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Risques et responsabilité des banques et des négociants dans les opérations avec des trustees

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Risques et responsabilité des banques et des négociants dans les opérations avec des trustees

THÉVENOZ, Luc

THÉVENOZ, Luc. Risques et responsabilité des banques et des négociants dans les opérations avec des trustees. In: Journée 2000 de droit bancaire et financier . Berne : Stämpfli, 2001.

p. 151-176

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:9642

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Risques et responsabilité des banques et des négociants dans les opérations

avec des trustees

Luc Thévenoz'

Des actifs très importants soumis à des trusts de droit étranger sont déposés en Suisse, placés dans des valeurs suisses, gérés par un gérant suisse, ou encore nantis sous l'empire du droit suisse. On pense bien sûr aux nom- breux trusts privés ou familiaux qui sont mis en œuvre par la clientèle étran- gère - et même parfois par la clientèle suisse - à des fins de planification patrimoniale, successorale et fiscale. On oublie trop souvent les investis- seurs institutionnels étrangers, fonds de pension et fonds de placement or- ganisés sous cette fonne juridique. Si les premiers sont les plus nombreux, on estime que les seconds représenteraient jusqu'à 90% des actifs mon- diaux détenus in trust.

Ainsi et depuis longtemps, le trust comme institution et les trusts comme portefeuilles d'actifs à investir ne peuvent plus être ignorés par les ban- ques, les négociants et les gérants suisses. Depuis le milieu des années '90, ils sont même devenus un instrument de promotion de nos services finan- ciers auprès d'une clientèle privée étrangère qui ne se limite pas au monde anglo-américain. Le droit suisse interne ne connaît pourtant ni le trust anglo- américain, ni une institution véritablement équivalente'. C'est pourquoi, les intermédiaires financiers, les conseillers juridiques et fiscaux suisses proposent à cette clientèle de constituer un trust selon la loi d'un État qui connaît cette institution.

Cette loi peut être celle de l'État de résidence du settlor; on parle alors d'un trust onshore. Le plus souvent, c'est celle d'un autre État avec lequel

Professeur à l'Université de Genève, directeur du Centre d'études juridiques euroM péennes.

1 Sur les rapports entre fiducie et trust, cf. R. WAlTER, "Die Treuhand im Schweizer Recht", RDS 1995 Il pp. 179 55, 187 55, 217 ss; L. THEVENOZ, "La fiducie, cendrillon du droit suisse: Propositions pour une réfonne", RDS 199511 pp. 253 55,259 58, 313 55,350 5.;

F. GUILLAUME, "Incompatibilité du trust avec le droit suisse? Un mythe s'effondre", RSDIE 2000 pp. 1 55, 32-35.

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le settlor et les bénéficiaires n'ont pas de rattachement significatif. On parle alors de trusts offihore, ce qui évoque des paysages insulaires et souvent tropicaux.

L'intensité des contacts entre les intermédiaires financiers suisses et les trusts étrangers contraste avec les incertitudes qui subsistent encore quant à la reconnaissance de leurs effets dans l'ordre juridique suisse. Ces incer- titudes proviennent en particulier de ce que le trust ne fait pas l'objet d'une qualification autonome et de règles de rattachement spéciales dans notre droit international privé2• Dans deux arrêts importants mais antérieurs à la LOIP de 1987 - dans l'affaire de l'Emprunt Young en 19363 et dans l'af- faire Harrison en 19714 -le Tribunal fédéral avait retenu une qualification contractuelle des trusts inter vivos5 et en quelque sorte assimilé le trustee à notre fiduciaire, propriétaire erga omnes qui n'a d'obligations et de respon- sabilité qu'envers le fiduciant et d'éventuels bénéficiaires6.

Le principal inconvénient de cette qualification contractuelle, c'est qu'elle ne garantit pas que le fonds du trust sera, dans la mesure prévue par la loi qui le régit, traité comme un patrimoine séparé du patrimoine person- nel du trustee dans la faillite ou dans la succession de ce dernier. Cette fragilité patrimoniale fondamentale du trust assimilé à un contrat a depuis longtemps motivé la doctrine à proposer une autre qualification dans le système de notre droit international privél. Dans notre ordre juridique, la façon de former un patrimoine séparé consiste à créer une société ou une

2 Cf. récemment GUILLAUME (n. 1), pp. 24·30; P.P. SUPINO, Rechtsgestaltung mit Trust aus Schweizer Sicht, St. Gall (Dike) 1994, pp. 151 ss; T.M. MAYER, Die organisierte Vermogenseinheit gemiiss Art. 150 des Bundesgesetzes überdas Internationale Privatrecht - Unler besonderen Berücksichtigung des Trust, Bâle (Helbing & Lichtenhahn) 1998, pp. 69-189.

3 ATF 62 Il 40, JdT 19361552, Aktiebolaget Obligationsinteressenterc. Banque des règlements internationaux.

4 ATF 961179, JdT 1971 1329, obs. Reymond, ASDI 1971 p. 223 ob,. Vischer, JOI (Clunet) 1976 p. 695 ob,. Lolive.

5 Les trusts inter vivos (constitués par le settlor de son vivant) se distinguent des trusts dits testamentaires (dont la création résulte d'une disposition testamentaire et qui ne pren- nent donc effet qu'à la mort du settlor). Ces derniers doivent être qualifiés de disposition pour cause de mort et ressortissent à (a loi applicable à la succession du settlor, cf.

L. THÊVENOZ"Trusts en Suisse: adhésion de la Suisse à la Convention de La Haye sur les trusts et codificotion de lofiducie, Zurich (Schulthess) 2000, ch.p. IV.B.

6 Dans le même sens: D. DREYER, Le trust en droit suisse, Genève (Georg) 1981, p. 115 55.

7 Voir les observations de Lalive, Reymond et ':ischer sur l'arrêt Harrison (n. 4), qui faisaient notamment suite à A.F. SCHNtTZER, "Die Treuhand (der Trust) und das interna- tionale Privatrecht", in Gediichtnisschrift Ludwig Marxer, Zurich (Schulthess) 1963, pp. 53-113.

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autre personne morale telle qu'une fondation, dont les buts d'ailleurs rap- pellent souvent ceux d'un trust.

Le législateur a suivi ces appels en assimilant les "patrimoines organi- sés" aux sociétés dans le chapitre IOde la loi fédérale sur le droit interna- tional privé du 18 décembre 1987 (LOIP). Cela permet d'appliquer aux trusts présentant un certain degré d'organisation les règles de compétence et de rattachement relatives aux sociétés. Quel est cependant le degré d'or- ganisation nécessaire à réaliser un "patrimoine organisé" au sens de l'art. 150 al. 1 LOIP? La loi ne le dit pas. La doctrine est divisée: certains estiment que tout trust volontaire devrait se voir appliquer les règles du chapitre 10, que ce soit à titre de patrimoine organisé au sens de l'art. 150 ou par com- blement d'une lacune de la loiS. VISCHER, von PLANTA et EBENROTH/MESSER excluent toute réponse a priori et estiment que le degré d'organisation doit être apprécié in concreto9• Les juridictions zurichoises ont retenu cette qua- lification pour le trust constitué selon le droit de Jersey par Werner K. Rey pour servir de holding au groupe Omni 10. Dans un récent arrêt publié, le seul depuis l'entrée en vigueur de la LOIP, le Tribunal fédéral semble se satisfaire d'un degré d'organisation assez faiblell

Une fois retenue cette qualification "sociale" (au sens du droit des so- ciétés plutôt que de la sécurité sociale!) dans un cas d'espèce, il faut encore vérifier quels effets du trust statués par la loi qui lui est applicable sont effectivement reconnus par l'ordre juridique suisse. On espère que c'est le cas du principe que le fonds du trust (les biens faisant l'objet du trust, dont le trustee est propriétaire) est séparé du patrimoine personnel du trustee, mais cette proposition reste à tester dans les procédures d'exécution forcée soumises à la législation suissel2 • La notion qui nous est familière de patri- moine social, distinct du patrimoine personnel des associés et des organes, peut être appliquée aux actifs et passifs du trust, qui forment également un patrimoine séparé des patrimoines personnels du trustee, du settlor et des

8 F.E. KLEIN, "Die gesellschaftsrechtlichen Bestimmungen des IPRG", SIM 1989 pp.

359 ss, 362; MAYER (n. 2), pp. 103-137; B. BARTHOLD, Aussonderung von Treugut lm schwelzerischen Partikularkonkurs, Zurich (Schulthess) 1997, pp. 154-158 (pour les trusts américains).

9 IPRG-VISCHER (1993) Art. 150 N. 15; IPR·von PLANTA (1996) Art. 150 NN. 12 &

13; C. EBENROTH / U. MESSER, "Das Gesellschaftsrecht im neuen schweizerischen IPRG", RDS 1989 1 pp. 49 ss, 66·70.

10 Cf. ZR 1999225 n" 52, sous B.1, p. 229.

Il ATF du 3 septembre 1999, G. c. C. Trust Co. (J&sey) Lld, SJ 2000 1 269.

12 Cf. l'affaire Cortrust, qui a fait l'objet de nombreuses décisions en droit des poursuites sans avoir jusqu'ici abouti à une solution définitive.

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bénéficiaires. La qualification sociale des trusts semble donc garantir une caractéristique essentielle et décisive des trusts.

C'est ici un autre effet caractéristique des trusts qui va principalement nous occuper: le droit des bénéficiaires de rechercher en mains de tiers des biens soumis au trust que le trustee aurait aliénés en violation de ses de·

voirs (tracing the trust assets), voire d'invoquer la responsabilité de ces tiers en tant que constructive trus/ees.

I. La position des tiers: tracing the assets et constructive trust

Lorsqu'un trustee agit en violation de ses obligations, il engage sa respon·

sabilité envers les bénéficiaires du trust. Ceux·ci peuvent agir contre le trustee et exiger de lui qu'il indemnise le fonds du trust du dommage qu'il lui a causé13 Dans le cadre de la LOIP actuelle, cette responsabilité est soumise à la loi applicable au trust, et ce résultat ne change pas suivant que l'on qualifie le trust comme un patrimoine organisél4 ou comme un simple contrat. La Convention relative à la loi applicable au trust et à sa reconnais·

sance, signée à La Haye le 1" juillet 198515, confirme ce rattachementl6 • La loi du trust reste applicable à cette responsabilité même si le comportement du trustee est constitutif d'un acte illicitel7 .

Si l'analyse s'arrêtait là, il n'y aurait pas de quoi inquiéter les tiers, et notamment les cocontractants du trustee ou les dépositaires de biens en 13 Cf. art. V (5) des Principes de droit européen du trust, inPrinciples of European Trust Law, ed. by DJ. Hay ton, S.CJJ. Kortmann, H.L.E Verhagen, La Haye (Kluwer Law In- ternational), Deventer (W.E.J. Tjeenk Willink) 1999:

14 Art. 155 lit. f LDIP: "rapports internes", Le ratta'chement spécial au droit suisse pour la responsabilité à raison des activités en Suisse ou à partir de la Suisse d'une société étrangère ne concerne que la protection des tiers (IPR-vonPLANTA Art. 159 N. Il), ce que les bénéficiaires d'un trust ne sont pas.

15 Actuellement en vigueur entre l'Australie, le Canada, la Chine (pour Hong-Kong), l'Italie, Malt.e, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, la Convention a également été signée par Chypre, les Etats-Unis d'Amérique, la France et le Luxembourg. Une ratification est envi- sagée à brève échéance par ce dernier. Le texte de la'Convention et l'état des ratifications peuvent être consultés sur le site Internet de la Conférence de La Haye de droit internatio- nal privé (www.hcch.nel). Les textes originaux français et anglais, ainsi que la traduction allemande établie par le Ministère allemand de la j'ustice, sont également reproduits in

THEVENOZ (n. 5). .

16 Art. 8 al. 2 lit. g de la Convention.

17 Art. 133 al. 3 LOIP.

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OPERATIONS AVEC DES TRUSTEES 155

trust. À la différence cependant de ce que nous connaissons en matière de contrat ou de société, le droit classique du trust affecte la position juridique des tiers qui traitent avec un trustee agissant in breach of trust. Pour l'essentiel, ces tiers sont exposés à deux sortes de prétentions des bénéfi- ciaires:

10 Dans la mesure où ils ont reçus un bien du trust qui leur a été remis ou aliéné par le trustee en violation de l'acte de trust ou de la loi applicable au trust, ils sont exposés à un droit de suite, une action in rem qui porte sur la chose elle-même, ses revenus, ses accroissements, son produit de réalisa- tion ou ses valeurs de remplacement. Les valeurs qui sont l'objet de cette restitution sont identifiées par un processus appelé tracing the assets qui obéit à des règles complexes. Cette forme de responsabilité n'exige aucune faute de la part des tiers. On peut donc comparer le tracing à notre enrichis- sement illégitime, sauf que le tracing est plus exigeant que nos propres règles sur la preuve du lien nécessaire entre la valeur à restituer et la chose initialement remise. Même s'il permet de suivre la chose dans les mains du cocontractant du trustee comme de tout acquéreur ou possesseur ultérieur, le tracing connait des limites précises. En particulier, il cesse aussitôt que la chose a été acquise de bonne foi en échange d'une contre-prestation ap- propriée. Le bonafide purchaser for value without notice, c'est-à-dire l'ac- quéreur à titre onéreux qui ignore que la chose acquise a été soustraite au fonds du trust en violation des devoirs du trustee est protégé, de même que tout acquéreur subséquent. En outre, le défendeur au tracing peut faire va- loir d'autres moyens de défense, dont la dissipation de bonne foi de son enrichissement ou encore la prescription extinctive1S

20 Les tiers sont également exposés à un deuxième groupe de prétentions tendant à l'indemnisation du dommage causé au fonds du trust. Il s'agit cette fois d'une action in personam, qui peut être exercée contre celui qui n'a jamais reçu de bien du trust ou qui n'en est plus enrichi. À la différence du tracing toujours, cette responsabilité est fondée sur une faute qualifiée.

La simple ignorance fautive d'une participation à un breach of trust ne suffit en principe pas: il faut une mauvaise foi qualifiée. En droit du trust, cette responsabilité procède d'une assimilation du tiers fautif à un trustee.

Parce qu'il s'est fautivement immiscé dans ·Ies affaires du trust ou parce

18 Sur le tracing, cf. surtout art. VUI des Principes: de droit europeen du trust (n. 13);

UNDERHILL / RAYTON, Law Relating 10 Trusts and T~tees, Ise ed., Londres (Butterworths)

1995, Art. 104 p. 916 ss; A.J. ÜAKLEY, Parker and Mellows: The Modern Law of Trusts, 7' éd., Londres (Sweet & Maxwell) 1998, pp. 710-743; G.T. BOGERT, Trusts, 6' éd., St.

Paul (West Publishing) 1987, §§ 161-165.

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qu'il a fautivement contribué à un breach of trust, le tiers devient un cons- tructive trustee: il est traité comme un trustee. Sa responsabilité est aussi étendue que celle d'un trustee. Son obligation d'indemniser est indépen- dante de l'enrichissement qu'il a ou n'a pas retiré de la transaction'9

Cette distinction entre restitution et responsabilité, entre tracing the trust assets et constructive trust étant ainsi très sommairement posée, nous allons examiner si et dans quelle mesure un intermédiaire financier localisé en Suisse est exposé à de telles prétentions lorsqu'il entre en relation d'af- faires avec des trustees ou lorsque ses services concernent des biens faisant l'objet d'un trust. À l'évidence, la réponse à cette question est intimement liée à la qualification du trust selon notre droit international privé.

a) La qualification contractuelle, inspirée de notre propre fiducie, est bien sûr la plus favorable aux tiers, qui sont étrangers aux obligations du trustee envers les bénéficiaires et ne sont donc en principe pas concernés par leur violation. Dans le système des droits réels suisses, le trustee est le seul propriétaire des actifs. S'il y a plusieurs trustees, ceux-ci doivent être assi- milés à des propriétaires en main commune sur la base d'une communauté que la loi applicable au trust crée entre les trustees. Or un propriétaire a en principe un plein pouvoir de disposition. Donc, lorsque ses actes de dispo- sition sont soumis au droit suisse parce que les biens sont localisés en Suisse (art. 100 al. 1 LDIP), ces actes de disposition sont efficaces même si le trustee est, peut-être, en train de violer ses devoirs de trustee20 La qualifi- cation contractuelle écarte en principe le risque qu'un juge suisse, appli- quant le droit international privé suisse, reconnaisse aux bénéficiaires un droit de suite en mains de tiers. Il faut réserver, bien sûr, l 'hypothèse où le

19 Sur la responsabilité du constructive trustee, cf. surtout UND ER HILL / HA YTON (n. 18), Article 103 pp. 911-916; BOGERT (n. 18), § 167; Restatement of the Law Second: Trusts (1959), §§ 283 ss ("Transferees ofTrust Property") et §§ 321 ss ("Parlicipation in Breach of Trust Otherwise Than by Receiving Transfer").

20 THÉVENOZ (n. 1), pp. 334-338; D. ZOBL, Berner Kommentar, t. IV 2/5/1: Das Fahrnispfand, 2e éd., Berne (Stampfli) 1982, Syst.·Teil N. 1427 avec références. Quel.

ques auteurs proposent néanmoins de voir dans le fiduciaire un propriétaire au pouvoir de disposition limité; les acquéreurs seraient alors protégés seulement si l'acte de disposition entre dans les pouvoirs du fiduciaire ou s'ils ignoraient de bonne foi l'absence de ces pouvoirs (art. 933 CC), cf. WATTER (n. 1), pp. 232-235; OFTINGER 1 BÀR, [Zürcher]

Kommentar zum schweizerischen Zivilgesetzbuch, 't. IV 2 b: Das Fahrnispfand, 3e éd., Zurich (Schulthess) 1981, Art. 933 N. 57. Indécis: ATF 91 III 104 consid. 6, JdT 1966 Il 44,48.

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comportement des tiers constitue un acte illicite ou une participation à un acte illicite du trustee qui viole ses devoirs21 .

b) Le problème se pose tout différemment si le trust in casu doit être assimilé à un patrimoine organisé au sens des art. 150 ss LOIP. Dans l'ana- logie imparfaite entre trust et société ou patrimoine organisé, les biens en trust sont le patrimoine social, et le (ou les) trustee(s) sont les organes so- ciaux. Or l'art. 155 lit. i LOIP dispose que la loi applicable au trust régit, notamment, "le pouvoir de représentation des personnes agissant pour [le trust], conformément à son organisation." Certes, selon les principes du droit du trust, un trustee n'est pas un représentant du trust; il en est le titu- laire juridique au bénéfice de tiers. Mais puisque le trust est inconnu comme tel de notre droit international privé et que doctrine et jurisprudence l'assi- milent aux sociétés et patrimoines organisés, cette qualification, qui pro- tège les bénéficiaires contre la faillite du trustee (vu comme un simple or- gane), les protège aussi contre les actes de disposition in breach of trust (analysés comme excès ou abus du pouvoir de représentation).

Dans le contexte de la responsabilité des tiers, faut-il assimiler le trustee au propriétaire du droit suisse ou à l'organe du patrimoine organisé qu'est le trust? Peut-on promouvoir activement la deuxième qualification pour assurer l'immunité des avoirs en trust contre les créanciers des trustees et revenir à la première chaque fois que la responsabilité des tiers est envisa- gée? Vous admettrez que la question se pose et qu'elle représente pour les intermédiaires financiers suisses un risque significatif, un type de respon- sabilité dont ils ne sont peut-être pas familiers. Cela ne veut pas dire que c'est un risque ingérable, bien sûr, puisque tous les établissements anglo- saxons le gèrent quotidiennement. Mais leur organisation et leurs procédu- res, s'agissant de trusts, existent depuis toujours pour gérer ce risque. Ce- lui-ci appartient à leur culture juridique et patrimoniale; il est inhérent à leur manière de penser et d'agir. Sans peindre le diable sur la muraille, je ne pense pas que l'on puisse en dire autant des établissements suisses.

Notre loi fédérale de droit international privé, telle qu'elle existe aujourd'hui, crée donc ici un risque significatif dont nous ignorions l'éten- due et les caractéristiques. À ce jour, je ne connais pas de jurisprudence

21 Art. 43 al. 1 CO: "Le juge détennine le mode ... de la réparation ... ". Cf. THEVENOZ

(n. 1), p. 337; K. OFTINGER / E.W. STARK, Schweizerisches Haflpflichtrecht, t.1, 5' éd., Zurich (Schulthess) 1995, pp. 101-103. E.g. (hors fiducie): ATF 10011134 consid. 6d.

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publiée où il ait été examiné. Et la doctrine est sur ce chapitre d'un silence extraordinaire22, qui fait penser qu'elle ne l'a pas vu.

e) La question se posera différemment lorsque la Suisse aura ratifié la Convention de La Haye sur la loi applicable au trust et sa reconnaissance du 1 or juillet 198523 . Cette ratification, qui est actuellement discutée au sein de l'Office fédéral de la justice et dont les conséquences et les modalités ont maintenant été examinées en détail24, introduira dans le droit interna- tional privé suisse une qualification autonome des "trusts créés volontaire- ment et dont la preuve est apportée par écrit." Ces trusts bénéficieront de règles de rattachement qui leur sont propres et leurs effets seront reconnus dans l'ordre juridique interne dans les limites assez précisément énoncées par la Convention elle-même.

La disposition conventionnelle qui nous intéresse ici est l'art. Il, en tête du chapitre III.

CHAPITRE III - RECONNAISSANCE

Article 11

1 Un trust créé confonnément à la loi détenninée par le chapitre précédent sera reconnu en tant que trust.

2 La reconnaissance implique au moins que les biens du trust soient distincts du patrimoine personnel du trustee et que le trustee puisse agir comme demandeur ou défendeur, ou comparaitre en qualité de trustee devant un notaire ou toute personne exerçant une autorité publique.

3 Dans la mesure où la loi applicable au pust le requiert ou le pré- voit, cette reconnaissance implique notamment:

a) que les créanciers personnels du trustee ne puissent pas saisir les biens du trust;

b) que les biens du trust soient séparés du patrimoine du trustee en cas d'insolvabilité ou de faillite de celui-ci;

22 Ni MAYER (n. 7) ni L1MBURG / SUP[NO, "Disputes Involving Trusts: The Swiss Pers- pective", in Disputes InvoJving Trusts, Munich (Beek), Bâle (Helbing & Lichtenhahn)

1999, p. 191 ss, n'examinent ce problème. SUPINO (n. 2), p. 63 mentionne le problème en passant sans s'interroger sur sa reconnaissance par le droit international privé suisse.

23 Cf. supra note 15.

24 Cf. THÉVENOZ (n. 5).

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OPÊRATIONS AVEC DES TRUSTEES

c) que les biens du trust ne fassent pas partie du régime matrimonial ni de la succession du trustee;

d) que la revendication des biens du trust soit permise, dans les cas où le trustee, en violation des obligations résultant du trust, a con- fondu les biens du trust avec ses biens personnels ou en a disposé.

Toutefois, les droits et obligations d'un tiers détenteur des biens du trust demeurent régis par la loi déterminée par les règles de conflit du for.

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Ainsi, la Convention n'élimine pas le risque qui nous intéresse. Par son article Il, al. 3 lit. d, elle le limite et le circonscrit en prescrivant la reconnaissance du droit de suite ("revendication"), mais non d'une respon- sabilité additionnelle des tiers, et en prévoyant un régime spécial pour les

"simples" dépositaires des biens du trust. Le risque d'une responsabilité des intermédiaires financiers suisses envers les bénéficiaires se trouve li- mité, mieux précisé et devrait donc être plus facile à gérer.

Certes, on pourrait envisager la parade de l'autruche, où l'intermé- diaire financier se plonge la tête dans le sable pour ignorer que son co- contractant agit en qualité de trustee. Mais le peut-il? Le devoir de vigi- lance imposé par l'art. 305te; du Code pénal suisse et par la loi sur le blanchiment d'argent de 198725 ne lui permet bien Sùf pas de se fermer les yeux à ce propos. Nous commencerons donc par examiner brièvement l'iden- tification du cocontractant et des ayants droit économiques (II).

Nous étudierons ensuite de plus près deux opérations bancaires carac- téristiques, le décaissement des avoirs du trust (III) et la prise d'un gage sur ceux-ci (IV). Nous y verrons quelle est la nature exacte du risque qui nous préoccupe aujourd'hui. La même analyse s'applique mutatis mutandis aux autres opérations bancaires et financières (V).

En revanche, nous n'examinerons ici ni là responsabilité du trustee, ni la responsabilité de celui qui conseille son client dans la mise en place d'un trust.

25 Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur finan~

cier du 10 octobre 1997 (LBA), RS 955.0.

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160 LUC THÉVENOZ

II. Ouverture de la relation d'affaires

Si le trustee peut exceptionnellement être l'un des bénéficiaires du trust, il n'en est jamais le seuF6. Par définition, le trust dissocie la titularité juridi- que du patrimoine de son bénéfice économique. Il représente donc un cas d'école pour l'exercice du devoir de vigilance des intermédiaires financiers en imposant de distinguer clairement le cocontractant des ayants droit éco- nomiques.

A. Identification du trustee en tant que cocontractant

Même s'il a souvent certains caractères d'une entité juridique et que la langue courante tend à le personnaliser, le trust n'a pas la personnalité juri- dique. Il n'est pas un sujet de droit, mais un patrimoine dont la propriété appartient au(x) trustee(s) pour le bénéfice de tiers, les bénéficiaires. Un trust ne peut pas être le titulaire d'un compte ou d'un dépôt27; les avoirs en compte appartiennent au trustee et font partie de ce que l'on appelle le fonds du trust. Ainsi, le client de la banque ou du négociant est le trustee.

Lorsqu'il y a plusieurs trustees, la loi applicable au trust prévoit générale- ment que ceux-ci prennent leurs décisions à l'unanimité et qu'ils sont col- lectivement les propriétaires du fonds du trust. En principe, ils doivent donc figurer conjointement et solidairement comme les titulaires du compte ou du dépôt.

Ce qui précède n'impose pas encore de règle stricte pour le libellé des comptes concemés. Si le ou les titulaires du compte sont correctement iden- tifiés, le choix du libellé est affaire de convenance. Le compte peut ainsi s'appeler "T, en tant que trustee du Trust Y" ,ou plus simplement "T en tant que trustee" ou encore 'Trust Y". Les deux premières formules correspon- dent à la pratique anglo-américaine. Elles ont le mérite de toujours rappeler que le trustee est le client de la banque, et que sa qualité de trustee appelle certaines précautions postérieurement à la création de la relation d'affaire.

26 Ce principe tout à fait général du droit des trusts est affinné à l'art. J (2) des Principes de droit europeen du trust (n. 13).

27 On rencontre cependant de véritables sociétés He capitaux qui comprennent le mot

«trust" dans leur raison sociale. Comme toutes autres, ces sociétés ont en principe la per- sonnalité juridique et peuvent donc être titulaires de comptes ou de dépôts.

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OPÉRATIONS AVEC DES TRUSTEES 161

On relèvera encore que l'identification du trust dont les avoirs sont déposés (par exemple par une "rubrique") correspond à une règle essen- tielle, à savoir que tout trustee doit en principe détenir séparément les avoirs des différents trusts pour lesquels il agit. À moins que cela ne soit permis par l'acte de trust ou par la loi applicable au trust, un trustee ne peut pas mêler les actifs de plusieurs trusts, même si c'est pour réaliser des écono- mies de frais ou améliorer leur diversification par une gestion collective.

B. Identification des ayants droit économiques

À moins que le contraire ne lui soit expressément imposé par les clauses d'un trust secret, tout trustee doit s'identifier comme tel dans la gestion du fonds du trust, qu'il a l'obligation de conserver séparément de son patri- moine personnel. Ce faisant, il donne à connaître à son cocontractant qu'il agit pour le compte d'ayants droit économiques, qu'il n'est en soi pas tenu d'identifier.

Même lorsque le trust est secret ou que le trustee, pour toute autre raison, cache le fait qu'il n'agit pas pour son propre compte, l'intermé- diaire financier peut généralement reconnaître, ou à tout le moins conce- voir un doute à ce propos. Il doit alors requérir du premier une déclaration écrite2'.

Si c'est une obligation de la banque d'exiger de son client qu'il rem- plisse le formulaire A, c'est d'abord la responsabilité du client de le rem- plir. La banque ou le négociant a cependant l'obligation de vérifier la plau- sibilité des informations et de refuser un formulaire dont les indications ne lui paraissent pas conformes à la vérité29•

Avec quelle précision les ayants droit économiques doivent-ils être iden- tifiés? À titre d'illustration, on rappellera les précautions que la Conven- tion de diligence 199830 impose aux banques et aux négociants31 dans leurs

28 Art. 4 al. 1 lit. a et b LBA.

29 Chiffre 25 CDB 98.

30 Convention relatÎve à l'obligation de diligence des banques du 28 janvier 1998 (BF 45-22), ci-après "CDB 98".

31 La Convention de diligence fait partie des textes que la Commission féderale des ban- ques a étendus aux négociants, cf. annexe 1 à la circ·p.laire 96/3: Règles de comportement de l'ASB pour lesquelles l'institution de révision doit vérifier qu'elles sont respectees par les banques et les négociants en valeurs mobilières (BF 31A-14a), au ch. 14.

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relations d'affaires avec les trustees. Ce dispositif a directement inspiré l'art. 18 de l'ordonnance du 25 novembre 199832 qui détermine les obliga- tions des autres intermédiaires financiers ainsi que les règlements des di- vers organismes d'autorégulation33 .

Le ou les bénéficiaires sont parfois identifiés individuellement dans l'acte de trust (le trust deed). Plus fréquemment, ils sont désignés par classe (les petits-enfants du settlor, les employés de telle société, les investisseurs ayant fait des apports au trust), de sorte que leur identification individuelle peut être difficile et changer fréquemment.

En matière de trusts, la CDS distingue essentiellement entre ceux qui disposent de locaux et de personnel propre dans leur juridiction d'origine pour accomplir une activité commerciale ou industrielle d'une part, ceux qui ne réalisent pas cette double condition de l'autre34.

La première catégorie comprend les business trusts et surtout les fonds de pension et de placement ayant la forme juridique d'un trust. Pour ces derniers, les investisseurs doivent être identifiés individuellement comme ayants droit économiques lorsqu'ils ne sont pas plus de vingt;

dans le cas contraire, seuls les investisseurs ayant droit à 5% au moins des valeurs patrimoniales déposées doivent l'être35 •

La deuxième catégorie est assimilée aux sociétés de domicileJ6. Les ayants droit économiques doivent également être identifiés37 . Lorsque ce n'est pas possible, notamment lorsque le trust est discrétionnaire et ne crée que de simples expectatives, la Convention de diligence exige une attestation de ce fait, l'identification du fondateur effectif, des per- sonnes habilitées à donner des instructions, des protee tors et de toute autre personne qui peut exercer une influence sur le trust, ainsi que l'indication des classes de bénéficiaires potentiels38

32 Ordonnance de l'Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d'ar- gent concernant les obligations de diligence des intermédiaires financiers qui lui sont di- rectement soumis du 25 novembre 1998 CRS 955-032.2).

33 Art. 25 LBA.

34 Chiffre 34.CDB 98.

35 Chiffre 29 CDB 98.

36 Art. 4 CDB 98.

37 Chiffres 36 et 37 CDB 98. Le chiffre 29 (supra note 35) est également applicable par

renvoi du chiffre 38. '

38 Chiffre 39 CDB 98.

(14)

OPÉRATIONS AVEC DES TRUSTEES 163

Lorsque des faits nouveaux surviennent, qui modifient l'identité des per- sonnes composant ces différents groupes, l'identification doit être renou- velée39•

En résumé, le devoir de vigilance impose aux intermédiaires finan- ciers d'identifier leur contractant en tant que trustee et, avec plus ou moins de précision, les bénéficiaires du trust. La relation contractuelle se noue avec le premier (ou les premiers lorsqu'il y a pluralité de trustees), et non avec les seconds.

En revanche, le devoir de vigilance n'impose pas que l'intermédiaire financier se fasse communiquer les clauses du trust, qu'il prenne connais- sance ou garde copie du trust deed. Une déclaration crédible du cocontrac- tant suffit.

À ce stade de notre raisonnement, la banque ou le négociant peut donc légitimement ignorer les clauses du trust, et donc les pouvoirs exacts du trustee avec qui il traite. Cela les protège-t-i1 efficacement contre un éven- tuel droit de suite des bénéficiaires, voire contre une responsabilité envers ceux-ci lorsque le trustee agit in breach of trust? C'est ce que nous allons examiner dans deux hypothèses principales.

III. Restitution des avoirs en trust par le dépositaire

La première hypothèse est la plus simple: sur instructions du trustee, la banque ou le négociant restitue au trustee ou remet à un tiers tout ou partie du fonds du trust en dépôt chez elle. Le dépositaire est-il libéré s'il s'avère ultérieurement que le trustee a donné ces instructions in breach of trust, c'est-à-dire en violation des devoirs résultant pour lui de l'acte de trust ou de la loi applicable au trust?

Selon le contrat de dépôt qui le lie au trustee, toujours soumis au droit suisse par l'effet d'une clause d'élection de droit figurant dans ses préformulés, le dépositaire se libère de sa dette en restituant au trustee, qui est son seul créancier, les sommes d'argent ou les valeurs déposées4o

La loi applicable au trust ne donne pas forcément la même solution.

Nous sommes ici dans le domaine de la responsabilité du tiers for knowing assistance. Même sans avoir bénéficié personnellement de la transaction,

39 Art. 6 COB 98.

40 Art. 475-477, 479, 481 CO.

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164 LUC THÊVENOZ

le tiers peut devoir indemniser le dommage causé au fonds du trust par l'effet d'un breach of trust auquel il a participé en le sachant ou en devant le savoir. La jurisprudence en cette matière n'est pas rare41.

Joseph C. Caputo était actif dans les transactions immobilières avant d'être radié du barreau du New Jersey en 1994. Dans une vente typi- que, il recevait de la banque de l'acheteur les fonds prêtés et, la transaction réalisée, devait les remettre à la banque du vendeur.

Comme c'est de bonne pratique, ces fonds, dont il était le trustee pendant qu'ils étaient en sa possession, étaient déposés sur son compte-tiers auprès de la banque (trust account). De novembre 1993 à février 1994, Caputo, qui était un client assidu du Trump Taj Ma- hal Hotel and Casino à Atlantic City, tira 52 chèques sur ce compte pour un total de USD 291 '350. Ces chèques étaient tirés à son nom sur ce compte. HIes encaissait au guichet de sa banque ou les faisait certifier pour les présenter au Casino en paiement de ses jetons de jeux.

Lorsque ce manco considérable fut découvert et que Caputo ne put le rembourser, la société d'assurance qui garantissait le déroulement de la transaction dut indemniser les clients de Caputo ou leurs ban- ques respectives. Elle se retourna ensuite contre, notamment, le Ca- sino ainsi que la New Jersey National Bank, qui tenait le compte- tiers de Caputo et avait décaissé ou certifié les 52 chèques en question.

Saisie en appel, la Cour Suprême du New Jersey renvoya l'affaire pour administration des preuves et jugement sur la mauvaise foi al- léguée de la banque, qui entraînerait sa responsabilité. "It is for the jury to determine whether the bank recklessly disregarded or was purposefully oblivious to facts suggesting impropriety by Caputo.'>42 La responsabilité du tiers (ici de la banque dépositaire) for knowin'g assistance suppose donc une faute qualifiée (dishonesty standard). QueUes que soient les conditions exactes de cette responsabilité et le degré de né- gligence qui en déclenche l'application, une responsabilité de ce type, fon- dée sur la loi du trust, est-elle susceptible d'être reconnue et appliquée par des juridictions suisses à un intennédiaire financier suisse?

41 Pour de bons exemples dans le contexte d'operations commerciales et financières, cf.

Baden et aL v. Société Générale pour Favoriser le Développement du Commerce et de l'Industrie en France SA, [1992] 4 Ali E.R. 161 (Ch. 1982), et Eagle Trust pic v. SBC Securities Ltd, [1992] 4 Ali E.R. 488 (Ch. 1991).'

42 New Jersey Title lnsurance Co. v. Caputa et ai., 163 N.J. 143 (p. 156),748 A.2d 507 (p. 514).

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OPERATIONS AVEC DES TRUSTEES 165

Dans le cadre de notre droit international privé actuel, et hormis l'hy- pothèse où le comportement du dépositaire constitue un acte illicite (ges- tion déloyale, participation à un abus de confiance, etc.) qui engage sa res- ponsabilité extracontractuelle, la réponse me paraît devoir être négative, mais elle n'est pas d'une clarté aveuglante. Il faut en effet déterminer quel- les sont les règles de rattachement applicables, puis les effets que le droit suisse reconnaît à ces règles.

a) Si ce trust devait être assimilé à un rapport contractuel- parce qu'il n'est que la conséquence d'un mandat typique d'avocat et qu'il ne présente pas un degré d'organisation suffisant pour en faire un patrimoine organisé -', la banque est un tiers à ce contrat. Ses propres obligations et sa responsabi- lité reposent sur un deuxième contrat, où le trustee seul est créancier du dépositaire. On ne trouve pas, dans les contrats usuels des banques et des négociants suisses, de stipulation pour autrui en faveur des ayants droit économiques. Une responsabilité de la banque ne peut donc pas découler des obligations fiduciaires du trustee envers.!es bénéficiaires, mais seule- ment de ses propres obligations contractuelles, qui la lient au trustee, et non aux bénéficiaires du trust.

b) Si, comme c'est clairement la tendance, on assimile le trust du cas d'espèce à un patrimoine organisé et qu'on lui applique les règles de ratta- chement relatives aux sociétés, la réponse est plus délicate. Dans la mesure où la loi applicable au trust institue une responsabilité à charge de certains tiers entrant dans un rapport particulier avec le trustee et le fonds du trust, s'agit-il d'une "responsabilité pour violation des prescriptions du droit des sociétés" (art. 155 lit. g LDIP), qui est gouvernée par la loi applicable à la société, respectivement au trust? On serait tenté de répondre par la négative en relevant que la LDIP ne vise là que la responsabilité des "organes" (les trustees) et des "sociétaires" (les bénéficiaires). Pourtant, le tiers qui se voit traiter comme un constructive trustee parce' qu'il prête consciemment as- sistance à un breach of trust est dans une situation comparable à celle d'un organe de fait, dont il semble bien que la responsabilité relève de la loi applicable à la société ou au patrimoine organisé43 .

L'art. 159 LDIP n'est pas nécessairement la planche de salut que le tiers pourrait espérer lorsque le trustee exerce son activité en Suisse.

"Lorsque les activités d'une société créé~ en vertu du droit étranger sont exercées en Suisse ou à partir de la Suisse, la responsabilité des

43 IPR-von PLANTA, Art. 155 N. 16.

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166 LUC THÉVENOZ

personnes qui agissent au nom de cette société est régie par le droit suisse."

D'une part, cette exception ne devrait s'appliquer qu'aux trusts qui sont effectivement administrés depuis la Suisse, ce qui suppose à tout le moins un trustee établi en Suisse. En outre, le droit suisse matériel désigné par ce rattachement spécial ne comprend aucune règle relative aux trusts.

Peut-on en déduire l'exclusion de toute responsabilité du trustee et donc des tiers? Personne ne soutient ce point de vue.

En outre, et toujours lorsque le trust doit être qualifié de patrimoine organisé, les pouvoirs (powers) dont le trustee abuse sont assimilés aux pouvoirs d'un organe44. Ce que la loi du trust considère comme un trustee agissant en violation de ses devoirs, notre LDIP l'analyse comme un excès ou un abus des pouvoirs de représentation. Bien sûr, stricto sensu, on ne peut pas dire du trustee qu'il représente le trust, et encore moins les bénéfi- ciaires. Mais c'est ici la LDIP qui nous oblige à assimiler les règles spécifi- ques des trusts à leur plus proche équivalent en droit des sociétés.

Si donc le trustee agit en dehors de ses pouvoirs, la banque ou le négo- ciant qui autorise un prélèvement ou effectue un virement agit sans instruc- tions valables. Qui paie mal, paie deux fois45. JI n'y a plus qu'un pas à franchir pour permettre aux bénéficiaires du trust (ou à un nouveau trustee) d'exiger de la banque qu'elle re-crédite le compte des valeurs et montants qu'elle a débités sur la base d'instructions nulles parce que hors pouvoirs.

La banque peut certes essayer d'opposer à cette prétention l'art. 158 LDIP, qui dispose:

"La société ne peut pas invoquer des restrictions du pouvoir de re- présentation d'un organe ou d'un représentant qui sont inconnues du droit de l'État de l'établissement ou de la résidence habituelle de rautre partie, à moins que celle-ci n'ait; connu ou dû connaître ces restrictions."

Cependant, la banque connaît la qualité de trustee de son cocontrac- tant. JI peut être difficile pour elle de plaider qu'elle pouvait de bonne foi ignorer les limites qui résultent pour un trustee des devoirs que lui impose l'acte de trust. Suivant la nature de la transaction (paiement en mains du trustee, versement à un tiers sans contrepartie apparente), on pourrait lui

44 Art. 155 lit. i LDIP. cf. supra 1 sous b).

45 ATF 112 II 450.

(18)

OPÉRATIONS AVEC DES TRUSTEES 167

reprocher de n'avoir pas demandé à vérifier les pouvoirs du trustee figurant dans l'acte de trust ou à s'être fait rassurer par un avis de droit autorisé.

D'ailleurs, dans le domaine des procurations bancaires, la jurispru- dence tend à ne plus exonérer la banque qui a agi sur la base d'instructions qui s'inscrivent certes dans les limites formelles des pouvoirs conférés au représentant mais dont il est reconnaissable qu'elles violent les obligations du représentant à l'égard du titulaire du compte46 .

Toute cette discussion est empreinte d'incertitudes, et donc de risques.

L'assimilation des patrimoines organisés aux sociétés n'est pas trop malai- sée pour une fondation ou un Ans/ait, qui sont des entités jouissant de la personnalité morale même si elles n'ont pas de membres. Les trusts repo- sent eux sur des catégories juridiques très différentes. Parler de responsabi- lité des organes ou de pouvoirs de représentation pour le trustee n'est qu'un parallèle, une analogie qui ne rend pas compte de la vraie nature du trust et de la position du trustee.

Peut-être la meilleure réfutation d'une application de la loi du trust à la responsabilité des dépositaires et autres prestataires de services mis en œuvre par le trustee consiste-t-elle à rappeler que, selon le droit des trusts, cette responsabilité procède d'une assimilation de ce tiers à un trustee: un cons- tructive trust n'est rien d'autre qu'un trust imposé par un juge sur un tiers en rapport avec certains biens47 . Ce n'est pas un patrimoine organisé, mais un remède judiciaire qui remplit des fonctions analogues à nos propres rè- gles sur l'enrichissement illégitime, la gestion d'affaires sans mandat, voire l'acte illicite48On ne devrait donc analyser la responsabilité des tiers, y compris des cocontractants du trustee, envers les bénéficiaires que dans le cadre de ces institutions-là, lesquelles sont soumises à d'autres règles de rattachement. Dans le cas des intermédiaires financiers suisses, ces règles

46 TF, SJ 20001421; Handelsgericht ZH et TF, ZR 1994 181 n' 67. Cf. aussi Cour de justice GE, SJ 1995 212.

47 Sur les constructive trusts, cf. surtout D.M. WATERS, "The institution of the trust in civil and cornmon law", in Académie de droit international de La Haye, Recueil des cours, t. 252, Dordrecht etc. (Martinus Nijhoff) 1995, p.'1l7 ss, ici pp. 210·213; PEARCE.I STEVENS, The Law o/Trusts and Equitable Obligations, 2e éd., Londres (Butterworths) 1998, p. 224 ss.

48 C'est le motif qui a amené l'exclusion des trusts judiciaires du champ d'application des Conventions de Bruxelles et de Lugano sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, cf. le ràpport de D. SCHLOSSER, JOCE 1979 C 59, p. 107 N. 117. Cf. également M. KOPPENOL-LAFORCE, Heet Haagse Trnstverdrag, Deventer (Kluwer) 1997. § 2.4.2.5.

(19)

168 LUC THÊVENOZ

de rattachement ramèneront souvent à l'application du droit suisse, et donc à un régime qui leur est familier.

c) La Convention sur les trusts apporte une certitude là où l'analyse de notre LOIP actuelle montre des faiblesses notables. Sur la base d'interven- tions solidement argumentées de la Banque des règlements internationaux, les rédacteurs ont soustrait la responsabilité des dépositaires au domaine de la loi applicable au trust49

"Toutefois, les droits et obligations d'un tiers détenteur des biens du trust demeurent régis par la loi déterminée par les règles de conflit du for."

Le régime de responsabilité du dépositaire de biens grevés d'un trust selon la Convention est strictement identique à celui de tous ses autres dépôts.

Ainsi, nous ne savons toujours pas dans l'affaire Caputo le sort réservé à l'action de la New Jersey Title Insurance Co. contre la New Jersey Natio- nal Banle Si le défendeur était un établissement suisse et le procès pendant devant un juge suisse, le défendeur aurait, me semble-t-il, de bons argu- ments à opposer à une prétention qui serait fondée sur la loi applicable au

!tust et sur une éventuelle négligence dans le dépistage d'un décaissement ou d'un transfert de valeurs ordonné par le trustee en violation de ses obli- gations. Je crois aussi que cette discussion serait avantageusement abrégée par la ratification de la Convention, qui exclut clairement la responsabilité des tiers dépositaires du champ d'application de la loi applicable au trust.

49 Sur l'histoire législative de cette exception, qui:ne figurait pas dans l'avant-projet de la Commission spéciale, cf. Conférence de La Haye de droit international privé, Actes et documents de la Quinzième session, t. II: Trust - loi applicable et reconnaissance, La Haye (Bureau permanent de la Conférence) 1985, p. 228 (proposition de la BRI), p. 234 (proposition néerlandaise de soustraire la revendication des effets des trusts dont la Convention impose la reconnaissance), pp. 279-283 (délibération et acceptation de prin- cipe de la proposition de la BRI), p. 315 (formulation française par le comité de rédac- tion), pp. 325-326 (formulation anglaise corrigée).

Cf. A. von OVERBECK, "La Convention de La Haye du premier juillet 1985 relative à la loi applicable au trustetàsa reconnaissance", in ASDI 1985 pp. 30 ss, 36; M. PÉLlCHET,

"Le trust et les institutions analogues - La Convention de La Haye du premier juillet 1985", În Droit et pratique des opératiollsfiducùûres en Suisse, Lausanne (CEDIDAC)

1994, pp. 133 S5, 155 S.; C. JAUFFRET-SPINOSI, "L~ Convention de la Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance (1 cr juillet 1985)" ,Journal du droit international 1987 pp. 23 ss, 58 s.

(20)

OPÉRATIONS AVEC DES TRUSTEES 169

IV. Obtention d'un gage sur des biens en trust

Notre deuxième hypothèse concerne l'acquisition, par un intermédiaire fi- nancier, d'un droit réel limité sur tout ou partie des biens du trust. Il peut s'agir bien sûr du nantissement de choses mobilières, telles que des titres, des créances, des métaux précieux ou des œuvres d'art. Mais le problème n'est pas fondamentalement différent pour les gages immobiliers, sinon par les précautions nécessaires à assurer la publicité foncière, avec les vérifica- tions et le fonnalisme qui caractérisent l'activité du notaire.

Cette deuxième hypothèse se distingue de la précédente parce qu'il n'est pas seulement question de dommages-intérêts qui pourraient être dus par l'intennédiaire financier qui se trouve bénéficier d'un éventuel breach of/rust, mais de l'efficacité de la sûreté qu'il a cru acquérir.

Le problème n'est pas inconnu de notre droit interne. Il est analogue à celui où un fiduciaire (au sens du droit suisse) aliène un bien fiduciaire en violation de ses obligations à l'égard du fiduciant. De lege lata, la doctrine majoritaire considère que l'acte de disposition est valable, même s'il en- gage la responsabilité contractuelle et souvent délictuelle du fiduciairelo.

Le tiers est donc protégé dans son acquisition, qu'il soit de bonne ou de mauvaise foi. L'art. 933 CC ne s'applique pas puisqu'il n'y a pas acquisi- tion a non domino. Il faut réserver l'hypothèse où le comportement de l'ac- quéreur est un acte illicite, souvent pénalement réprimé (instigation ou com- plicité d'un abus de confiance, etc.). Sa responsabilité délictuelle envers le fiduciant peut l'obliger à restituer en nature le bien ou le droit acquis plutôt qu'à payer des dommages-intérêtsl1.

Appliqué au trust, le problème repose d'abord sur sa qualification se- lon le droit international privé suisse. L'acte de trust doit-il être assimilé à un contrat entre settlor et trustee et celui-ci doit-il être alors assimilé à un propriétaire fiduciaire? Le risque pour l'acquéreur est alors très réduit. Ou, à l'inverse, le trustee doit-il être assimilé à l'organe d'un patrimoine orga- nisé qui, s'il excède ses pouvoirs de représentation, ne transfere aucun droit réel à l'acquéreur qui savait ou ne pouvait ignorer cette restriction fondée sur le droit étranger? La réponse ne peut pas être schizophrénique. Si, en l'état actuel de notre droit international privé, la place financière suisse, appuyée par une doctrine très majoritaire, écoutée désonnais par les tribu-

50 Supra note 20.

51 Supra note 21.

(21)

170 lUC THÊVENOZ

naux zurichois et par le Tribunal fédéral, prône ardemment la qualification de patrimoine organisé pour assurer l'immunité du fonds du trust dans l' exé- cution forcée contre le trustee, cas échéant aussi dans son régime successo- ral et matrimonial, elle ne peut en même temps se faire l'avocat d'une qua- lification contractuelle pour se protéger du droit de suite des bénéficiaires en assimilant le trustee à un propriétaire fiduciaire.

Ainsi, l'acquéreur d'un gage sur certains actifs d'un trust que le trustee aurait constitué en violation de ses devoirs et pouvoirs (in breach of tmst) est donc susceptible de voir ce gage contesté, à moins qu'il ne puisse oppo- ser l'objection du bona fide purchaser without notice. Cette objection pé- remptoire, qui paralyse définitivement l'exercice d'un droit de suite, sup- pose réunies deux conditions52

10 JI faut d'abord que l'acquéreur ignore de bonne foi l'irrégularité de l'acte du trustee, c'est-à-dire qu'il ne l'ait pas connu (actual notice) ni dû connaître (constmctive notice) en exerçant la diligence qu'imposaient les circonstances. Dans son principe, cette condition nous est familière (cf.

notamment art. 3 et 933 CC). L'étendue de la diligence due par un tiers traitant avec un trustee peut cependant n'être pas complètement semblable à des situations comparables en droit interne.

r

JI faut en outre que l'acquéreur ait fourni une contre-prestation adé- quate. Même de bonne foi, l'acquéreur gratuit d'un trustee qui se trompe sur l'identité d'un bénéficiaire ou qui favorise dolosivement un non-béné- ficiaire n'est pas protégé53 • On pourrait croire, en première analyse, que cette seconde condition est inconnue du droit suisse. JI n'en est rien. JI est de doctrine constante qu'un contrat de donation au sens de l'art. 239 CO est nul en tant qu'i! porte sur des biens qui n'appartiennent pas au dona- teur54 • Il n'y a donc pas de protection du donataire qui ignore de bonne foi que le donateur n'est pas propriétaire de l'objet du don. L'absence de pro-

52 PEARCE 1 STEVENS (n. 47), pp. 729-732; UNDERHILL 1 HAYTON (n. 18), Article 104 p. 916 ss; BOGERT (n. 18), § 165.

53 Cf. Re Diplock, [1948J Ch 465, [1948J Ail E.R. 319 (C.A.): distribution à des institu- tions charitables qui n'appartenaient pas à la classe des bênéftciaires décrites par l'acte de trust.

54 Basler Kommentar-VOGT (1996) Art. 239 OR N. 42; P. CAVIN, Traité de droit privé suisse, t. VII/l: La vente, l'échange, la donation, Fribourg (Éd. Universitaires) 1978, p. 177; H. HONSELL, Obligationenrecht Besonderer Teil, 5' éd., Berne (Stiimpfli) 1999, p. 183; P. TERCIER, Les conlrals spéciaux, 2' éd., Zurich (Schulthess) 1995, N. 1324; A. von lUHR / A. ESCHER, Allgemeiner Teil des schweizerischen Ob/igationenrechts, t. II, 3e éd., Zurich (Schulthess) 1977, p. 497 n. 143, p. 516.

(22)

OPÉRATIONS AVEC DES TRUSTEES 171

tection de l'acquéreur gratuit de bonne foi se marque aussi en droit pénal, où la confiscation en mains d'un tiers n'est exclue que pour autant que ce tiers ait "fourni une contre-prestation adéquate"55.

Ainsi, l'intennédiaire financier qui prend un gage sur un actif du trust que le trustee lui confere en violation de ses devoirs n'est protégé contre le droit de suite des bénéficiaires qu'à deux conditions cumulatives:

10 Il doit avoir ignoré de bonne foi le fait que le trustee agissait en dehors de ses pouvoirs, en contrariété de ses obligations résultant de l'acte de trust et de la loi applicable au trust. Le refus de prendre connaissance de l'acte de trust paraît incompatible avec la diligence due dans les circonstances habituelles de telles transactions. En revanche, la bonne foi ne semble pas devoir être exclue lorsque la banque s'est fondée sur des pouvoirs stipulés dans l'acte de trust, alors même que ces pouvoirs s'avéreraient ultérieure- ment irréguliers56.

20 Il doit en outre avoir fourni une contre-prestation adéquate au fonds du trust. La réalisation de cette condition ne va pas sans controverse lorsque la contrepartie consiste dans l'octroi d'un crédit tant qu'il n'est pas utilisé57.

Elle pose un problème plus sérieux lorsque la contre-prestation est fournie à un bénéficiaire présumé plutôt qu'au fonds du trust. Elle n'est pas réali- sée lorsque la contre-prestation est fournie au trustee dans son intérêt per- sonnel58.

Le risque n'est donc pas insignifiant qu'un nantissement du portefeuille d'un compte trust constitué par le trustee en violation de ses pouvoirs (powers) tels qu'énoncés dans l'acte de trust, ou subsidiairement dans la loi applicable audit trust, soit remis en cause dans une procédure judiciaire suisse fondée sur la loi applicable au trust. Le gage n'est pas nécessaire- ment nul, mais le créancier peut devoir y renoncer et restituer les valeurs qu'i! s'était fait remettre.

Je doute que la banque ou le négociant dépositaire des valeurs nanties puisse opposer l'art. 158 LDiP en argnant que la restriction des pouvoirs du

55 Art. 59 ch. 1 al. 1 CP.

56 "However, a hank will not he found to have knowingly participated in a hreach of trust where the trustee was acting pursuant to authority expressly granted in the trust." Schantz v. Marine Mid/and Bank, 221 B.R. 653, p. 658 (N.D.N.Y. 1998), citant Roth v.

Monufacturers Hanover Trust, 178 A.D.2d 267, 577N.Y.S.2d 381 (N.Y. App. Div. 199i).

57 Cf. BOOERT (n. 18), p. 603. '

58 Ma/oney v. Stone, 601 N.Y.S.2d 731, p. 733-734 (App. Div. 1993).

(23)

172 LUC THÉVENOZ

tmstee est inconnue du droit suisse. En effet, s'il a correctement identifié l'existence d'un trust en exerçant la vigilance à laquelle il est tenu, l'inter- médiaire financier ne peut prétendre qu'il ignore l'existence de teUes res- trictions, même s'il n'a pas pris connaissance de l'acte de trust et ignorait l'étendue exacte des pouvoirs de ce trustee59.

La prise d'un gage sur un bien en trust (ou de tout autre droit réel limité) exige de l'intermédiaire financier qu'il s'assure que le trustee agit bien dans l'exercice de ces pouvoirs. Certes, on ne peut pas attendre de tout juriste suisse qu'il sache se prononcer avec certitude sur la portée des clau-

ses souvent complexes que l'on trouve dans les trust deeds et sur les dispo- sitions non moins complexes des nombreuses lois régissant les trusts qu'il rencontre. S'il a un doute sur l'existence du pouvoir de nantir, la seule solution est d'exiger la production d'un avis de droit signé par un cabinet n\puté.

Sur ce chapitre, l'entrée en vigueur pour la Suisse de la Convention de La Haye sur le trust ne changera rien en substance à cette situation, sinon qu'elle la clarifiera dans une certaine mesure. En effet, l'art. Il al. 3 lit. d précité ne fait que confirmer que la reconnaissance d'un trust étranger im- plique notamment "que la revendication des biens du trust soit permise, dans les cas où le trustee, en violation des obligations résultant du trust" a disposé des biens du trust. La dérogation de la deuxième phrase ne couvre pas l'acquéreur d'un gage (ou d'un autre droit), puisque celui-ci entre dans une relation juridique qui dépasse celle d'un "tiers détenteur des biens du trust" ("third party holder').

Au-delà de la "revendication", c'est-à-dire du droit de suite des bénéfi- ciaires, la ratification de la Convention limitera néanmoins la responsabi- lité des tiers en excluant sans ambiguïté la reconnaissance en Suisse des constructive trusts. En effet, comme on l'a yu, le champ d'application de la Convention est limité aux trusts créés volontairement et qui peuvent être prouvés par écrit:6° L'article 20 al. 1 permet cependant une extension de ce champ d'application:

"Tout État contractant pourra, à tout moment, déclarer que les dis- positions de la Convention seront étendues aux trusts créés par une décision de justice." .

59 Supra III b) in fine.

60 Article 3 de la Convention.

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