B RUNO L ECLERC
Sur le nombre d’éléments des niveaux des produits de chaînes et des treillis permutoèdres
Mathématiques et sciences humaines, tome 112 (1990), p. 37-48
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1990__112__37_0>
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SUR LE NOMBRE
D’ÉLÉMENTS
DES NIVEAUXDES PRODUITS DE
CHAÎNES
ET DES TREILLIS
PERMUTOÈDRES
Bruno
LECLERC1
RÉSUMÉ -
Les produits de chaînes comptent parmi les ensembles(partiellement)
ordonnés les plusfréquemment
rencontrés. Onrappelle,
avec des démonstrations en partie nouvelles, divers résultats exacts ouapprochés
sur les cardinaux de leurs niveaux et sur le nombre de ses niveaux de cardinal maximum. Unplongement
avec de bonnespropriétés
permetd’appliquer
ces résultats aux niveaux dupermutoèdre (ordre faible
deBruhat sur les permutations).
ABSTRACT - On the cardinalities of the levels of chain products and permutohedron lattices.
Cartesian products
of
chains are among themost frequently
considered(partially)
ordered sets. Several exact orasymptotic
results on the cardinalities of their levels, and on the numberof their
maximum cardinality levels, arerecalled. Several new
proofs
areproposed.
Anembedding
withgood properties
allows us toapply
these results tothe levels
of
thepermutohedron
(the so-called weak Bruhat order on permutations).1. INTRODUCTION
Pour c entier
quelconque
nonnégatif,
on noteLJ la
chaîne(ensemble
totalementordonné) 10
1 2 ...c}
à c+1éléments, qui
serontparfois
assimilés à des nombres entiers. Leproduit
de rn chaînes P =(ç,,+I)
x x ... x(.G:m.:tl)
est leproduit
cartésien des chaînes..., c~t+1.
On suppose sansperte
degénéralité
que chacune de ces chaînes a au moins deux éléments : ci > 1pour i
=1,
..., m. Soit je =(xl,x2,...,xm)
un élément deP,
avecjc~ E
ç~±1 ;
on poser(x) = L,i
xi. P estpartiellement
ordonné selon l’ordreproduit
usuel :pour deux éléments x =
(xl,x2,...,xm),
y =(y~,y2,...,y,~)
deP,
on a xy
si etseulement si xi _ yl, pour i
=1, ...,
m.Les
produits
de chaînes tiennent uneplace importante parmi
les ensembles(partiellement)
ordonnés finis couramment
considérés ;
donnons deuxexemples simples,
mais biendifférents,
de situations où ils
apparaissent :
- l’évaluation de candidats ou d’alternatives selon
plusieurs
critères totalement ordonnés revient à situer ces candidats dans un telproduit ;
b . CI C2 Cm ’ 1 .c . d 1
- pour un
nombre entier p = p i l p22
les facteurspremiers de p ;
letreillis des diviseurs de p, munis de l’ordre de
divisibilité,
estisomorphe
auproduit
de mchaînes
1 CAMS-EHESS, 54 bd
Raspail
75270 PARIS CEDEX 06Les résultats concernant ces ensembles ordonnés revêtent donc en
général
ungrand
intérêt.La
simplicité
de leur définition leur confère une structurerégulière, beaucoup plus simple a priori
que, parexemple,
celle du treillis despartitions,
ou celle du treillis des ordres totaux(treillis permutoèdre).
Ils constituent en fait une desgénéralisations
lesplus
immédiates des treillisbooléens,
dont ils conservent bon nombre depropriétés.
La
figure
1 ci-dessous donne lesdiagrammes
de Hasse desproduits 3 x -4 (a), 2 x ~ x 4 (b) et 2 x 2 x ~ (c).
Figure
1L’étude d’un
produit
de chaînesP,
et notamment l’obtention de sesparamètres,
n’estcependant
pastoujours
immédiate.Appelons
antichaîne de P tout sous-ensemble A de P dont les éléments sont deux à deuxincomparables,
et soita(P)
lalargeur
deP,
c’est-à-dire le cardinal maximum d’uneantichaîne ;
c’estaussi, d’après
le théorème deDilworth,
le nombreminimum de chaînes
requises
pourpartitionner
P. Pour toutentier t,
on définit de même unet-antichaîne comme un sous-ensemble
A,
de P dont auplus
t éléments sont deux à deuxcomparables
et le nombre de Dilworthat(P)
comme étant le cardinal maximum d’une t-antichaîne.Rappelons qu’un
ensemble ordonné P est ditrangé
s’il existe une fonction de rang entièrenon
négative
r sur P telle quer(x)
= 0 pour au moins un élément(minimal)
deP,
et que, six couvre y dans
P,
alorsr(x)
=r(y)
+ 1(on
dit que x couvre y siy
z x entraîney =
z).
Il est immédiat que si P est unproduit
de chaînes(cl
x(~2± 1 )
x ... x(~±1),
lafonction r définie
plus
hautpossède
bien cespropriétés : x
couvre y si toutes les coordonnées de x et de y sontégales,
sauf une pourlaquelle
on a xi = yi + 1. Pour Prangé
et x EP, r(x)
est le rang de x ; la hauteurh,
ouh(P),
de P est alors le rang maximum d’un élément dueP ;
parexemple,
pour unproduit
dechaînes,
on a h =El,.5jc. ci.
Pour tout entierk E
[o,h],
le niveauPk
de P est l’ensemble des éléments x de P tels quer(x)
= k. Onnote
nk
le nombre d’éléments deP.,
et onpose nk
= 0 pour tout entier k iÉ[O,h] ;
on pose aussi v = maxknk.
Une construction de De
Bruijn
et al.(1951) permet
de voirqu’un produit
de chaînes P estun ensemble ordonné "fortement de
Spemer",
c’est-à-dire queat(P)
estégal
au cardinal de la réunion des tplus grands
niveaux deP ;
enparticulier,
a = v. La détermination desparamètres at(P)
se ramène donc à celle des cardinaux des niveaux.Toutefois,
le calcul de cescardinaux, qui
se pose dans bien des contextes(statistique, analyse hiérarchique...),
n’est pasimmédiat ; ainsi,
Lerman donne dans son livre de 1981 une formuleparticulièrement compliquée
et
qui
est, enfait,
peu utilisable enpratique.
Un
problème
voisin est celui du dénombrement des niveaux de cardinal maximum(pour
lesexemples
de lafigure la, b,
c, il y arespectivement 2, 1,
et 3 telsniveaux) ;
sa solution n’a été donnéequ’assez tardivement,
et avec des démonstrations assezsophistiquées (Griggs 1984).
Le propos de cet article est de
présenter
ourappeler quelques résultats, peut-être
insuffisamment connus, sur la
distribution,
exacte ouapprochée,
des cardinaux des niveaux dans lesproduits
dechaînes,
enproposant parfois
de nouvellesapproches
pour leur obtention.Notre
point
dedépart
est une récurrenceélémentaire,
bien connue,permettant
le calcul des cardinaux des niveaux d’unproduit
de chaînes. Enreprenant
cette récurrence dans un cadre un peuplus général,
on réobtientd’abord,
par des moyens tout à faitélémentaires,
l’essentiel des résultats deGriggs
mentionnésplus
haut(théorème 5).
On s’intéresse ensuite au calculapproché
des cardinaux des niveaux
lorsque
le nombre de chaînes duproduit augmente.
Onapplique
unthéorème "limite-central" bien choisi pour donner une condition nécessaire et suffisante
particulièrement simple
pour que la distribution des cardinaux des niveaux tende vers la loi normale(théorème 6).
On retrouve alors une formuleasymptotique
due à Anderson pour le calcul de ceUn
plongement canonique
du treillispermutoèdre
dans leproduit
dechaînes 2
x~,
x ... x ~,établi par Le Conte de
Poly-Barbut (1990 -
cenuméro), permet d’appliquer également
cesrésultats à cet autre ensemble ordonné.
Le lecteur intéressé pourra trouver un
grand
nombre d’autres résultats sur lesproduits
dechaînes dans les livres de
Engel
et Gronau(1985, chapitre 3)
et de Anderson(1987, chapitre 4).
2. PRODUIT DIRECT D’UN ENSEMBLE
ORDONNÉ
ET D’UNECHAÎNE.
Dans ce
paragraphe,
nous considérons lasituation, plus générale
que celle del’introduction,
où l’ensemble ordonné P = P’ x
(~± 1 )
est leproduit
direct d’un ensemble ordonné P’ et de la chaîne Nous allons établir que certainespropriétés
de P’ se transmettent alors à P. Un élément de P est noté x =(x’~j),
avec x’ E P’et j
Eç~±1 ;
on retrouve le casprécédent
avec
Tout
d’abord,
supposons que P’ estrangé,
de fonction de rangr’ ; alors,
P est aussirangé,
sa fonction de rang r étant donnée parr(x)
=r((x’, j))
=r’(x’) + j
et son niveauP’x
étant l’ensemble{je’
E P’ :r’(x’)
=k };
la hauteur h de P est donc h’ + c, h’ étant la hauteur de P’. Soitn k
le cardinal deP k ;
on pose = 0 pour tout entier k e[0,h1.
PROPOSITION 1
(Folklore).
Les nombresnk
s’obtiennent en fonction des nombresn’t
parl’une ou l’autre des récurrences
équivalentes :
Preuve.
( 1 )
est immédiat àpartir
de =r’(x) + j ; (2)
en découle. aUne
interprétation
de ce résultat est de dire que lenombre nk
est une "somme mobile" au sens de la moyenne mobile de lastatistique :
c’est la somme de c + 1 termes consécutifs(certains pouvant
êtrenuls) parmi
lesn’i.
On dira que P est unimodal
(quant
auxrangs)
si la suite finie no, n1, n2, ..., nh est la concaténation d’une suite non décroissante no, ...,np
et d’une suite non croissantenp+1,
...,nh, et que P est
symétrique (quant
auxrangs)
si on a no =nh
n 1 = ... ~nk
=...
(la symétrie
ainsi définieimplique l’unimodalité).
Dès que lapropriété
d’unimodalitéest vérifiée par
P,
les niveaux de P decardinal
v sontconsécutifs ;
on note q le nombre deces
niveaux ; plus généralement,
pour tout ensemble ordonnérangé R, q(R )
sera lenombre de niveaux
de , R
de cardinal maximumv(R ).
On pose v’ = maxkn’k
=v(P ~
et soit
q’ = q(P’)
le nombre de niveaux de P’ de cardinal v’.PROPOSITION 2. Si P’ est unimodal
(resp. symétrique),
alors P est unimodal(resp.
symétrique).
Preuve. La suite des
nk
commence par être croissante : 1no
=n’ p ; n1 - no
= > 0.Supposons
que P’ est unimodal et soit i pourlequel
elledécroit,
c’est-à-dire que l’on ani+l - ni 0, donc, d’après (2),
>n’i+1.
Dans ce casn’~+1
nepeut
être que dans lapartie
décroissante de la suite desn k,
d’oùn’~+2 ~
°est encore dans la
partie croissante,
on an~+2 -
n’i-~ ~~ Sinon,
on a et doncn i+2 - n i+ i ~ 0 ;
, ces dernièresinégalités
restant vraies pour les différences de rangssuivantes,
la suitedes nk
ne peut seremettre à croître.
Si P’ est
symétrique,
on a :ce
qui
établit lasymétrie
de P. aOn s’intéresse maintenant au
nombre q
des niveaux de P de cardinal v. Les deuxpropositions
suivantespermettent
de déterminer cenombre,
connaissantq’
et c. Lapartie (i)
dela
proposition
4généralise
aussi l’un des résultats donnés dans le livre de Anderson.PROPOSITION 3. Si P’ est unimodal et si on a c
q’,
alors P aexactement q’ -
c niveauxde cardinal v ; on a de
plus
dans ce cas v =(c+ 1 ) v’.
Preuve.
Soit j
leplus petit
entier tel quenj
=v’ ;
avec cq’
et k telque j
+ c :9 kon a A
partir
de la récurrence(1),
il est clair que cette valeur est laplus grande
quepuisse
atteindre le cardinal d’un niveau de P. aPROPOSITION 4. On suppose que P’ est
symétrique
et que, deplus, n’k+1
=n’k implique
soit
n k = 0, soit n’k
= v’. Alors :(i)
de mêmeimplique
soitnk = 0,
soitnk =
v.’ (ü)
Si c >q’,
P a exactement un(pour
hpair)
ou deux(pour
himpair)
niveaux de cardinal maximum v.Preuve. Montrons d’abord la
partie (i). D’après
la récurrence(2), l’égalité nk implique
dans tous les cas :
si n’k+1 = 0,
on a aussin’~.=
0 pour tout iinférieur à k,
et doncsi on a
n’i
= v’ pour tout icompris
entre k - c etk+1,
et donc 1Supposons
quen"k.1 - n’Je implique
soitn’k = 0,
soit v’. Outre les casprécédents,
on ne
peut avoir, quand nk+1
=nk,
que k - c = h’ - k - l. Cequi signifie
que h = h’+ c estimpair
et que l’on a k =(h-l)/2
et k+ 1=(h+l)/2,
cequi,
avec lasymétrie,
entraîne bienn k+ 1 = n k = v.
Pour
(ii),
remarquons que,d’après
lasymétrie,
s’il y aplusieurs
niveaux de cardinal v, ilssont "centrés" autour de la valeur
h/2 = (~+~)/2 :
il y a donc unentier j
tel que l’on aj (h’+c)/2 (h’+ c)12,
etnj
= v.D’où nj
= tandis que, du faitque q’ _
c,on ne peut avoir
n’~+1=
v. Onapplique
alors lapartie (i) précédente,. a
3. CAS D’UN PRODUIT DE
CHAÎNES.
Les résultats
précédents s’appliquent
immédiatement à unproduit
de m chaînes P =x
(k2+1)
x ... x(on
pose dans ceparagraphe,
et seulement dans ceparagraphe,
c 1
>c~ >
... >cn).
Le niveau est de cardinal 1 si 0 _ k _ et de cardinal 0sinon ;
la récurrence de laproposition
1 permet de calculer les cardinaux des niveaux de(~l ±~
x(e2±1), puis
de ceux de x(ç2± 1 )
x(~3±D.
et ainsi de suite... tant que les nombres m etci’
i= 1,...,
m ne sont pastrop grands.
Demême,
lespropositions
2 à 4 ontpour
conséquence
le résultat suivant :THEORÈME
5(Griggs 1984, Engel
et Gronau1985)).
Soit leproduit
de chaînes P =(i)
P estsymétrique.
(ii) implique
soit nk =0,
soitnk
= v.(iii)
Si >c;,
leproduit
de chaînes P a exactement q =ci+1 - L2Sism ci
niveaux de cardinal v =
(ci+1) ; sinon,
P a deux niveaux de cardinal v si h estimpair
et un seul niveau de cardinal v si h estpair.
Preuve. Pour rn
= 1,
la chaîne£1+1)
estsymétrique
et vérifie la condition(ii) ci-dessus ;
àpartir
de laproposition
2 et de lapartie (i)
de laproposition 4,
on en déduit par récurrence sur m, enprenant
P’ _£1+1)
x(ç2+1
x ... x(~_i+1 ,
que Ppossède
ces mêmespropriétés.
Le cardinal maximum d’un niveau v = a est donc
égal
ành/2
si h estpair,
et à si hest
impair.
Le nombre de niveaux de cardinal maximum de la chaîne est
q(L:1ill = ci+1
> c2 ;d’après
laproposition 3,
on a doncDe
même,
sicl
+ 1-C2
>C3,
c’est-à-dire si cl + 1 > c2 +c3,
on a :et ainsi de suite tant
que c
+ 1 reste strictementsupérieur ci.
Mais si l’on a, par
exemple,
el +1 ~ c2
+c~, alors, d’après
lapartie (ii)
de laproposition
et on voit facilement que ceci entraîne
q(P) _
2. oExemples :
1)
pour m =3,
onpeut développer complètement
le calcul de v. On obtient :avec :
si
l est
impair.
1-
- -
Evidemment,
pour m =4,
la situation devientplus complexe...
2)
Nous dirons que P est un(m,c)-hypercube (on
ditaussi,
dans un certain contexte, unealgèbre
dePost)
sici = c2
= ... = cm = c ; pour c= 1,
la récurrence( 1 )
devientnk+1
=n’k + n’k+1 : c’est
celle des nombres binomiaux. Pour cquelconque,
les cardinaux des niveaux du(m,c)-hypercube
constituent unegénéralisation
de ces nombres. Parexemple,
pourc =
5,
le cardinal nk du niveauPk correspond
au nombre defaçons
d’obtenir le scorek+m,
en
jetant
m dés àjouer
du modèle ordinaire. La table suivante donne lesnombres nk correspondants
pour 1 ~ m _ 4 :Le
(m,c)-hypercube possède
deux niveaux de cardinal v si leproduit
mc estimpair,
unseul sinon.
3)
Leproduit
de chaînes éléments. La table suivante donne les nombres nkcorrespondants
pour 2 S m _ 5 :Certains lecteurs ont sans doute reconnu ce tableau de
nombres,
surlequel
nous reviendronsau
paragraphe
6 ci-dessous.4. APPRoXIMATION PAR LA LOI NORMALE.
Les résultats
précédents
ontpermis
d’établirquelques propriétés
de la suite desnk(P)
et deproposer un calcul de ces nombres par
récurrence,
au moins pour m pastrop grand.
Le calculdes
probabilités
fournit des outils efficaces pourl’approximation
du nombre d’éléments de P de rangcompris
entre deux valeurs données.On
s’occupe
ici de dénombrements et laprobabilité
que nous introduisons consistesimplement
à considérer que tous les éléments de P sont apriori équiprobables. Lorsque
xparcourt
l’ensemble des éléments deP, chaque
coordonnée xi est donc vue comme unevariable
qui prend
les valeurs0, 1,
..., ci avec la mêmefréquence 1/ ~.+1 , indépendamment
des autres variables
Xj’ j *
i. La variabler(x)
se trouve donc être une somme de m variablesindépendantes.
La moyenne
y
et lavariance Vi
de lavariable xi
sont celles de la loi discrète uniforme :La moyenne y et, du fait de
l’indépendance,
la variance V der(x)
s’obtiennent par sommation suri ;
nous notons sl’écart-type (racine
carrée de lavariance)
der(x) :
Quand m
augmenteindéfiniment,
la variable tend vers la loi normale(ou
loi deLaplace-Gauss),
de moyenne 0 et de variance1,
pourvu que la suite des variables(~=1,2,...
satisfasse les conditions de l’un des théorèmes "limite-centraux". En
fait,
nous pouvons donnerune condition
particulièrement simple,
nécessaire et suffisante pour avoir cette convergence.THÉORÈME
6. Une condition nécessaire et suffisante pour que la distribution de la variabler(x)
tende vers une loi normale de moyenne y et de variance V est :Preuve. Nous montrons essentiellement que
(5) équivaut
à la condition deLindeberg ( 1922 ;
cf.par
exemple
Feller1950, Hennequin
et Tortrat 1965 ou, pour l’énoncéseul,
Rouanet et Leclerc1970).
Dans le cas discretqui
nousintéresse,
cette conditionprend
la formesuivante,
danslaquelle
la seconde sommationporte
sur les valeurs de k :pour tout c >
0,
Dans le cas
général, (6) équivaut
à laconjonction
de troispropriétés : (i)
la convergence vers la loi normaleévoquée ci-dessus ;
La
propriété (ii)
est vérifiée dans le casqui
nous intéressepuisque,
du fait queci >_
1 pourtout
i,
V croît indéfiniment avec m. Lapropriété (iii)
est immédiatementéquivalente
à(5), qui
est donc une
conséquence
de(6).
Réciproquement,
si(5)
estvérifiée,
nous pouvonsprendre,
pour Equelconque,
mo suffisammentgrand
pour avoir2e, Ci/2,
pour tout i > mo.Alors,
la condition(6)
estvérifiée,
car elleporte
sur uneexpression
où la sommation sur i neprend
encompte,
pour m >_ mo,qu’un
nombre fini et décroissant avec m de termes non nuls.Enfin,
il est connu en théorie de l’addition des variables aléatoiresqu’en
l’absence de lapropriété (iii) ci-dessus,
on nepeut
avoir de convergence vers la loi normale de la variabler(x)
que si la variable xm tend elle-même vers la loi
normale,
cequi n’est,
parhypothèse,
pas vrai ici,.0Donnons une
interprétation géométrique simple
à la condition(5) :
on associe auproduit
dechaînes P un
parallèlotope rectangle
à rn dimensions dont leslongueurs
des côtés sont lesnombres ci ; alors
(5) équivaut
à ce que lerapport
de lalongueur
de tout côté àcelle, égale à
de la
diagonale
duparallélotope,
tende vers zéro.Le cas le
plus simple
où cette condition est vérifiée est celui où où les ci sont bornés(pour
tout i,
ci cfixé).
Une autre situation sera considérée auparagraphe
6.5. CALCULS
APPROCHÉS.
Rappelons
que la loi normale est définie par la densité Cette fonctionatteint son
maximum, égal
àpour 4
= 0. En tenantcompte
duparamètre d’échelle s,
etdu cardinal n de
P,
on retrouve une formuleasymptotique
pour v due à Anderson(1967) :
Dans le cas du
(m,c)-hypercube,
on obtient la formeparticulière (8)
ci-dessous :Soit
0(u) = f:,,,,f(4),d4
la fonction derépartition
de la loinormale,
etsoient j
etj’
deuxentiers tels que 0 On
approche
le nombre d’éléments de P contenus dans lesniveaux j à j’, inclus,
par laquantité :
En
particulier,
on obtient ainsi uneapproximation
du nombrea,(P).
Parexemple,
pour hpair
et t
impair,
onprend j
=(2h-t-l)/2 et j
~ _(2h+t+ 1 )~2 (le
lecteur trouvera aisément les valeursde j
etde j’ correspondant
aux autrescas).
Pour t
= 1,
on obtient ainsi uneapproximation,
par intervalles cettefois,
de v = a ; elleest en
principe plus précise
que celle donnée par(7).
Si P est telqu’aucun
des ci n’estsupérieur
ouégal
à la somme de tous les autres, onobtient,
si h estpair,
c’est-à-dire si seul le niveauh/2
est de cardinal maximum v :et si h est
impair,
c’est-à-dire si les niveaux maximum v :sont ceux de cardinal
Quand
P aplus
de deux niveaux de cardinal v,l’usage
del’approximation
normale n’estpas
raisonnable, puisque
cet usage est lié à lapropriété (5) ; d’après
le théorème5, si q
>2,
lemaximum des ci ne
peut
être considéré commepetit
devant la somme des autres.Exemples.
. Illustronsl’emploi
del’approximation
normale endonnant,
dans deux casparticuliers,
les valeurs exactes de v obtenues àpartir
de la récurrence(2)
et les valeursapprochées
obtenues àpartir
des formules(7),ou (8),
et(10) ;
on a utilisé la table de0(u)
durecueil de Abramowitz et
Stegun (1965).
Exemple 1)
P est le
(4,5)-hypercube :
n= 1296,
h =20 ;
on a v = 146.v =151 par
(8) [1"’erreur"
est d’à peuprès 3,4%]
et v 150 par(10) [2,7%].
Exemple 2)
v= 458 par
(7) [4,1%]
et v= 455 par(10) [3,4%].
Comme on
pouvait s’y attendre, l’approximation
normale est meilleure dans lepremier
cas,où les nombres ci sont
égaux ;
dans les deux cas, leparamètre
m est encoretrop petit
pourqu’elle puisse
être très bonne.6. APPLICATION AU
PERMUTOÈDRE.
Le treillis
permutoèdre Sm
est un sous-ordre couvrant, et conservant les mêmesniveaux,
duproduit
de chaînes2 x 3
x ... x m(Le
Conte dePoly-Barbut
1990 - cenuméro).
Lafigure
2 ci-dessous illustre cette
propriété :
le tracé dudiagramme
de Hassepeut
y êtrecomparé
àcelui du
produit
dechaînes 2 x 3 x 4
donné par lafigure
1(b).
Les cardinaux des niveaux du
permutoèdre Sm
sont donc les mêmes que ceux duproduit
dechaînes
correspondant. Ainsi,
une formule de récurrence donnée par Kendall(1962 ;
cf. aussiGuilbaud et Rosenstiehl
1963)
pour le calcul de ces cardinaux se retrouve enparticularisant
laproposition
1 au cas oùOn sait
que S2 et S3
ont deux niveaux de cardinal maximum(et S4
unseul). Alors,
pourm >
3,
lesinégalités
m - 1 ~: 2 ~q(Sm_1)
permettent de montrer parrécurrence,
en utilisant laproposition 4,
queSm
n’a pasplus
de deux niveaux de cardinal maximum.Les résultats du
paragraphe
4permettent
de retrouversimplement
despropriétés
connues ducoefficient T de corrélation des rangs de Kendall. Du fait des fortes
symétries
dupermutoèdre,
ladistribution de où
°1
et02
sont deux ordres totauxpris indépendamment
auhasard
équiprobable,
se ramène à celle det(0,01),
où 0 est l’élément minimum du treillispermutoèdre (l’ordre
total deréférence)
etOl
un ordre totalpris
au hasardéquiprobable,
etl’on a :
Figure
2La moyenne y et la variance V de la variable
r(01 ),
rang de01
dans le treillispermutoèdre Sm,
s’obtiennent alors immédiatement parparticularisation
des formules(4)
ci-dessus ;
on retrouve desexpressions
connues pouru et pour V(dans
l’article de Guilbaud etRosenstiehl,
unecoquille
s’estglissée
dansl’expression
de lavariance) :
L’expression (11)
de la variance a deuxconséquences. D’abord,
la formeasymptotique (7)
pour le cardinal maximum d’un niveau
prend l’expression particulière (12)
suivante :Ensuite,
il est intéressant de noterqu’elle
entraîne que la condition du théorème 6 estsatisfaite par le
produit
de chaînes 2 x~, x ...
x et ce bien que la suite des ci,qui
estexactement celle des m
premiers
entiers1, 2,
..., m,n’y
soit pas bornée. Nous venons donc d’obtenir une démonstration tout à fait différente de celle de Kendall(op.cit.)
de la convergencevers la loi normale de la distribution du coefficient c de corrélation des rangs
(sous hypothèse . "nulle",
c’est-à-dired’équiprobabilité),
un faitqui
est à la base d’un test nonparamétrique parmi
les
plus
connus.Terminons avec un
exemple analogue
à ceux de la fin duparagraphe
5 :m =
6 ; ci
=i,
pour i =1, 2,...,
~) 6(niveaux
dupermutoèdre S~),
d’où n = 7! =5040,
h = 21 et v =
573 ;
on obtient :v ~ 630 par
l’approximation (8) [9,9% d’erreur]
et v ~ 619 parl’approximation plus
fine(9’) [8,0%].
Ce cas où
ci
= i est assezdéfavorable,
car les nombresci
nepeuvent guère
être considéréscomme
proches
entre eux. On trouve dans les manuels destatistique
nonparamétrique
des tablespour le calcul du coefficient z
jusqu’à
m =40,
tableséquivalentes,
on l’a vuplus haut,
à cellesde la distribution exacte des cardinaux des niveaux du
permutoèdre Sm:
au delà de cettevaleur, l’approximation
normale est considérée enstatistique
commelargement
suffisante enpratique.
7. CONCLUSION
Comme il a été dit
plus haut,
si les résultats donnés ci-dessus ne sont pour laplupart
pas nouveaux, nous avons pu proposer pourplusieurs
d’entre eux des démonstrationsqui
nousparaissent originales. Ainsi,
la démonstration deGriggs
du théorème 5 ci-dessus repose sur le fait que lesproduits
de chaînes ont unepropriété, classique
en théorie des ensembles ordonnés mais assezsophistiquée,
ditepropriété
"LYM"(pour laquelle
on pourra à nouveau sereporter
aux livres de Anderson et de
Engel
etGronau,
ou à celui deBarthélemy
etal.1991 ).
La preuve deEngel
et Gronau repose,elle,
sur une récurrence sur m, mais nous semble néanmoins moins élémentaire que celle donnée ici. Notons queGriggs
montre aussi que,pour q É 2,
P eststrictement de
Sperner,
c’est-à-dire que les seules antichaînes de cardinal maximum sont desniveaux,
un résultat queEngel
et Gronau attribuent de leur côté à Cléments(1968).
Dans son
livre,
Andersonprécise
que la formuleasymptotique (8)
s’obtient"by using complex
variable methods". C’est bien cette démarche que l’on areprise
en utilisant le théorème deLindeberg, qui
se montre àpartir
des fonctionscaractéristiques (transformées
deFourier).
Cedernier n’est sans doute pas le
plus
connu des théorèmes limite-centraux et il nousparaît
intéressant d’en
signaler
uneapplication directe,
à la rencontre du calcul desprobabilités
et de lathéorie des ensembles ordonnés.
Par
ailleurs,
leplongement
dupermutoèdre
dans unproduit
de chaînesparaît
avoir un intérêtcertain. Il rend par
exemple
le calcul de la variance du coefficient c tout à fait immédiat.Retrouver la convergence vers la loi normale de la distribution des niveaux est moins
élémentaire, puisque
nous devons recourir au théorème deLindeberg.
Mais onpeut
noter que pour montrer cette convergence, Kendall utilise de son côté un autre résultatfort,
celui selonlequel
la convergence des moments entraîne celle en loi.Notons que nombre de
problèmes
résolus dans lesproduits
de chaînes ont pouranalogues
dans le
permutoèdre
desquestions
ouvertes. Leproblème
leplus
connu est de savoir siSm
estou non un ordre de
Sperner,
c’est-à-dire sil’égalité a(Sm)
=v(Sm)
est vraie pour mquelconque (cf. Griggs 1988).
On trouve en fait peu derenseignements
sur l’état de cettequestion
dans lalittérature ;
nous avons pu vérifier à la main queS5
estpartitionnable
enchaînes
symétriques,
donc fortement deSperner (la
même constatation est immédiatepour S3
etfacile pour
S4).
Onpeut
de la mêmefaçon
poser d’autresquestions
telle que la suivante : le cardinal maximum d’une antichaîne A deSm
"sanscompléments",
c’est-à-dire nepouvant
contenir simultanément un ordreO1
et son inverse est-iltoujours égal
à si h estpair
età
n(h+1 )~2
= v si h estpair ?
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