Cours num´ ero 2 :
calcul de grandeurs physiques
Ce chapitre a pour but de discuter les m´ ethodes des physiciens pour cal- culer les grandeurs ` a l’aide du calcul int´ egral. On verra que leur m´ ethode est tr` es efficace et on discutera de la mani` ere de la rendre parfaitement correcte du point de vue math´ ematique. On s’appuiera sur plusieurs exercices dans le style des ´ epreuves sur dossier du CAPES.
1 Un exemple : le volume de la boule
1.1 Un exercice
Soit B une boule de centre O et de rayon R. On se propose de calculer le volume V (B). On choisit un rep` ere orthonorm´ e de l’espace, d’origine O.
0) Soit B z l’intersection de B avec le plan Z = z. Calculer l’aire S(z) de B z en fonction de R et z.
1) La m´ ethode du physicien.
a) Soit dV le volume de la tranche de boule situ´ ee entre les hauteurs z et z +dz (dz est suppos´ e petit, voire “infinit´ esimal”). Calculer dV en consid´ erant que la tranche est assimilable ` a un cylindre de base B z et de hauteur dz.
b) Le volume de la boule est la “somme” des volumes des tranches infi- nit´ esimales, ce que le physicien ´ ecrit V (B) =
Z R
−R
dV . Calculer V (B).
2) La justification math´ ematique.
On consid` ere la partie de B situ´ ee entre les plans de cote Z = 0 et Z = z.
Soit V (z) son volume.
a) Soient z un r´ eel de [0, R] et soit h un r´ eel. Montrer que la partie de B situ´ ee entre les plans de cote Z = z et Z = z + h est comprise entre deux cylindres que l’on pr´ ecisera. En d´ eduire un encadrement de V (z + h) − V (z).
b) Montrer que la d´ eriv´ ee V 0 (z) existe et est ´ egale ` a S(z). Comparer au r´ esultat de 1.a.
c) Calculer V (B ).
1.2 Corrig´ e
1.2.1 La r´ esolution ` a la physicienne
Si l’on admet la validit´ e de la proc´ edure, il suffit de calculer S(z), ce qui est facile. En effet, B z est un disque de rayon r(z) et on a, par Pythagore, R 2 = r(z) 2 + z 2 , d’o` u S(z) = π(R 2 − z 2 ).
On en d´ eduit V (B) = Z R
−R
S(z)dz = π Z R
−R
(R 2 − z 2 )dz = 4 3 πR 3 .
R r(z) O R
z z+h
Figure 1 – Le volume de la boule 1.2.2 La m´ ethode math´ ematique
L’id´ ee est d’´ ecrire la formule dV = S(z)dz sous la forme dV
dz = S(z) et de l’interpr´ eter comme le calcul de la d´ eriv´ ee d’une fonction V (ce que ne fait pas le physicien, qui n’introduit pas de fonction). La fonction V (z) n’est pas difficile ` a imaginer, c’est simplement le volume jusqu’` a la cote z. On va calculer sa d´ eriv´ ee en revenant au taux d’accroissement.
Supposons h > 0 pour fixer les id´ ees (mais il faut aussi traiter le cas h < 0, qui est analogue). On encadre la tranche de boule T comprise entre les cotes z et z + h entre deux cylindres de hauteur h, l’un de rayon r(z) l’autre de rayon r(z + h), voir figure ci-dessus. On a ainsi :
π(R 2 − (z + h) 2 ) h ≤ V (z + h) − V (z) = V (T ) ≤ π(R 2 − z 2 )h.
On divise par h et on fait tendre h vers 0. Comme les fonctions sont continues, on voit que le taux d’accroissement V (z + h) − V (z)
h tend vers π(R 2 − z 2 ) = S(z). On a donc V 0 (z) = S(z) et V = V (R) − V (−R) =
Z R
−R
S(z) dz, comme annonc´ e.
1.2.3 Discussion
Le physicien, en rempla¸cant v(T ) par S(z)dz (ou encore S(z)h avec nos notations) c’est-` a-dire par le membre de droite de l’in´ egalit´ e ci-dessus, com- met donc une erreur qui est major´ ee par (S(z) − S(z + h))h = π(2z + h)h 2 . Comme on divise par h et qu’on fait tendre h vers 0, cette erreur est, bien entendu, sans effet sur le r´ esultat : le physicien, qui a de l’intuition, n´ eglige les infiniment petits du second ordre et il a bien raison.
En fait, a posteriori, on peut pr´ eciser quelle est exactement l’erreur du physicien. En effet, maintenant qu’on sait calculer le volume de la boule, on sait aussi calculer exactement celui de la tranche. On a, en effet, V (z) = Z z
0
π(R 2 − t 2 )dt = πR 2 z − π z 3
3 . On en d´eduit :
V (z + h) − V (z) = πR 2 h − πz 2 h − πzh 2 − π 3 h 3 et la diff´ erence avec S(z)h = π(R 2 − z 2 )h est ´ egale ` a π(z + h
3 )h 2 . Comme on a z + h 3 ≤ 2z + h, cette erreur est bien major´ ee par π(2z + h)h 2 .
1.3 Compl´ ements
1.3.1 Ce qu’aurait pu faire Archim` ede
Le calcul du volume de la boule n’est pas dans Euclide, ce qui montre qu’` a l’´ epoque il n’´ etait nullement ´ evident. En revanche, il est dans Archim` ede.
Bien entendu, Archim` ede n’utilise pas le calcul diff´ erentiel (qui date du XVII- i` eme si` ecle avec Newton et Leibniz). Sa preuve est absolument remarquable, mais pas facile. J’en dirai un mot plus loin, mais voici d’abord une preuve qui n’est pas celle d’Archim` ede, mais qu’il aurait pu inventer car elle utilise le mˆ eme ingr´ edient alg´ ebrique (la somme des carr´ es des n premiers entiers) que le calcul de l’aire de la spirale qu’il effectue par ailleurs.
On d´ ecoupe la demi-boule sup´ erieure en n tranches d’´ epaisseur R/n. Le
volume d’une tranche est compris entre le volume de deux cylindres, comme
on l’a vu ci-dessus. Regardons par exemple, pour la tranche comprise entre
les cotes kR/n et (k + 1)R/n le cylindre ext´ erieur. Le carr´ e du rayon est r 2 = R 2 − z 2 soit ici R 2 (1 − k n
22). On additionne les volumes de tous ces cylindres et on a
n−1
X
k=0
πR 2 (1 − k 2 n 2 ) R
n . On obtient πR 3 − πR 3 n 3
n−1
X
k=0
k 2 = πR 3 − πR 3
n 3
(n − 1)n(2n − 1)
6 . Quand n tend vers l’infini, on voit que cette quantit´ e tend vers 2πR 3
3qui est bien la moiti´ e du volume de la boule.
1.3.2 Et l’aire de la sph` ere ?
On se dit qu’on va faire la mˆ eme chose que pour le volume de la boule.
On calcule l’aire de la tranche situ´ ee entre les cotes z et z + dz. Comme dz est petit, on l’assimile ` a un cylindre et son aire est donc dA = 2πr(z)dz = 2π √
R 2 − z 2 dz. On int` egre entre −R et +R en faisant le changement de variables z = R sin θ. On obtient A = π 2 R 2 . Bizarre, vous avez dit bizarre ...
En effet, on sait bien que cette aire est 4πR 2 . Alors ?
En v´ erit´ e, dans l’espace, les calculs d’aires sont plus compliqu´ es que ceux de volumes et ils n´ ecessitent, si on utilise un processus d’approximation, d’approcher la surface non seulement en position, mais aussi en direction 1 .
Alors, comment faire un calcul correct ? R´ eponse, en assimilant l’aire de la tranche ` a celle d’un tronc de cˆ one 2 et pas d’un cylindre. Le calcul n’est pas tout ` a fait ´ evident. On montre d’abord que l’aire d’un cˆ one de rayon r dont la g´ en´ eratrice est de longueur 3 l est πrl (il suffit de fendre le cˆ one le long d’une arˆ ete et de le d´ eplier). On en d´ eduit que l’aire d’un tronc de cˆ one de g´ en´ eratrice l et de rayons r, s est ´ egale ` a π(r + s)l. On calcule alors, aux infiniment petits du second ordre pr` es, l’aire dA du tronc de cˆ one de hauteur dz et de rayons r(z) et r(z + dz). On trouve un r´ esultat un peu surprenant : dA = 2πRdz (le r´ esultat est plausible si z est voisin de 0, moins si z est voisin de R ; ce qui est ´ etonnant est qu’il ne d´ epend pas de z). Il n’y a plus qu’` a int´ egrer dA entre −R et R et on trouve bien 4πR 2 cette fois.
1.3.3 Ce que fait vraiment Archim` ede
Par rapport ` a la m´ ethode que je lui ai prˆ et´ ee ci-dessus, il y a trois diff´ erences essentielles.
1. On pensera ` a l’exemple d’un papier pliss´ e comme un toit d’usine qui peut ˆ etre proche d’un plan, mais dont l’aire sera plus grande.
2. On verra qu’Archim` ede ne s’y est pas tromp´ e.
3. Par rapport ` a la hauteur h on a l
2= r
2+ h
2par Pythagore.
• Il commence par calculer l’aire de la sph` ere et il en d´ eduit le volume de la boule (voir l’id´ ee au paragraphe suivant).
• Il d´ ecoupe la boule et la sph` ere en tranches qu’il encadre entre des troncs de cˆ one.
• Il ´ evite de calculer la somme des carr´ es des premiers entiers grˆ ace ` a une ruse g´ eom´ etrique que je vous laisse en exercice :
Soit Γ un cercle de centre O et de rayon R et soit A 0 A 1 ...A 2p−1 un poly- gone r´ egulier ` a 2p cˆ ot´ es inscrit dans Γ. On note c le cˆ ot´ e du polygone. Soit S = P p
k=0 A k A 2p−k (les segments verti- caux). Alors, on a S
2R = A 0 A p−1
c .
A2
A1
A0
A2p-1
A2p-2 Ap
Ap-1