G ERGONNE
Arithmétique politique. Sur les élections et le système représentatif
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 10 (1819-1820), p. 281-288
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SYSTÈME REPRÉSENTATIF.
Nous sommes loin de
prétendre,
ausurplus,
qne cette méthodesoit
préférable
aux autres méthodes connues , et notamment à cellequi
se trouveindiquée
dans leprécédent mémoire ;
et nous avons eusimplement
l’intention de faire voir comment leproblème
dela decomposition
des fractions littérales se rattache à la nouvelle brandie d’analise indéterminée que nous avonssignalée.
ARITHMÉTIQUE POLITIQUE.
Sur les élections et le système représentatif ;
Par M. G E R G O N N E.
Au
commencement du Vl.’e volume de cerecueil , j’ai présenté,
sur les élections et les assemblées
délibérantes ,
des réflexions ten-dant à
signaler
untrès-grave
défaut dusystème représentatif ,
le-quel
consiste en ce quedans
le cas même des électionsdirectes ,
et en admettant que
chaque député
estreligieusement
fidèle àl’opinion
de ceux
qui
l’ontélu ,
ilpeut
très-bien se taire que le v0153u de lamajorité
de la chambrereprésentative
soit formellement contraireje
ne dis pas seulement à celui de lanation
niais même à celui de latrès-grande majorité
descitoyens qui
ont concouru à leurélection. J’ai montré que ce
danger
devenaitbeaucoup plus
graveet
plus
Imminent encorelorsque
lesélections ,
au lieu d’ètredirectes,
étaient faites par des
électeurs ,
élus eux-mèmes par unplus grand
nombre de
citoyens;
etje
n’ai pas dù êtrepeu surpris, en voyant
que, dans la discussion solennellequi précéda ,
il yr a trois ans ,l’adoption
de la loi desélections,
aucun des adBc;sanes des électionsà plusieurs degrés
n’avaitsongé
à faire valoir contre elles unargument
à la fois si
palpable
et sipéremptoire.
J’avais cru ,
jusque
ces dernierstemps , que
l’inconvénient dent il vient d’êtrequestion
était tellement inhétent à la forme de nos282
SYSTÈME
gouvernemens
modernes, qu’il
était absolumentimpossible
de les endélivrer ,
etj’avouerai
même que cette pensée avaitsingulièrement
attiédi mon affection pour le
système représentatif.
La lecture d’unpetit
écrit sur cesujet , publié
récemment par M.Flangergues ,
m’atout-a-fait désillé les yeux ; et
quoique je
sois fort loind’adopter
la
plupart
des idées del’auteur
,j’ai pourtant puisé
dans son ou-vrage une ressource
qui
me semble tout-à-fait propre à remédier àun mal
qui
d’abord m’avait paru absolument irremédiable.C’est une très-excellente chose sans doute que la
liberté ;
niaisla
justice
estpeut-être
une choseplus
excellente encore ; et c’estprécisément
parce que cette liberté est un bienprécieux, qu’il
nefaut pas que la
jouissance
en soit exclusivement réservée à uneclasse
quelconque
decitoyens. Qu’on
nous vante tantqu’on
voudra les
républiques
deSparte,
d’Athènes et de Rome.Je n’aime pas moi cette liberté du
petit
nombrequi
est fondéesur
l’esclavage
de tout le reste. S’il nes’agissait
que d’aimer pas- sionnément la liberté pour êtredigne d’estime , je
ne connaiirais personnequi
méritât mieux noshommages
que ledey d’Alger,
leroi de Perse et
l’empereur
deConstantinople ,
tous gens sijaloux
de leur liberté
qu’on
paye chez eux de sa tête la seulepensée d’y
mettre laplus légère
entrave.Or ,
comme l’observe fort bien M.Flaugergues ,
dans lesystème
électoral en usage
depuis
trois ans , tous les contribuables au-dessous de 3oofr. , c’est-à-dire ,
environ lesquarante-quatre quarante-
cinquièmes
descitoyens ayant
unétat ,
un dornicile et mêmequelques propriétés,
se trouvent , dedroit ,
exclus de toute influence surla nomination des
députés qui
doivent discuter leursintérêts ;
etcette même influence se trouve enlevée de
fait
aux contribuables au-dessus de 5 à Goofr. , toujours
en minorité dans noscollégcs
électoraux ,
etqui ,
lasses den’y paraître
que pour sanctionner par leurprésence
des choix que souvent ilsréprouvent,
finiraient bientôt par s’en exclurevolontairement ,
si l’onn’apportait quelque chan-
gemcnt dans
leur situation. L’élection de la totalité desdéputés
de la France se trouve donc livrée à la discrétion d’environ soixante mille
petits
marchands oupetits propriétaires ,
sanséducation ,
sansdignité personnelle,
et totalementdépourvus ,
pour laplupart ,
detoute vue
politique
un peu élevée et lointaine.C’est
à ce vice radical de notresystème
électoral que M. Flau- gergues se proposed’indiquer
un remède. Celuiqu’il
choisit con-siste à
remplacer
lecollpge
électoralunique
dechaque département
par
plusieurs
autres, dont chacun élirait un certain nombre dedéputés ,
etd’organiser
cescolléges
de telle sorte que l’on soit à peuprès
certain que les choix y seront faits à l’unanimité. Homo-généité
d’intérêtsparmi
les électeurs d’un mêmecollège :
diversitéd’intérêts
parmi
lesdéputés élus ;
tel est en peu de rnots leprin- cipe
de M.Flaugergues.
Ceprincipe
est très-bon sansdoute ;
maisvoyons comment l’auteur
prétend l’appliquer.
M.
Flaugergues ,
considérant le rôle des contributions comme le tarifprésume
desopinions politiques
des diverses classes decitoyens
,crée,
danschaque département,
troiscollèges respectivement
formésdes
grands,
moyens etpetits propriétaires ;
mais croit-il de bonne- foi que,dans
de telscolléges,
les choix soienttoujours faits, je
ne dispas à
l’unanimié,
mais même à unegrande majorité ? Manque-t-il
en France de
porte-faix qui
sepiquent
de penser comme desmarquis ?
et , à
l’inverse,
dans le cours de notrerévolution ,
n’a - t - onpas vu
plus
d’ungrand seigneur
s’attacher au char des Chabot et des Marat? On ne saurait disconvenir néanmoins de l’extrême droi-ture de l’inten tion
première
de M.Flaugergues. Voyons
donc s’ilne serait pas
possible
d’en tirer unparti plus
heureux.Je
comparerais
volontiers desministres,
enprésence
d’une chambrede
députés
desdépartemens, à
ungénéral qui,
la veille d’uneopé-
ration
militaire ,
examine avec soin la cartetopographiquc
du tcrrainsur
lequel
il doit manoeuvrer et , pour suivre leparallèle jusclu’au
bout, je comparerais
les soins que se donnent ces ministres pour284 SYSTÈME
influencer les
élections
à ceux queprendrait
le mêmegénéral
pourse procurer des cartes
inexactes ,
surlesquelles
les distances seraientabregees ,
lesmontagnes
abaissées et les sentiersélargis.
Je croisdone que ,
plus
encore dans l’inérêt dugouvernement
que danscelum
des gouvercés ,
c’est une condition derigueur
que la chambre dite des representanssoit ,
eneffet
unereprésentation
autant fidèleque
possible
de la nation pourlaquelle
elle doit consentir deslois ;
qu elle en
soit ,
s’il estpermis de s’exprimer ainsi ,
une sorte demina ure ; et
que les ministres se trouvent
là ,
à peuprès,
commedaus le form des
petites républiques
del’antiquité.
Si donc il existe encore au milieu de nous des hommes
asséz
fous pour ne rèver quedimes , intolérance,
châteaux etjustices seigneuriales ;
s’il en est d’assez niais pour aspirer à donner ungouvernement républicain , c’est-à-dire ,
ungouvernement
tout d’ab-négation
et desacrifices,
à de vieuxégoïstes ,
à de vieuxsybarites
comme nous, sjil en est pour
qui
des fersdores,
tous couveits delauriers
,puissent
t encore avoirquelque charme ;
s’il en est enfinqui,
par une
antipathie aveugle
et obstinee contre ladynastie régnante ,
lui
proféreraient
toutgouvernement quelconque
autre que lesien ;
ilfaut que le ministère le
sache ;
il Liutqu’il
connusse exactement,on du moins à
très-peu près
dansquelle proportion
sont cesdiverses classes
d’individus ,
tant entre ellesqu’avec
la masse dela
nation, qui
ne demande que 1 entière conservation de cequi
existe : il
faut,
en nn mot , pour que cesgens-là
ne sopgent pas àconsprier dans l’ombre ,
pourqu’ils puissent rougir
eux-mèmesde l’inferiorité de leur
nombre ,
ilfaut, d;s.je , qu’ils
aierct des organes dans la chambrereprésentative ;
il l’aut aussiqu’ils puissent
élire leurs
reprosentans.
Mais.
dira-t-on ,
ne sepourrait-il
pas que lamajorité
de lanation èîã infatuée de doctrines subversives de lire social ? et
alors
quelle
chambre dedcputc-s pourrail -
on enatendre ,
si lesélections n’étaient pas habilement matrisees et
dirigees ?
A cela ,je réponds
que d’abord ceuxqui
feraient cetteobjection calom-
nieuse
aieuse
pour lanation , n’y
croiraient pas eux mêmessérieusement.
J’observe,
en secondlieu,
que, si réellement telic était notre po-sition , je n’y
verrais que de deux remèdes l’un : ou bien seresigner
à
partir
de la nation tellequ’elle
serait pour l’amener pardeg
insensibles à ce
qu’on
désireraitqu’elle
devint : ou bien briser vielem-ment sa
volonté,
enl’assujettissant
à unjoug
delcr ;
ft, dans cecas,
je
ne verrais rien de mieux quede rappeler le prisonnier
de Ste-Helène.
Je
persiste
donc à croire que la chambre élective ne saurait offrirune
représentation trop
fidèle des sentimens etopinions
di, ersesqui
partagent
lanation;
cettecondition qui
serait deligueur
dans unedémocratie pure , où la chambre des
représcntans
ferait seule leslois,
nepeut
avoir d’ailleurs un gravedanger
chez nous, où cetteehambre
n’a,
en dernièreanalise , qu’un simple
droit de veto.Si
j’étais partisan
dusystème qui
consiste àdistingue
dans la Charte des articles fondamentaux et des articlesréglementaires ; je
seials forttenté de ranger, au nombre de ces
derniers ,
lesdépositions qui
fixent la cote de contribution nécessaire pour être électeur ou
éligible ; je penserais
que, sur-tout à la suite d’unelongue révolution ,
où ila été si facile aux gens peu
scrupuleux
de faire detrès-gros gains,
on
pourrait peut-être
trouver unegarantie plus
sure du discernementet de
l’iudépendance
des uns et des lumières de la droiture des autres, que la sommequ’ils payent
annuellement aufisc ; je
pen- serais en un mot ,qu’il
estpeut-être
bientemps
onfm quel’argent
re-descende à sa
valeur,
et que l’honneur remonte à la si nne ;mais ,
attendu que les argumens du Moniteur de cette année n’ont pu
encore
complètement
détruire dans monesprit l’impression qu’y
avient
produite
ceux du Moniteur deI8I7 ; je
veux , dans monutop’e
,respecter
en touspoints
tous les articles de laCharte,
sansdistinction ,
du moins ceux d’entre euxqui présentent
un sens bienprécis ;
car pour cequi
concerne le nombre des membres de lachambre , je
pense, avecbeaucoup
d’hommesd’état ,
que les dis-positions
de la Chaite ne sont ni assczprécises
ni assezimp-
rativesTom. X.
3
286 SYSTÈME
qu’on
nepuisse
lesinterpréter
d’une manière unpeu plus large
qu’on ne la
faitjusqu’ici.
Ces choses ainsi
posées, je
renferme monprojet
de loi électorale dans les deux seuls articles que voici :1. Sera électeur d’un
département ,
toutcitoye qui,
yayant
son domicile de
fait depuis plus
d’un an, payera troiscens francs
de contributions
directes , depuis
le mêmetemps.
II.
Sera, peur cing années, député
d’mtdépartemetn à
la chambreélective ,
toutcitoyen qui , ayant
son domicile de droit daris cedépartement dcyuis plus
d’un an,et payant
ait moins millefrancs
de contributionsdirectes, depuis
le mêmetemps ,
seraporteur
d’un mandat de deux cens électeurs aumoins , iloins ,
du mêmedépartement , lui confèrant
cetitre ,
et nel’ayant conféré è
aucun autredepuis
lespréccédentes
élections.On voit que , dans ce
système , qui porterait probablement
lenombre des
députés
à environcinq cens , les
assemblées électoraleset les
pénibles déplacemens quelles nécessitent ,
etqui
ne décou-ragent
que trop souvent lesélecteurs,
seraient tout-a-fait inutiles. Al’époque
desélections ,
ceux-ci segrouperaint spontanément,
suivant lanature de leurs
opinions,
de leurs intérêts ou de leurs v0153ux. Et iln’y aurait ,
auplus ,
que ceuxqui
ne trouveraient pas à se réunir chez eux en nombresuilisant,
et ne voudraient pas voter avec leuren tourage , qui
seraient
obligés
de sctransporter aillc:urs ,
pour cruettre un v0153u utile.Il
faudrait,
sansdoute , prendre
des mesures sévères tant pourconstater les titres des électeurs et des
éligibles ,
que pour s’assurer de l’authenticité dessignatures
et segarantir
des votesmultiples
des mêmes
docteurs ;
mais tout cela serait l’affaire d’unréglement
d’administration facile à
rédiger.
En
adoptant
cesystème , chaque député
se trouverait le véritablereprésentant
de la totalité de ses commettans, et le vote de lamajorité
de la chambre serait
toujours l’expression
fidèle si non del’opinion
de la
majorité
desFrançais
, du nioins de lamajorité
de ceuxd’entre eux
qui
ont ledroit
d’élire.287
1Je ne
fais ici,
ausurplus ,
querégulariser
lesystèem
des scis-sions,
fort en vogue sous ledirectoire ;
avec cette différence quechaque
fraction ducollége
électoral exerce ici un droiteffectif , proportionne
à sa masse ; tandisqu’au temps
dudirectoire, chaque
fraction
prétendait
faire à elle seule lesdéputés
de tout ledépartement ;
et que ce n’était pas
toujours
la fraction laplus
nombreuse dontles choix étaient
préférés.
Un des
grands avantages
de cesystème,
c’estqu’il peut
seprêter
à tant de
degrés
d’electionqu’on
voudraintroduire,
sans offrir aucundes inconvéniens que
j’ai signalés
dans l’article cité.Si,
parexemple,
on voulait faire concourir aux élections tous les
citoyens payant
cin-quante
francs au moins decontributions,
il suffirait de statuer quevingt
de ceux-cipourront ,
par un mandatsigne d’eux ,
et délivraà un
citoyen payant
trois cens francs au moins de contributionsdirectes,
le constituer electeur. Dans ce cas, comme dansl’antre,
l’espit général
de lamajorité
de la chambre serait exactement con-forme à celui de la
majorité
descitoyens qui
auraient concouru auxélections.
Je pense , par ce
qui précède ,
avoirplus
surement résolu que M.Flaugcrgues
lui-même leproblème
que cet estimable écrivain s’étaitpropose
,savoir
d’obtenir l’identité d’intérêts chez ceuxqui
élisentet la diversité d’intérêts chez ceux
qui
sont élu:. Si lesystème
queje
proposepouvait
essuyer des contradictions et descritiques ,
celie
pourrait guère
êtrequ’au
sein des cesmajorités
de toutes lescouleurs
qui ,
dans les diversesphases
de notre révolution et sur les diverspoints
de laFrance,
ont tour-à-touressayé
de soumettreles minorités à leur
joug despotique;
maisje
leurrépéterai
encore ceque
j’ai déjà
ditplus haut ,
que, pour mériter d’êtrelibre,
il fautd’abord consentir à être
juste.
Au
surplus, persuadé
commeje
lesuis,
que dans notre situationactnelle,
nos institutions ontbeaucoup pius
besoin encore de fixitéque de
perfection , je
renoncerais très - volontiers a mesidées ,
si l’on voulait nous conserver un
système
électoralqui ,
avec toutes288
QUESTIONS PROPOSÉES.
ses
imperfections ,
étaitpeut-être
encore le moins mauvais de tousceux qu’on
nous avait donnésjusqu’ici.
Par les memes
considérations, je
tiens extrêmement au renou-vellement
partiel
de lachambre
, parce queje
pense que , dans lejeu
des gouvernemens, comme dans celui desmachines ,
tout chan-gement biusque
nepeut
êtreproduit
sans consommer des furcesenpure porte ; at que le monde moral
doit,
autant quepossible ,
commele monde
physique ,
êtreassujetti
à la loi de continuité.QUESTIONS PROPOSÉES.
Problèmes d’optique.
I.
ON
demandequelle
est lacourbe , image
d’uneligne
droite vueà travers un
prisme
de cristaldisposé
d’une manièrequelconque
par
rapport
à cettedroite ,
en faisant d’ailleurs abstraction de ladispersion ?
IL On demande
quelle
est lacourbe , image
d’uneligne
droiteentièrement