A NNALES DE L ’I. H. P.
L. D E B ROGLIE
Passage des corpuscules électrisés à travers les barrières de potentiel
Annales de l’I. H. P., tome 3, n
o4 (1933), p. 349-446
<http://www.numdam.org/item?id=AIHP_1933__3_4_349_0>
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349
Passage des corpuscules électrisés
à travers les barrières de potentiel(1)
PAR
LOUIS DE BROGLIE
Introduction
J’ai
choisi commesujet
de mon cours pour cette année : le passage descorpuscules
électrisés au travers des barrières depotentiel
et lesthéories
qui s’y
rattachent.J’ai
choisi cesujet
parcequ’il
fournit unebelle illustration des méthodes de la
Mécanique
ondulatoire et montre comment bien desproblèmes
de laDynamique
de l’électron se sonttrouvés transformés en des
problèmes
trèsanalogues
à ceux del’op- tique classique.
Pour bien
dégager
l’intérêt de laquestion,
nous commencerons parrappeler
comment les notions decorpuscule
et d’onde se sont rencon-trées en
Mécanique
ondulatoire. Il y a encorequelques années,
onimaginait
que lescorpuscules
formant la matière(électrons, protons) pouvaient
être considérés comme desimples points
matérielsélectrisés,
obéissant aux lois de laDynamique classique, complétée
au besoin par les corrections introduites par la théorie de Relativité. Demême,
les édificesplus complexes désignés
sous le nom d’atomes et de moléculespouvaient aussi, chaque
foisqu’il s’agissait
de leurs mouvementsd’ensemble,
être traités comme despoints
matériels soumis à l’an- cienneDynamique.
Ainsi l’étude de la matière devait consister essen-(i) Extraits d’un cours professé à l’Institut Henri Poincaré de la Faculté des Sciences de Paris
pendant l’année scolaire 1931-1932.
tiellement à
suivre,
à l’aide des lois de laDynamique classique,
lesmouvements des
corpuscules
élémentaires.Tout autre était la méthode à
employer
pour l’étude des.phéno-
mènes lumineux.
Ici, plus
decorpuscules
en mouvement dont les loisdynamiques permettraient
de suivre en fonction dutemps
la variation descoordonnées,
mais des ondes sepropageant
suivant uneéquation
aux dérivées
partielles
dutype :
du =I2 a-u, généralisation
del’équa-
tion des cordes vibrantes. La vitesse de
propagation
V est caractéris-tique
du milieu où se propage l’onde. Elle estpartout
la même dansles milieux
homogènes,
le vide parexemple,
maispeut
varier d’unpoint
à l’autre dans les milieuxhétérogènes.
Cette vitesse V est définie par l’indice de réfractionqui
donne enchaque point
lerapport
de lavitesse dans un milieu de référence
homogène (généralement
levide),
à la vitesse V.
D’ailleurs,
la nature de l’onde lumineuse avait été conçue defaçons
assez différentes. Fresnel et ses continuateurs la considérait comme la vibration d’un milieu
élastique
trèssubtil, pénétrant
tous les corps, l’éther.Evidemment,
ce milieu devaitposséder
despropriétés
un peusingulières puisqu’il
devaitn’opposer
aucune résistance au mouvement des corps etcependant
êtreplus rigide
que l’acier. Plustard,
avec MAXWELL, la vibration lumineuse fut considérée comme de natureélectromagnétique. L’interprétation
de l’onde lumineuse comme étant la vibrationmécanique
dequelque
milieu en devenaitmalaisée ;
ellefut
complètement
abandonnée à la suite dudéveloppement
de lathéorie de Relativité
qui exige
l’abandon de tout milieu de référenceuniversel,
comme l’éther.Néanmoins,
la théorie ondulatoire de la lu- mière basée essentiellement surl’équation
depropagation
des ondeset vérifiée avec une extrême
précision
par l’étudeexpérimentale
desphénomènes
d’interférences et dediffraction, gardait
toute sa valeur.Le
point
essentiel de lathéorie,
tout à faitindépendant
del’interpré-
tation
élastique, électromagnétique
ou autrequ’on
veut endonner,
c’est que
l’énergie
localisée en unpoint
de l’onde lumineuse est pro-portionnelle
au carré del’amplitude
de l’onde en cepoint :
aussi donne- t-on à ce carré del’amplitude
le nom d’intensité de l’onde..Voici donc deux ordres de
phénomènes :
les mouvements desparti-
cules matérielles d’une
part,
laprogression
de la lumière d’autrepart,
qui paraissent
obéir à des lois essentiellement différentes. Le mouve-35I
ment des
particules
s’étudie en suivant la variation des coordonnées desparticules
au cours dutemps,
variationqui
est déterminée par deséquations différe-ntielles
de laMécanique.
Pourchaque particule
tout le
phénomène
de mouvement n’intéressequ’une
seule courbe del’espace,
latrajectoire.
Deplus, exception
faite pour la classe très par- ticulière des mouvementspériodiques,
iln’y
a aucun intervalle detemps,
ni aucunelongueur qui puisse jouer
un rôleparticulier
dans laprogression
d’uneparticule.
Rien nepeut
nous faireprévoir,
dans laconception classique,
desphénomènes
de mouvements departicules présentant quelque analogie
avec lesphénomènes
dediffraction,
d’interférences ou de
résonance,
sicaractéristiques
de la théorie desondes et faisant intervenir dans les formules des nombres entiers.
Au
contraire,
dans la théorieclassique
desondes,
lephénomène
depropagation
intéresse unerégion
étendue del’espace (et
non pas seule- ment uneligne) ;
il estrégi
par uneéquation
aux dérivéespartielles, précisément
parce que l’onde estreprésentée
dans toute unerégion
del’espace
par une fonctionu(x,y,z,t),
tandis que, pour laparticule matérielle,
nous avons avec les anciennes idées trois fonctions dutemps x(t) y(t)
etz(t) qui
suivent la mobile dans son mouvement. Deplus,
toute ondepeut
sedécomposer
en unesuperposition
d’ondessinusoïdales
simples
defréquences
bien définies. Enoptique, chaque fréquence correspond
à une couleursimple (d’où
le nomd’onde
monochromatique
donné aux ondessinusoïdales)
et il existedes
dispositifs (prismes
etréseaux) qui permettent d’opérer
enfait cette
décomposition
en lumièressimples qui
esttoujours possible mathématiquement d’après
le théorème de FOURIER. Une onde mono-chromatique
dans un milieuhomogène
est définie par safréquence
~~ et par sa
longueur d’onde,
lalongueur
d’onde se déduisant de lafréquence
par la relation À =V
ou V est la vitesse depropagation dans
le milieuhomogène.
Lapropagation
de l’ondemonochromatique peut
dans certains casdépendre beaucoup
de lalongueur
d’onde. Parexemple,
si dans le milieuhomogène,
oninterpose
sur letrajet
de l’ondecertains
obstacles,
l’influence de ces obstacles sur lapropagation
pourra être toute différente suivant que certaines dimensions de ces obstaclessont ou ne sont pas des
multiples
entiers de lalongueur
d’onde.Voilà bien des différences essentielles entre le mouvement d’un cor-
puscule
et lapropagation
d’une onde. Mais à yregarder
deprès,
cesdifférences sont
peut-être
moinsprofondes qu’un
examensuperficiel
ne
pourrait
le faire croire.Remarquons
d’abord que le mouvement d’uncorpuscule dépend
duchamp
de force danslequel
il estplongé,
c’est-à-dire en
quelque
sorte d’un état du milieu où s’effectue la pro-gression.
Cet état est laplupart
dutemps
défini enPhysique
par la fonctionpotentielle
dont la force est legradient
et, dans leséquations
de Newton, les seconds membres contiennent alors les dérivées
partielles
de cette fonction. Il est illusoire de
dire,
commeje
le faisais tout àl’heure,
que le mouvement d’uncorpuscule
n’intéressequ’une ligne, qu’une
courbe del’espace
car, enréalité,
cetteligne,
latrajectoire,
estdéterminée par la nature du
champ
de force dans larégion
del’espace qui
l’avoisine. Ceci se voit très nettement si l’on examine leprincipe
de moindre action de
Maupertuis :
dans unchamp
de forceconstant,
dérivant d’une fonctionpotentielle V(x,
y,2’),
latrajectoire
d’un cor-puscule d’énergie E passant
par deuxpoints
A et B est telle que l’in-tégrale 2m(E
-V)ds, prise
lelong
de latrajectoire
de A en B, soit stationnaire et pourappliquer
ceprincipe,
il faut considérer des courbes allant de A en B et infiniment voisines de latrajectoire,
cequi
fait intervenir lespropriétés
duchamp
dans toute larégion
voisinede la
trajectoire.
Mais ce sont surtout les travaux
d’HAMILToN,qui
ont mis enlumière,
il y a un
siècle,
lesanalogies profondes qui
existent sous certainesconditions entre le mouvement des
corpuscules
conçu suivant ladyna- mique
de Newton et lapropagation
des ondes. On sait quequand
l’indice de réfraction ne varie pas
trop rapidement
d’unpoint
à unautre d’un
milieu,
lapropagation
d’une ondepeut
être suivie par desprocédés approximatifs qui
constituentl’optique géométrique.
Ondéfinit les rayons de la
propagation
d’onde par leprincipe
dutemps
minimum de Fermât et l’ensemble des rayons forme un ensemble de courbes
orthogonales
à une famille de surfacequ’on
nomme les surfacesd’ondes. Bien que le mot « onde » intervienne dans cette dernière déno-
mination, l’optique géométrique
est tout à faitindépendante
de touteconception
ondulatoire et l’on y étudie lapropagation
de la lumière par desprocédés purement géométriques.
Les rayons sont lestrajec-
toires de
l’énergie
et rienn’empêche
de considérer l’ensemble des ayons lumineux comme l’ensemble destrajectoires
depetits projec-
tiles
qui
constituerait la lumière suivant laconception
de Newton.353
Seulement, l’optique géométrique
n’est valable que pour la propaga- tion libre(sans obstacles)
dans un milieu à indice lentement variable à l’échelle de lalongueur
d’onde. S’il y a une variation trèsbrusque
de l’indice
(comme
à la surface deséparation
de deuxmilieux)
ou s’il ya des obstacles sur le parcours de la
lumière, (écrans,
parexemple),
alorsl’optique géométrique
devientimpuissante
àexpliquer
lesphénomènes qui
seproduisent
et, comme on le saitdepuis FRESNEL,
seule la théorie ondulatoirepeut
lesinterpréter (interférences, diffraction,
lamesminces).
Fort heureusement pour la cohérence de nosexplications physiques, l’optique géométrique apparaît
à l’étude comme une mé-thode
d’approximation
dont la théorie ondulatoirejustifie l’emploi chaque
fois que lapropagation
est libre et que l’indice est lentement variable. Comme la notion de rayonperd
son sensquand
il y a inter- férence oudiffraction,
la théoriecorpusculaire qui paraissait
compa- tible avecl’optique géométrique,
a du être abandonnéeaprès
FRESNEL.Le
grand
mérite d’HAMILTON est d’avoir aperçul’analogie
formellecomplète qui
existe entrel’optique géométrique
et laDynamique
newtonienne des
corpuscules.
Aux rayons déterminés par leprincipe
du
temps minimum, correspondent
lestrajectoires
déterminées par leprincipe
de l’action minimum. A l’ensemble des rayons d’une mêmepropagation, correspond
l’ensemble destrajectoires
que laMécanique analytique
rattache à une même fonction deJacobi.
Aux surfacesd’ondes, correspondent
les surfaces S = const.d’égale
valeur de la fonc- tion deJacobi.
Il restecependant quelques points importants
où l’ana-logie paraît
cesser. C’est le cas, enparticulier,
pour le rôlejoué
par la vitesse ducorpuscule
enDynamique
et par la vitesse de l’onde enoptique géométrique.
Ce sont ces difficultésqui
ontempêché
HAMILTONde voir dans
l’analogie qu’il découvrait,
autre chosequ’une analogie
formelle. S’il avait
pensé
quel’analogie
n’était pas seulementformelle, qu’elle
avait un sensphysique,
àquelles
conclusions serait-il arrrivé ?Puisque
laMécanique
de Newtoncorrespond
àl’optique géomé- trique qui
n’est elle-mêmequ’une approximation
del’optique
ondula-toire,
il aurait dû conclure que laMécanique
de Newton a seulementune valeur
limitée,
que la véritableMécanique
doit avoir un caractère ondulatoire et admettre laMécanique
de Newton commepremière
approximation
valable dans certains cas, comme la théorie ondula- toire de la lumière admetl’optique géométrique
commepremière
approximation
valable dans certains cas. Mais cette idée hardiequi
354
n’a pu
pénétrer
dans la Sciencequ’un
siècleplus tard,
entraînait uneformidable difficulté : de même que la notion de rayon
disparaît
enpassant
del’optique géométrique
àl’optique ondulatoire,
de même lanotion de
trajectoire
doitdisparaître
enpassant
de laDynamique
deNewton à la
Mécanique
ondulatoire et, dès lors enMécanique
ondu-latoire,
la notion decorpuscule
doit sinons’évanouir,
tout au moinssubir une
étrange
transformation.Vous savez à la suite de
quelles découvertes,
l’idée d’uneMécanique
ondulatoire s’est
développée. L’origine
en est dans la théorie desquanta qui
est sortie des travaux de PLANCK sur lerayonnement
noir.1/idée essentielle,
leleitmotiv,
de cettethéorie, depuis
les travaux dePLANCK
jusqu’à
ceux deBoHR, SOMMERFELD,
etc., c’est que les mou-vements des
particules,
du moins à trèspetite échelle,
nepeuvent
êtreprévus
d’unefaçon complète
avec la seule aide de laDynamique
deNewton. Parmi tous les mouvements
prévus
commepossibles
par cettedynamique,
certains seulement sont réellement existants dans la na-ture et ces mouvements
privilégiés
ouquantifiés
sontspécifiés
par le fait que certainesgrandeurs
les caractérisant etayant
les dimensions d’une action(énergie
Xtemps, 3fiL2T-1),
sont desmultiples
entiersdu
quantum
d’action h de PLANCK. Cetteapparition
des nombres entiers tout à fait naturelle dans les théoriesondulatoires, paraissait inexplicables
enDynamique.
On a reconnudepuis qu’elle indique
lanécessité de
remplacer
l’ancienneDynamique
«géométrique »
de New-ton par une
Mécanique ondulatoire,
de mêmequ’en
théorie de lalumière,
on a dûremplacer l’optique géométrique
parl’optique
ondu-latoire. Mais la difficulté sera alors de conserver la notion de corpus- cule sans
pouvoir
définir nettement leurstrajectoires.
Une autre
catégorie
de faits nouveaux a contribué àpréciser
le sensde l’évolution de nos
conceptions. Je
veuxparler
desphénomènes
telsque l’effet
photoélectrique
et l’effetCompton, qui
ont montré l’exis- tence degrains d’énergie
lumineuse de valeur 12,~ dans toute radiation defréquence 03BD :
pourparler plus prudemment,
cesphénomènes
ontmontré que, dans certains cas, tout se passe comme si les radiations de
fréquence
i~ étaient formées decorpuscules d’énergie
hv. Ceci concorde très bien avec laconception
de Newton dite « théorie de l’émission etnous sommes
obligés
de revenir à l’idée decorpuscules
de lumièremalgré
l’existence incontestable desphénomènes
de diffraction etd’interférences. Ici
aussi,
il faut donc conserver en une certaine mesure355
les notions
corpusculaires
tout en nepouvant
pas dans le casgénéral (en
dehors du domained’application
del’optique géométrique)
définirles
trajectoires
descorpuscules.
LaMécanique
ondulatoire est parvenue à réaliser le difficilecompromis
entre laconception
descorpuscules
etcelle des ondes à la fois pour la matière et pour la
lumière,
mais uni-quement
auprix
d’idées entièrement nouvelles et enparticulier
d’uncertain renoncement aux
images
claires et au déterminismeparfait
desthéories
classiques.
Leprincipe
d’incertituded’Heisenberg
nous aexpli- qué
dansquelle
mesure on doitaccepter
ce renoncement pourpouvoir
concilier l’existence des
corpuscules
avec unedynamique
ondulatoirequi,
dans le casgénéral (en
dehors du cascorrrespondant
àl’optique géométrique),
nepeut
définir d’unefaçon précise
latrajectoire
descorpuscules
et leurprogression. J’ai
examiné leprincipe
d’incerti-tude dans mon cours de
1928-29. Je n’y
reviendrai iciqu’incidem-
ment.
Mais ce
qui
nous intéressemaintenant,
c’est que la nouvelle Méca-nique,
en soumettant laDynamique
ducorpuscule
à unediscipline ondulatoire,
apermis
deprévoir
desphénomènes
très intéressants que laDynamique
de Newton nepouvait expliquer. Je
citerai enpremier
lieu
précisément
les mouvementsquantifiés
àpetite échelle,
parexemple
les mouvementsquantifiés
des électrons dans les atomes. LaMécanique
ondulatoire est arrivée à lesinterpréter complètement
comme
analogues
à desphénomènes
derésonance,
ou d’ondes sta-tionnaires.
L’intervention
des nombres entiers dans laspécification
deces états
quantifiés apparaît
alors comme toute naturelle. Un autrephénomène
dont la découverte a fourni une preuveexpérimentale
di-recte des idées directrices de la
Mécanique
ondulatoire est lephéno-
mène de la diffraction des électrons par les cristaux
(DAVISSON
etGERMER, THOMSON, PONTE, RUPP, KIKUCHI, etc.),
tout à faitanalogue
au
phénomène
deLaue-Bragg
pour les rayons X.Mais la nouvelle
Mécanique
fait aussiprévoir
d’autres genres dephénomènes
dontje
voudrais vousparler dans
ce cours etqui
sonttrès intéressants à étudier
théoriquement
en raison de leuranalogie
avec des
phénomènes classiques
enoptique.
Voici parexemple
unphénomène
fondamental del’optique :
celui des lames minces. Inter- posons normalement sur letrajet
d’une onde lumineuseplane
de fré-quence v une lame
homogène
à facesparallèles
d’une substance réfrin-gente ;
soit ), lalongueur
d’onde de la lumière dans la lame. Sil’épais-
356
seur de la lame est
égale
à unmultiple impair de .,
les ondesqui
se sontréfléchies sur les faces d’entrée et de sortie de la lame sont en concor-
dance de
phase
et il y a une forte réflexion.Si,
aucontraire, l’épaisseur
de la lame est un
multiple pair de .,
c’est-à-dire unmultiple
entierquelconque de -,
, la réflexion sera nulle ou faible. Une manière bienconnue de mettre ces
phénomènes
en évidence estd’employer
une lameen forme de
coin,
c’est-à-dired’épaisseur variable ;
on obtient alors desfranges
brillantes et desfranges
noirescorrespondant
auxrégions où,
suivantl’épaisseur,
il y a forte réflexion ou forte transmission. Lesanneaux de Newton sont un cas
particulier
de ceci. Il est assez inté- ressant derappeler
enpassant
comment NEWTONqui
étaitpartisan
dela
théorie , corpusculaire,
cherchait à rendrecompte
de ces anneauxqu’il
avait découvert. Il admettait que lescorpuscules
de lumière unefois entrés dans le milieu
réfringent passaient
alternativement etpé- riodiquement
par des « accès de facile transmission » et par des « accès de facile réflexion ». On concevait donc que suivantl’épaisseur
de lalame,
lecorpuscule
en arrivant à la deuxième surface deséparation pouvait
se trouver soit en état de facileréflexion,
soit en état defacile transmission. La théorie des ondulations a
permis d’expliquer
aisément les
phénomènes
de lames minces et a fait oubliercomplè-
tement les
corpuscules
de Newton et leurs accès.Nous allons avoir à étudier pour les
corpuscules
matériels desphé-
nomènes entièrement
analogues
à ceux des lames minces. Nous verronsque dans la nouvelle
Mécanique, l’analogue
d’un milieuhomogène réfringent
est unerégion
del’espace
oùrègne
unpotentiel
constant.Nous examinerons ces cas ainsi que des cas
plus généraux
où lepotentiel
. n’est pas constant, ce
qui correspond
au passage de la lumière dans des corpsréfringents
nonhomogènes.
A ces théories se rattachent des tentativesd’explications
de l’effet Ramsauer et de la diffusion anor-male des rayons a.
Une autre
catégorie de phénomènes prévus
par laMécanique
ondu-latoire dans cet ordre d’idée se rattache au fait que dans la théorie des
ondes,
iln’y
ajamais
de limites infranchissables pour les ondes.Un
premier exemple
de ce fait seprésente
enoptique
dans lathéorie des
Caustiques.
Pourl’optique géométrique,
laCaustique
étant
l’enveloppe
des rayons, est une limite nette duchamp
de l’éner-357
gie
lumineuse. Mais si l’on examine deprès
laquestion
des Caus-tiques
avecl’optique ondulatoire,
ons’aperçoit
que lacaustique
est
bien,
grossomodo,
la limite del’énergie lumineuse,
maisqu’en
toute
rigueur
il y a unepetite pénétration
desondes,
et par suitede
l’énergie lumineuse,
dans larégion
extérieure à lacaustique.
En mé-canique ondulatoire, voici
ce que celasignifie. Supposons
unerégion
où
règne
unchamp
uniforme. En unpoint
de cechamp
sontprojetés
avec une même vitesse initiale dans toutes les directions des corpus- cules sensibles au
champ ;
trouver leur mouvement. Pour l’aciennemécanique
ceproblème
est celui du mouvement desprojectiles
dansle
champ
de lapesanteur (abstraction faite,
bienentendu,
de la résis- tance del’air) :
lestrajectoires
sont desparaboles
d’axeparallèle
àla direction du
champ,
et cesparaboles
admettent pourenveloppe
uneautre
parabole,
laparabole
desûreté,
à l’extérieur delaquelle (c’est
là
l’origine
de sonnom)
on nepeut
être atteint par aucunprojectile.
La
parabole
de sûreté est unecaustique.
Fig. 1.
La
parabole
de sûreté est une limite infranchissable pourl’énergie
de la salve de
projectiles.
Eh bien ! si l’on traite le mêmeproblème
enMécanique
ondulatoire pour cescorpuscules,
on trouvera bienqu’au
delà de la
parabole
desûreté,
on a très peu de chances de trouver un descorpuscules,
maiscependant
il y aura tout de même unepetite probabilité
de trouver uncorpuscule
dans larégion
extérieure à cetteparabole-caustique.
De la même
façon,
l’ombregéométrique
du bord d’un écran n’est pas une limite réellement absolue pour lalumière, puisque
la théorie de la diffraction par le bord d’un écran montre
qu’il
ya de la lumière dans l’ombre
géométrique.
De même encore, lors dela réflexion totale de la
lumière,
il y a une onde évanescentequi
pénètre légèrement
dans le second milieu. Dans tous ces cas, il n’existe358
pas de limite absolument nette pour les
ondes,
dont la décroissancea
toujours
lieu d’unefaçon
continuequoique
souvent trèsrapide.
Nous trouverons des
exemples analogues
dans laMécanique
ondula-toire des
corpuscules.
Les ondes associés auxcorpuscules
ne serontjamais complètement
arrêtées par un obstacle etpuisque
lecorpuscule peut
se trouverpartout
où son onde n’est pasnulle,
lescorpuscules
ne
pourront jamais
êtrecomplètement
arrêtés par aucune barrière.C’est là aussi une différence fondamentale d’avec l’ancienne
Mécanique.
Considérons un
corpuscule
animé d’uneénergie E qui
arrive dans unerégion
ou lepotentiel
va encroissant,
passe par unmaximum, puis
décroît.
Fig.2.
C’est une
montagne
depotentiel.
Lecorpuscule
engravissant
lamontagne
depotentiel perdra
de sonénergie cinétique ;
si la valeurdu
potentiel Uo
au sommet de lamontagne
estsupérieure
àE,
le cor-puscule s’arrêtera,
sonénergie cinétique
nepouvant
devenirnégative, puis
retournera en arrière sans avoir pu franchir lamontagne.
La mon-tagne
depotentiel
estdonc,
en ce cas, dans laMécanique classique,
unebarrière infranchissable pour les
corpuscules.
LaMécanique
ondula-toire
prévoit
unphénomène
tout différent.L’onde
associée aucorpuscule
incident subira une réflexion presque totale sur la
montagne
depoten- tiel,
maisnéanmoins,
unepetite
fraction de l’ondepénétrera
dans larégion
située à droite. Ceci doits’interpréter
comme il suit : uncorpuscule
abeaucoup
de chances d’être réfléchi par lamontagne
etrejeté
àgauche, mais,
si haute que soit cettemontagne,
il atoujours
une
petite
chance depouvoir
passer à droite - ou, si l’on veut, étant donné un nuage decorpuscules, d’énergie E,
venant de lagauche
sur lamontagne
depotentiel,
la presque totalité serarenvoyée
vers lagauche
avec
réflexion,
mais il y en auratoujours quelques-uns qui parvien-
dront à franchir la
montagne.
Il en résulte que si descorpuscules
setrouvent dans une
région
fermée del’espace,
unchamp antagoniste
359
existant à la limite de cet espace pour les
empêcher
desortir,
il y auratout de même
toujours quelques-uns qui s’échapperont.
Des
corpuscules
enfermés dans une sorte decirque
entouré par unemontagne
depotentiel,
comme dans lafigure
3, auronttoujours
unechance de
s’évader,
si haute que soit lamontagne.
C’est leprincipe
Fig. 3.
de la théorie de la Radioactivité
proposée
par GURNEY et CONDON et par GAMOw et àlaquelle
se rattachentplusieurs
autres tentativesthéoriques.
C’est aussi leprincipe
d’une théorie de lacatalyse
due àM. BORN. ,
Ce sont ces
phénomènes
de passage decorpuscules
à travers lesseuils et barrières de
potentiel
que nous voulons étudier cette année.Nous supposerons connus les
principes
fondamentaux et leséqua-
tions
générales
de laMécanique
ondulatoire que nous avonsdéjà plus
d’une foisexposés
dans d’autrespublications (1) .
.I
Considérations
générales
Méthode de Brillouin-Wentzel. - On sait que l’ancienne
mécanique correspond,
aupoint
de vue de lamécanique ondulatoire,
àl’approxi-
mation de
l’optique géométrique.
Nous allons retrouver etpréciser
ce résultat dans le cas des
problèmes
à une seule variable par une méthode due à MM. L. BRILLOUIN et G. WENTZEL.(i) Voir en particulier : Introduction d l’étude de la Mécanique ondulatoire, Hermann, Paris, I930.
- La théorie de la quanti f ication dans la nouvelle Mécanique, Hermann, Paris, 19 32 . Nous renverrons
parfois à ces ouvrages dans le cours de l’exposé..
360
Considérons
l’équation
depropagation
de lamécanique
ondulatoire dans le cas des mouvementsqui
intéresent une seule dimension:~203C8 + 803C02m h2 [E
-U(x)]03C8
= o,(1) ax
+ h[E
-U(x)]~
= 0, oùU(x)
est la fonctionpotentielle.
Posons:
2)
v =e h-Y.
ydx .La fonction
y(x) peut
êtredéveloppée
suivant lespuissances
crois-santes du
paramètre
p~ .
2~:zsous la f orme :(3) y(x)
=y0(x)
‘+-k y1(x)
+h .
2y2(x)
+...En substituant dans
l’équation
différentielle et en annulant les termes de divers ordres enh .,
on trouveen supposant E
>U : (4) yô =2m[E-U(x)]
; y!._-_-yo
- dIog yo _ 2 > ;
ya=y’1+y21 2y0,
etc.Si nous nous contentons des deux
premiers
termes dans ledévelope-
ment de
y(x),
nous aurons donc:(5)
-e203C0i h +
t/x2m(E-U).dx + h 203C0i
1°g(y0)-1]
_
T _ e ± 2hi
,.U) dx
= 4 --_ I
e- +ar x 2m(E-
U)dx
.wo
t.LT)
L-
L’intégrale:
(6) S(x)
_x2m(E
-U)dx _.
.est
l’intégrale
d’ActionMaupertuisienne
et l’onpeut
écrire:(7)
03C8 = I 42m(E-U) e±2hiS(x)
.Si nous rétablissons dans la
fonction 03C8
le f acteur eEt
exprimant
la variation avec le
temps,
nous obtenons la formede 03C8
valable à36I
l’approximation
del’optique géométrique,
forme où la «phase »
estégale,
comme il est bien connu, à la « fonction deJacobi »
au facteurlï pres.
La
quantité :
(8)
03BB = I 2m(E-
U)
variable en
général
d’unpoint
à un autre est lalongueur
d’onde. SiU est constant, ).. l’est aussi et l’on a
simplement :
( 9 )
’b =avec bien entendu
== ~ ’
Pout voir sous
quelles conditions, l’optique géométrique
et la for-mule
(7)
sontvalables,
examinons l’ordre degrandeur
deh . x /
par
rapport
à Pardéfinition,
l’indice de rétraction desondes §
dans la
région
oùrègne
lepotentiel U(x)
est(1) :
(ro)
n=I- U(x) E.
Donc, d’après (4),
yo estproportionnel
à n, et comme d’autrepart).
est égal à - ,
on a :Yo
’
") y1=-y’0 2y0=-dn dx 2n
Quant
à Ys, il est de l’ordre de 2 = Il en résulte que leQuant
à y2, il est de l’ordre dey’ _
(dn dx)2 4n2y0. Il en résulte que lerapport |h 203C0i y2| y
est de 1 ordre Doncl’optique géométrique
et la formule
(7)
nepeuvent
être exactes que si l’on a :(12)
(1) Il est égal, en effet,par définition, au rapport de la longueur d’onde B =
h
qui corres.pond à l’énergie E en l’absence de champ, à la longueur d’onde À dans la région considérée qui est
donnée par (8).
362
c’est-à-dire que si l’indice n varie lentement à l’échelle de la
longueur
d’onde. En
particulier, l’optique géométrique
nepeut
pas être valableprès
dupoint x0
où l’on a E =U(xo), point qui
est le rebroussement destrajectiores prévues
par l’ancienneMécanique :
en xo, eneffet,
yo est nul et par suite ), est infinimentgrand.
Cas où E U. - Dans la théorie
précédente
nous avonssupposé
E >
U(x).
-Plaçons-nous
maintenant dans le casopposé.
On auraalors :
On voit de suite que yi est réel tandis que yo
et y2
sontpurement imaginaires. L’approximation
del’optique géométrique s’exprime
alors par la formule :
L’indice
n, défini par(I0),
est iciimaginaire.
Enprenant
lesigne
-dans la formule
(14),
nous avons uneabsorption
de l’onde dans unerégion
où l’indice estimaginaire,
cas connu enoptique.
,Naturellement,
iln’y
aplus ici,
à strictementparler,
delongueur
d’onde
puisque ~.~
n’estplus périodique
en x. Mais nous pouvons poser :(15)
03BB’ =h 2m(U
-E)
et le facteur
exponentiel dans §
serae -203C0xdx 03BB’.
Si U est constant,on a :
x
(I6)
03C8=I 42m(U
- E) e-203C003BB’.et À’ est alors la
longueur correspondant
à un affaiblissementde 03C8
dansle
rapport
é 2’~.363
La formule
(14) correspond
àl’approximation
del’optique géomé- trique
et nous devons voir dansquelles
limites cetteapproximation
est valable. Le raisonnement est le même que
précédemment
et l’ontrouve aisément comme condition de validité de
(14) :
dn dx03BB’
~ n.(17)
L’indice
de réfraction et parconséquent
lepotentiel
U doivent peu varier à l’échelle de lapseudo-longueur
d’onde //. Enparticulier,
laformule
(14)
n’est pasapplicable
auvoisinage
dupoint xo
tel que=
E, point
où // est infinie.Considérons un
corpuscule qui
arrive avec uneénergie E
dans unerégion
oùrègne
unpotentiel U > E
constant.Soit l l’épaisseur
de cettebarrière
de’potentiel :
Fig.4.
L’onde §
ducorpuscule
dont lalongueur
d’onde à l’extérieur de la barrière est :(I8)
03BB*0=h 2mE,
est absorbée dans la barrière et si l’on a :
(19)
l~ 03BB’ _ - h
2014,
,on
peut
s’attendre à ce que l’affaiblissement de l’onde soit donnéeprincipalement
par lefacteur ;
364
Le
l’fl2 après
la barrière seradonc,
avec le|03C8|2
avant la barrière dansun
rapport
voisinde eh.
. Cetteexpression doit
doncnous donner
approximativement
laproportion
descorpuscules qui
franchiront la barrière et nous verrons
qu’un
calculrigoureux
confirmeen
général
cette conclusion.Il faut remarquer que : si l’on a U »
E,
on a aussi 1.’ «),4
et par suite la condition l» ),’peut
se trouver réalisée sans que la condition l »),o
le soit. En d’autres termes, la formule(14) peut
êtreapplicable
dans la
barrière,
même si lalargeur
de cette barrière est de l’ordre de lalongueur
d’onde del’onde 03C8 à
l’extérieur de la barrière.Remarquons
encore que pour03BB0
~ ~, on a i.’ -h
, valeurfinie
qui peut
être trèspetite.
En
général,
dans lesapplications,
la barrière depotentiel
aura uneforme moins
schématique
que celle de lafigure
4. Elle pourra parexemple
avoir la forme suivante :Fig. 5.
L’optique géométrique
ne sera alors certainement pas valable dans lesrégions hachurées,
c’est-à-dire pour des valeurs de x voisines de cellesqui
annulentU - E ;
mais dans larégion
centrale entre C etD,
si la
montagne
depotentiel
est suffisamment haute parrapport
àl’énergie
descorpuscules
incidents(Umax » E),
la formule(14)
seraapplicable
et laproportion
descorpuscules
transmises sera vraisem- blablement donnée par 2m(U-E)dx, l’intégrale
étant étendueà un intervalle en x
qui
n’est pas très différent de celui défini par365
U - E > o. Ici encore un calcul
plus rigoureux
confirme engénéral approximativement
cetteprévision.
Conditions de
passage pour
l’onde03C8
sur unesurface
de discontinuité dupotentiel.
- Unproblème classique
enoptique
ondulatoire est le passage d’une onde au travers d’une surfacequi sépare
deux milieux d’indices différents.L’analogue
de ceproblème
enMécanique
ondula-toire est le passage d’une
onde If
au travers d’une surface de discon- tinuité pour la fonctionpotentielle
U. D’un côté de lasurface,
setrouve une
région
l oùrègne
unpotentiel Ul
etoù,
parsuite, l’onde ~
obéit à
l’équation :
(20)
039403C8 + 803C02m h2[E - U1]03C8
= o.De l’autre côté de la
surface,
se trouve unerégion
2 oùrègne
unpotentiel U2 qui
parhypothèse
ne se raccorde pas avecUi
sur la sur-face ;
dans cetterégion
2, on a :(21)
039403C8 +p [E - U2J’f
= o.La
question
est de savoir comment la solution de(20)
doit se rac-corder avec la solution de
(21)
sur la surface deséparation.
Pour
répondre
à cettequestion,
nous considérerons la surface deséparation
comme la limite d’une couche de passaged’épaisseur
infi-niment
petite. Représentons
cette couche de passage endésignant
par A et B deux
points
situés sur une même normale aux deux sur-faces limites de la
couche, supposées parallèles.
De A en
B,
lepotentiel
varie trèsrapidement
d’une valeurUg
àune valeur
UB.
Si nous prenons la direction AB pour axe des x, lesaxes y et z étant contenus dans le
plan tangent
en A à la couche deséparation,
nous pouvons écrire :(22)
039403C8 +[E - U]03C8
= 0,dans la
couche,
U variant trèsrapidement
de UA àUB
lelong
del’axe des x de A en B. Les dérivés et n’ont pas de raison de varier