. Derrière l’architecture de la séparation stricte, la IIème République répond dans sa nature du « code génétique » des constitutions françaises : une assemblée dépositaire de la souveraineté nationale exerce le pouvoir par le biais d’un pouvoir gouvernemental distinct d’elle et responsable devant elle79. En dépit d’un président élu au suffrage universel, doté de compétences effectives, et théoriquement responsable devant le peuple, la constitution de 1848 donne naissance

73 Art. 19 C. 1848 : « La séparation des pouvoirs est la première condition d’un gouvernement libre ».

74 Art. 20 C. 1848.

75 Art. 68 C. 1848.

76 C’est ce que démontre parfaitement A. ESMEIN. Pour le premier grand théoricien du régime parlementaire en France, la constitution de 1848 contient des dispositions constitutionnelles conformes au gouvernement parlementaire, in Eléments de droit constitutionnel français et comparé, Sirey, 1927, 8ème Edition, p. 248-249.

77 En ce sens le président est élu au suffrage universel direct pour la première fois en dépit des amendement Leblond et Grévy.

78 Art. 49 C. 1848 : que « le président de la République a le droit de faire présenter des projets de loi à l’Assemblée nationale par les ministres ».

79 M. MORABITO, « La constitution se dote ainsi en 1848 d’une constitution où la prédominance de la tradition révolutionnaire ne saurait voiler la présence de certains emprunts à la tradition parlementaire… », op. cit. p.

211.

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à un système constitutionnel parlementaire tout autant que présidentiel80. C’est ce que démontre en pratique l’émergence d’un ministère qui demande la confiance de l’Assemblée pour gouverner et ce, en dépit d’un message présidentiel du 31 octobre 1849. De fait, l’article 68 du texte de 1848 fait apparaître une vraie responsabilité morale et politique du président de la République et de ses ministres81. Dès lors, au-delà de la configuration présidentialiste, l’absence de dissolution se retourne contre un exécutif finalement soumis. Comme l’écrivent C. Emeri et C. Bidégaray, « dans les rapports conflictuels, le président peut sans doute influencer, alors que l’Assemblée peut terrasser ».

La IIde République contient en réalité les gènes de la IIIème République dans sa configuration moniste : responsabilité sans dissolution. En dépit de son « ingénierie présidentielle », la constitution de 1848 répond au « code génétique » qui fait pencher la IIde République vers le régime parlementaire, objet de lourdes préventions en 184882. C’est ce que démontre encore l’expérience du IInd Empire ! Suite à la crise ministérielle issue de la révocation du général Changarnier, « l’Empire se fait ! », pour reprendre le mot de Thiers, mais il se fait au prix d’une violation du code génétique des constitutions françaises. En disposant que « les ministres ne dépendent que du Chef de l’Etat ». L’article 13 de la constitution de 1852 est l’expression la plus nette de cette rupture avec l’esprit parlementaire qui s’imposait en dépit du texte de 1848. Pourtant l’Empire de Napoléon III ne cessera d’évoluer à partir du décret impérial du 24 novembre–11 décembre 1860 et jusqu’à sa fin vers un régime parlementaire83. Cette transformation se concrétise d’abord au

80 A. ESMEIN, Eléments de droit constitutionnel, op. cit. p. 248.

81 « Le président de la République, les ministres, les agents et dépositaires de l’autorité publique, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de tous les actes du gouvernement et de l’Administration […] »

82 En effet ce régime manquait assurément de cohérence d’un point de vue juridique. Il était porteur « d’une grave contradiction entre la fonction du titulaire de l’Exécutif –subordonnée à l’Assemblée législative– et sa source de recrutement – identique à celle de l’Assemblée » ; cf M. MORABITO, op.

cit. p. 228.

83 F. BLUCHE écrit que « le Second Empire est un régime ambigu, faussement homogène dans sa durée ». Il souligne combien « l’étonnant tournant libéral de 1867 aboutit, autour du Tiers Parti d’Emile Ollivier, à l’étonnant compromis de 1869-1870 », qui engendre une évolution du régime

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plan organique par un développement du pouvoir de contrôle politique du pouvoir exécutif par les chambres84, et finalement par la reconnaissance de la responsabilité ministérielle ensuite85. Au plan fonctionnel, le Corps législatif se trouve doté d’une initiative législative partagée avec l’Empereur. En consacrant ces évolutions, les sénatus-consultes du 8 septembre 1869 et du 21 mai 1870 finissent par faire du IInd Empire un vrai régime parlementaire86.

C’est d’ailleurs le « code génétique » parlementaire qui assure le lien constitutionnel entre l’Empire et la IIIème République, balbutiante en 1870. Lui seul véhicule l’appareillage institutionnel susceptible d’être un « réducteur d’antagonismes », comme le soulignait Jean Jacques Chevallier87. Du gouvernement provisoire de Thiers qui ne

vers les principes du parlementarisme : in Le prince, le peuple et le droit, PUF « Léviathan », « L’adhésion plébiscitaire », 2000, p. 23.

84 Sur le plan de l’équilibre organique, une série de décrets depuis 1860 ne cessera de renforcer progressivement le pouvoir des chambres jusqu’à recréer le mécanisme de l’interpellation en 1867, même si celle-ci ne débouche pas sur une vraie sanction politique.

85 Les ministres se trouvent ici soumis au principe de la solidarité. Ils délibèrent en conseil sous la présidence de l’empereur. Ils peuvent faire l’objet d’interpellation de la part de chaque parlementaire. Certes, le sénatus- consultes pose un frein à la logique parlementaire puisque les ministres ne dépendent que de l’empereur et ne peuvent être mis en accusation que par le Sénat : « Pris entre le Sénat et l’Empereur, le gouvernement est dans une situation classique de dualisme ». Cette dynamique se trouvera consolidée par le nouveau sénatus-consultes du 23 mai 1790 au terme duquel de fait l’empereur gouverne avec un gouvernement responsable devant les deux chambres : C. EMERI et c. BIDEGARAY, La constitution en France, op.

cit. p. 224-226.

86 A. ESMEIN, Eléments de droit constitutionnel, op. cit. p. 254-257.

87 J.J. CHEVALLIER, « Première conclusion : se méfier des régimes autoritaires qui par deux fois, ont amené à la défaite militaire. Deuxième conclusion : barrer la route à la Révolution jacobine et socialisante dont le

« rouge » visage frémissant des passions de 1793 amplifiées par la question sociale, s’était fait voir semeur d’épouvante en 1848. Or à égale distance entre le régime d’assemblée ou conventionnel, gros de la dictature des comités ou de la rue, et le régime autoritaire à exécutif tout-puissant, gros du despotisme et de la guerre, il y avait le régime parlementaire, ce compromis pratique inventé par les Anglais, cet amortisseur d’antagonismes », Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à nos jours, p. 264-265.

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pourra plus « jouer » le coup monarchiste de 1830 au pacte de Bordeaux, à l’avènement des premières lois Rivet, de Broglie et du septennat qui installent un gouvernement dualiste d’une part, et des lois constitutionnelles de 1875 qui consacrent les principes de la collaboration fonctionnelle et de l’équilibre organique d’autre part, ce sont tous les acquis qui ont lentement mûri depuis 1789 qui sont consacrés. Les textes définissent un régime parlementaire orléaniste.

Désormais la France s’inscrit définitivement dans le régime parlementaire vers lequel s’orientait le « code génétique » commun à toutes les constitutions depuis 1791. En effet, en 1870 tous les éléments nécessaires à son existence sont posés. Il reste à l’installer définitivement dans la République.

II - Les potentialités inexplorées du « code génétique » constitutionnel

1870-1875 est une grande étape du développement continu du régime parlementaire. Elle l’inscrit définitivement dans la République. Ce lien entre parlementarisme et République génèrera plusieurs difficultés que les constitutions n’ont pu encore aujourd’hui totalement résoudre. Depuis 1789 et jusqu’en 2006, la France n’a pas encore réussi à mettre en œuvre un régime parlementaire démocratique équilibré (A). Ainsi, les entreprises de réformes constitutionnelles, comme les projets de VIème République, ne pourront réellement prospérer qu’en respectant le « code génétique » des constitutions françaises qui appellent un perfectionnement du régime parlementaire (B).

A - 1875-2006 : un régime parlementaire démocratique…

déséquilibré

Ce déséquilibre est dû à deux violations faites au « code génétique » des constitutions françaises. Les IIIème et IVème Républiques lui font une violation « parlementaire » (1), alors que la Vème République elle, en réaction immédiate, lui fait une violation

« exécutive » (2). Ainsi, les unes après les autres, les constitutions ont hypothéqué le bon fonctionnement du régime parlementaire démocratique en France, qui reste alors largement inachevé au sein de nos institutions.

1 - La violation « parlementaire » du code génétique constitutionnel La crise du 16 mai 1877 permettra à la IIIème République de verser vers la pente naturelle du parlementarisme absolu, perturbant l’organisation du pouvoir définie par les lois constitutionnelles de 1875. La dissolution, prévue par les textes, mais désormais confisquée

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dans la « constitution Grévy » crée un déséquilibre organique qui déclenche une série d’effets institutionnels qui aboutiront au

« parlementarisme moniste » à partir des années « 1920 » surtout. Les caractères de ce régime sont connus, magistralement mis en lumière par Carré de Malberg notamment. Sur le plan fonctionnel, ce parlementarisme repose sur un surinvestissement du rôle représentatif de l’organe parlementaire, relayé par le dogme rousseauiste de la loi « expression de la volonté générale ». C’est cette combinaison qui explique cette surpuissance législative, et son corollaire, la souveraineté parlementaire88. Sur le plan organique ce parlementarisme hypothèque la notion d’« équilibre » qui permet aux pouvoirs de se contrôler. La domination du Parlement deviendra naturellement sans partage. Concrètement, la Chambre des députés d’abord, puis le Sénat ensuite à partir de 1896, détiendront la faculté d’engager la responsabilité politique d’un gouvernement soumis aux aléas de la volonté parlementaire. Ce mécanisme, non compensé par le droit de dissolution, permettra au Parlement de gagner doublement en indépendance. Il devient non seulement indépendant vis-à-vis d’un gouvernement non protégé par le droit de dissolution, mais aussi du peuple, puisque dans ce système ultra-représentatif, celui-ci est totalement privé de participation et d’intervention dans la vie politique89.

La constitution « Grévy » éloignera donc la IIIème République des principes du régime parlementaire parce que sa pratique dénature le

88 C’est de cette conception que R. CARRE de MALBERG soutient que dans le cadre des lois constitutionnelles de 1875 il existe une coïncidence entre loi et règle de droit qui engendre une sollicitation abusive de la fonction législative : La loi expression de la volonté générale, 1931, Rééd.

Economica, 1984, p. 8-9 ; et plus loin d’ajouter : « Le système représentatif que la révolution a érigé en partant du principe de la souveraineté nationale, s’analyse en définitive, en un système de souveraineté parlementaire.

Souverain, le Parlement l’était doublement : il l’était d’abord, vis-à-vis de toutes autorités, puisqu’il figurait, en face d’elles le peuple avec son pouvoir de volonté générale ; et il l’était aussi, bien réellement, vis-à-vis du corps des citoyens lui-même, puisque, comme l’avait dit Sieyès, celui-ci ne pouvait exprimer sa volonté générale que par l’Assemblée des députés », ibid. p. 22- 23.

89 La disparition de la dissolution n’est pas compensée par des mécanismes de démocratie semi-directe comme le référendum législatif par exemple. De fait, l’évanescence de la dissolution renforcera donc le caractère « ultra représentatif » de la IIIème République.

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