Licence 3 et Magist` ere de physique
Physique Statistique Chapitre 2 : Ergodicit´e
(cours perturb´ e par la neige...)
Christophe Texier
30 janvier 2019
2 Description microscopique des syst` emes macroscopiques
L’utilisation du langage probabiliste consiste ` a remplacer l’´ etude de la dynamique tempo- relle (complexe) du syst` eme, i.e. caract´ eriser par quelle succession d’´ etats passe le syst` eme, par une information de nature probabiliste, i.e. d´ eterminer avec quelle probabilit´ e le syst` eme occupe un ´ etat particulier ` a un instant arbitraire.
2.1 Equilibre macroscopique ´
Le cours s’int´ eresse aux syst` emes ` a l’´ equilibre macroscopique :
• Toutes les grandeurs macroscopiques sont stationnaires.
• Les flux macroscopiques sont nuls.
Exemple : Le gaz dans une salle est ` a l’´ equilibre macroscopique (temp´ erature, densit´ e,...
constants). Il n’y a pas de flux (pas de ph´ enom` ene de convection entretenu par un ventilateur, par exemple). L’´ equilibre macroscopique est ` a distinguer de l’´ equilibre m´ ecanique (immobilit´ e).
2.2 Description classique
Consid´ erons le cas concret (et important) d’un gaz d’atomes (sans degr´ es de libert´ e internes), des atomes d’h´ elium par exemple. Dans le cadre de la m´ ecanique classique, l’´ etat du syst` eme est caract´ eris´ e ` a un instant donn´ e par l’ensemble des positions et impulsions des atomes, i.e. un point de l’espace des phases :
micro´ etat
: (~ r 1 , · · · , ~ r N , ~ p 1 , · · · , ~ p N ) ≡ ~ Γ ∈ espace des phases
Connaissant ~ Γ 0 = ~ Γ(t 0 ), la logique de la m´ ecanique classique consiste ` a d´ eterminer la trajectoire
~ Γ(t) pour t > t 0 , en r´ esolvant les ´ equations du mouvement (en g´ en´ eral 6N ´ equations diff´ erentielles non lin´ eaires du premier ordre coupl´ ees) :
d~ r i (t) dt = 1
m ~ p i (t) et d~ p i (t)
dt = − ∇ ~ i V (~ r 1 (t), · · · , ~ r N (t)) , i = 1, · · · , N
Comme le nombre d’atomes est typiquement ´ enorme, N ∼ 10 23 , cette entreprise est d´ esesp´ er´ ee...
L’information probabiliste est encod´ ee dans une distribution de probabilit´ e dans l’espace des phase, que nous notons ρ( ~ Γ).
Le micro´ etat est caract´ eris´ e par un vecteur (` a 6N composantes) ~ Γ qui varie continˆ ument dans l’espace des phases. ρ( ~ Γ) est une densit´ e de probabilit´ e, i.e. ρ( ~ Γ) d 6N ~ Γ est la probabilit´ e pour que le syst` eme se trouve dans le volume ´ el´ ementaire d 6N ~ Γ autour de ~ Γ. Elle satisfait la condition de normalisation R
ρ( ~ Γ) d 6N ~ Γ = 1.
Objectif : L’objet du cours sera de d´ efinir quelques r` egles simples permettant de d´ eterminer la distribution ρ( ~ Γ), qui d´ ependra seulement d’un petit nombre de param` etres macroscopiques (l’´ energie totale pour un syst` eme isol´ e, le volume, etc). On parlera ainsi de
macro´ etat
: ρ( ~ Γ)
Exemple : oscillateur harmonique 1D.– L’espace des phases est l’espace des coordonn´ ees (x, p x ), identifi´ e avec R 2 . La dynamique classique est encod´ ee dans l’Hamiltonien H(x, p x ) =
1
2m p 2 x + 1 2 mω 2 x 2 . Si le syst` eme est isol´ e, l’´ energie est conserv´ ee et le syst` eme est dans un micro´ etat (x, p x ) sur la
surface
H(x, p x ) = E (cste), i.e. sur une ellipse.
Hypoth` ese ergodique et moyenne des observables
Dans une exp´ erience, l’´ etude d’une observable A( ~ Γ) est faite pendant un certain temps T et l’on mesure typiquement une moyenne temporelle, sur une r´ ealisation
A (T )
def= Z T
0
dt
T A( ~ Γ(t)) . (1)
Exemple d’observable : A( ~ Γ) → E c = 2m 1 P N i=1 p ~ i 2 .
L’approche de la physique statistique est de caract´ eriser des propri´ et´ es statistiques. On peut ainsi introduire une moyenne probabiliste
hAi
def= Z
d 6N ~ Γ ρ( ~ Γ) A( ~ Γ) . (2)
Dans la pratique, d´ eterminer A (T ) requiert une mesure de l’observable sur l’intervalle [0, T ],
mais est difficile ` a manipuler concr` etement (sauf exp´ erimentalement, ou ´ eventuellement num´ eriquement).
En revanche le calcul de hAi, en vue de faire des pr´ edictions, se r´ ev` elera simple en pratique car reposant sur la connaissance de ρ( ~ Γ) qui ne n´ ecessite que peu d’information, comme on le verra.
L’hypoth` ese ergodique consiste ` a postuler l’´ equivalence entre les deux moyennes
T →∞ lim A (T ) = hAi (3)
Illustration : Exercice 2.5 des TD.
Lien avec le th´ eor` eme de la limite centrale.— Nous d´ ecoupons l’int´ egrale sur [0, T ] en N T
morceaux associ´ es ` a des intervalles de temps ∆T = T /N T & τ corr A o` u τ corr A est un temps de corr´ elation pour l’observable :
A (T ) = 1 N T
"
Z ∆T
0
dt
∆T A(t) + Z 2∆T
∆T
dt
∆T A(t) + · · · +
Z N
T∆T
(N
T−1)∆T
dt
∆T A(t)
#
. (4)
2
Puisque ∆T & τ corr A , les morceaux d’int´ egrales sont statistiquement ind´ ependants. Le th´ eor` eme de la limite centrale nous montre que A (T ) est une quantit´ e fluctuante dont les fluctuations sont d’ordre 1/ √
N T , i.e.
A (T ) = hAi + O(1/ √ T )
| {z }
terme al´ eatoire
(5)
La recherche de r´ esultats rigoureux sur la question de l’ergodicit´ e fait l’objet d’un domaine appel´ e
th´ eorie ergodique
. Toutefois assez peu de r´ esultats exacts ont ´ et´ e prouv´ es (on peut n´ eanmoins citer la preuve de l’ergodicit´ e pour le gaz classique de sph` eres dures par Ya. Sinai en 1963).
2.3 Description quantique
On aura parfois besoin de se placer dans le cadre de la m´ ecanique quantique (par exemple pour ´ etudier la vibration mol´ eculaire dans les gaz ou la vibration des corps solides). L’informa- tion microscopique est cette fois encod´ ee dans un vecteur d’´ etat, ´ el´ ement de l’espace des ´ etats quantiques (un espace de Hilbert H ) :
micro´ etat
: | ψ ` i ∈ H
o` u en pratique l’´ etat quantique | ψ ` i est rep´ er´ e par un ensemble de
nombres quantiques
re- group´ es dans la notation
`
.
La m´ ecanique quantique assure le caract` ere discret des micro´ etats.
Exemple : si l’on consid` ere une particule libre dans une boˆıte cubique, pour des conditions aux limites de Dirichlet, les ´ etats quantiques (stationnaires) sont de la forme
ψ n
x,n
y,n
z(~ r) = (2/L) 3/2 sin(n x πx/L) sin(n y πy/L) sin(n z πz/L) avec n x , n y , n z ∈ N ∗ pour une ´ energie E n
x,n
y,n
z= (n 2 x + n 2 y + n 2 z )π 2 ~ 2 /(2mL 2 ). Sur cet exemple ` ≡ (n x , n y , n z ).
Exemple 2 : ´ etat de spin.– Les particules ´ el´ ementaires portent un moment cin´ etique in- trins` eque appel´ e spin (qu’on pourrait interpr´ eter, incorrectement, comme le moment cin´ etique caract´ erisant la rotation de la particule sur elle-mˆ eme). La dimension de l’espace des ´ etats de spins est (2s + 1). Un exemple important est le cas du spin 1/2 (´ electron, proton, neutron,...) caract´ eris´ e par deux ´ etats de spin : par exemple la base des ´ etats propres de la composante S z du vecteur spin : {| ↑ i, | ↓ i}. ´ Evidemment, contrairement aux ´ etats orbitaux de la particule dans la boˆıte que nous venons de discuter, les ´ etats de spins n’admettent pas de description classique.
La notion de macro´ etat correspond ` a se donner l’ensemble des probabilit´ es d’occupation des micro´ etats :
macro´ etat
: {P ` }
o` u P ` est la probabilit´ e pour que le syst` eme soit dans l’´ etat | ψ ` i. On a bien sˆ ur P
` P ` = 1.
Moyenne des observables
On appliquera ´ egalement l’hypoth` ese ergodique afin de faire des pr´ edictions sur les observables.
L’esprit est le mˆ eme que dans le cas classique, sinon que la moyenne statistique prend une autre forme : ´ etant donn´ e l’´ etat quantique | ψ ` i (le micro´ etat), une mesure r´ ep´ et´ ee d’une observable A, toujours ` a partir du mˆ eme ´ etat, donne en moyenne le r´ esultat hAi ψ
`