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Mémoire. Clara Mia Uma Barbieux. Maîtrise en littérature et arts de la scène et de l'écran - avec mémoire Maître ès arts (M.A.

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(1)

Juste un(e) s uivi de La représentation de l’amour homosexuel au théâtre et au cinéma : Tom à la ferme de

Michel Marc Bouchard et son adaptation cinématographique par Xavier Dolan

Mémoire

Clara Mia Uma Barbieux

Maîtrise en littérature et arts de la scène et de l'écran - avec mémoire Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

(2)

Juste un(e) suivi de La représentation de l’amour homosexuel au théâtre et au cinéma :

Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard et son adaptation cinématographique par Xavier Dolan

Mémoire

Clara Barbieux

Sous la direction de :

Julie Beaulieu, directrice de recherche

Luis Thenon, codirecteur de création

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Résumé

Cette étude propose l’analyse de la représentation de l’amour homosexuel au théâtre et au cinéma, plus précisément dans le texte Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard (2009) et son adaptation cinématographique par Xavier Dolan (2013). À l’aide des réflexions issues des théories queer et des théories de l’adaptation, l’objectif est de démontrer les similitudes et les différences entre les deux œuvres et d’interroger comment la représentation de l’amour homosexuel dans Tom à la ferme est devenue plurielle dans son adaptation cinématographique par rapport au texte original. De manière plus générale, ce mémoire s’intéresse à deux artistes québécois issus de deux générations différentes et met en relief leurs visions de l’amour homosexuel dans un contexte social hétéronormatif. La présente étude s'aligne également à la partie création de ce mémoire qui est l’écriture d’un texte théâtral. L’objectif est alors de prendre appui sur des caractéristiques relevées chez Michel Marc Bouchard tout en incluant des procédés cinématographiques dans les indications de mise en scène. Ces influences sont intégrées à la présente création au prisme des théories queer et de l’adaptation.

La première partie du mémoire est consacré à la création de Juste un(e). La fable présente un amour du quotidien entre deux jeunes femmes : Luz et June. Comme toute relation, les deux protagonistes font face à des conflits. Néamoins, à la différence d’une relation hétérosexuelle, une problématique de l’amour homosexuel en société vient s’ajouter. Une rupture s’opère alors. Le personnage de Luz tombe dans un enfer psychologique où elle se retourne contre elle-même. La suite du mémoire consiste en une recherche divisée en trois chapitres. Le premier porte sur la représentation de l’amour homosexuel dans le texte de Michel Marc Bouchard, précisément l’analyse du texte dramatique : le schéma narratif, les tableaux et les personnages. Le deuxième s’intéresse à la représentation de l’amour homosexuel dans le film Tom à la ferme, réalisé par Xavier Dolan. Il propose une analyse du film et son esthétisme, ainsi que la création d’une nouvelle atmosphère dans Tom à la ferme. Le troisième se penche sur l’adaptation du texte au cinéma. Par le biais d’une étude comparative, les théories de l’adaptation sont mises en avant pour comprendre comment l’amour homosexuel est représenté par le dramaturge et par le cinéaste ; qu’est-ce que le texte de théâtre peut se permettre et qu’est-ce que le cinéma peut ajouter et/ou enlever ?

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Abstract

This study offers an analysis of the homosexual love representation in theatre and cinema;

more precisely in the text Tom at the Farm by Michel Marc Bouchard and its film adaptation by Xavier Dolan. Using reflections from queer theories and adaptations theories, the objective aims to demonstrate how the evolution of queer theories as well as the adaptation from one medium to another allows a plural vision of representation, here homosexual love, in Tom at the Farm. More generally, this thesis positions two Quebec artists, from two different generations, and highlights their vision of representation in a heteronomous social context. The creation part of this dissertation is the writing of a theatrical text aiming to link the queer theme as well as the aestheticism of Xavier Dolan. The objective is to use the writing through characteristics noted in Michel Marc Bouchard while including cinematographic processes in the direction indications. Obviously, this creation will not be a copy of the two authors studied but an influence based on what we have learned in the research part.

The first part of the thesis is the creation of Juste un(e). The fable presents a daily love between two young women: Luz and June. Like any relationship, the two protagonists face conflicts. Nevertheless, unlike a heterosexual relationship, a problem of homosexual love in society is added. The rupture takes place. Luz's character falls into a psychological hell where she turns against herself. The first chapter deals with the representation of homosexual love in the text of Michel Marc Bouchard, precisely the analysis of the text, the importance of theatrical procedures often specific to the author’s writing, and their consequence in the representation of homosexual love. The second chapter looks at the portrayal of homosexual love in the film Tom at the Farm, the film by Xavier Dolan. The analysis of the film, the aestheticism of Dolan and his choice on creating a new atmosphere in Tom at the Farm. The final chapter of this dissertation examines the adaptation of the text to the film. Through the comparative study, adaptation theories will be put forward to understand how homosexual love is represented by the playwright and by the filmmaker; what the theatre text can afford and what can be the cinema add and/or take away. So, it is through the queer approach and theories of adaptation that we will be able to carry out this research.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ...iii

Remerciements ... vi

Création : Juste un(e) ... 1

Résumé de la pièce... 1

Lien avec le projet de recherche ... 1

Traitement scénique ... 2

Traitement cinématographique  ... 3

Technique ... 3

Présentation des personnages par ordre d’apparition... 4

Prescription ... 6

TABLEAU 1 ... 7

TABLEAU 2 ... 12

TABLEAU 3 ... 17

TABLEAU 4 ... 24

TABLEAU 5 ... 28

TABLEAU 6 ... 35

TABLEAU 7 ... 37

TABLEAU 8 ... 38

TABLEAU 9 ... 41

TABLEAU 10 ... 43

TABLEAU 11 ... 46

TABLEAU 12 ... 48

TABLEAU 13 ... 49

Introduction ... 51

Chapitre 1. La représentation de l’amour homosexuel dans le texte de théâtre : Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard ... 57

1.1 La naissance de l’amour ... 58

1.1.1 L’amour de Tom pour le défunt ... 58

1.1.2 L’identité du défunt ... 59

(6)

1.2. L’euphorie de l’amour ... 62

1.2.1 L’ambiguïté du personnage de Francis ... 62

1.2.2 Vers le développement d’une relation intime ... 64

1.3 La désillusion de l’amour ... 66

1.3.1 Tom envahi par la violence ... 66

Chapitre 2. La représentation de l’amour homosexuel dans le film Tom à la ferme de Xavier Dolan... 70

2.1 La représentation de l’amour homosexuel dans le cinéma de Xavier Dolan ... 70

2.1.1 Le style Camp chez Dolan ... 71

2.1.2 L’amour homosexuel à travers une nouvelle génération ... 73

2.1.3 La retranscription des procédés du cinéma de Xavier Dolan dans Tom à la ferme ... 73

2.2 Les stylistiques de Tom à la ferme ... 75

2.2.1 L’amour angoissant ... 75

2.2.2 Le développement d’une relation toxique ... 77

Chapitre 3. La représentation de l’amour homosexuel dans l’adaptation Tom à la ferme, du texte au film ... 80

3.1 Mensonge et vérité ... 80

3.1.1 La place du mensonge dans les expériences de l’homosexualité ... 80

3.1.2 La vérité par le mensonge ... 85

3.1.3 La vérité qui nous rattrape toujours... 86

3.2 La relation entre Tom et Francis ... 87

3.2.1 Alternance entre violence et douceur ... 87

3.2.2 La relation intime ... 90

3.2.3 Le masochisme de Tom... 91

3.2.4 La relation toxique ... 92

3.3 La perte de Guillaume ... 93

3.3.1 Le deuil amoureux ... 93

3.3.2 Remplacer le défunt ... 94

3.3.3 L’amour véhiculé par l’art... 95

Conclusion ... 96

Bibliographie ... 99

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Remerciements

Un grand merci à ma directrice de recherche, Julie Beaulieu, qui a cru en moi et mon projet jusqu’à la fin. Sa gentillesse, ses idées, son écoute et sa patience m’ont permis d'avoir confiance dans ce parcours parfois compliqué. J’aimerais également remercier Luis Thenon, mon codirecteur de création. La trajectoire universitaire est différente pour chaque personne et je les remercie d’avoir été présents, sans jugement. Merci à Raphaël Ramirez, qui a su me lire et m’encourager dans ce processus. Merci à la Ruche pour leur présence et leurs nombreux conseils qui m’ont aidé à persévérer lorsque tout semblait flou. Merci à Alex, pour sa présence.

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Création : Juste un(e)

Résumé de la pièce

Luz est une jeune fille candide. Pour la première fois de son existence, elle tombe amoureuse de June, une fille charmante, mais très réservée. Très amoureuse de June, Luz sombre dans une dépendance affective souhaitant mettre à nu une relation qui se veut dès le départ, plutôt discrète. Leur relation va être confrontée à différentes pressions sociales telles que la jalousie, la dépendance, la présence de tierces personnes, le doute, la rancœur, la haine, etc. Lorsque Luz ressent le poids de la société s’abattre sur elle en raison de son amour pour June, elle se sent anéantie. Son quotidien va peu à peu devenir un cauchemar où les portes de sortie disparaissent les unes après les autres. Après plusieurs mois de relation, Luz décide de rompre avec June.

Lien avec le projet de recherche

Ma recherche me permet de me concentrer sur deux artistes québécois qui ont voulu mettre en lumière la représentation de l’amour homosexuel au théâtre et au cinéma.

L’adaptation de la pièce de théâtre de Michel Marc Bouchard au cinéma par Xavier Dolan confirme que cette représentation est multiple et variée. Ces représentations dépendent souvent des artistes, c’est-à-dire qu’elles découlent de leur vision de l’homosexualité et de la création d’un imaginaire homosexuel propre au contexte politique et social hétéronormatif.

La partie recherche du mémoire constitue pour moi une bonne façon de relever les procédés artistiques de ces deux médias, le texte dramatique et le film, et leur façon de représenter un sujet encore marginal tel que l’amour homosexuel.

L’analyse du texte de Michel Marc Bouchard me permet d’insister sur le mensonge dans lequel se vit l’amour homosexuel, élément qui est souvent accentué dans le théâtre québécois. L’esthétique cinématographique de Dolan a la spécificité de traduire des sentiments très forts à travers des visuels tels que l’image type « clip » et/ou la musique

« kitsch » qui parlent à toute une génération. Cette esthétique sera le motif de départ pour créer l’univers de ma fiction dramatique. La musicalité qui renvoie à l’atmosphère entourant les personnages chez Dolan sera également importante dans ma création, notamment par le biais d’indications scéniques et de didascalies. Ces aspects seront aussi utiles pour

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caractériser les oppressions sociales, familiales et environnementales, et montrer comment elles influencent les émotions puis les actes d’une personne, en particulier la découverte d’une réalité et d’un regard jusqu’alors inconnus. Je m’attacherai particulièrement à la méthodologie de l’adaptation étudiée dans la partie recherche, afin de proposer une création rassemblant les caractéristiques des deux médias, et, au moyen de leurs procédés artistiques propres, faire dialoguer les approches queer et de l’adaptation au sein de mon écriture.

Il est important de souligner que la partie recherche de ce mémoire s’oriente autour des représentations de l’amour homosexuel masculin, alors que la création met en lumière un amour homosexuel féminin. Je tiens à préciser ici que l’important n’est pas tellement que l’amour homosexuel soit masculin ou féminin : quel que soit le genre, certaines

« particularités » demeurent, comme la marginalité des personnages, les commentaires extérieurs, l’usage du mensonge, etc. Évidemment, il faudra toutefois admettre que les nuances entre les deux types d’homosexualités sont importantes. Dans une optique queer, l’analyse des procédés artistiques relevés dans le texte et le film à l’étude me permettra de réfléchir sur la problématique de l’amour entre deux femmes. Il faut aussi prendre en considération que les amours, quelle que soit l’orientation, sont multiples et variés. Ainsi, j’aimerais, par l’écriture d’un texte dramatique, proposer un type de représentation possible de l’amour homosexuel entre deux jeunes femmes, tout en recourant aux procédés artistiques propres au théâtre, mais aussi, insister sur l’originalité de ce texte dramatique en y inscrivant des procédés esthétiques du cinéma développés par Xavier Dolan.

Traitement scénique

J’ai décidé, comme Michel Marc Bouchard, d’utiliser le procédé dramaturgique du tableau, c’est : « l’indice d’une mutation esthétique, à la fois du point de vue théorique et du point de vue pratique »1. Il permet de se distancer de l’action et appuie un changement à vue de lieu et de décoration. Le public suit particulièrement le personnage de Luz. Dans les premiers tableaux, Luz est très amoureuse de sa petite amie, elle est aussi très naïve et ne se soucie de rien. Son état émotionnel sera de plus en plus tourmenté au fil de l’avancement des tableaux. Enfin, pour les derniers tableaux, le personnage sera complètement perdu, effrayé

1 Voir Pierre Frantz, L’esthétique du tableau dans le théâtre du XVIIIe siècle, Presses Universitaires de France, 1998, p. 153.

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et méfiant. La personnalité de Luz va subir une importante évolution au fil des tableaux à cause de sa relation amoureuse. Cette particularité permettra aux lecteurs et lectrices de suivre la chute du personnage à travers une série évolutive de points de vue de la protagoniste en fonction des tableaux, comme il est proposé dans Tom à la ferme ; c’est le montage des tableaux qui induit la variété des points de vue et l’évolution du personnage de Tom dans le texte de Bouchard. Ainsi, l’étude comparée proposée dans la seconde partie du mémoire sera essentielle pour nourrir mon écriture dramatique.

Traitement cinématographique

Le tableau est un procédé souvent appliqué au cinéma en raison de l’esthétisme de l’image et du changement de décor. C’est par le biais du cinéma que je présente un second intérêt pour le choix du tableau dans mon écriture. Xavier Dolan, dans son cinéma, utilise régulièrement des tableaux picturaux précis qu’il modifie selon son inspiration2. J’entends ici par « tableau » une référence picturale, mais surtout une fragmentation d’ordre spatial. Le changement sera représenté par l’espace et le lieu. Dolan le montre à travers l’évolution de la personnalité de Tom, qui accepte la vie à la ferme notamment par le biais de ses vêtements et par l’accumulation d’évènements qui évoquent explicitement le temps qui passe. Chaque tableau est autonome et se déroule après l’action. Dans mon écriture, plusieurs aspects cinématographiques sont présents. Tout d’abord, les changements temporels seront cités sur un écran noir, à l’image des cartons du cinéma des premiers temps, au commencement de chaque didascalie. Il y a également un choix de musique/mime, comparable au vidéo-clip, qui permettra de faire passer un certain lapse de temps à mes personnages tout en restant sur scène. Les personnages vivront leur quotidien en jouant du mime sur une musique choisie.

Cet effet aura pour finalité l’impression que plusieurs heures se sont écoulées, des jours entiers, voire des semaines. Ainsi, le choix du carton et du mime est une manière de se rapprocher, sur le plan formel, du cinéma muet pour justifier notre temporalité et accentuer le lien avec le cinéma, notamment en utilisant un élément contemporain propre à Xavier Dolan : l’ajout d’une musique sur une action, comme dans un vidéo-clip.

Technique et ajout de marionnette

2 Voir « Xavier Dolan - Tom à la ferme conférence de presse Venice (Français) », ETV Film Inc, 13 min.

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En ce qui concerne les didascalies, Luz sera sur scène du premier tableau jusqu’au dernier. L’importance donnée aux costumes est présente dans l’écriture dramatique de Michel Marc Bouchard et sert à montrer l’évolution psychologique du personnage de Tom.

Une évolution au moyen des costumes sera nécessaire pour mettre en scène l’évolution de mon personnage (Luz). Le plan scénique suivra une évolution par tableau. Nous incluons également la présence d’une marionnette d’ombre qui aura pour effet de changer d’univers et de jouer sur la descente aux enfers vécue par la protagoniste. Ce choix pour cette création vient du besoin d’ajouter une atmosphère onirique : « L’univers des marionettes est celui du mystère, du conte de fées, du rêve. […] La magie, la métamorphose, l’apparition constituent l’élément vital des poupées. Leur empire commence là où le grand théâtre perd sa force d’évocation, leur justification vient des limites naturellement imposées au comédien en chair et en os. »3. Ainsi, le lectorat pourra suivre l’évolution du personnage de Luz et son changement de comportement par la présence de la marionnette.

Présentation des personnages par ordre d’apparition LUZ

La vingtaine. Mi-cubaine. Amante de June. Fille de Roxane et Thomas. Nièce de Nathan. Son surnom : Louloute. Elle vit à Québec. Elle est étudiante en photographie. Les monologues de Luz ne sont pas destinés au public tel un aparté, mais plutôt à elle-même. Elle a une relation très proche avec sa mère et son oncle. Elle n’a pas de communication avec son père.

JUNE

La vingtaine. Amante de Luz. Colocataire et amie d’enfance de Lucas. Son surnom : Ju. Étudiante en arts visuels. Elle vient de Montréal, mais vit à Québec depuis quelques années. Elle a une lapine marionnette : Anita. Cheveux mi-longs. Son passe-temps favori est de dessiner ses ami.es dans les parcs. Sa relation avec sa famille est plutôt conflictuelle.

LUCAS

Approche la trentaine. Ami d’enfance et colocataire de June. Son surnom : Luc. Il vient de Montréal, mais vit à Québec depuis quelques années également. Il travail dans une

3Hans R. Purschke, Le Théâtre de Marionnettes en Allemagne, Neue Darmstädter Verlagsanstalt, 1957, p. 6.

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épicerie communautaire. Il se balade souvent avec un vieux lecteur à cassette et aime écouter de la musique pop du moment. Personnage qui aime discuter avec le monde. Personnage appartenant au cliché de la famille standard, simple et sans réels conflits.

OLIVIA & THAÏS

Mi-vingtaine. Personnages inséparables. Acolytes et colocataires. Amies proches de Luz. Elles étudient en théâtre. Toutes les deux sont étrangères, mais vivent à Québec depuis plusieurs années. Elles sont extravagantes dans leur façon de s’habiller et de parler. Elles se disputent tout le temps pour tout, ce qui les rend sympathiques et rigolotes.

CHARLIE, STEPHANE, ALEX

Mi-vingtaine. Ami.es de June, personnages non-genrés. Iels étudient dans le même programme que June. Provocateurs et provocatrices, iels aiment passer du temps aux parcs et parler de ce qui se passe autour. Iels aiment tous.tes June très fort, particulièrement Alex qui entretient une relation avec elle un peu différente des autres. Ce sont trois personnages taquins, voire manipulateur.trices, mais très à l’écoute des autres.

ROXANE

La cinquantaine. Mère de Luz. Sœur de Nathan. Son surnom : Roxi. Elle a un chat : Moustique. Elle est vendeuse chez un fleuriste. Elle aime s’habiller de type « girly ». Elle se sent parfois seule, mais apprécie sa routine de vie. Elle aime se balader et observer la nature.

Elle n’a plus de contact avec le père de Luz. Elle aime profondément sa fille et se dispute très fréquemment avec son frère. Elle n’a pas de relation sociale mise à part à son travail et cela lui convient. Elle est attentionnée, à l’écoute, aimante et empathique.

NATHAN

La quarantaine. Frère de Roxane. Oncle de Luz. Il est une influence masculine pour Luz depuis son enfance. Il est bon vivant, fait de la musique et des sports de plein air. Il travaille dans le domaine du ski et de la randonnée.

THOMAS

La cinquantaine. Père de Luz. Ancien amoureux de Roxane. D’origine cubaine. Il n’a

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jamais été présent par peur du jugement de sa fille. Il a fui la vie de famille, car il ne se sentait pas prêt. Depuis, il voyage partout dans le monde et travaille dans ce qui s’offre à lui. Il aime profondément sa fille, mais ne le montre pas. Leur relation reste très primaire et sans complicité. Il peut paraître égoïste, mais la réalité est qu’il a peur et ne sait pas comment s’y prendre avec elle. Sa présence physique est absente dans la pièce, mais l’importance de sa personne s’incarne par le biais des autres personnages.

Prescription

Ma création a pour thème principal le fait de tomber en amour et le conflit que cet amour engendre avec soi-même. Chaque personnage sera dirigé en fonction de cet aspect.

L’utilisation du langage inclusif est présent dans cette écriture. Trois personnages sont non- genrés. J’ai décidé de m’inscrire à la suite de nouvelles pièces telles que Chienne(s)4, écrite par Marie-Eve Milot et Marie-Claude St-Laurent, qui utilisent, tout du long de leur ouvrage, le langage inclusif. Ainsi, je laisse au metteur.e en scène qui souhaite adapter ma pièce le choix de genrer ces personnages si il ou elle en ressent le besoin, selon l’oralité et leur envie.

4Marie-Eve Milot et Marie-Claude St-Laurent, Chienne(s), Montréal (Québec) : Atelier 10, [2020], 155 pages.

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TABLEAU 1

L’écran sur scène affiche : Le matin. Dans la chambre de June.. Début du mois d’avril. Luz et June sont allongées sur un lit. Elles portent très peu de vêtements. Anita, la lapine marionnette se trouve dans la pièce. La scène est divisée en deux parties ; une chambre et une cuisine. Une lumière rose pâle éclaire le décor de la chambre.

LUZ, ouvrant les yeux. Un grain de beauté sur son bras. Sa respiration lente. Son buste qui se lève. Ma tête contre sa peau. Elle est belle. J’arrive pas à regarder ailleurs. Ses lèvres. Une tache sur sa chemise. C’est pas grave. C’est beau. Elle est belle. Ses mains posées sur mon corps. Sa peau. Ses cheveux. Son odeur. Un sourire. T’es belle.

JUNE, se réveillant doucement. Tu parles toute seule ? LUZ. Non, je discute avec Anita.

JUNE, se sort une cigarette en restant allongée. Fais attention, des fois elle répond.

LUZ, prend la cigarette des lèvres de June et la met dans sa bouche. Comme dans Alice aux pays des merveilles ?

JUNE, prend un briquet et allume la cigarette. Elle sourit et regarde la lapine. Regarde bien, elle se tient toujours près de l’horloge. Coïncidence ?

LUZ. Tu penses qu’elle calcule le temps ?

JUNE, elle s’approche pour l’embrasser. Mhmm, sûrement pour ça, on a l’impression que le temps s’arrête dans cette chambre.

Luz sourit. Un temps. Elles s’embrassent.

LUZ. Le temps passe surtout trop vite.

JUNE, elle regarde l’heure. Justement, il faut qu’on se lève. Allez Louloute.

LUZ. Ah j’haïs ça quand tu m’appelles comme ça.

JUNE. Comme ta maman… Louloute ! LUZ. Tu sais que je t’aime toi ?

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JUNE, elle sourit. Ma belle muse. Un café ? LUZ. Avec du lait. Dessine-moi.

JUNE. Sucre ? Je ne sais pas dessiner les déesses. Sorry.

LUZ. Pfff.

JUNE. Sucre ?

LUZ. C’est quoi tous ces dessins alors ?

JUNE. Je t’en mets un. Elle donne la tasse à Luz. Ce sont mes ex.

Un temps.

LUZ. Elles sont belles.

JUNE. Je sais.

LUZ. Pourquoi tu me dessines pas ? Tu veux attendre que je devienne ton ex ? June sourit. Silence.

LUZ, provocatrice. En fait, tu m’aimes pas vraiment.

JUNE. Oh non. Je te haïs tellement que je passe mes nuits dans tes bras. Je parle tous les soirs à Anita afin d’élaborer un plan pour me débarrasser de toi.

LUZ. Et elle te répond quoi ?

JUNE. Que je devrais me dépêcher si je veux pas être en retard à mon cours d’illustration ! LUZ. Ah oui. Tu vas retrouver ta professeure. L’amante de ta vie.

JUNE. Exactement ! Tu me rejoins dans le salon ? Lucas doit être réveillé.

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June enfile un t-shirt rose et un pantalon chic ; elle sort de la chambre. Luz est seule sur scène.

LUZ. J’ai toujours été vexée qu’elle veuille pas me dessiner. Je me dis qu’elle me trouve pas assez belle. Alors je la provoque. Un peu comme une réaction de jalousie. J’ai envie de la prendre en photo, j’ai envie d’écrire sur sa peau. Lui gribouiller que je l’aime. Je voudrai qu’elle ait envie de faire la même chose de moi. Un temps. J’ose pas lui dire.

Luz s’habille d’un jean et d’un sweat ; elle sort de la chambre et rejoint June dans la cuisine.

La lumière s’éteint dans la chambre et éclaire désormais la cuisine d’une teinte jaune.

Luz s’assoit face à June. Les deux amantes se regardent pendant un temps.

JUNE. J’aime bien comment tu souris.

LUZ. T’es restée combien de temps avec tes ex ? JUNE, en souriant. Ça dépend lesquel.les !

LUZ. Combien de temps pour que tu aies envie de les dessiner ?

JUNE. Tu lâcheras pas l’affaire. Peut-être… six mois, deux semaines, un an. Je sais plus. Je crois bien que le modèle que j’ai le plus dessiné ça a duré huit mois.

LUZ. Huit mois ? C’est marrant. C’est le symbole de l’infini. C’était peut-être ton âme sœur.

JUNE, en rigolant de Luz. Ah ben oui, ça fait aucun doute. Désolée, nous deux ça fait pas huit mois. Je me sentirais pas très à l’aise, tu comprends ?

LUZ. Devrais-je le prendre comme un compliment ? JUNE. À toi de choisir.

LUZ. J’en ai de la chance.

Lucas entre dans la pièce.

LUCAS. Mesdames.

JUNE. Allo chouchou.

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LUZ. Allo Luc !

JUNE. Il reste du café si tu veux.

LUCAS. Belle nuit ? LUZ. Plutôt douce ! JUNE. Plutôt chaude.

LUCAS. Est-ce que l’une de vous deux est intéressée à venir prendre une marche sur Saint- Jean cet avant-midi ?

JUNE. J’peux pas j’ai cours d’illu avec Natasha.

LUCAS. Oh. Je ne peux donc interrompre cet amour platonique entre Nat et Ju.

LUZ. Tu vois ! Même Lucas l’a remarqué. S’adressant à Lucas. Est-ce qu’on peut parler d’un syndrome d’Œdipe lorsqu’il s’agit de sa professeure ?

LUCAS. C’est en effet une question à résoudre. En attendant, je t’invite à venir séduire sur la rue Saint-Jean avec moi. Qui sait. Peut-être que tu y trouveras ton amant.e à toi.

LUZ. T’es cute. L’idée est vraiment tentante. Mais j’ai un dîner chez Olivia et Thaïs. Ça fait longtemps que je suis pas allée chez elles. Tu m’en veux pas j’espère ?

LUCAS, ouvrant le journal sur la table. Juste un peu.

June finit rapidement son café puis s’empresse de mettre un manteau et un foulard. Elle prend son sac, embrasse Luz et Lucas et se dirige vers la porte.

JUNE. J’aimerais pouvoir discuter avec vous d’amour et de peines perdues, mais comme vous m’avez si bien suggéré, le temps file et mon amante m’attend. S’adressant à Luz. On s’écrit ?

LUCAS. Bye madame. Je serai au parc entre Saint-Patrick et rue Berthelot cette aprèm. Si tu veux me rejoindre.

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LUZ. J’ai pas le choix, tu dois me dessiner.

June sourit et sort de la pièce. Lucas et Luz restent sur scène.

LUCAS. Tu connais-tu Billie Eilish toi ? LUZ. La chanteuse ?

LUCAS. Ouais LUZ. Pourquoi ?

LUCAS. J’ai une obsession avec elle en ce moment.

LUZ. Ah, tu l’écoutes genre ? LUCAS. En boucle. T’aimes toi ?

LUZ. J’connais pas vraiment, mais euh, ouais, ca à l’air cool.

LUCAS. Le personnage est tellement madade. Tu savais qu’y a un de ces clips, elle met une arraigné dans sa bouche pour vrai ? C’est malade.

LUZ. Ah. Ben, chacun.e sa spécialité.

LUCAS. Elle fait toute ses conceptions vidéos, ces paroles, tout toute seule ! LUZ. Ah ouais

LUCAS. J’crois que j’suis amoureux.

LUZ. Cute. Bon, je vais y aller ! On se voit tantôt ? Entre Saint-Patrick et rue Berthelot, j’y serai.

Lucas acquiesce avec une main levée. Luz lui sourit, elle va chercher son sac à dos et se dirige vers la porte. Elle sort de la pièce. Noir.

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TABLEAU 2

L’écran sur scène affiche: Sur le balcon d’Olivia et Thaïs. Même journée, vers midi. La scène éclaire le balcon surexposé au-dessus d’une rue piétonne. Olivia et Thaïs sont habillées de manière sobre. Thaïs porte un chapeau sur la tête. La rue est pleine de couleurs.

Sur le balcon, on aperçoit des plantes, des canettes vides, un hamac, une table avec des chaises. La lumière est un mélange de vert et d’orange.

OLIVIA. Non, mais tu fais exprès, trois fois que je te répète, à « viens voir », tu dois te retourner !

THAÏS. C’est pas logique ! Juste après il dit « et si on se pendait ? », c’est mieux que j’me retourne à ce moment-là.

OLIVIA. Non, car Vladimir se retourne et répond tout de suite. Si tu te retournes pas, le public comprend pas ton action !

THAÏS. Moi je trouve pas ça logique.

OLIVIA. Fais-moi confiance. Allez, on reprend.

THAÏS, jouant le personnage d’Estragon. Viens voir ! Thaïs se retourne.

THAÏS, jouant le personnage d’Estragon. Et si on se pendait ? OLIVIA, jouant le personnage de Vladimir. Avec quoi ?

THAÏS, revenant à elle-même. Non, mais ça fonctionne pas ! Pourquoi il se retournerait ? Après il veut s’en aller ! J’le comprends pas mon personnage.

OLIVIA. Thaïs ! T’es fatigante. À chaque fois qu’on répète, c’est la même chose.

Luz aperçoit les deux filles sur leur balcon. Elle sourit.

LUZ, en haussant la voix pour se faire entendre. Vous avez pas fini de vous chicaner vous deux ?

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OLIVIA. Ah ben enfin une personne sensée ! THAÏS. Luz! T’es ma sauveuse !

Luz monte les escaliers et rejoint le balcon des deux filles. Elles se serrent dans les bras.

OLIVIA. Tu tombes au bon moment, Thaïs me fait encore des misères. Pour la énième fois.

Se retournant vers Thaïs. On est sur la même portion de texte depuis ce matin !

THAÏS. Mais c’est toi qui m’énerves, t’écoutes pas mes propositions ! Tu joues à la dictatrice.

OLIVIA. La dictatrice ? C’est ce qu’on a vu en cours ! Tu étais d’accord avec les commentaires de la prof.

THAÏS. Oui, mais pas quand c’est toi qui m’y obliges !

LUZ. Eh eh chicas, savez-vous quoi, faites-moi votre pièce et je vais vous donner mon avis.

Elle s’assoit sur une chaise autour de la table. Deal?

Thaïs regarde Olivia d’un air fâché, puis se retourne vers Luz.

THAÏS. OK deal. Mais seulement parce que c’est toi.

Les deux filles se remettent dans leurs rôles ; Thaïs en Estragon, Olivia en Vladimir.

THAÏS. « Viens voir. ». Elle se retourne. « Et si on se pendait ? » OLIVIA. Avec quoi ?

THAÏS. Tu n’as pas un bout de corde ? OLIVIA. Non.

THAÏS. Alors on ne peut pas.

OLIVIA. Allons-nous-en.

THAÏS. Attends, il y a ma ceinture.

(21)

OLIVIA. C’est trop court.

THAÏS. Tu tireras sur mes jambes.

OLIVIA. Et qui tirera sur les miennes ? THAÏS. C’est vrai.

Thaïs se retourne et défait la ceinture de son pantalon. Olivia l’interrompt.

OLIVIA, revenant à elle-même. Non, mais qu’est-ce que tu fais ! Tu dois pas te retourner là ! THAÏS, revenant à elle-même. Oh, mais je comprends plus rien ! Tu veux que je me retourne puis tu veux plus !

LUZ. Hey hey ! On respire. C’est quoi déjà la pièce ? OLIVIA. En attendant Godot.

Thaïs s’assoit près de Luz et lui fait un câlin.

THAÏS. Moi je veux que ce soit Luz notre metteuse en scène. Regardant Olivia. Elle est gentille elle au moins.

OLIVIA. Pff elle a rien dit ! Et allez c’est encore moi qui passe pour la méchante ! LUZ. Ah oui, c’est vrai, de Birket.

OLIVIA. Mhmh, c’est Beckett*

LUZ. Ah oui s’scuze, tu sais, moi l’théâtre..

Olivia se pose dans le hamac. Luz et Thaïs sont autour de la table.

THAÏS, s’adressant à Luz. Bon, cessons parler théâtre. C’est l’heure, des potins de la semaine. Je veux tout savoir !

LUZ, souriant. Moi aussi !

(22)

OLIVIA, regardant Luz. Comment ça toi aussi ? C’est à toi qu’on demande ! Un temps.

LUZ. Moi ?

THAÏS, à Olivia. Oh, mais laisse-la un peu, à chaque fois tu lui demandes la même chose.

Imitant Olivia. « Alors alors ? Avec June ? ».

Thaïs et Luz se mettent à rire.

OLIVIA. Quoi ? Mais c’est toi qui vient de demander ! Un temps. Elle s’allume une cigarette.

De toute façon vous êtes toujours contre moi.

LUZ. Hein ? Mais moi j’ai rien dis !

THAÏS, se penchant vers Olivia pour lui faire un câlin. Oh, chaton. Moi aussi je t’aime. C’est pour te taquiner. S’adressant à Luz. Pour vrai, comment ça va avec June ?

OLIVIA. Ah tu vois t’es aussi curieuse que moi !

THAÏS. Oui, mais moi je le dis avec plus de tact. Imitant Olivia « c’est à toi qu’on demande », y’a pas pire comme demande !

OLIVIA. Ah c’est vrai que de « raconter les potins », c’est mieux ! LUZ. On peut-tu arrêter de parler de MA relation à MA place ? Les deux filles se taisent. Après un temps.

OLIVIA, d’un ton moqueur envers Thaïs. Quand ta réplique veut pas faire le mouvement de se retourner, ça devient compliqué tu sais.

THAÏS, rentrant dans le jeu en s’allumant une cigarette. En même temps quand ta réplique s’appelle Vladimir.

Les trois filles rient.

(23)

LUZ, avec un sourire au coin des lèvres. Ça va bien avec June.. Un temps. Ouais. Elle est géniale. Un temps. J’étais chez elle ce matin.

THAÏS. Ah ! Et bien voilà l’heure des potins ! OLIVIA. Thaïs !

THAÏS. Je rigole.

LUZ. On était là. Pis on s’aimait. On a tellement fait l’amour. Ses yeux. Son sourire. Ses cheveux. Elle est si belle. Un temps.

THAÏS. T’as envie de lui faire un bébé ? LUZ. Quoi ? Mais non !

THAÏS. Ben pourquoi ? Si elle est belle, fais lui un bébé, tu l’auras pour toi tout le temps ! OLIVIA. Laisses faire, c’est Thaïs. Est-ce que tu as moins peur ?

LUZ. Oui, non, j’sais pas. C’est comme si j’avais toujours peur de la perdre. Comme si j’avais aucun contrôle sur rien.

OLIVIA. Enfin, heureusement que tu n’as pas de contrôle sur elle.

LUZ. Oui oui, bien sûr. Un temps. Mais, je veux dire, même de la situation en général. Je ne sais même pas si je suis capable de gérer mes sentiments, mes émotions. Un temps. C’est très fort ce que je ressens pour elle. Un temps.

Thaïs se lève et vient serrer son amie dans ses bras. La main d’Olivia vient caresser le genou de Luz. Noir.

(24)

TABLEAU 3

L’écran sur scène affiche: Même journée en après-midi. June et Lucas sont au parc, assis.e.s sur un banc au centre de la scène. On observe deux panneaux : Saint-Patrick à gauche et rue Berthelot à droite. June dessine Lucas qui lit. Des bruits de fond du parc accompagnent l’action. Des arbres sont présents sur scène.

JUNE. Tu aimes ?

LUCAS. Que tu me dessines ?

JUNE, concentrée sur son dessin. Non.

LUCAS. Le livre ? JUNE. Oui.

LUCAS. Oui j’aime. Ça s’appelle Prague. C’est de Maude Veilleux.

JUNE. Ça parle de quoi ?

LUCAS. Du polyamour. De la censure. Du tabou. De l’acceptation de soi. De l’autre.

D’écrire.

JUNE. Qu’est-ce que tu préfères dans tous ces aspects ?

LUCAS, après un temps. Difficile de s’exprimer clairement sur cette lecture. Je trouve ça intéressant la manière dont elle se livre entièrement. Comment elle partage son intimité. Se retournant vers June.

JUNE. Non non. Bouge pas.

LUCAS. Tu me poses une question puis j’peux même pas te l’expliquer proprement.

JUNE, en rigolant. S’cuze. C’est que je tente un nouveau concept et je veux vraiment voir le rendu sans mouvement.

LUCAS. Un nouveau concept. Un temps. Je suis ta muse à temps plein sans jamais donner mon consentement.

(25)

JUNE. C’est ça de m’avoir choisie.

LUCAS. Tu veux dire que j’ai pas mon mot à dire vu que c’est moi qui aie choisi ta compagnie ?

JUNE, acquiesçant avec sa tête. Exactement.

Entrent les ami.es de June sur scène ; Alex, Stephane, Charlie.

CHARLIE. Steph t’es tannant.e quand tu dis ça.

STEPHANE. Écoute darling…

CHARLIE. Non, toi écoute, c’est mon droit de pas aimer le street-art.

STEPHANE. Et toi t’accorderas jamais de crédit à ce qui me plaît.

ALEX. Arrêtez-vous deux, on en a marre de vous entendre vous battre sur des peintres morts !

JUNE, levant la tête pour saluer ses ami.es. Moi j’aime bien les voir s’entretuer sur des peintres morts.

STEPHANE, s’approchant de June. Mais toi ma chérie, t’es différente.

LUCAS, s’adressant à tous.tes. Salutations à tous.tes ! CHARLIE. Lucas ! Quelle surprise de te voir au parc !

LUCAS. Je prends ce commentaire, qui m’a l’air bien ironique, comme un compliment. C’est que j’aime vous voir faire votre entrée en scène.

STEPHANE. Notre entrée en scène ?

ALEX. Chaque fois qu’on vient au parc, vous faites une pièce pour tout le quartier ! STEPHANE. Parce que tu fais jamais de scène de théâtre toi ?

(26)

CHARLIE. Quand on est sorti.e.s de la maison.

STEPHANE, imitant Alex. « Oui, j’en ai marre, vous regardez toujours des films sans moi. » CHARLIE, imitant Alex. « Vous m’dites jamais ce que vous faites ensemble. »

STEPHANE. « Vous rigolez plus avec moi. »

CHARLIE. « Vous allez faire les courses sans moi. » Les deux ami.es rigolent.

ALEX, vexé. Non, mais si je fais ça c’est parce que… ben… je suis bien avec vous… puis…

je… j’me sens… seul.e quand… quand vous partagez des choses… comme ça là… puis…

oh vous m’énervez ! CHARLIE. Oh chaton !

JUNE. Bon ça suffit les chicanes. Alex, assieds-toi, j’vais te dessiner.

ALEX, s’asseyant face à June. À toi le crayon ma belle.

LUCAS. Eh bien, on m’oublie vite ici.

Luz entre sur scène.

LUCAS, apercevant Luz. Oh ! Il manquait plus que toi.

LUZ, à tout le monde. Hey. Je pensais pas voir autant de gens ! STEPHANE. Es-tu déçue ?

LUZ, gênée. Ah non non ! Du tout !

CHARLIE. C’est toi Luz ! June m’a tellement parlé de toi.

ALEX. Oui, enfin, elle nous en a parlé à tous.tes.

STEPHANE. Tu vois ! Tu te plains.

(27)

ALEX. J’me plains pas ! Je dis juste que June nous a parlé de Luz à tous.tes les trois.

CHARLIE. Bon taisez-vous ! C’est à Luz que je m’adresse. Parle-moi de toi très chère.

LUZ. Eh bien je…

JUNE, sortant une cigarette. Mais laissez-la un peu respirer ! La pauvre, elle vient d’arriver ! Qu’est-ce que vous êtes stressant.es ! Alex arrête de bouger !

ALEX. Oui chef !

JUNE. Luz, prends-toi une bière, les écoute pas.

LUCAS. Eh bien, que de mouvements pour des concepts sans mouvement.

LUZ, prenant une bière. S’adressant à June. Tu dessines quoi ? CHARLIE. Son amant.e.

STEPHANE. La terreur.

CHARLIE. L’amour.

STEPHANE. Le néant.

ALEX. Moi.

JUNE. Alex. June se retourne vers Charlie. Puis tu demandes à Luz comment elle va alors que l’on s’est pas vu.e.s depuis des semaines.

CHARLIE. Oh, excuse-moi, je ne voulais pas frustrer ton ego. Parle-moi de toi, June, ça fait longtemps qu’on s’est pas vu.e.s seul.e.s toi et moi. Que se passe-t-il dans ta vie ? D’ailleurs… Tu m’avais promis de me dessiner. À quand notre rendez-vous ?

JUNE. Tout explose dans tous les sens, très cher.e. Envoie-moi tes horaires et je t’inviterai devant mon chevalet.

CHARLIE. Il me tarde alors.

(28)

ALEX. Oui, mais en attendant c’est moi qu’elle dessine.

LUCAS. Un vrai tableau vivant.

Luz se sent mal à l’aise. Elle se lève et va s’asseoir près de Lucas.

LUZ. Alors la rue Saint-Jean ? Beaucoup d’individus à séduire ? LUCAS. Si tu savais. Je tombe amoureux à tous les coins de rue.

LUZ. Ah ! T’as déjà oublié Billie ?

LUCAS. Non mais Billie c’est un amour plus intérieur, tu vois, plus platonique.

LUZ. Mhmh, je vois, genre le fait qu’elle mange des araignées ca rend déjà la chose beaucoup plus platonique.

LUCAS. Oh non elle ne les mange pas, elles sont juste dans sa bouche. Et je trouve qu’on devrait tous faire de même pour éloigner cette phobie des araignées. Ca aiderait beaucoup de gens.

LUZ. Vue comme ça…

LUCAS. Bon, June, vue que t’as décidé de m’échanger par quelqu’un.e d’autre, je peux-tu bouger ?

JUNE. Un coup je te dessine sans ton consentement, l’autre tu te plains que je te dessine plus.

Mon beau Lucas, je te comprends pas.

LUCAS. Voilà ici toute l’histoire de ma vie.

JUNE. Et la philosophie d’Hegel.

LUCAS. Aussi.

JUNE, s’adressant à Luz. Tu veux me prendre en photo ? LUZ. J’aimerais ça.

(29)

JUNE. Alors d’accord, mais je t’accorde une seule photo. L’échange sera un dessin de toi contre une photo de moi.

LUZ. Tu veux bien me dessiner finalement ?

JUNE. J’ai fait une proposition ; je n’ai pas dit mon dernier mot.

Luz sourit et prépare son matériel photographique. June continue de dessiner Alex qui ne bouge pas. La scène devient statique. Seule Luz est encore en mouvement. Les sons extérieurs s’estompent.

LUZ, elle se penche face à June. Le mouvement de ses mains. Les coups de crayon sur sa feuille. C’est comme de la magie. J’observe son visage. Je suis là. Je la regarde. Un temps.

Je pourrais la regarder pendant des heures. Son air concentré. Le plissement de ses lèvres lorsqu’elle est pas sûre de son trait. Je me mets face à elle. Je sors ma lentille. Je suis figée.

Je clique. Un temps. Luz se relève. J’ai un souvenir. Un temps. Pour toujours. Je sais, qu’à ce moment précis, June m’aime et j’aime June.

La scène reprend tel qu’initialement. Les sons réapparaissent et les personnages reprennent leurs actions.

LUCAS. Je vais vous laisser. J’aimerais aller voir le coucher de soleil. Des intéressé.e.s ? JUNE. Alex, toi tu restes ici, j’ai pas encore terminé.

Charlie et Stephane se joignent à Lucas.

CHARLIE, se levant et s’adressant à Alex. Tu nous rejoindras plus tard joli cœur. Et puis, c’est l’occasion pour un ménage à trois avec Lucas. Notre rêve se réalise enfin Steph.

STEPHANE. Devant un coucher de soleil, qui dit mieux.

LUCAS. Personne ne me demande mon avis à moi ?

Charlie prend Lucas par le bras. Stephane les rejoint, iels sortent de scène. June continue de dessiner Alex. Luz se sent exclue.

ALEX, d’un air intime à June. Comment ça va avec ton père ?

(30)

JUNE. Ça va. Un temps. La dernière fois que je l’ai vu c’était à l’anniversaire de ma sœur.

On s’est à peine parlé. Mais bon. C’est comme ça.

ALEX. Et ta mère ?

JUNE. Ma mère… Ça va. Un temps. Le temps passe et on essaie d’entretenir une relation qui n’existe pas vraiment.

LUZ, à June. Tu t’es disputée avec tes parents ? JUNE. Oui… Enfin, j’ai pas trop envie d’en parler.

ALEX. Oups, excuse. Je voulais pas te mettre mal à l’aise.

Silence.

JUNE. Tu me mets pas mal à l’aise.

LUZ, à elle-même. Mon cœur qui bat. Des frissons. Iels se regardent. Beaucoup. Trop. Je suis pas à ma place. Je devrais partir. Aux autres. Je pense que je vais vous laisser, je… je dois repasser chez moi.

JUNE. On se voit toujours ce soir ?

Luz acquiesce de la tête et sort de scène. June continue de dessiner Alex. Les deux personnages se regardent. Noir.

(31)

TABLEAU 4

L’écran sur scène affiche : Même journée. En soirée. Luz et June sont seules dans l’appartement. Elles sont dans la chambre de Luz.

JUNE. Ma première copine refusait qu’on se tienne la main en public, par peur qu’on se fasse frapper. Un temps. Je l’ai embrassée et on s’est fait arrêter et siffler par une dizaine de mecs.

Un temps. À chaque fois que j’emménage quelque part, je me sens obligée de dire « J’ai une copine, est-ce que ça vous dérange ? » C’est ce « Ça vous dérange ?» qui me reste au travers de la gorge. Silence. Mes parents me disaient que j’étais pas normale. Un temps. Mon père est mort. Enfin, presque. Un temps. J’ai présenté ma première copine à ma mère. Tu sais ce qu’elle m’a dit ? « Quand est-ce que ta crise d’adolescence va s’arrêter ? Tu n’as pas rencontré le bon garçon. » Quand je fais l’amour avec une fille… Quand je fais l’amour avec toi, j’ai des flashbacks homophobes. Silence.

LUZ, après un temps, elle récite des paroles. « À toi, à la façon que tu as d’être belle. À la façon que tu as d’être à moi. À tes mots tendres un peu artificiels, quelquefois. À toi. À la petite fille que tu étais. À celle que tu es encore souvent… »

JUNE. 1976.

LUZ. Oh tu connais… Silence. Je veux toi, June.

JUNE. Moi aussi. Je veux toi. Mais un peu cliché le Joe Dassin.

Luz va serrer June dans ses bras.

LUZ. Je suis désolée. Vraiment.

JUNE, après un temps. Elle s’appelait Ninon.

LUZ. Qui ça ?

JUNE. Ma première copine.

LUZ. Tu n’as plus de contact avec elle ? JUNE. Non.

(32)

LUZ. Comment ont réagi tes parents quand tu l’as embrassée devant eux ? JUNE, étonnée. Pourquoi cette question ?

LUZ. Je suis curieuse.

JUNE. Je m’en souviens plus. J’ai pas ramené le sujet sur la table. Un jour j’avais une amoureuse et c’est tout.

LUZ. Et aujourd’hui ? Tu leur as pas présenté d’autres personnes ?

JUNE. Non. Ils savent que je vois des filles, mais ils espèrent encore qu’un jour je vire de bord et que je leur présente un bon garçon, « un vrai ». Que j’arrive à la maison, que je sonne à leur porte et que je leur dise « Vous aviez raison. Voilà l’homme de ma vie : Charles ».

(Petit rire.) Pff, Charles. Mon père serait ravi. Blanc, hétéro, cheveux lisses. Sûrement catholique ou protestant. L’un ou l’autre, ça changerait rien. Pour autant que c’est pas une fille.

LUZ. Pourquoi Charles ? T’en connais un ?

JUNE. Rire. Mon père a toujours fantasmé sur son cousin Charles. C’est à se demander s’ils ont pas eu une relation en cachette.

Elles rient.

JUNE. Silence. Soupir. J’ai essayé d’avoir des conversations avec ma mère. Mais, j’me rends compte que ça lui fait plus de mal qu’autre chose… Elle comprend pas à quoi ça sert d’aimer une fille si elle peut pas te donner d’enfant… Silence. Enfin, je veux dire « naturellement ».

Tu sais, je pense que c’est pas grave. Je peux pas leur en vouloir. Ma mère elle a fait de son mieux. J’aime pas la rendre triste. Je pourrais pas lui faire changer d’avis. Je peux juste l’aimer pour ce qu’elle a fait pour moi.

LUZ. Wow. Je savais pas que c’était si compliqué d’aimer pour toi.

JUNE. Je suis désolée. Un temps. Je suis très proche d’Alex. C’est un sujet qu’on aborde souvent lorsqu’on est ensemble. Iel a un parcours de vie assez similaire au mien.

Un temps.

(33)

LUZ. T’as eu une relation avec ? JUNE. Pourquoi ?

LUZ. On dirait.

JUNE. On s’est déjà embrassés.

Un temps.

LUZ. Tu me l’avais jamais dit.

JUNE. Pourquoi je te l’aurais dit ?

LUZ. Car c’est un.e ami.e à toi que tu vois souvent.

JUNE. On s’est embrassés à quelques soirées, c’est tout.

LUZ. Ah ouais… quelques ? Donc, c’est arrivé plusieurs fois ? JUNE. Oui, et alors ?

LUZ, soucieuse. Non, non. C’est juste que tu l’as dessiné.e. Après un temps. Tu sais, moi j’ai l’impression de pas connaître mon père. Je sais qu’il existe. C’est tout.

JUNE. Peut-être que tu devrais l’appeler plus souvent ?

LUZ. Peut-être. Mais c’est lui qui est parti. Moi j’ai rien demandé. Un temps. S’il avait essayé de renouer les liens, peut-être que j’aurais envie. Mais j’veux pas mettre des efforts pour une personne que je connais pas.

JUNE. C’est compliqué.

Silence.

LUZ. Dessine-moi.

JUNE. Tu lâcheras pas l’affaire.

(34)

LUZ, en souriant. Non ! JUNE. Un jour peut-être.

LUZ. Tout à l’heure tu as fait un deal avec moi.

JUNE. Oui, mais pas aujourd’hui.

LUZ, après un temps. Je pourrais te dessiner moi ! JUNE. Ah oui ? OK !

June sort une grande feuille de papier. Luz s’empresse de prendre des crayons. June s’allonge devant elle. Luz se met à gribouiller sur la feuille.

LUZ, après un temps. C’est bon ! JUNE. Déjà ?! Montre !

LUZ. Non ! D’abord, dessine-moi !

JUNE. Je t’ai dit pas aujourd’hui ! Elle regarde l’heure. En plus je dois y aller. Il est tard.

LUZ. Déjà ? Tu dors pas ici ?

JUNE. Non, j’ai du travail, il faut que je rentre.

LUZ, simulant de ne rien ressentir. C’est pas grave. Je vais continuer.

JUNE. Sans moi ?

LUZ. Puisque tu veux pas m’apprendre à aimer, je vais l’apprendre toute seule.

JUNE, en lui donnant une fessée. Tu m’énerves toi !

Elles s’embrassent. June sort de scène. Luz reste sur scène et continue de dessiner.

LUZ. Maintenant, j’ai ce prénom qui résonne dans ma tête : Alex… Elle sort de scène. Noir.

(35)

TABLEAU 5

L’écran sur scène affiche : Le lendemain. Chez Roxane. Fin d’après-midi. Roxane est habillée de manière très féminine avec beaucoup de bijoux. Luz porte un jogging et un t- shirt. Elle est sur son téléphone portable et paraît soucieuse.

ROXANE. As-tu eu des nouvelles de ton père ? Il répond pas à mes messages et j’aimerais qu’il te donne de l’argent. Moi j’peux pas ce mois-ci. Elle sort une cigarette. Mais je suis contente de te voir. Elle allume sa cigarette. Tu sais qui j’ai croisé la dernière fois ? Ton amie là… celle avec qui tu… Jeanne !

LUZ. Avec qui quoi ?

ROXANE. Ben t’as pas fait de la danse avec elle ? LUZ. Ah si, c’est vrai. J’avais oublié.

ROXANE. Elle a pas changé.

LUZ. J’sais pas. Un temps. J’aimerais voir Nathan. On l’inviterait à souper ce soir ? ROXANE. Il est à Québec  ? Il m’a même pas tenue au courant.

LUZ. Maman, c’est pas grave, il va pas t’appeler tous les jours non plus pour te dire où il se trouve.

ROXANE. Il doit encore être parti dans le bois pour faire un rave ou je sais pas quoi.

LUZ. J’vais l’appeler. Ce soir c’est bon pour toi ?

Luz appelle Nathan. Un son d’appel retentit dans la salle.

ROXANE. Je sais pas… J’ai des choses à faire.

LUZ, en chuchotant dans le téléphone posé sur son oreille. Comme regarder la télé ? ROXANE. Non, comme aller voir le coucher de soleil.

LUZ. Ah tu vas t’y mettre toi aussi ?

(36)

Nathan décroche. Sa voix résonne dans la salle.

ROXANE, ne comprenant pas. Je vais m’y mettre ? À quoi ? NATHAN, au bout du fil. Allô ?

LUZ. Nathan, c’est Luz. Je te dérange pas ? À sa mère en chuchotant. Raison de plus pour l’inviter.

NATHAN. Hey Luz! Comment ça va ?

LUZ. Oui ça va, je suis chez maman, on se demandait si tu faisais quelque chose ce soir.

NATHAN. Là je suis dans le bois…

ROXANE, en s’allumant une cigarette. Qu’est-ce que je disais…

LUZ, agacée en chuchotant. Maman !

NATHAN. Mais je pourrais être revenu pour le souper. 

ROXANE. On a l’habitude de s’adapter à son horaire de toute façon.

LUZ. Oui, ça nous convient parfaitement ! NATHAN. Parfait, on se voit ce soir ! LUZ. Bisous !

Le téléphone raccroche. Un temps.

ROXANE. Bon, eh bien, je vais faire des pâtes. Elle se dirige vers la cuisine. Un temps. Et ton affaire, ça avance ?

LUZ. Mon affaire ?

ROXANE. Ben ton recueil dessin/photo ?

(37)

LUZ. Ah ouais, ça avance. Un temps. Mais tu verrais ce que fait June. C’est vraiment magnifique.

ROXANE. Ah oui, c’est vrai. Elle écrase son mégot de cigarette. Comment elle va cette petite ?

LUZ, en imitant sa mère. « Cette petite », t’es marrante. C’est mon amoureuse, elle est plus si petite que ça.

ROXANE. Oui, enfin, ton amoureuse, ton amoureuse… C’est vite dit. C’est pas la femme de ta vie non plus.

La scène devient statique. Luz regarde attentivement sa mère. Elle prend le cendrier dans lequel le mégot de sa mère est écrasé. Elle le vide à la poubelle. Elle s’avance vers le public.

Elle s’allonge sur scène, allume la cigarette. Roxane continue son activité sans entendre sa fille.

LUZ. Ma mère. Un temps. Elle est belle, ma mère. Un temps. Elle expire la fumée de sa cigarette. Vous avez vu ? Quand elle tire sur sa cigarette, elle cligne des yeux. Tout le temps.

Quand j’étais petite, j’me disais qu’elle séduirait tous les hommes de la terre, comme ça, en tirant sur sa cigarette. Je la trouvais tellement belle que je voulais faire comme elle. Alors, je m’achetais des cigarettes en chocolat et je l’imitais. Imitant sa mère. « Tu sais Luz, les hommes faut pas leur faire confiance, ils te regardent, ils t’embrassent. Tu tombes amoureuse, et pouf, ils s’en vont. Et avant de partir, ils finissent ton paquet de cigarettes. Crois-moi. Les filles, il y a que ça de vrai. ». Un temps. Luz arrête d’imiter sa mère. Les filles, il y a que ça de vrai. Je sais pas ce qu’elle voulait me faire comprendre quand elle me disait ça, mais je l’ai bien écoutée. Je l’ai toujours admirée. Et regardez, elle est belle ma mère. C’est la plus belle femme au monde. Silence. Luz s’allume une deuxième cigarette. Ce que je comprends pas, c’est pourquoi elle n’accepte pas que j’aime June. Vous allez me dire, c’est pas vrai, c’est pas ce qu’elle a dit. Mais alors : « C’est pas la femme de ta vie non plus ». Qu’est-ce que je dois comprendre ?

Luz retourne auprès de sa mère, dans la cuisine.

LUZ. Tu as raison maman. C’est pas la femme de ma vie. Mais je l’aime.

Roxane sourit. Elle caresse les cheveux de Luz.

ROXANE. T’es jolie ma puce.

(38)

Pendant quelques minutes, on voit un lapse de temps s’écouler sur scène. Luz et Roxane font passer le temps sur scène pendant qu’une musique retentit. Un changement de lumière s’opère également pour mettre en évidence le soir qui tombe. Après ce changement temporel, quelqu’un toque à la porte. Entre Nathan.

NATHAN. Et qui voilà !

LUZ. Nathan ! Elle saute dans ses bras.

NATHAN. Tu vas bien ma belle ? Ça fait un bail ! Allô sœur chérie. Il s’approche pour embrasser Roxane.

ROXANE, en s’éloignant. Ah non, tu m’touches pas t’es tout sale.

NATHAN. Je suis pas sale, c’est de la sueur et de la nature.

ROXANE. Justement.

NATHAN. Toujours un plaisir de te voir !

ROXANE. Nathan, si t’es pas content tu peux partir.

NATHAN. Je suis là, je reste.

LUZ. Oh ça suffit vous deux, ça va pas recommencer. Elle se penche vers Nathan. Alors le bois ?

NATHAN. C’était chouette ! J’y suis allé seul pour faire un peu de musique et d’escalade.

LUZ. T’as pris tous tes instruments là-bas?!

NATHAN. Non non, juste ma guitare. Pis ma tente et mon matériel de grimpe. J’ai tout laissé dans le char.

LUZ. C’est quand que tu m’emmènes ?

NATHAN. Je serai plus disponible aux alentours de septembre. Je pars en voyage dans une semaine.

(39)

LUZ. Ah oui c’est vrai… Tu seras pas là pour mon anniversaire…

ROXANE, à elle-même. Comme d’habitude.

NATHAN, à Roxanne. T’en as pas marre d’être aigrie comme ça ? Roxanne fait semblant de ne pas entendre.

ROXANE. À table ! Pâtes mayo-tomates-olives. Simple. Efficace. Et il y en a toujours assez.

Les trois personnages se mettent autour de la table et commencent à manger.

LUZ. Miam !

NATHAN, à Luz. Est-ce que Thomas t’a contacté récemment ?

ROXANE. Ben non, il appelle jamais, pourquoi soudainement il se manifesterait ? NATHAN, à Roxane. Excuse je savais pas que ton nom c’était Luz.

ROXANE. Tu as le don d’amener les sujets qui fâchent ! LUZ, les yeux baissés. Non.

ROXANE. Non ?

LUZ. Non, il m’a pas contacté.

ROXANE. Tu vois qu’est-ce que je disais.

NATHAN, à Roxanne. T’es fatigante.

LUZ. Mais, c’est pas grave. C’est bientôt ma fête. Il devrait m’appeler.

NATHAN. Tu vas faire quoi ? LUZ. Ben je vais lui répondre.

(40)

NATHAN. Non, mais pour ta fête.

LUZ. Ah, je pensais la fêter avec June. Juste à deux. En amoureuses.

NATHAN. C’est pas une manière de fêter ses 25 ans ça !

ROXANE. C’est ce que je lui ai dit. Elle veut pas m’écouter. À Luz. Moi je veux te louer un chalet et que tu puisses faire la fête avec tous tes ami.es.

LUZ. Mais c’est pas ce que je veux. Je veux juste être avec mon amoureuse.

NATHAN. Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble déjà ? LUZ. Euh… je sais pas… ça doit faire un mois…

NATHAN. Un mois, si ça se trouve dans un mois c’est fini.

LUZ. Pourquoi tu dis ça ?

ROXANE. C’est pas correct ça Nathan.

NATHAN. Non, mais j’veux dire, c’pas que ça va arriver, c’est pas ce que j’espère en tout cas.

LUZ, agacée. Ben alors, tais-toi.

NATHAN. Excuse Luz, ce que je voulais.. c’est que tu dois profiter. Je voudrais pas que tu regrettes de pas avoir fêté tes 25 ans.

LUZ. J’vais pas les regretter. C’est mon choix de fêter avec June.

NATHAN. All right. Excuse. J’aurais du me taire.

Silence.

ROXANNE. Qui veut encore des pâtes ? LUZ. Moi j’ai plus faim.

(41)

NATHAN. Moi je peux finir !

LUZ. Je pense que… Je vais y aller en fait.

ROXANE. Tu dors pas ici ma puce ?

LUZ. Si, mais je… ce que j’veux.. c’est que j’vais aller me coucher.

NATHAN. Déjà ? Tu veux pas qu’on se prenne une petite bière ? Pour me faire pardonner ? Je suis vraiment désolé.

Un temps. Luz sourit. Elle vient prendre Nathan dans ses bras.

LUZ. Je sais que t’es un peu stupide parfois.

Roxane s’allume une cigarette.

ROXANE. Bon, il va falloir finir les pâtes.

NATHAN. Viens t’en faire un câlin avec nous sœurette, on les finira demain tes pâtes. Un temps. C’est promis.

ROXANE. Vous me fatiguez.

Roxane va rejoindre Luz et Nathan. Iels se serrent dans les bras. Les personnages se mette dans le canapé, regardent la télévision. On les voit rire et passer du bon temps ensemble.

Parfois, Luz sort son téléphone et paraît soucieuse. Noir.

(42)

TABLEAU 6

L’écran sur scène affiche : La nuit. Chambre de Luz, chez Roxane. Luz est allongée sur son lit. Elle semble soucieuse. Une simple lampe éclaire la scène projetant une ombre sur le drap blanc derrière le lit. Luz regarde l’ombre qui est en réalité la présence de marionnettes derrière le drap. Après un temps, elle s’endort. Derrière le drap blanc, l’ombre de Luz, une nouvelle marionnette apparaît. Le public entre dans le rêve de Luz.

OMBRE DE LUZ, effrayée. Qui es-tu ?

L’OMBRE. Bonjour Luz. Tu ne me reconnais pas ? OMBRE DE LUZ. Vous me faites peur.

OMBRE. Peur ? L’ombre rit. Je suis toi, Luz.

OMBRE DE LUZ. Moi ?

L’OMBRE. Ton anxiété, ton impulsivité, ton angoisse, ta jalousie.

OMBRE DE LUZ. Pourquoi vous êtes là ?

L’OMBRE. Je ne suis que ton imagination. C’est toi qui as voulu que je sois là.

OMBRE DE LUZ, gardant une distance. Je veux que vous partiez ! Je me reconnais pas.

Vous me faites peur.

L’OMBRE, se transformant en la même marionnette que l’ombre de Luz. Pourtant, c’est bien toi, là. Regarde. Je vis en toi Luz. Tu ne peux pas me repousser.

OMBRE DE LUZ, encore plus effrayée. Qu’est-ce que vous me voulez ? L’OMBRE. C’est à toi de me le dire.

OMBRE DE LUZ. Pensez-vous que je suis une mauvaise personne ? L’OMBRE. Y aurait-il des choses qui pourraient te faire croire ça ? OMBRE DE LUZ. Je sais pas…

(43)

OMBRE. Es-tu sûre ?

Luz ne répond pas. L’ombre se transforme en marionnette de June.

OMBRE DE LUZ. June ?

OMBRE. Y aurait-il des choses qui te feraient remettre en question ta relation ? OMBRE DE LUZ. Non. Je l’aime, elle m’aime.

OMBRE. En es-tu certaine ?

OMBRE DE LUZ. Mais qu’est-ce que vous me voulez à la fin ? Oui, j’en suis certaine, enfin, je crois, je sais pas, non…

OMBRE. Ta mère et ton oncle n’approuvent pas vraiment cette relation. N’est-ce pas ? OMBRE DE LUZ. Pourquoi cette question ? Si iels l’approuvent ? Vous n’avez pas à vous mêler de ça !

OMBRE, satisfaite. Ta colère en dit plus que tes paroles.

OMBRE DE LUZ. C’est juste que je suis beaucoup attachée à elle, et … OMBRE. Et ça te fait souffrir car elle ne l’est pas autant que toi ?

OMBRE DE LUZ. Vous pensez ? OMBRE. C’est toi qui le dis.

OMBRE DE LUZ. Pourquoi je suis rongée comme ça de l’intérieur ? Pourquoi j’ai peur ? L’ombre caresse le visage de Luz. Noir.

(44)

TABLEAU 7

L’écran sur scène affiche : Ce tableau a une durée de six mois dans le temps. On observe l’évolution quotidienne des personnages par des moments de vie joués au moyen du mime sans paroles. Chaque moment à une durée de trois minutes. Une musique accompagne l’ensemble du tableau.

MOMENT 1. Luz est dans sa chambre sur son téléphone. Elle reçoit un appel téléphonique.

Elle semble triste. Elle raccroche. Elle sort de scène. Changement de décor.

MOMENT 2. Luz, chic et belle, entre dans la chambre de June qui s’apprête à sortir de l’appartement. Elle est bien habillée, maquillée et préparée comme pour un rendez-vous. Luz comprend que June a rendez-vous avec quelqu’un.e d’autre. Les deux filles se disputent. Luz s’assoit sur le lit pendant que June sort en claquant la porte. Luz reste seule sur scène pendant un moment, puis sort. Changement de décor.

MOMENT 3. Olivia et Thaïs entrent sur scène dans un parc. Elles préparent un set up. Olivia s’assoit et tient un texte dans ses mains. Thaïs face à Olivia, semble jouer le texte. Luz entre en scène. Elle s’assoit près d’elles. Elle semble s’exclure elle-même. Les deux filles se chicanent. Luz se met à pleurer. Les deux filles ne savent pas quoi faire et prennent Luz dans leurs bras. Luz se dégage puis fait semblant d’aller mieux. Elle sort de scène. Les deux filles tentent de la suivre en rangeant rapidement leur set up. Changement de décor.

MOMENT 4. June entre sur scène. Le lieu est différent de tous ceux que nous avons vus précédemment. Elle semble être dans un bar. Elle commande une boisson. Alex entre en scène. Iel s’assoit près de June. Iels rigolent. Iels vont danser. June se sent triste. Alex la rassure. Une complicité est présente. Iels se serrent dans les bras et sortent de scène.

Changement de décor.

MOMENT 5. Luz entre chez Nathan. Iels sont assis dans le canapé. Iels fument et boivent des bières. Luz ne parle pas beaucoup. Nathan essaie de la faire rire. Au début elle ne réagit pas, puis elle finit par se détendre et passer du bon temps avec son oncle. Elle reçoit un message sur son téléphone puis angoisse à nouveau. Elle s’exclut une autre fois puis finit par partir. Nathan reste seul sur son canapé et se sent démuni.

MOMENT 6. Luz est dans sa chambre sur son téléphone ; même position que dans le moment 1. Elle compose un numéro et pose son téléphone sur une oreille. La messagerie de Thomas résonne dans la salle. Elle raccroche aussitôt. Elle s’assoit sur le lit, triste, et regarde le public. Noir.

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TABLEAU 8

L’écran sur scène affiche : Six mois plus tard. La fête à Charlie. Un soir de septembre. Luz, June, Lucas, Olivia, Thaïs, Alex, Stephane et Charlie sont sur scène. La musique est très forte. La scène est divisée en deux parties ; l’intérieur avec le salon, la salle de bain et la cuisine, puis l’extérieur, le balcon.

STEPHANE, s’adressant à Lucas. À toi de mélanger.

LUCAS. Pourquoi c’est toujours moi qui perds ? THAÏS. Tu n’as pas de stratégie !

STEPHANE. C’est pas qu’une question de stratégie.

THAÏS. Non, mais ça joue beaucoup.

June va aux toilettes.

LUZ. Attends-moi June ! JUNE. Je vais aux toilettes.

LUZ, elle prends la main de June. Je viens avec toi.

June aperçoit Alex devant la salle de bain, elle lâche la main de Luz.

JUNE. Tu attends quelqu’un.e ?

ALEX. En fait, j’attendais une déesse, mais elle vient d’arriver.

JUNE. Ah oui, ou es-t’elle ?

ALEX. Mhmh, peut-être, à quelques centimètres de mon cœur.

June rougit. Luz se sent mal à l’aise. Alex sourit et s’en va.

(46)

LUZ. Serieux ? JUNE. Quoi ?

LUZ. Pourquoi vous avez agit comme ça ?

JUNE. Oh Luz tu vas pas recommencer. Depuis qu’on s’est dit couple ouvert tu me lâches plus, je me sens observée tout le temps.

LUZ. Couple ouvert ça veut pas dire draguer devant sa blonde en l’ignorant.

JUNE. Je t’ai pas ignoré !

LUZ. Mouais. Je trouve ça pas cool.

JUNE. T’étais-tu obliger de me suivre aux toilettes aussi ?

LUZ. Pourquoi laisse faire ? On est ensemble puis tu dragues, devant moi, une personne que t’as embrasser, plusieurs fois. Je trouve pas ça correct.

JUNE. Tu me fatigues Luz. Je t’ai dit de laisser faire.

June entre dans la salle de bain. Luz reste là. Elle boit son verre, attristée. Charlie s’approche.

CHARLIE. Hey Luz, ça va ?

LUZ, faisant semblant d’aller bien. Oui, et toi ? Tu passes une belle soirée ?

CHARLIE. Vraiment. T’en veux une ? Charlie sort de sa poche une pastille qui ressemble à de la drogue.

LUZ, elle regarde son verre vide. Elle hésite. Elle regarde en direction de la salle de bain.

Elle revient à Charlie. Oui.

CHARLIE. Tu viens dans le salon ?

Luz acquiesce de la tête. En suivant Charlie, Luz aperçoit June qui sort des toilettes, Alex la rejoint. Iels se mettent à rire ensemble et se touchent les mains.

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