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Article pp.331-348 du Vol.23 n°3 (2003)

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SCIENCES DES ALIMENTS, 23(2003) 331-348

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

L’ALIMENTATION ET LA VIE

Formulation d’arômes : une expérience pédagogique

Y. Chataigner1 et H.M.J. Richard2

RÉSUMÉ

La formulation d’arômes destinés à l’industrie alimentaire est un art. Suite à une expérience pédagogique, les auteurs traitent des différents aspects de la formulation : les matières premières aromatiques et leurs choix, les addi- tifs, les supports, la notion de mélange, l’olfaction dans la pratique de la for- mulation et les contraintes liées à la technologie, à la législation, à la toxicologie et à l’allergologie. Ils décrivent les six principaux obstacles dans la formulation des arômes.

Mots clés

arôme, additifs, formulation, olfaction, législation.

1. René Laurent S.A., 107, avenue Franklin Roosevelt, 06117 LE CANNET Cedex, France 2. École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires

Département Science de l’aliment, 1, avenue des Olympiades, 91744 MASSY Cedex, France

Dans chaque numéro, cette nouvelle rubrique met en avant un article traitant d’un des aspects de la nutrition, du rôle des technologies agroalimentaires sur la qualité des aliments jusqu’à la

« cuisine », en passant par les problèmes nutritionnels, la toxicologie alimentaire, et plus générale- ment les conséquences sur la santé des pratiques alimentaires. Les articles retenus sont soit des travaux de synthèse de haut niveau faisant le point sur une question, soit des publications origina- les rendant compte de travaux de recherche appliquée récents apportant un regard nouveau.

La Société scientifique d’hygiène alimentaire (SSHA), société savante créée en 1904 pour contri- buer à la diffusion des connaissances en nutrition et sécurité sanitaire, est aujourd’hui formée de deux départements : l’Institut supérieur de l’alimentation (ISA) développe des actions de formation, d’information et de conseil ; l’Institut supérieur d’hygiène alimentaire (ISHA) propose un catalogue complet d’analyses (composants nutritionnels, contaminants, analyse sensorielle, microbiologie…).

Les propositions d’articles, remarques et suggestions peuvent être envoyées à : Claude Bourgeois

SSHA

Rue du Chemin Blanc, BP 138, Champlan F-91163 Longjumeau cedex Tél. : + 33 (0)1 69 79 31 50

Fax : + 33 (0)1 64 48 82 49 http://www.ssha.asso.fr cbourgeois@ssha.asso.fr 1-Arômes & formulatio (331-348) Page 331 Jeudi, 30. octobre 2003 6:44 18

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SUMMARY

Flavour formulation: an educational experiment

Flavor formulation for the food industries is an art. Subsequently to an edu- cational experiment, the authors deal with the different aspects of formula- tion: flavor ingredients and their choice, additives, supports, mixtures, olfaction in the practice of formulation and the problems linked with food technology, legislation, toxicology and allergology. They describe the six main difficulties in flavor formulation.

Key words

flavor, additives, formulation, olfaction, legislation.

INTRODUCTION

Toutes les substances d’origine végétale et animale possèdent des proprié- tés sensorielles. La langue française est riche en termes relatifs aux sensations olfactives et gustatives : arôme, bouquet, bouffée, effluve, émanation, empy- reume, exhalaison, fragrance, fumée, fumet, goût, haleine, odeur, parfum, puan- teur, relent, remugle, saveur, senteur, souffle, transpiration... Si l’on s’arrête à certains de ces termes, il est intéressant de consulter le Robert et de regarder les définitions que ce dictionnaire en donne :

Arôme, n.m., Principe odorant qui s’exhale des essences naturelles.

Fragrance, n.f., Odeur agréable

Goût, n.m., Sens grâce auquel l’homme et les animaux perçoivent les saveurs propres aux aliments. Par abus, odeur. Un goût de renfermé.

Odeur, n.f., Émanation volatile, caractéristique de certains corps et suscep- tible de provoquer chez l’homme ou chez l’animal des sensations dues à l’exci- tation d’organes spécialisés.

Parfum, n.m., 1° Odeur agréable et pénétrante – 2° Substance aromatique, solide ou liquide

Saveur, n.f., Qualité qui est perçue par le sens du goût.

Comme on peut le constater le terme d’arôme recouvre celui d’odeur et de parfum. De plus, notre langue a abandonné un mot cher aux Anglo-Saxons et qu’il serait judicieux de réintroduire, la flaveur.

1 – QU’EST-CE QU’UNE ODEUR, UN ARÔME ET UNE FLAVEUR ?

La meilleure façon de définir ces termes est de s’appuyer sur des notions de physiologie. Ainsi, nous pourrons définir :

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l’odeur, comme la perception donnée par notre épithélium olfactif lorsque nous reniflons une molécule odorante ou un parfum (ensemble de molécu- les odorantes) ;

l’arôme, comme la perception produite par une molécule odorante ou un arôme (ensemble de molécules odorantes d’un aliment mis en bouche) détecté par l’épithélium olfactif (voie rétronasale),

la flaveur, comme l’ensemble des perceptions olfactives, gustatives et tri- géminales occasionnées par certaines molécules chimiques d’un produit alimentaire. Précisons que le nerf trijumeau donne des informations ther- miques, mécaniques et chimiques, et renseigne sur le caractère piquant, astringent, brûlant, rafraîchissant... d’un produit.

Ainsi, nous voyons qu’un arôme est non seulement une perception, mais aussi un ensemble de composés volatils à température ambiante. Ces composés sont de nature organique et possèdent des seuils de perception variables. Ils ont une faible masse moléculaire (inférieure à 250 Da) et sont apolaires ou peu polai- res et appartiennent donc à la classe des lipides. Très solubles dans les graisses et les huiles, ils se dissolvent très mal dans les milieux aqueux.

Parler d’arômes et de formulation revient donc à traiter des matières premiè- res aromatisantes et de leur utilisation dans la fabrication de préparations aro- matiques prêtes à l’emploi pour la fabrication de produits alimentaires.

Dans cet article, nous ferons référence à une expérience pédagogique débutée, il y a plus de 15 ans, avec les élèves-ingénieurs de l’École nationale des industries agricoles et alimentaires, et, dont l’objectif était en deux journées de faire réaliser à ces élèves, à partir de matières premières naturelles et de produits de synthèse, des arômes pour produits salés ou sucrés.

2 – LES DIFFÉRENTES MATIÈRES PREMIÈRES AROMATIQUES

La littérature scientifique est abondante sur les différentes matières premières aromatiques, c’est-à-dire sur les préparations aromatisantes, telles que huiles essentielles ou oléorésines, substances aromatisantes, et arômes proprement dits. Mais, elle reste très discrète sur l’activité de formulation qui est l’art de composer judicieusement des arômes à partir d’extraits naturels et de substan- ces aromatisantes.

En référence à J. MARITAIN (1965) qui considère que « le Savant est un intel- lectuel qui démontre, l’Artiste un intellectuel qui opère, le Prudent un volontaire qui agit bien », on peut d’une certaine manière, définir la formulation comme un art et l’aromaticien, que dans le jargon de la profession on appelle flavoriste, comme un artiste.

Dans ce domaine, il conviendrait de développer préalablement la théorie de la formulation, puis de s’investir longuement dans l’apprentissage de l’olfaction, pour terminer enfin par la création d’arômes.

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La durée de ces trois phases nécessite normalement plusieurs années d’apprentissage, à la fin desquelles on peut espérer devenir créateur d’arômes ou tout simplement bon utilisateur.

Dans les expériences pédagogiques, ce temps étant raccourci à l’extrême, l’accent est mis davantage sur la démarche que sur l’acquisition de la maîtrise de la formulation qui implique la transparence afin d’éviter de confondre complexité de l’art et opacité routinière de la profession de l’aromatique. Actuellement, la profession observe la fin des molécules confidentielles, d’une part, parce que le législateur souhaite fermement une liste positive de substances aromatisantes autorisées, d’autre part, à cause du coût prohibitif de ces molécules fabriquées en petite quantité, de l’ordre du kilogramme. Les firmes de l’aromatique sont plus préoccupées de préserver leur connaissance empirique, ce que les anglo-saxons appellent le know how, que de déposer des brevets.

La démarche initiale de l’aromaticien même débutant est toujours olfactive.

Dans ce métier, l’anosmie est le plus souvent temporaire, mais, par contre, la pénibilité du travail humain est bien réelle. Toutefois il ne faut pas se découra- ger, car comme le rappelle VIRGILE dans les Géorgiques, « un travail opiniâtre vient à bout de tout ».

3 – L’AROMATICIEN ET LES CARACTÉRISTIQUES DE SON ART

L’aromaticien ou flavoriste utilise son art pour formuler des arômes, c’est donc un artisan.

Dans L’Éthique à Nicomaque, ARISTOTE écrit « l’art est une disposition de l’intelligence, disposition capable de produire, accompagnée de règles vraies ».

Qu’est-ce que l’Art ? En sciences humaines, on considère que l’intelligence est une faculté qui travaille d’une façon toute différente selon qu’elle connaît pour connaî- tre (ordre spéculatif) ou qu’elle connaît pour agir (ordre pratique). Bien évidemment, l’Art appartient à l’ordre pratique qui se divise lui-même en deux domaines dis- tincts, l’Agir et le Faire. Aristote dit : « production et action sont distinctes ».

Dans le premier domaine, l’homme agit sur ses facultés ou sur celles d’autrui, comme, par exemple, dans le cas de l’éducation. Dans l’Agir, la per- fection de l’intelligence s’appelle la prudence qui discerne et applique les moyens de parvenir à nos finalités humaines ; c’est l’art du bien vivre.

Le domaine du Faire est celui de l’action productrice de choses extérieures à l’homme, action considérée par rapport à la chose produite. La perfection dans ce domaine se traduit par le savoir faire.

L’Art est une perfection de l’intelligence dans le domaine du Faire, c’est-à- dire une disposition de perfectionnement de l’homme dans l’ordre pratique, par opposition à l’ordre spéculatif.

La perfection de l’intelligence chez l’aromaticien lui permet de créer de bons arômes. À noter qu’il ne s’agit pas seulement d’une perfection du sens olfactif, mais bien de l’intelligence. Aussi considérer l’activité du flavoriste comme purement olfactive, selon l’expression, C’est un nez, est une vision quelque peu réductrice.

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Pour acquérir cette perfection, deux voies sont suivies, l’exercice (entraîne- ment olfactif, analyse sensorielle,...) et l’accoutumance qui permet de créer de bons arômes, vite et bien. Lorsque l’aromaticien s’éloigne de son orgue à arô- mes, par exemple pour consacrer une grande partie de son temps à l’activité technico-commerciale, il perd, à terme, la perfection de l’intelligence, dans le domaine qui nous intéresse ici.

Quant à la différence entre Prudence et Art, on peut considérer que la pru- dence opère pour le bien de celui qui agit, alors que l’art opère pour le bien de l’œuvre faite. Peu importe que l’artiste soit coléreux ou jaloux, pourvu qu’il œuvre bien. En ce qui concerne l’aromaticien, un caractère semblable ne l’empêchera pas de faire de bons arômes, mais le travail en équipe risque d’être parfois pénible.

L’art procède par des règles certaines et déterminées. C’est ainsi que dans l’industrie aromatique, une science spécifique s’est développée depuis quelques décennies. Cette science ne peut plus être ignorée de l’aromaticien, comme ce fut le cas jusqu’à un passé récent. J. CARLES (1961, 1962 et 1963) n’écrivait-il pas que « La parfumerie est un art, et non une science comme beaucoup ont tendance à le croire : les connaissances scientifiques ne sont pas nécessaires au parfumeur ».

En raison de la multiplicité et de la variabilité des différentes matières pre- mières aromatiques, l’art du flavoriste est plus proche de la prudence que de la Science ; mais en tant que perfection de l’intelligence, il est proche d’une science. S’il doit connaître la science de l’aromatique, il lui faut par-dessus tout exercer son art, perfection de son intelligence.

4 – LA NOTION DE MÉLANGE

L’ordre aromatique existe dans la nature au sein d’une même variété botani- que et sa complexité est maintenant prouvée. Plus de 650 molécules consti- tuent la note cacao.

Devant cette complexité du monde des arômes, la déficience aromatique des matières premières, même naturelles, implique d’avoir recours à la techni- que du mélange.

Le mélange est rarement obtenu en une seule opération, on a plutôt recours à des sous-formules ; on parle aussi de formules-tiroirs. Il s’agit là d’un impératif de la création des formules au laboratoire (notion de cœur créé indépendam- ment de l’arôme-base ou simplement pesé à part par suite de la limite de sensi- bilité des balances) ou de la fabrication industrielle (miscibilité capricieuse des constituants du cœur, stockage facilité).

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5 – RAPPEL SUR LES MATIÈRES PREMIÈRES AROMATIQUES ET SUR LES ADDITIFS EN VUE DE LA FORMULATION

5.1 Documents de base

Quelques documents officiels sont du plus grand intérêt :

– la directive du Conseil 88/388/CEE du 22 juin 1988 dans le domaine des arômes (JOCE L184 du 15.07.88),

– le décret 91-366 du 11/04/91 relatif aux arômes (JORF du 17.4.91), – les définitions du vocabulaire applicable aux extraits naturels (JORF du

25/5/75 page 5283 et norme AFNOR NF T75-006 dans le recueil sur les huiles essentielles, 1996),

– l’ouvrage du TNO, Volatile compounds in food (NIJSSENet al., 1996).

5.2 Préparations aromatisantes

Les principaux extraits naturels bruts ou affinés sont examinés dans leurs diverses performances : proximité gustative de l’aromate, puissance aromati- que et coût comparés, miscibilité.

5.3 Substances aromatisantes

Soulignons l’utilité du vocabulaire de l’International Union of Pure and Applied Chemistry (IUPAC, 1979) qui permet de lever toute ambiguïté, car les dénominations triviales et les noms de marque pullulent dans le petit monde des molécules aromatiques.

Pour une même molécule aromatique, par exemple le benzaldéhyde, nous sommes appelés à distinguer :

– le benzaldéhyde obtenu par synthèse chimique à partir du benzène ou du toluène ;

– le benzaldéhyde obtenu par synthèse chimique à partir du cinnamaldé- hyde de la cannelle par catalyse basique (NaOH) ;

– le benzaldéhyde obtenu par biosynthèse à partir du cinnamaldéhyde de la cannelle par voie enzymatique ou fermentation ;

– le benzaldéhyde obtenu par extraction des noyaux de Prunus.

Citons un autre exemple de substances aromatisantes définies par le légis- lateur et qui se rapportent au 3-méthoxy-4-hydroxybenzaldéhyde, dont le nom trivial bien connu est la vanilline :

– substances naturelles obtenues par extraction (vanilline ex Vanilla planifolia A.) ; – substances naturelles obtenues par biosynthèse (vanilline ex Lignine pro-

venant de liqueurs sulfitiques de papeterie) ;

– substances dites identiques aux naturelles mais hémisynthétiques (Vanil- line ex Lignine) ;

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– substances dites identiques aux naturelles mais synthétiques (Vanilline ex Gaiacol, marque commerciale Rhovanil) ;

– substances artificielles (éthylvanilline, marque commerciale Rhodiarome).

Par suite, si le flavoriste prend en compte le concept d’espèce chimique pure, il ne peut ignorer les nuances aromatiques provenant de l’isomérie opti- que ou isotopique (KOPPENHOEFER et al., 1994) ainsi que des impuretés.

Les substances ayant la même formule chimique brute ont des usages voi- sins, mais une transposition est toutefois nécessaire pour tenir compte des diffé- rences olfactives, légales, voire, dans un proche avenir, toxicologiques.

5.4 Supports et additifs

Les critères du choix d’un support sont le prix, l’affinité, le goût et l’odeur, la législation de l’aliment, la toxicologie.

Le terme support, éventuellement support liquide, support solide, est à pré- férer au terme solvant qui évoque les solvants d’extraction ou les solvants industriels non alimentaires.

On recherchera un support dans lequel les matières premières aromatisan- tes (MPA) sont parfaitement solubles. Cette miscibilité concerne avant tout les MPA entre elles, mais également avec la denrée alimentaire.

Les supports et autres additifs pour arômes ne sont somme toute que des additifs... d’additifs. Le législateur est en général peu loquace sur ce point ; on tiendra donc compte de :

– annexes I, III, IV et V de la directive 95/2/CE du 20.02.95 concernant les additifs alimentaires,

– liste de l’European Flavour and Fragrance Association (EFFA) des additifs pour arômes,

– liste des additifs autorisés en France (circulaire et télécopie DGCCRF des 09.03.84 et 05.07.84, paragraphe 5-124 du livre de R. DEHOVE et Y. SOROSTE sur la réglementation des produits alimentaires, 2002)

– liste relevant de l’article 11 du décret du 11.04.91 relatif aux arômes, – liste du guide pratique du Syndicat national des industries aromatiques ali-

mentaires (SNIAA) (en cours de révision à la suite du draft EFFA),

– Liste des « additifs pouvant être employés dans la fabrication des denrées destinées à l’alimentation humaine » (JO du 08.11.97)

En ce qui concerne la législation, les supports et additifs listés sont autorisés dans les arômes, même s’ils ne sont pas autorisés par ailleurs dans la denrée ali- mentaire ; néanmoins on peut utiliser aussi les autres additifs autorisés dans l’ali- ment aromatisé, sous réserve de déclaration. S’applique ensuite le principe du transfert d’additif ou carry over. Celui-ci consiste à considérer comme négligeable les additifs apportés par les arômes, si l’additif est autorisé dans l’arôme et si la quantité est techniquement convenable et sans influence sur la denrée alimentaire.

Dans le cadre des perspectives technologiques, le passage de l’arôme base à l’arôme prêt à l’emploi, peut se faire sans additif, par le traitement des MPA, en raffinant l’extrait brut dans le but d’obtenir un extrait affiné (essence absolue, huile essentielle soluble, déterpénée).

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On utilise également des procédés physiques comme l’homogénéisation. Mais dans ce cas, des supports additifs sont ajoutés, soit comme « alourdisseurs » telles les huiles bromées (non autorisées par la CE), soit comme stabilisants, par exem- ple, les gommes qui augmentent la viscosité, soit enfin comme émulsifiants du genre polysorbates.

6 – L’OLFACTION DANS LA PRATIQUE

Les MPA sont, par définition, olfactivement puissantes : d’où un risque de pollution et d’allergie. Il faut donc procéder en pratique avec un minimum de rigueur et de méthode. Il faut apprendre à maîtriser le flacon et son bouchon, la mouillette (dans l’ordre : écrire le nom du produit sur la mouillette, la tremper légèrement dans le flacon, la plier, la sentir en top-note et au cours du temps, la ranger, la jeter).

On accèdera rapidement à des tests olfactifs par paire ou triangulaires.

La progression de l’aromaticien en herbe passe par l’ascèse de la sensibilité, de l’imagination et de la mémoire : il faut veiller à se poser des questions réalistes.

7 – FINALITÉ DE LA FORMULATION

La finalité principale est l’imitation de la nature ou d’un arôme de confrère au plan gustatif, ce que l’on nomme contretype.

Mais il existe d’autres finalités annexes : imitation de l’odeur ou de la cou- leur, autres éléments techniques ou financiers...

8 – QUELQUES EXEMPLES DE FORMULATION

8.1 Arôme (non naturel)

On examine une formule et ses sous-formules : pour disposer d’un exemple à caractère industriel d’arôme cœur, d’arôme base et d’arôme prêt à l’emploi.

8.2 Arôme naturel, renforcé, non naturel (avec substances identiques ou artificielles)

On s’intéresse à la démarche progressive du flavoriste dans une série d’essais, en partant d’un arôme naturel excellent mais cher, pour tendre vers un

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renforcement d’abord en MPA naturelles, puis en substances identiques ou arti- ficielles, dans le but d’obtenir un arôme plus performant.

9 – LES CONTRAINTES DE LA FORMULATION

9.1 Législation de l’arôme

L’arôme doit être autorisé dans le pays concerné, éventuellement même mériter le qualificatif naturel. Les MPA doivent être éventuellement listées, GRAS FEMA (generally recognized as safe par la Flavor and Extract Manufacturers Association) ou CE lorsqu’elles sont obtenues par synthèse chimique ou bien provenir d’une source d’arôme décrite dans le « Livre bleu », 3e édition (IUPAC, 1979), lorsqu’elles sont naturelles ou de biosynthèse.

À ce sujet, il faut consulter les documents suivants :

– les listes FEMA GRAS et FDA GRAS (on peut utiliser l’ouvrage Allured’s flavor and fragrance materials 2002 de Allured Publishing Co FFM – Carol Stream, Illinois, USA) ;

– la liste CEE de l’ouvrage Substances aromatisantes et sources naturelles (dit Livre bleu), Conseil de l’Europe, Accord partiel dans le domaine social et de la santé publique, 3e édition, Strasbourg 1981 (4e édition en cours) ; – la liste positive CE : Répertoire des substances aromatisantes utilisées

dans ou sur les denrées alimentaires, établi en application du règlement CE n° 2232/96 (JOCE L84 du 27.03.99) ;

– la lettre IOFI n° 761 : interprétation du terme Naturel ;

– JORF du 27/05/1975 page 5283 sur les dénominations de la pharmacopée française ;

– les normes AFNOR NF T 75-006 du 10/87 sur le vocabulaire définissant les MPA dans l’ouvrage Huiles essentielles ;

– la directive CEE 88/388 du 22/06/88 sur les arômes ;

– le code d’usage du Syndicat national des industries aromatiques alimen- taires (SNIAA) ;

– la liste des substances limitées ou interdites dans l’ouvrage de DEHOVE et SOROSTE (2002) sur la réglementation des produits.

9.2 Législation de l’aliment

L’intérêt pour un arôme peut être notablement modifié par la législation de l’aliment, en ce qui concerne la mention d’arôme, comme on peut le déduire des éléments ci-dessous :

1) Un État membre de la CE peut interdire la commercialisation sur son ter- ritoire sous une dénomination telle que vinaigre, yaourt, des denrées ali- mentaires ne répondant pas aux définitions spécifiques. Cependant, la

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règle issue de l’arrêt « Cassis de Dijon » entraîne la libre circulation d’une denrée fabriquée et commercialisée dans un autre État membre (Option qualité n° 89, pages 4 et 5).

2) Pour la Commission, « l’information du consommateur attentif… est suffi- samment assurée par la liste des ingrédients… » En exigeant une dénomi- nation de vente contenant une mention supplémentaire, précisant l’utilisation d’une substance particulière, on ne respecte pas le principe de libre circulation des marchandises (Option qualité n° 135, pages 7 et 8).

3) L’impossibilité légale de l’entrave à l’emploi des arômes dans tous les ali- ments, résulte du fait que « Les États membres ne peuvent se prévaloir de la composition... des arômes... pour interdire... la commercialisation et l’emploi des arômes conformes à la présente directive » (article 12 de la directive CEE 88/388).

4) Le principe de transfert des additifs ou du carry over (CODEX ALIMEN- TARIUS, 1995).

9.3 Toxicologie et Allergologie

Plusieurs aspects sont à prendre en compte :

– la notion de rapport de consommation ou consomption ratio and food pre- dominance of flavoring materials (STOFBERG, 1987) ;

– la notion de dose journalière autorisée (DJA). Par exemple, le monopropy- lène glycol (MPG) a une DJA-ADI de 0 à 25 mg par kg de poids, ce qui conduit en France à une teneur maximale dans les denrées de 2 g par kg (Option qualité, n° 138, page 9) ;

– l’aspect statistique : en Allemagne la consommation de MPA par habitant et par an serait de 8,5 g (lettre d’information de l’IOFI (International Organi- zation of the Flavor Industry) n° 761 du 20.10.88) ;

– l’isomérie optique : le rôle de l’isomérie optique est maintenant connu, en particulier depuis l’étude de MACHEREY et LHUGUENOT (1990) sur l’acide 2-phényl propionique (n° CEE 1016) ;

– l’isomérie isotopique : aucun élément n’est disponible à ce jour (Authentifi- cation des arômes : FAYET et al., 1997 et MARTIN et al., 1990).

9.4 Contraintes technologiques

Certaines contraintes complémentaires réorientent l’aromaticien lors de la création même de l’arôme.

– la concentration de l’arôme (arôme pour confiseries) ; – la miscibilité (arômes pour boissons, laits, huiles) ;

– la résistance à la courbe thermique (arôme subissant une appertisation) (Flaveurs et traitements thermiques, H. RICHARD et al., 1997) ;

– la stabilité dans l’aliment (apparition de couleur parasite dans les boissons à l’arôme coco, goût herbeux dans les confiseries à l’huile essentielle de menthe, Mentha arvensis, rectifiée, …) ;

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– la viscosité (arôme pour yoghourts) ;

– la présentation pulvérulente (arôme pour salaisons) ;

– les contraintes spécifiques au client (absence de citrate de triéthyle ou autres substances et additifs).

9.5 Fraudes

L’aromaticien peut rencontrer des difficultés majeures lors du contretypage d’un arôme de confrère par suite d’habitudes marchandes entraînant une dérive dans l’étiquetage de l’aliment, par exemple qualificatif Naturel employé abusivement.

Il peut parfois être confronté à des fraudes caractérisées qui constituent une tentative pour tromper l’analyste (les nouvelles possibilités de la RMN pour la caractérisation d’origine des arômes, MARTIN et al., 1990).

Certains laboratoires sont susceptibles de vérifier la naturalité d’un arôme.

La notion de critères de naturalité interviendra plus loin dans un cahier des charges réaliste pour l’arôme créé, que l’aromaticien pourra proposer à son

« client ».

10 – CHOIX DES MATIÈRES PREMIÈRES AROMATISANTES (MPA) EN VUE DE LA FORMULATION

Nous distinguerons le diagnostic portant sur les extraits, de celui portant sur les molécules, seraient-elles d’origine biosynthétique.

Le flavoriste va devoir effectuer un certain nombre de choix : – choix de l’aromate (exemple : bucchu, guarana) ;

– choix du procédé d’extraction.

10.1 Diagnostic sur l’intérêt d’utiliser une matière première naturelle Pour un aromate donné, par exemple cannelle ou badiane, et pour chaque type d’extrait (huile essentielle brute, rectifiée, déterpénée jusqu’au stade du cinnamaldéhyde ou encore huile essentielle de badiane avec sa fraction dérivée de l’anéthole et ses multiples sous-produits), il doit connaître l’incidence du procédé d’extraction sur la formulation (miscibilité, proximité gustative de l’aro- mate, puissance aromatique et coûts comparés).

Des tests gustatifs rapides sont réalisés aux dosages suivants :

– alcoolats et infusions : 5 pour mille en général dans de l’eau sucrée acidi- fiée, mais 10 pour mille dans le cas des infusions de fruits ;

– huile essentielle : on prépare des solutions à 1% dans l’éthanol 96,5 % (Volume), dont on utilise 2 à 5 pour dix mille dans de l’eau sucrée acidifiée ; – oléorésines : à partir de 20 g d’oléorésine, on réalise soit une poudre avec

980 g de sel ou de lactose, soit une solution dans un mélange éthanol/

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alcool benzylique, puis on prélève un pour mille que l’on disperse dans de l’eau salée chaude (0,5 pour mille pour les oléorésines capsicum, gingem- bre, poivre) ;

– jus ou infusions concentrées : on réalise une préparation à 2 pour mille dans l’eau sucrée acidifiée.

10.2 Diagnostic sur l’intérêt d’utiliser une substance « identique au naturel » ou artificielle

Le flavoriste doit pouvoir diagnostiquer s’il a intérêt à utiliser une matière aromatique identique au naturel ou artificielle. Pour cela, il réalise une enquête spéculative avant même de se procurer la MPA et parfois même sans possibi- lité concrète d’en disposer par la suite et aura recours à :

– une bibliographie à partir d’ouvrages généraux tels que l’ouvrage du TNO, Volatile compound in food (NIJSSEN et al., 1996) et celui d’ARCTANDER Per- fume and flavour chemicals (1969) ;

– la recherche des analogies de constitution chimique (série des furanones, série des pyrazines, hexane-2,3-dione et heptane-3,4-dione par exemple) ; – la découverte de constituants clefs dans un arôme type de la concurrence ; – un test gustatif rapide réalisé à partir d’une solution à 1 pour cent dégustée

à 0,5 à 1 pour mille dans de l’eau sucrée acidifiée peut être nécessaire ; exceptionnellement la solution sera à 1 pour mille ou dix mille pour les matières aromatisantes extrêmement puissantes, par exemple pour la série des pyrazines.

10.3 Obtention des MPA

Qu’elles soient naturelles ou de synthèse chimique, on peut se procurer les MPA de deux manières :

– soit par fabrication dans une usine européenne ou chez un partenaire exotique ;

– soit par achat à un courtier traitant avec le producteur (ce qui peut entraî- ner des aléas), à un confrère (éventuellement lointain), souvent même à un fabricant de chimie fine qui n’est d’ailleurs pas toujours au fait de la légis- lation de l’aromatique.

10.4 Identification et mémorisation

À partir des conclusions du diagnostic d’intérêt, des matières premières sont identifiées. Il est ensuite nécessaire d’acquérir la connaissance de leurs propriétés sensorielles, c’est toute la phase de mémorisation qui implique une méthode de travail rigoureuse. Pour cela, il convient d’inventer son système personnel de notation.

À ce sujet, les articles de JAUBERT et al. (1987a et b, 1990) sont de bonnes références méthodologiques. Puis, il est nécessaire de situer la matière pre- mière dans un ensemble par famille d’odeurs, par contraste et par volatilité, par la méthode J. CARLES (1961, 1962 et 1963) ou en se référant à l’ouvrage New

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Comprehensive Training Method de VIDAL (1989). Enfin, vous devez décrire par la mouillette les performances espérées, en formule, en précisant les différentes notes aromatiques découvertes, en top note et à l’évaporation et avancer des éléments quantitatifs en vue du premier essai. On notera très largement ses propres descripteurs en utilisant un vaste répertoire alphabétique (utiliser la nomenclature IUPAC sans oublier d’enregistrer les synonymes, 1979).

Malheureusement, il importe de mémoriser et donc de recommencer avec régularité. Vous pouvez utilement, car quelques aberrations se constatent, véri- fier le rapport étroit existant entre la voie directe (odeur) et la voie indirecte (rétronasale), par exemple sur des bourgeons de chrysanthème prisés comme condiments par les japonais ou sur du maltol.

11 – LES SIX PRINCIPAUX OBSTACLES DANS LA FORMULATION DES ARÔMES

11.1 Le réalisme méthodique

Contrairement à ce que l’on imagine parfois, la formulation d’un arôme n’est pas une activité artistique au sens moderne du mot. Nous avons pu guider dans le dédale mystérieux de l’aromatique, plusieurs équipes d’étudiants sans aucune expérience préalable dans ce domaine : il est clair que le succès en matière de création d’arômes passe par une méthodologie réaliste. Comme le dit fort bien E. GILSON (1937), « le premier pas sur la voie du réalisme est de s’apercevoir qu’on a toujours été réaliste », et ceci est singulièrement vrai dans l’expérience pédagogique de la formulation aromatique.

On peut être confronté à l’absence de matières premières aromatiques (MPA) spécifiques de l’arôme souhaité. À ce propos, aucun panel de dégusta- teurs entraînés ne saurait confondre une matière première aromatique avec une source d’arôme. Elle n’est pas un caractérisant. Ainsi, par exemple, le cacao se distingue facilement de l’infusion ou de l’alcoolat de cacao.

En corollaire, le travail de l’aromaticien est par principe laborieux.

Il est inexact de croire qu’il existe des matières premières, comme la vanilline ou l’eugénol, qui peuvent sans difficulté, remplacer la source d’arôme concernée.

Cette proposition est effectivement erronée si l’on fait véritablement réfé- rence à la source d’arôme ; mais la « déséducation » du consommateur est telle de nos jours, qu’il peut facilement admettre que vanilline = vanille.

Les solutions que l’on peut proposer sont celles des fabricants d’extraits et de molécules aromatiques et de toutes les écoles d’olfaction : procéder à un diagnostic d’intérêt puis identifier et mémoriser.

11.2 Les MPA ne sont pas vraiment identiques au naturel

Une matière première aromatique industrielle n’est pas toujours strictement identique à la substance présente dans le végétal source.

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La confusion proviendrait de la langue allemande où identisch signifie par- fois « similaire ». Une copie d’un tableau célèbre est réputée identisch.

L’identité aromatique supposée provient de la mise en avant de la seule for- mule chimique brute. Or les différences portent sur :

– l’isomérie optique ; – l’isomérie isotopique ;

– la pureté de la molécule et par voie de conséquence, sur la nature des autres composants (environ 2 % en poids).

Il est donc indispensable de ne pas oublier que cette non-identité constitu- tive se répercute au niveau olfactif et, bien entendu gustatif (sans parler de dif- férences éventuelles analytiques, toxicologiques, …)

À ce sujet, on peut citer plusieurs exemples : le citral ou le géranial ou le néral purifiés, l’acétate d’isoamyle, l’acétate d’isoamyle rectifié, le linalol de syn- thèse chimique et linalol extrait d’une huile essentielle, la frambinone de syn- thèse chimique et celle obtenue par biosynthèse.

Nous attirons l’attention sur le fait qu’il convient de ne pas ramener tout l’art de l’aromaticien, à la reconstitution d’un arôme à partir de données analytiques, mais qu’il est indispensable d’allier création olfactive et science de l’aromati- que. Enfin, signalons que l’intérêt des matières premières naturelles perdure puisque celles-ci comportent de véritables identiques au naturel (RICHARD et CHATAIGNER, 1992).

11.3 Absence d’odeurs primaires

Une matière première aromatique, même considérée comme fondamentale, n’est pas une odeur primaire susceptible d’être assemblée avec d’autres, comme on le ferait d’un puzzle. Aussi, toute démarche de formulation s’appuyant sur la logique formelle est vouée à l’échec.

Par ailleurs, il est faux de croire que des odeurs primaires en combinaison entre elles peuvent reconstituer toutes les autres.

Exemples :

Le jeu de Légo utilise une pièce de base qui est la brique de 8 (en fait il s’agit d’un petit parallélépipède comportant 8 plots) ; en assemblant plusieurs de ces briques et quelques pièces spéciales, on peut façonner de très nom- breux jouets.

À l’aide des différentes pièces d’un puzzle, on peut reconstituer de splendi- des tableaux (les pièces du puzzles sont différentes entre elles quant à l’aspect extérieur, mais elles ont la même structure dans le plan et le principe d’assem- blage est le même).

Contrairement au puzzle, l’assemblage des matières premières aromatiques en vue d’obtenir un bon arôme, est de nature différente, car dépendant de la perception physiologique des individus. En effet, une molécule aromatique agit sur plusieurs récepteurs moléculaires. Ces récepteurs-protéines sont portés sur des cils au nombre d’une vingtaine appartenant à une même cellule. Pour qu’il existe une odeur primaire, il faudrait qu’une molécule soit reconnue par un seul type de récepteur moléculaire ; en outre ce type de récepteur devrait être porté

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par une catégorie de cellules réceptrices qui n’en porteraient aucun autre (A. HOLLEY, 1987). Or, ce n’est pas le cas.

Au sujet de la perception olfactive, P. MAC LEOD (1992) écrit : « Tout ce que nous découvrons actuellement montre que l’information sensorielle olfactive est traitée... par la reconnaissance de formes. » Or le mot forme a deux sens :

– un sens trivial « configuration extérieure » ;

– un sens réaliste « structure interne de l’être » ou « principe de fonctionnement ».

Lorsque l’œil voit une personne, il n’en perçoit pas que la configuration exté- rieure comme ce peut être le cas pour une statue de marbre ou a fortiori dans une bande dessinée où serait représentée la même statue. Il en appréhende la forme. Il en est de même pour l’odorat.

S’il n’existe pas d’odeur primaire, il existe bien des odeurs-types. Comme il existe des visages caractéristiques dans la mémoire visuelle. Naturellement, il importe de bien les connaître, ce qui n’est pas en contradiction avec ce qui a été dit auparavant.

Le mélange de molécules aromatiques d’un extrait naturel donne naissance à une carte d’activité neuronale. « Mais cette image n’est pas la simple juxtapo- sition des images des constituants... Les cartes individuelles des constituants purs se recouvrent donc partiellement dans l’image olfactive du mélange naturel » (A. HOLLEY, 1987). En est-il de même dans un arôme que l’on aurait préparé au laboratoire en formulant des molécules au hasard, rien n’est certain.

« Le système par lequel les événements olfactifs s’inscrivent dans la mémoire est très fiable. C’est le système de relecture qui, lui, est souvent défaillant » (P. MAC LEOD, 1992). Et dans ce mécanisme, les associations peu- vent devenir très importantes ; ainsi une note de limette est parfois identifiée comme une note citron, à force de consommer dans les boissons actuelles le mélange des deux. Ceci ne serait pas arrivé voici quelques décennies...

Le cerveau est capable de faire des abstractions, en extrayant les éléments essentiels, sur une odeur de forme inconnue, dans le but de la constater sem- blable à une odeur déjà connue. Notre cerveau est donc susceptible de recon- naître des similitudes entre les odeurs. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’on puisse classer les odeurs, malgré tous les efforts fait en ce sens, comme on classe les différents ouvrages d’une bibliothèque.

Toutes ces remarques faites ci-dessus, apparemment très négatives, peu- vent néanmoins servir l’aromaticien dans son travail de formulation, par sa démarche fondée sur l’analogie.

L’analogie est l’intermédiaire entre l’univocité et l’équivocité. Par exemple, le mot chien peut désigner un animal ou une pièce mobile d’un fusil ; le terme chien est ici équivoque. Mais, le mot chien peut aussi désigner un caniche, un dogue, un pitbull ; le terme chien est alors univoque.

Ainsi lorsqu’on parle d’une note verte ou d’un arôme banane verte, nous utili- sons non pas une astuce de vocabulaire, mais simplement une notion analogique.

L’analogie constate un rapport vrai entre ce qu’elle relie, sans que pour autant ce qu’elle relie participe de la même manière à cette notion commune.

Par exemple, un bon rhizome frais de gingembre possède une note fraîche, très différente du gingembre séché ou confit. Analogiquement un alcoolat fabriqué

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sur des zestes frais de citron peut être également considéré comme frais. On imagine facilement un apport de ce type d’alcoolat dans une essence soluble de gingembre. Et de fait cela marche assez bien... À noter au passage que le mot frais utilisé ci-dessus ne l’est pas toujours dans un sens analogique.

La multiplicité des matières premières aromatiques disponibles dans une banque aromatique est une solution complémentaire. Cette multiplicité s’oppose à la réduction des gammes réclamée à corps et à cri par les gestionnaires. Or, la multiplicité permet de trouver plus facilement des visages caractéristiques ou simplement des similitudes (l’huile essentielle de calamus sentie pour la pre- mière fois, rappelle la pâte à pain en train de lever) en particulier dans la gamme des extraits naturels. Comme indiqué précédemment, l’extrait naturel engendre une forme susceptible de correspondre au morceau manquant du puzzle.

11.4 Les mêmes substances donnent des arômes différents

Dans la nature, les mêmes substances aromatisantes servent à élaborer des notes aromatiques très différentes. On remarque en effet que certaines substan- ces se retrouvent avec obstination dans des notes aromatiques fort lointaines (le linalol, pour ne citer que lui) mais dans des proportions fort différentes. Par exem- ple, dans Le nez des herbes et des épices (H. RICHARD et al., 1987), on trouve côte à côte la composition des huiles essentielles de citron et de citronnelle. À part la légère homonymie, les aromaticiens ne relient pas particulièrement entre elles ces deux huiles qui ont pourtant de nombreux constituants communs.

En réalité, si la nature formule bien avec les mêmes formes, celles-ci sont complexes et donc fort différentes d’hypothétiques odeurs primaires.

Aussi est-il indispensable de déterminer, par méthodologie expérimentale, l’accord correspondant à la note recherchée. En effet, le mélange de deux ou trois molécules aromatiques – qu’il faut distinguer ici soigneusement des extraits naturels – entraîne en première approche, par le jeu du plus ou du moins, quelques constatations : identification du constituant majoritaire, syner- gie éventuelle, note désagréable qui ressort, etc... Par pesées successives, on arrive à une juste combinaison appelée ACCORD (FENAROLI, 1978) qui envoie subitement à la mémoire olfactive le signal recherché, FRAISE par exemple.

Notons que le terme ACCORD est repris de l’historique de la parfumerie qui lui donne, elle, un sens différent, hédonique. J. CARLES (1961) écrit dans Recher- ches, qu’une discordance apparente entre deux produits peut disparaître, si le parfumeur ajoute un troisième produit agissant comme agent de liaison entre eux et rendant leurs odeurs compatibles. (Exemples : furanéol et cinnamate de méthyle (équilibre à 2 pour 8) ; furanéol, butyrate d’éthyle et cis-3-hexenol (dans le rapport 3, 3, 6)).

11.5 Pas de dégustateur standard

Le niveau limite de reconnaissance d’une substance aromatisante par voie rétronasale, est très variable selon les dégustateurs. Dit d’une autre manière, de nombreux consommateurs seraient atteints d’une certaine forme d’anosmie.

Ainsi, en utilisant un mélange de 1 ppm de vanilline et de citral (accord vanille – citron), certains sujets perçoivent la vanilline à 0,05 ppm et d’autres à 22 ppm.

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Nous constatons que cette thèse s’oppose à ce que nous savons des arô- mes des plantes et des fruits. En effet, tout consommateur semble percevoir la différence entre les cerises mûres (universellement appréciées) et les cerises vertes qui se vendent plus difficilement sur les marchés. Mais là encore la thèse porte sur des molécules isolées, obtenues par voie de synthèse chimique ou par biosynthèse, puis mélangées. Peut-on en déduire que la nature a trouvé un remède à notre malaise ?

Effectivement la nature utilise avec libéralité la redondance, par exemple pour obtenir la note verte d’une pomme.

Lorsqu’on voit des aromaticiens qui écartent certaines molécules jugées similaires en s’obligeant à un choix héroïque entre deux composés chimiques présentant des notes proches, on reste confondu.

On pourra également utiliser en direct les astuces de la nature, par l’emploi d’extraits naturels.

11.6 Le mélange industriel impossible

Les différentes matières premières aromatiques n’étant pas issues, par défi- nition, des mêmes schémas de production, elles ne sont ni solubles ni miscibles entre elles.

Le passage de la formulation en laboratoire, susceptible d’être reproduit indus- triellement, implique le traitement des matières premières aromatiques en raffinant l’extrait brut dans le but d’obtenir un extrait affiné (essence absolue, résinoïde lavé, huile essentielle soluble, rectifiée, déterpénée, infusion concentrée, etc.).

On utilisera également des procédés physiques de mélange comme l’homo- généisation.

Fréquemment, celle-ci sera combinée avec des apports de supports additifs, – soit comme « alourdisseur », telles les huiles bromées (non autorisées par

la CE) ;

– soit comme stabilisant, par exemple les gommes qui augmentent la viscosité ; – soit enfin comme émulsifiant, du genre polysorbates E432, E433.

Le flavoriste doit anticiper dans sa démarche initiale, les difficultés inhéren- tes au développement industriel de l’arôme, ce qui le conduira à de fréquents contacts avec le département de production. Lorsque l’échantillon en prove- nance du laboratoire R & D, agréé par le client, et la première livraison d’une même référence d’arôme se révèlent différents, lors du passage au contrôle qualité, on pourra utilement s’interroger : le sixième et dernier obstacle dans la formulation d’un arôme a-t-il été vraiment franchi par l’aromaticien ?

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